Fracking
Fracking
François ROUX
Albin Michel, 2018, 19.50€
Entre le titre et la couverture, le sujet est clairement annoncé. Du reste, le récit est très proche du documentaire puisque l’auteur, installé aux Etats-Unis peu avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, se pose en observateur. Ses descriptions et son sens de la formule, parfois, touchent à la citation. Lors d’une réunion politique de Républicains : "Tous les hommes dans cette assemblée tenaient la Constitution pour sacrée, et plus précisément son deuxième amendement. Dans ce pays de chasseurs et de ranchers, tous les hommes présents – et une grande majorité de femmes- avaient appris à marcher en s’appuyant sur un fusil. Leur troisième jambe, disait-on couramment!" Ou, en lien avec Ruth, bigote rigide : "Ici, vous étiez croyant ou vous n'étiez pas grand chose".
A quelques mois des élections présidentielles, toutes les tendances se croisent à Middletown, petite ville imaginaire du Dakota du Nord. L’auteur suit plusieurs personnages, mettant en avant de multiples fractures : fractures entre les personnes d’orientations politiques différentes ; fractures entre des familles qui jusqu’ici vivaient dans une tradition d’hospitalité et d’entraide pour surmonter des conditions de vie rudes. Enfin, l’élément déclencheur, l’utilisation de la « fracturation hydraulique », technique mise au point depuis quelques années pour extraire les hydrocarbures de schiste en injectant dans la roche des tonnes d’eau, de sable et d’adjuvants chimiques.
"Les ressources en hydrocarbures du sous-sol schisteux, jusqu’alors inexploitables en raison d’impossibilités techniques de forage, l’étaient soudain devenues grâce à la mise au point de la fracturation hydraulique, dont le recours massif avait débuté il y a tout juste quatre ans et qui laissait la porte ouverte à toutes sortes de spéculations et de convoitises. Avec le fracking, le rêve d’indépendance énergétique de l’Amérique allait enfin se réaliser…"
Dans ce pays jusqu’ici consacré à l’élevage, c’est une révolution qui oppose :
- ceux qui en profitent, en premier lieu les compagnies pétrolières, mais aussi ceux à qui elles offrent un travail bien rémunéré, comme Joe Jenson -devenu chef de chantier ;
- ceux qui se résignent, comme les voisins –qui ont déménagé et vendu le sous-sol ;
- ceux qui se battent, comme les activistes écologistes ou les Amérindiens, opposés au "Black Snake" le pipeline prévu sur les réserves ;
- et enfin, ceux qui en meurent, comme la famille Wilson, dont le bétail dépérit, ou meurt renversé par les chauffards des poids lourds. "Ce que Karen exécrait…, c’était ce foutu pétrole, ces pompes à balancier qui, inlassablement, bousillaient les entrailles de la terre depuis dix ans, depuis que la région était devenue ce que les journaux avaient appelé « le nouvel eldorado de l’or noir ». Dispersés jusqu’à deux kilomètres à la ronde, certains à moins de 200 mètres de leur habitation, il y avait très exactement 23 puits dans leur voisinage immédiat… De près, le bruit était intolérable, et avec la distance, il devenait obsédant". Sans parler de l’intoxication des fermiers, et de l’eau glauque couleur de terre et inflammable qui sort du robinet !
Le côté « reportage » et l’écriture assez factuelle du roman sont compensés par les récits plus personnels des protagonistes. J’ai juste été un peu frustrée par la fin, qui peut-être appelle une suite.
Aline