Les arpenteurs
Les arpenteurs
Kim ZUPAN
Gallmeister (Nature Writing), 2015, 23.50€
Traduit de l’américain The Ploughmen par Laura Derajinski
Ce roman est avant tout le récit d’une relation complexe entre deux hommes aux antipodes l’un de l’autre, un assassin et son geôlier :
John Gload, vieux criminel récidiviste, s’est enfin fait pincer et attend son procès dans la prison du Montana.
De l’autre côté des barreaux, un jeune adjoint au shérif est astreint à passer des nuits de surveillance dans la prison. Valentine Millimaki essaie d’exercer son métier avec humanité (contrairement à certains collègues !), mais souffre de sentir sa vie et son mariage, lui échapper chaque jour un peu plus.
"Dans le cadre de ses fonctions au bureau du shérif, il passait son temps à enquêter sur des délits ruraux et endurait son quota d’heures requises dans le vieux bâtiment de la prison adjacent au tribunal du comté. Mais il préférait le travail sur le terrain, au grand air, avec son chien de berger de trois ans [Tom] à pister les disparus dans la forêt, la broussaille, les canyons abrupts, des terres vierges, ces coins oubliés ou non référencés sur les cartes qui ne donnaient qu’une approximation de notre place en ce monde.
Il les retrouvait parfois, écorchés ou couverts d’ecchymoses, boitant sur une cheville fracturée, ou d’autres encore à un stade avancé d’hypothermie… Mais depuis plus d’un an, maintenant, il n’avait retrouvé que des cadavres."
Hanté par son armée de fantômes personnels, Millimaki est un homme vulnérable. Peu à peu, souffrant tous deux d’insomnie, John Gload et lui ont de longues conversations, et en viennent à une certaine compréhension l’un de l’autre… peut-être parce qu’ils partagent, chacun à sa façon, une proximité excessive avec la mort. …A moins que tout cela ne soit que manipulation de la part de John Gload !
"Je ne sais pas si j’ai ce qu’on peut appeler une âme, Val, mais je sais la reconnaître chez les autres. Vous en avez une. Je l’ai vue toute barbouillée sur votre visage dès que je vous ai croisé".
D’une beauté puissante, les Arpenteurs explore la frontière floue entre le bien et le mal. Pour l'auteur, qui oppose le huis-clos de la prison aux immenses espaces nord-américains, le Montana sauvage est une présence constante dans le récit, émaillé de descriptions de la nature. Malgré sa longueur et sa noirceur, j'ai été emportée par la puissance de ce roman et la complexité de ses personnages.
Kim Zupan a exercé de nombreux métiers, il a fait des rodéos, travaillé comme pêcheur, charpentier, enseignant…
Aline