Ce qu'il advint du sauvage blanc
Au milieu du XIXe siècle, Narcisse Pelletier, matelot sur la goélette Saint-Paul, s'éloigne un peu trop du groupe de marins parti à la recherche d'eau potable, et est abandonné sur une plage déserte d'Australie. Vingt ans plus tard, il est découvert par des marins anglais, et ramené de force à Sydney. Nu, tatoué, il a totalement perdu les usages "civilisés" et ne parle plus que la langue des "sauvages".
Octave de Vallombrun, riche correspondant de la Société française de Géographie, le recueille et se passionne pour ce sujet d'étude scientifique : un sauvage blanc.
Les chapitres alternent régulièrement entre l'histoire de Narcisse et les rapports envoyés par Vallombrun au président de la Société de Géographie, 20 ans après.
Le lecteur apprend comment Narcisse a été abandonné sur la plage, désespéré et totalement démuni, puis comment il a survécu en intégrant –bien malgré lui- une tribu d'aborigènes qui le recueille comme un enfant.
Parallèlement, Vallombreuse relate son retour forcé à la civilisation. Totalement accoutumé à la vie sauvage de sa tribu, il a oublié jusqu'à son nom français. Il est maintenant Amglo, et ne comprend pas les usages auxquels on veut le contraindre : vêtements, pudeur, etc. Vallombreuse lui réapprend le français, et s'intéresse à sa vie dans la tribu, espérant en tirer un traité scientifique instructif. Cependant malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à lui extirper de renseignements sur sa vie "sauvage". Refus de la part du matelot, ou impossibilité de faire coexister en lui Narcisse et Amglo ? Le lecteur a la sensation que Narcisse est déchiré entre deux mondes si différents qu'ils ne sont pas compatibles, ni même concevables l'un pour l'autre.
L'auteur a su rendre toute la bonne volonté de Vallombreuse, qui parfois semble à deux doigts de comprendre vraiment Narcisse, mais son éducation et les pressions extérieures l'empêchent d'admettre ce que le lecteur d'aujourd'hui pressent.
A part l'impératrice -dotée de toutes les vertus- la société, étriquée,juchée sur ses certitudes, et cherchant surtout à satisfaire ses propres intérêts, ne comprend absolument pas la quête de Vallombreuse, ni le "cas" de Narcisse !
Ce roman d'aventures, robinsonnade doublée d'une approche ethnographique et psychologique intéressante, est inspiré d'une histoire vraie. C'est aussi un grand plaisir de lecture.
Ce qu'il advint du sauvage blanc
François Garde
Gallimard, février 2012, 21.50 €
Prix Goncourt du 1er roman