Rechercher : bruit de tes pas
Fracking
Fracking
François ROUX
Albin Michel, 2018, 19.50€
Entre le titre et la couverture, le sujet est clairement annoncé. Du reste, le récit est très proche du documentaire puisque l’auteur, installé aux Etats-Unis peu avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, se pose en observateur. Ses descriptions et son sens de la formule, parfois, touchent à la citation. Lors d’une réunion politique de Républicains : "Tous les hommes dans cette assemblée tenaient la Constitution pour sacrée, et plus précisément son deuxième amendement. Dans ce pays de chasseurs et de ranchers, tous les hommes présents – et une grande majorité de femmes- avaient appris à marcher en s’appuyant sur un fusil. Leur troisième jambe, disait-on couramment!" Ou, en lien avec Ruth, bigote rigide : "Ici, vous étiez croyant ou vous n'étiez pas grand chose".
A quelques mois des élections présidentielles, toutes les tendances se croisent à Middletown, petite ville imaginaire du Dakota du Nord. L’auteur suit plusieurs personnages, mettant en avant de multiples fractures : fractures entre les personnes d’orientations politiques différentes ; fractures entre des familles qui jusqu’ici vivaient dans une tradition d’hospitalité et d’entraide pour surmonter des conditions de vie rudes. Enfin, l’élément déclencheur, l’utilisation de la « fracturation hydraulique », technique mise au point depuis quelques années pour extraire les hydrocarbures de schiste en injectant dans la roche des tonnes d’eau, de sable et d’adjuvants chimiques.
"Les ressources en hydrocarbures du sous-sol schisteux, jusqu’alors inexploitables en raison d’impossibilités techniques de forage, l’étaient soudain devenues grâce à la mise au point de la fracturation hydraulique, dont le recours massif avait débuté il y a tout juste quatre ans et qui laissait la porte ouverte à toutes sortes de spéculations et de convoitises. Avec le fracking, le rêve d’indépendance énergétique de l’Amérique allait enfin se réaliser…"
Dans ce pays jusqu’ici consacré à l’élevage, c’est une révolution qui oppose :
- ceux qui en profitent, en premier lieu les compagnies pétrolières, mais aussi ceux à qui elles offrent un travail bien rémunéré, comme Joe Jenson -devenu chef de chantier ;
- ceux qui se résignent, comme les voisins –qui ont déménagé et vendu le sous-sol ;
- ceux qui se battent, comme les activistes écologistes ou les Amérindiens, opposés au "Black Snake" le pipeline prévu sur les réserves ;
- et enfin, ceux qui en meurent, comme la famille Wilson, dont le bétail dépérit, ou meurt renversé par les chauffards des poids lourds. "Ce que Karen exécrait…, c’était ce foutu pétrole, ces pompes à balancier qui, inlassablement, bousillaient les entrailles de la terre depuis dix ans, depuis que la région était devenue ce que les journaux avaient appelé « le nouvel eldorado de l’or noir ». Dispersés jusqu’à deux kilomètres à la ronde, certains à moins de 200 mètres de leur habitation, il y avait très exactement 23 puits dans leur voisinage immédiat… De près, le bruit était intolérable, et avec la distance, il devenait obsédant". Sans parler de l’intoxication des fermiers, et de l’eau glauque couleur de terre et inflammable qui sort du robinet !
Le côté « reportage » et l’écriture assez factuelle du roman sont compensés par les récits plus personnels des protagonistes. J’ai juste été un peu frustrée par la fin, qui peut-être appelle une suite.
Aline
08/11/2018 | Lien permanent
Les héritiers de la mine
Les héritiers de la mine
Jocelyne Saucier
Denoël (2015)
(Ed. XYZ à Montréal en 2000)
Evocation douce-amère d’une famille nombreuse élevée « à la dynamite » par un père obsédé de géologie et de prospection.
Le roman s’ouvre sur la première réunion familiale depuis des années, à l’occasion d’une remise de médaille au père, récompensé pour avoir toujours « prospecté à côté de la chance », conduisant ainsi les autres aux filons et faisant la richesse des « claims » voisins.
Cette réunion de famille réjouit au plus haut point « leFion », le petit dernier, émerveillé par la mythologie familiale et nostalgique d’un âge d’or ou les 21 enfants étaient réunis sous le même toit. Bande de gamins sauvages, élevés tant bien que mal par « La pucelle », la sœur aînée, tandis que la mère passait son temps en couches ou aux fourneaux, les Cardinal -menés par Géronimo- faisaient la loi dans la petite ville minière de la Norco (Northern Consolidated). Ses frères et sœurs, narrateurs suivants, dévoilent d’autres facettes plus nuancées de cette vie en famille. Et s’il y avait une raison à la diaspora familiale ? Et si la réunion du jour dévoilait un secret douloureux ?
Encore un excellent récit de Jocelyne Saucier, à qui nous devions déjà le sensible Il pleuvait des oiseaux. Celui-ci se passe dans le milieu de la prospection minière, avec un lien fort au paysage et aux « cailloux », et comporte et des scènes d’anthologie, comme la célébration de l’âge de raison des enfants Cardinal : 7 ans, l’âge de l’initiation à la dynamite. Mais c’est avant tout un roman familial.
Au sein de cette famille nombreuse sans grandes ressources, on n'a rien à soi, on partage tout. Le matin on s'habille avec ce que l'on trouve, propre ou sale, on dort dans un coin laissé libre, et on se bat pour sa place (Aheumplace) sur le vieux canapé défoncé. L’important, c’est d’être solidaires par rapport aux villageois ou à la Compagnie. Et gare à ceux qui ne respectent pas les valeurs et les codes du groupe!
Née au Nouveau-Brunswick en 1948, Jocelyne Saucier a étudié au Québec, et travaillé comme journaliste en Abitibi-Témiscamingue (extrême ouest du Québec, proche du nord de l’Ontario), où elle situe la plupart de ses romans.
Aline
30/12/2016 | Lien permanent
auteurs franco-canadiens
Pour commencer, une petite polémique sur l’utilisation du joual, présent dans les dialogues de plusieurs auteurs, à commencer par Michel Tremblay. Ce parler fleuri de nos cousins francophones d’outre-Atlantique gêne quelques lectrices, qui le trouvent trop familier pour être présent en littérature. Mais la plupart trouvent qu’il ajoute au charme du texte, lui apportant authenticité et fraîcheur. Oui, cela représente parfois un défi pour « nous autres » français de France, de retrouver la signification d’un mot vieilli autrement que chez nous, ou d’un mot anglais francisé, ou une tournure de phrase à la grammaire étrange. Mais quelle musicalité dans ces dialogues qui font chanter la langue française, et quel meilleur moyen se rapprocher de personnages dont c’est réellement la parlure ?!
Le club des miracles relatifs (2016)
Nancy Huston (1953- )
Science-fiction : dans un monde hostile aux faibles, aux « différents », nait un enfant surdoué, inquiet. Il part à la recherche de son père, parti dans l'Ouest faute de droits de pêche. Est-ce un message écologique ? De nombreux flashbacks rendent la lecture difficile. L’écriture est bizarre dans la mise en page, se veut poétique ? Pas inoubliable.
Par contre, lire absolument Lignes de faille, prix Femina 2006 ! L’histoire va de 2004 à 1944, Ukrainiens, Juifs, Lebensraum, de Haifa à Toronto et New York… en remontant une lignée. Tous les lecteurs du Bouillon l'ont trouvé remarquable ! Plus discutés, voir aussi sur ce blog, Infrarouge (2010) et Danse noire (2013).
Le cahier noir (2003)
Michel Tremblay (1942- )
Dans la série des trois cahiers de Céline, le noir est le premier. Les faits relatés se passent à Montréal, en 1966. Le récit est émaillé d’expressions québécoises. Céline Poulin, 20 ans, travaille comme serveuse dans une brasserie du quartier populaire. Parce qu’elle est naine, elle est rejetée par sa famille, et surtout par sa mère alcoolique, alors que c’est une boule d’énergie, attirée par le théâtre pour être comme les autres. Parallèle entre la tragédie grecque et l’histoire de Céline, femme différente, qui doit se battre plus que les autres. Très dense, parfois comique, le plus souvent tragique.
Bonheur d’occasion (1945)
Gabrielle Roy (1909-1983)
Premier roman de cet auteur classique franco-canadien, qui lui a valu une grande notoriété, (Prix Femina en 1947), Bonheur d’occasion s’attache au quotidien et à la misère des petites gens du quartier de Saint Henri à Montréal en 1940, alors que la ville souffre encore des conséquences de la grande dépression.
Gabrielle Roy et les enfants du quartier Saint Henri, par Conrad Poirier https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=34366565
Le bruit des choses vivantes (1991)
Elise Turcotte (1957- )
Premier roman de l’auteur après plusieurs recueils de poésie. Une très belle histoire à l’écriture poétique –quoique pas très facile d’accès- qui raconte le lien fusionnel entre une jeune mère séparée et sa fillette de 3-4 ans. C’est presque un huis clos, durant un an, le temps d’une reconstruction, le regard intérieur de cette jeune femme, allant vers une ouverture sur le monde qui l’entoure.
Va savoir (1994)
Réjean Ducharme (1941- )
Tandis que sa femme (Mamie) s’évite en courant le monde, Rémi Vavasseur s’échine à retaper une vieille maison dans l’espoir –assez mince- qu’elle l’y rejoindra. On trouve aussi dans ce récit : les rapports aux voisins, l’entraide, la relation avec une enfant qui lui rend visite. L’écriture de Réjean Ducharme est particulière, pleine de jeux sur les mots et la syntaxe.
Un petit pas pour l’homme (2012)
Stéphane Dompierre (1970- )
Daniel a 30 ans, et vient juste de larguer sa copine pour entamer une vie libérée de célibataire. Ce petit roman plein d’humour détaille les étapes classiques par lesquelles il passe : phase 1 : ce soir je baise / phase 2 : je ne veux plus voir personne / phase 3 : appelez-moi quelqu'un / phase 4 : on est bien, tout seul / phase 5 : j'suis amoureux. Humour masculin léger… cachant une réelle remise en question.
La petite et le vieux (2010)
Marie-Renée Lavoie (1974- )
A 8 ans, Hélène se fait appeler Joe, parce qu’elle voudrait, comme un garçon accomplir des exploits.
En attendant, elle se contente d’aider discrètement ses parents en gagnant quelques sous avec la distribution des journaux, et se lie d’amitié avec un vieux voisin au bout du rouleau. Avec un regard frais et tendre d’enfant qui découvre la vie, l’auteur nous parle de la réalité des adultes pas toujours bien rose, dans la société des années 1980 dans un quartier un peu miteux de Québec. Un récit tendre, généreux et attachant, aux accents québequois savoureux.
Un dimanche à la piscine à Kigali (2000)
Gil Courtemanche (1943-2011)
Journaliste et scénariste québequois en Afrique, l’auteur a signé de nombreux documentaires sur le tiers monde. Publié en 2000, l'histoire raconte une relation amoureuse entre un Canadien expatrié d'un certain âge et une jeune Rwandaise à Kigali, la capitale du Rwanda. Toute l'intrigue est construite autour du génocide rwandais de 1994, et de l'épidémie de SIDA. En 2006, le roman a été adapté au cinéma par Robert Favreau « Un dimanche à Kigali ».
La tournée d’automne (1993)
Jacques Poulin (1937- )
Le chauffeur du bibliobus, acceptant mal de vieillir, a décidé que cette tournée d’automne serait sa dernière. Mais sa rencontre avec Marie, la cinquantaine, régisseur d’une petite tournée d’artistes, change la donne. On a envie de les suivre dans les villages entre Québec et la côte nord du Saint Laurent. Pudique et intimiste, un roman plein de douceur.
Voir aussi Catherine Mavrikakis (1961- ), Samuel Archibald (1978- ), et les critiques de livres de Patrick Sénécal (1967- ), Monique Proulx (1952- ), Jocelyne Saucier (1948- ), et Marie Laberge (1950- )…
26/12/2016 | Lien permanent
Bouillon d'auteurs algériens
Un grand merci à Maryvonne d'avoir partagé avec nous ses connaissances sur les auteurs algériens. Ce compte rendu ne rend pas justice aux commentaires des lectrices, mais il permettra aux uns et aux autres de se procurer les livres cités.
Nous avons tout d'abord évoqué des ouvrages récents, dont plusieurs écrits par des femmes, avant de nous pencher sur des auteurs algériens plus "classiques" de la seconde partie du 20ème siècle.
BOUALEM SANSAL
Le village de l'Allemand : ou le journal des frères Schiller
Gallimard, (Blanche), 2008, 263 p., 21.30 €
Prix RTL Lire 2008
Le récit est mené à rebours, à partir du journal intime de deux frères, Rachel (Rachid Helmut) et Malrich (Malek Ulrich). Nés en Algérie de père allemand et de mère algérienne, venus en France faire des études, logés chez un oncle dans une cité peu reluisante, ils ont "tourné" de façon bien différente : l'aîné affiche une belle réussite, tandis que le second traficote et traîne dans la banlieue.
En 1994, dans leur village près de Sétif, leurs parents sont assassinés par un groupe d'islamistes. Le père, qui avait énormément œuvré pour la population (construction, irrigation,…), était pourtant considéré comme un saint homme. Rachid, rentré au village d'Aïn Deb après leur décès, retrouve des documents sur la première vie de son père, dans l'Allemagne nazie, et ne supporte pas ces révélations.
Le roman propose une réflexion profonde, nourrie par la pensée de Primo Levi :
"Il faut condamner ferme l'idéologie, mais ne pas accabler les hommes."
Boualem Sansal établit un parallèle entre les camps nazis d'extermination et l'inféodation par les intégristes, que ce soit pendant la sale guerre des années 1990 en Algérie, ou (ce qui peut paraître abusif) dans les banlieues françaises. Ce lien est expliqué dans un entretien du Nouvel Observateur avec l'auteur.
Boualem Sansal vient de publier Gouverner au nom d'Allah. Bien que menacé par les islamistes, il vit toujours en Algérie.
MAÏSSA BEY
Nom de plume de Samia Benameur, née en 1950, auteur de pièces de théâtre, poèmes, romans et essais, elle a reçu en 2005 le grand prix des libraires algériens pour l'ensemble de son œuvre.
Entendez-vous dans les montagnes…
Editions de l'Aube, 2002.
Huis clos dans un compartiment de train, quelque part au centre de la France. Un vieil homme, Français ; une femme, Algérienne fuyant son pays à nouveau en guerre ; et Marie, petite-fille de pied-noir, jeune fille "blonde et lisse", scotchée à son baladeur. Dans un désir de mieux comprendre l'Histoire, la jeune fille fait parler ses deux voisins, et leurs souvenirs se mettent en place, étrangement imbriqués : le vieil homme, appelé en Algérie pendant la guerre d'Indépendance, a obéi aux ordres, même s'il l'a fait à contrecœur ; la femme algérienne, elle, a perdu son père à 7 ans, sous la torture des bidasses français.
Sobrement, sans haine, dans un court récit vibrant, Maïssa Bey évoque la disparition de son père, instituteur algérien tombé sous la torture en 1957.
Cette fille-là
Editions de l'Aube, 2001.
Recueil de plusieurs histoires courtes de femmes, qui représentent un peu toutes les femmes algériennes, et s'insurgent contre la tradition, le machisme, l'ignorance et l'anonymat dont elles sont entourées. "Cette fille-là" est une enfant née de père et de mère inconnus, qui dit sa colère :
" J'ai tout simplement envie de dire ma rage d'être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l'idée de ne pas savoir d'où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur les silences des femmes et de la société dans laquelle le hasard m'a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu'ils n'engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur. "
Pierre, sang, papier ou cendres
Editions de l'Aube, 2008.
Rédigé comme un pamphlet à l'humour grinçant contre "Madame la France", qui s'installe en Algérie, ce roman historique retraçant la colonisation de l'Algérie -du 14 juin 1830 au mois de juillet 1962- dénonce les exactions, spoliations, entreprises délibérées de déculturation, et jusqu'à la comédie de la fraternisation.
Surtout ne te retourne pas
Editions de l'Aube, 2005.
MALIKA MOKEDDEM
Malika Mokeddem est née en 1949 en Algérie. Fille d'une famille de nomades sédentarisée en bordure de désert, de tradition orale, elle a grandi bercée par les histoires contées par sa grand-mère et a été la seule fille de sa famille et de la ville à finir ses études secondaires. Elle a suivi des études de médecine à Oran et Paris.
La nuit de la lézarde
Grasset, 1998.
Nour et Sassi sont les derniers habitants d'un ksar du désert algérien, un ancien village fortifié qui donne d'un côté sur le désert, de l'autre sur la plaine. Tous les autres l'ont déserté parce qu'il tombe en ruine, que la source ne suffisait plus à tous… et surtout que la peur rôde. Des nouvelles de mort et de violences parviennent par la radio.
Nour et Sassi vivent chacun dans sa maison, cultivent amoureusement un potager à l'abri des murs du ksar, descendent au village matin et soir pour vendre une poignée de légumes ou de bouquets d'herbes aromatiques et bavarder un moment avec leurs amis d'antan. Tous les soirs, ils se retrouvent face au désert pour admirer le coucher du soleil… ou plutôt, Nour (dont le prénom signifie lumière) décrit à Sassi, aveugle, les beautés des lumières rasantes sur les dunes.
Leur dialogue est fait d'amitié profonde, de provocation et de chamailleries parfois, et de nostalgie du temps où le ksar vivait des bruits de tous ses habitants. Si Nour est restée au ksar, c'est surtout parce qu'elle y a gagné sa liberté, car il n'est pas facile d'être une femme indépendante en Algérie. Jour après jour, elle scrute avec impatience et anxiété l'immensité du désert, d'où reviendra peut-être, si les violences du monde l'ont épargné, l'homme aimé.
Les hommes qui marchent
Grasset, 1997.
Les hommes qui marchent, ce sont les Touaregs. Malika Mokeddem est issue d'une de ces familles en errance éternelle, et conte -au travers de la vieille Zohra- les temps anciens des caravanes, les traditions nomades, et la lente sédentarisation. Sa petite-fille Leïla, l'une des premières jeunes filles de la tribu à maîtriser l'écriture, est aussi la plus rebelle à la condition de recluse qu'on veut lui réserver. Elle puise dans ses racines nomades la force de s'opposer à son destin, au poids des coutumes d'un autre âge.
A travers ce roman, largement autobiographique, se dessinent la place des femmes algériennes, et l'histoire récente d'une jeune nation, entre guerre d'indépendance et intégrisme d'aujourd'hui. Entremêlant contes anciens et récits plus récents, il est cependant un peu difficile à suivre.
ASSIA DJEBAR
Née Fatima-Zohra Imalayène à l'ouest d'Alger en 1936, Assia Djebar a étudié en Algérie et en France. C'est une écrivaine algérienne d'expression française, auteur d'une œuvre importante (romans, nouvelles, poésies, théâtre, films et essais), qui a pour thèmes récurrents l'émancipation des femmes, et l'histoire de l'Algérie. Elle siège à l'Académie française depuis 2006.
Le blanc de l'Algérie
Albin Michel, 1995.
Assia Djebar convoque une procession de morts, hommes de culture et écrivains algériens disparus, souvent assassinés. Elle raconte ainsi l'Algérie par ses intellectuels, de sa "première procession" : Albert Camus, Frantz Fanon, Mouloud Feraoun… à Jean Amrouche, Jean Sénac, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Tahar Djaout… sans oublier une procession de femmes.
MOULOUD FERAOUN
Kabyle, né en 1913, a œuvré pour les centres sociaux chers à Germaine Tillion, exécuté par l'OAS en 1962 avec six autres personnes.
Le fils du pauvre
Seuil, 1995
Enfance au bled, dans un village perdu au fin fond de la Kabylie, dans une famille très pauvre. Feraoun décrit le physique et le caractère des personnages de sa famille : la grand-mère qui tient l'intendance et les cordons de la bourse, le premier garçon né après plusieurs filles, pourri-gâté,…
RACHID MIMOUNI
Né en 1945 à 30 km d'Alger dans une famille de petits paysans, enseignant et écrivain engagé, il a occupé diverses fonctions dans les domaines de la culture et des droits de l'homme. En 1992 il est condamné à mort par les intégristes musulmans, mais c'est la maladie qui l'emportera en 1995.
Son œuvre évoque le quotidien des Algériens, la guerre d'Algérie, la dictature et la révolution.
L'honneur de la tribu
Stock, 1989
Un vieil homme raconte l'histoire de son village depuis le début de la colonisation jusqu'à ces jours de honte de la révolution intégriste. La lecture est assez ardue, car l'auteur mélange histoire et contes.
La malédiction
Stock, 1993
C'est la malédiction qui s'abat sur Alger soumise à l'intolérance et à l'intégrisme en 1991. Celle des frères ennemis, d
18/11/2013 | Lien permanent
Auteurs Haïtiens
En janvier, ce sont les auteurs Haïtiens qui nous ont réunis.
Jacques ROUMAIN (1907-1944)
Né à Port-au-Prince dans une famille cultivée et très politisée, il étudie dans plusieurs pays d’Europe, puis revient en Haïti en 1927. Cofondateur de La Revue Indigène (poésie et nouvelles), très actif dans la lutte contre l'occupation américaine d'Haïti, il fonde en 1934 le Parti communiste haïtien. En raison de ses activités politiques, il est régulièrement arrêté et exilé. Après le changement de gouvernement à Haïti, il est autorisé à revenir dans son pays natal. Il fonde le bureau d'Ethnologie de la République d'Haïti et en prend la direction, tout en enseignant l'archéologie précolombienne et l'anthropologie préhistorique à l'Institut d'Ethnologie. En 1941, le président Élie Lescot l'investit d'une charge de diplomate à Mexico.Gouverneurs de la rosée
Publié dans l’Humanité en 1947, adapté au théâtre.
Le temps des cerises (2000), Zulma (2013)
Vie des habitants de Fontrouge dans les années 1940. La commune est dévastée par la sécheresse et la déforestation. Un jeune homme, parti 15 ans travailler à la canne à sucre, ne reconnait plus son village en rentrant. Suite à un partage foncier, les rivalités font rage. De Cuba, il ramène ses pratiques collectives et agricoles, et essaie de restaurer l’harmonie. En parallèle, une histoire d’amour. "Leçon de dignité humaine et chant d’amour au peuple haïtien" J. Stephen Alexi
FRANCKETIENNE (1936- )
Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d'Argent, dit Frankétienne. En 1962, au début de l'ère Duvalier, Frankétienne fréquente le groupe Haïti littéraire. La situation politique devient intenable pour les intellectuels, dont beaucoup quittent le pays pour le Canada, la France ou l'Afrique. Franketienne décide de rester en Haïti pour écrire et pour lutter. Chacune de ses œuvres est ancrée dans l'histoire contemporaine haïtienne. Ministre de la Culture sous la présidence de Leslie F. Manigat, il est fait Commandeur des Arts et des Lettres en juin 2010. Poète, dramaturge, peintre, musicien, chanteur et romancier en créole comme en Français, il reçoit en 2021 le Grand prix de la francophonie, décerné par l’Académie française.
Mûr à crever, 1968
Dans une Haïti de cauchemar, entre envahisseurs américains et régime de terreur de Duvalier, où des hommes désespérés préfèrent se jeter dans une mer grouillant de requins plutôt que de retourner à l'enfer quotidien, deux hommes se croisent, se sauvent, se retrouvent après s'être perdus : Raynand l'activiste et Paulin l'écrivain. L’ensemble du livre est très dur, morbide, malgré quelques lignes lumineuses et une écriture poétique.
« Pourtant à chaque aube, une brise nouvelle refait la coiffure des plantes ».
Yanick LAHENS (1953- )
Yanick Lahens grandit à Port-au-Prince au sein d’une famille élargie, cohabitant avec son arrière-grand-mère et sa grand-mère. La transmission de la culture traditionnelle haïtienne est un élément central de son éducation familiale, et de son œuvre. Elle fait des études de lettres à Paris, avant de s’installer en Haïti, où elle s’engage contre l’illettrisme.
La couleur de l’aube
Ed. S. Wespieser, 2008
Deux femmes ne voient pas revenir leur frère. Elles le cherchent pendant des jours : la rue, les bruits, la peur… et beaucoup d’énergie pour se faufiler entre les difficultés et enquêter.
Bain de lune
Ed. S. Wespieser, 2014
Prix Femina
Roman familial sur trois générations de paysans/pêcheurs d’Anse Bleue. Au village, assez éloigné de Port-au-Prince, les traditions vaudou perdurent malgré la présence tolérée des prêtres. Entre la famille Lafleur « porteurs de points puissants » (prêtres vaudou) et les Mésidor, grands propriétaires ayant accaparé les terres alentours, les relations sont tendues. Ce qui n’empêche pas Tertulien Mésidor de se mettre en ménage avec la jeune et belle Olmène. La violence est omniprésente : ouragans, meurtres, droit de cuissage, esprits vaudou et combats politiques, avec l’arrivée du « petit docteur au chapeau noir » (Papa Doc) et les exactions des milices.
Le récit est haut en couleurs, avec ses scènes de marché ou de festivités villageoises. Les expressions créoles ajoutent à son charme… et à sa complexité. Aux personnages multiples vient s’ajouter la complainte d’une femme martyrisée échouée sur une plage qui ponctue le récit.
Douces déroutes
Ed. S. Wespieser, 2018
Le roman débute par une lettre écrite par un juge à sa femme. Il sait que sa vie est en danger, pour avoir voulu garder son intégrité face à la corruption d’Haïti. Après sa mort, Brune sa fille, et Pierre son beau-frère, essaient de comprendre ce qui s’est passé. A la suite d’une dizaine de personnages forts, Yanick Lahens nous entraîne dans les entrailles de Port-au-Prince, dont elle sait si bien faire vivre l’ambiance. L’écriture est assez incisive… et la violence n’est pas qu’en Haïti.
Lyonel TROUILLOT (1956- )
Né à Port-au-Prince dans une famille d’avocats, Lyonel Trouillot fait des études de droit, mais sa passion pour la littérature le pousse vers une carrière d'écrivain. Il collabore à différents journaux et revues d'Haïti, publie beaucoup de poèmes, écrit des textes de chansons. Dans ses romans, il aborde le registre de l'intimité et du sentimental tout en confirmant son engagement social.
Il se bat également au service de la démocratie de son pays et de la résistance face à une dictature oppressante, comme en témoigne le roman Bicentenaire, paru en 2004.
L’amour avant que j’oublie
Actes Sud, 2007
Un écrivain, submergé par l’envie de parler à une inconnu, s’adresse tantôt à cette femme, tantôt à ses amis. Méditation sur la nécessité de réconcilier nos vies avec les mots.
Yanvalou pour Charlie
Actes Sud, 2009, Prix Wepler
Né dans un village très pauvre, Mathurin veut devenir avocat. A Port-au-Prince, il a tout renié pour avancer socialement. Charlie ranime en lui le souvenir de l’enfance.
Très belle écriture poétique, pour ce roman qui évoque la misère, et la capacité à survivre, à se défendre.
Louis-Philippe DALEMBERT (1962- )
Fils d’instituteurs, L.-P. Dalembert a grandi dans un quartier populaire de Port-au-Prince. De formation littéraire et journalistique, il travaille comme journaliste dans son pays natal avant de partir en 1986 en France poursuivre des études de littérature et de journalisme. Il a enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis et en Europe. Les traces de ce vagabondage sont visibles dans son œuvre qui met souvent en dialogue plusieurs lieux.
Les Dieux voyagent la nuit
Ed. du Rocher, 2006
L’auteur parle de son enfance. A "Port-aux-Crasses", sa mère chrétienne rejetait le vaudou, ce qui ne faisait qu’exacerber son envie de découvrir les cérémonies traditionnelles. Il accompagnait sa grand-mère. Au rythme des tambours vaudou, les Dieux vagabonds ramènent les morts à la Guinée des origines.
Avant que les ombres s’effacent
Ed. S. Wespieser, 2017
Histoire de Ruben Schwarzberg, juif polonais. Une bonne partie de la famille a réussi à fuir, qui à New-York, qui en Palestine. Lui est envoyé à Buchenwald, dont il pourra sortir en 1938 grâce au décret Haïtien permettant de naturaliser les Juifs et de leur conférer la citoyenneté. Recueilli par la communauté haïtienne, devenu médecin, il vivra à Haïti.
Ce récit assez incroyable est inspiré d’une histoire vraie. Facile à lire, bien écrit et positif, c’est un très beau livre, récompensé par le Prix Orange du Livre, et le Prix France-Bleu-Page des libraires.
Mur Méditerranée
Ed. S.Wespieser, 2021
Ne parle pas d’Haïti, mais dresse le portrait de femmes migrantes. Récits d’exil et condition humaine.
07/02/2022 | Lien permanent
Groupe de lecture : les coups de coeur de l'été
C'est la rentrée aussi pour les lecteurs de nos bibliothèques. Pour cette première rencontre, chacun a présenté son coup de coeur de l'été.
Des diables et des Saints
Jean-Baptiste ANDREA
L'Iconoclaste, janvier 2021, 368 p., 19€
Jo, pianiste de 80 ans, joue du piano dans les gares et les aéroports. Il attend une femme, qui descendra un jour du train, peut-être Rose, qui était à l’orphelinat avec lui dans les Pyrénées.
L’auteur fait parler l’enfant qu’était Jo, pas joyeux sur le fond, mais l’écriture est fluide, agréable. Il saisit avec subtilité l’enfance et la résilience.
Lisière
Kapka KASSABOVA
Marchialy, février 2020, 458 p., 22€
Bulgarie, Grèce, Turquie trois pays, trois versions de l’histoire avant, pendant et après la guerre froide. Les réfugiés de l’époque, récits de personnes qui ont survécu, et de gardes-frontières.
L’autrice est romancière, journaliste et poétesse, elle a utilisé tous ses talents pour écrire ce livre original et instructif. Mythes, histoire, humain, un peu ardu à commencer mais il en vaut la peine !
La famille Mandible 2029-2047
Lionel SHRIVER
Belfond, mai 2017, 528 p. 22€50
Nous sommes en 2029 le président américain déclare le pays en faillite, la famille Mandible dont le grand-père a amassé une petite fortune s’enferme dans un appartement. Les légumes sont hors de prix, l’eau est une denrée rare, le gouvernement réquisitionne l’argent des particuliers.
Sur fond de crise économique, comment faire sans argent, chute et déroute.
La fabrique des souvenirs
Clélia RENUCCI
Albin Michel, août 2021, 309 p., 19€90
Dans un futur proche, des techniciens ont mis au point un système qui permet d’enregistrer des souvenirs. Un marché se met en place autour de ces souvenirs. Le récit tourne autour du souvenir d’une soirée au théâtre et de l’homme qui tombe amoureux d’une femme du passé.
Original plein de romantisme, thèmes : musique, violon luthier, récit sur le passé et la transmission. Peut faire penser au film Vanilla Sky.
Que sur toi se lamente le Tigre
Emilienne MALFATO
Elyzad, septembre 2020, 77 p., 13€90
Irak rural d’aujourd’hui. Une femme franchit un interdit, avoir une relation amoureuse et sexuelle hors mariage. Son amoureux part à la guerre et meurt. Elle est enceinte. La famille en débat, mais chacun sait, et elle aussi, qu’elle va mourir.
Pas larmoyant, la tradition n’est pas remise en cause, tous acceptent cette "fatalité".
Le cerf-volant
Laëtitia COLOMBANI
Grasset, juin 2021, 204 p., 18€50
L’Inde, ses contradictions, les interdits pour les filles. Une jeune institutrice décide d’ouvrir une école et d’apprendre à lire aux jeunes filles.
Récit lumineux, facile à lire.
Comme un empire dans un empire
Alice ZENITER
Flammarion, août 2020, 395 p., 21€
C’est la rencontre d’un assistant parlementaire et d’une hackeuse. Tous deux se battent contre la politique d’aujourd’hui et peinent à vivre dans ce climat.
Roman très axé sur la politique, ancré dans les problématiques de société, qui fait plutôt penser à un documentaire.
La Pâqueline
Isabelle DUQUESNOY
La Martinière, janvier 2021, 460 p., 21€50
Nous sommes en 1798, Victor l’embaumeur fils de la Pâqueline est en prison pour attitude équivoque avec un cadavre, celui de sa femme. Après avoir fait fortune, Victor vivait dans un grand appartement très luxueux dans Paris. La Pâqueline vit dans une extrême pauvreté avec son paon domestiqué. À la suite du procès de son fils, elle est la cible d’un incendie qui détruit sa maison. Elle décide donc de s’installer chez son fils. Découvrant le luxe dans lequel il vivait, elle décide de vendre toutes ses œuvres d’art et objets onéreux afin de vivre dans de meilleures conditions. Elle reprend également l’affaire de son fils et pratique le trafic d’organes. Sur les murs de l’appartement, elle va écrire toute sa vie, afin qu’il comprenne comment il est venu au monde, et quelle a été la vie de sa mère.
Ce personnage est capable de nous faire rire, de nous émouvoir et de nous dégoûter, c’est surprenant ! L’écriture est riche et fine, les descriptions du Paris de 1798 et des coutumes de la Normandie des années 1770 sont impressionnantes d’informations.
Et ils dansaient le dimanche
Paola PIGANI
Liana Levi, août 2021, 224 p.,19€
Nous sommes en 1929, une jeune Hongroise, Szonja, arrive en France à Lyon plus précisément Vaulx en Velin. Elle est embauchée à l'usine de production de soies artificielles, où elle travaille dur dans des vapeurs chimiques toxiques. Hébergée dans un couvent, elle fréquente d’autres ouvriers immigrés, en particulier des Italiens. Leur seule distraction : aller danser le dimanche au bord de la Rize. La crise, les conditions de travail et de licenciement, mèneront ces ouvriers à se rassembler, jusqu'à aboutir au Front populaire.
Un roman riche en descriptions du climat social et des conditions de travail des immigrés ouvriers d’usine en région lyonnaise. L’écriture est fluide, mais si documentée que les personnages manquent un peu de chair - pour un roman.
Dans les geôles de Sibérie
Yoann BARBEREAU
Stock (la bleue), février 2020, 300 p. 20€90
Récit, histoire vraie dans la Russie de Poutine. Un jeune homme travaillant à l'Alliance française à Irkoutsk est arrêté. On lui dit que sa femme l’a accusé de pédophilie sur sa fille. Procès, prison puis hôpital psychiatrique. Il s’échappe, réussit à se réfugier à l’ambassade de France à Moscou, puis s’évader via l’Estonie.
Récit haltant Kafkaïen.
Les Innocents
Michael CRUMMEY
Presses de la cité, janvier 2021, 360 p., 21€
Terre Neuve, au début du XIXe siècle. Deux enfants orphelins sont livrés à eux-mêmes. Ils vivent aux rythmes des saisons, avec des périodes d’abondance et d’autres de disette, ils survivent.
Un roman qui nous décrit le courage et la résilience des enfants.
La saga des Cazalet
Elizabeth Jane HOWARD
La table ronde, de mars 2020 à octobre 2021
Saga d’une famille anglaise, entre 1937 et 1950. Un récit très cinématographique, avec de nombreux personnages. Le tome 4 paraîtra en France en octobre 2021.
1) Etés anglais : Dans le Sussex, toute la famille se retrouve sur la propriété familiale. Ils mènent une vie bourgeoise aisée. Les enfants ressentent les préoccupations des adultes. Avec un retour sur la guerre de 14 et l’implication des Anglais.
2) A rude épreuve : Le quotidien à Home Place est dominé par les nouvelles à la radio, le deuil, les raids allemands, l’accueil d’un groupe d’enfants.
3) Confusion : de 1942 à la fin du conflit mondial, avec des personnages féminins forts.
Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d’habiter sur terre
Philippe DELERM
Seuil, septembre 2015, 247 p., 14€50
Petites descriptions de 2 pages chacune. En 109 pages l'auteur nous livre 40 raisons d’habiter sur terre : Se faire surprendre par une averse et aimer ça, regarder un enfant apprendre à lire en bougeant les lèvres,...
Une terre promise
Barak OBAMA
Fayard, novembre 2020, 848 p., 32€
Récit fascinant et intime de l’histoire en marche. Pouvoir et limites de la démocratie, histoire contemporaine. Ce tome s’arrête à la fin du premier mandat du Président des Etats-Unis.
Cette nuit là