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02/01/2017

Homme invisible à la fenêtre

roman étranger, Canada, handicap, peinture

 

Homme invisible à la fenêtre

Monique Proulx

Boréal (1993)

 

Le roman s’ouvre sur une toile gigantesque, opposant  monstres noirs et grimaçants statiques, et tout un ballet d’humains en plein vernissage. Mais la réelle opposition est plutôt celle qui existe entre les acteurs, et celui qui ne se considère plus que comme spectateur, Max.

« Je vis pour peindre…  Je sors peu. Les périples à l’extérieur déstabilisent, embringuent dans des pièces qui exigent une participation. Je joue mal, publiquement, je suis un exécrable acteur. Je fais, par contre, un spectateur excellent, toujours disposé à admirer ce qui est admirable. Il n’y a pas de mal à être spectateur : l’important c’est de connaître l’emploi qui correspond le mieux à ses petits talents. Sans les spectateurs, à quoi serviraient les acteurs ? »

Artiste peintre, centre involontaire autour duquel gravitent amis, admirateurs et modèles. Bienveillant, silencieux, il laisse sa porte ouverte à tous, écoute et peint sans juger. Fermé au passé, il s’est mis en sommeil pour ne pas raviver la douleur de la perte de ses jambes… et de son grand amour. Son statut d’infirme lui confère une forme d’invisibilité, dans son rôle d’observateur inoffensif.

« Je me souviens de la confiance immédiate de Maggie, sa belle tête fauve si rapprochée de mon épaule, disposée à livrer son âme avant que je la réquisitionne, disant des choses vertigineusement dépourvues de rouerie…. Je me souviens de sa confiance immédiate comme d’une injure en même temps. Il n’y a que les très jeunes enfants, les vieillards bavotants –et les infirmes- dont on ne se méfie pas. »

Monique Proulx dirige le regard de l’artiste pour nous présenter une galerie de portraits, façades sous lesquelles le peintre perçoit l’être intérieur complexe : longue figure pâle d’artiste à succès, Gérald Mortimer, dévoué jusqu’à l’abjection ; Maggie, à la beauté éclatante, déboulant sans prévenir avec ses états d’âme ; Julienne, la mère tenue à distance ; Julius Einhorne, l’énorme propriétaire ; Laurel et sa relation complexe à la mère... Mais c’est quand il fait son auto-portrait avec sa « fidèle Rossinante » qu’il est le plus incisif, lucide et plein d’humour noir.

D’une écriture forte et évocatrice, Monique Proulx, en traçant le portrait de ceux qui entourent Max, parvient à faire ressentir intensément les tourments intérieurs du peintre. Elle dépeint l’importance du regard, qui souvent évite et glisse sur les gens qui gênent (gros, handicapés…) tandis que le peintre, lui, voit la personne et la révèle (jeu du miroir). Ce roman est aussi une histoire d’amitiés et d’amour, profond et douloureux, où le renoncement est une bataille sans cesse renouvelée. Vivre à travers les autres se révèle insuffisant lorsque le passé vient cogner à la fenêtre avec insistance.

Merci Frédérique de m’avoir fait découvrir ce splendide roman !

Aline

Née à Québec en 1952, Monique Proulx se consacre à l’écriture depuis 1980. On lui doit de nombreuses nouvelles, plusieurs dramatiques de soixante minutes diffusées sur Radio-Canada (Un aller simple, et Les gens de la ville), deux pièces de théâtre et plusieurs scénarios. Le film Le sexe des étoiles, tiré de son roman éponyme, a remporté de nombreux prix en 1994. Homme invisible à la fenêtre a inspiré Souvenirs intimes, réalisé en 1999 par Jean Beaudin.

Ses romans : Le sexe des étoiles (1987), Le cœur est un muscle involontaire (2002), Champagne (2008), Ce qu’il reste de moi (2015).

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