La nuit des béguines
La nuit des béguines
Aline KINER
Liana Levi, 2017, 329 p., 22€
Au 13ème siècle, sous la protection de Louis IX, des petites communautés de béguines se sont établies à travers le royaume de France. Un grand béguinage a été créé à Paris dans le quartier du Marais pour accueillir des femmes pieuses, veuves ou célibataires. Ce refuge leur offre une alternative à la tutelle d’un époux ou de l’Eglise. Elles peuvent, par choix, vivre, travailler ou étudier comme bon leur semble, libérées de toute autorité hormis celle du roi. Elles forment une communauté de femmes libres et indépendantes.
L’histoire se situe au début du 14ème siècle, au moment où le roi Philippe Le Bel fait arrêter les Templiers, et où l’intolérance se développe. Les béguines, trop libres, trop cultivées, sont dans le collimateur de l’Inquisition. Un événement dramatique va précipiter la fin du béguinage. Marguerite Porete, béguine de Valencienne écrit un manuscrit intitulé « Le Miroir des âmes simples et anéanties ». Elle critique les clercs et théologiens et loue l’amour direct pour Dieu, en dehors de toute institution. Considéré comme hérétique, son manuscrit est brûlé. Cependant Marguerite persiste dans ses convictions et continue à écrire. Arrêtée, elle ne renie rien et est brûlée vive place de Grève à Paris en 1310.
Sur ce fond historique Aline Kiner brosse le portrait de femmes attachantes, à forte personnalité. Maheut, une adolescente rousse (à l’époque ce détail a son importance) mariée contre son gré à un mari violent, qui fuit et trouve refuge dans ce havre de paix ; Isabel la doyenne, herboriste et guérisseuse ; Ade, lettrée, belle et noble que la vie a rendue amère ; et Jeanne du Faut femme entreprenante, négociante en tissus de qualité et responsable d’un atelier de tisseuses, fileuses, brodeuses. Humbert, un moine franciscain, recherche Maheut et son destin va être lié à celui des béguines.
Passionnant, divertissant, très documenté, d’un intérêt historique, culturel et social incontestable, le roman d’Aline Kiner fait découvrir dans cette fresque palpitante un Moyen-Âge méconnu. C’est à la fois un voyage au cœur de Paris, ville grouillante et animée, pleine d’odeurs et de bruits et en même temps la découverte plus intime et délicate, presque secrète, d’un béguinage royal au cœur du Marais.
Ce roman nous fait vivre cette expérience sociale et spirituelle de l’intérieur, comme un bel hommage rendu à ces femmes d’exception.
Annie