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Le sympathisant, prix du meilleur Livre étranger

Le 7 novembre 2017, l’écrivain Viet Thanh Nguyen a reçu le prix du Meilleur Livre étranger  2017 pour son roman Le Sympathisant, après le prix Pulitzer et le prix Edgar 2016. Voici un extrait du discours qu’il a prononcé lors de sa remise du prix (traduction : Clément Baude).

« Il y a vingt ans de cela, j’ai commencé à écrire un recueil de nouvelles. Si j’avais su qu’il me faudrait dix-sept ans pour en venir à bout, et trois de plus pour le publier, je ne l’aurais peut-être jamais commencé. Dans ma naïveté, je me disais que je terminerais ces nouvelles d’ici deux ans, qu’ensuite elles seraient achetées et publiées, que je gagnerais des prix et que je deviendrais célèbre. Je savais vaguement, mais sans tout à fait comprendre, combien l’écriture exigerait de moi, à quel point elle me détruirait, à ma grande tristesse mais, au bout du compte, à mon plus grand profit d’écrivain.

J’ai appris ce qu’était la tristesse en travaillant à ce satané recueil de nouvelles. Je ne savais pas ce que je faisais. Je ne savais pas, alors que je pâlissais doucement devant mon écran d’ordinateur et mon mur blanc, que j’étais en train de devenir un écrivain. C’était en partie une affaire de technique à maîtriser, mais c’était tout autant une affaire d’âme et une habitude de l’esprit. C’était accepter de m’asseoir sur cette chaise pendant des milliers d’heures, recevoir quelques maigres louanges de temps en temps, endurer la tristesse d’écrire en restant convaincu que malgré tout, malgré mon ignorance, quelque chose d’important se produisait…

Si je parle de mon ignorance et de ma naïveté, de mes combats et de mes doutes, c’est que la plupart des lecteurs ne connaissent que le résultat final des efforts d’un écrivain. Ce résultat final, le livre, semble déborder d’assurance et de connaissance. L’assurance et la connaissance, la « mesure » de l’évaluation et de la progression qui saturent notre vie dans les universités, les entreprises et les bureaucraties, tout cela éclipse les procédés mystérieux, intuitifs et lents – parfois très lents – par lesquels l’art, souvent, opère. L’essentiel de ce qui est crucial dans l’art, ou dans tout travail qui nous importe, quel que soit le domaine, ne peut être ni quantifié ni accéléré.

Le plus précieux, dans ces mondes des arts et des humanités qui sont les miens, est qu’ils laissent justement la place à ce type de réflexion lente et peut-être inutile..."

Lire la suite sur le site des éditions Belfond

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