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Poussière dans le vent

roman étranger, CubaPoussière dans le vent

Leonardo Padura
Metailié, 2021, 24€20
(bibliothèque hispano-américaine)

 

Léonardo Padura nous livre un superbe roman sur l’exil et la perte, mais aussi sur la permanence de l’amitié et des sentiments, sur la quête de l’identité, perdue et retrouvée, sur l'attachement à ses racines, dont on ne s'affranchit jamais totalement.

A travers le destin de ses personnages il retrace, dans une fresque ambitieuse et foisonnante, l’histoire de Cuba sur près de 3 décennies, et c’est passionnant. Une énigme sert de trame au récit et ménage un suspense jusqu’au bout de la lecture.

Adéla, arrivée de New York, et Marcos, Cubain récemment exilé, se rencontrent en Floride et c’est le coup de foudre. Il lui montre une photo de groupe prise en 1989 dans le jardin de sa mère, Clara, et elle y reconnaît la sienne, Loreta, femme fantasque, tourmentée et mystérieuse qui ne parle jamais de son passé. Elle apprend que sa mère s’appelle en réalité Elisa et qu’elle a disparu brutalement de Cuba en 1990. Ils vont chercher à comprendre ce qu’elle fuit et les secrets enfouis de leurs parents.

Clara, Dario, Elisa, Bernardo, Horacio, Irving, Fabio, Liuba se sont connus dans l’enfance ou au lycée et forment ce qu’ils appellent un "clan". Ingénieur, architecte, neurochirurgien, artiste… ils ont foi en un futur possible dans une île à laquelle ils sont viscéralement attachés. Leur point d’ancrage est la maison de Clara et Dario à Fontanar, un quartier de La Havane, "noyau magnétique de la confrérie".

Des années de bonheur partagé, entre amour et désamour, jusqu’à ce 21 janvier 1990, anniversaire des 30 ans de Clara. Un drame et la disparition soudaine d’Elisa marquent le début de la dislocation du groupe. Dario le premier, franchira le pas de l’exil. Les autres suivront, le cœur chaviré, devenant des réfugiés perpétuels, le cœur à jamais ancré à Cuba et nourrissant l’espoir d’un retour. Seuls Clara et Bernardo resteront.

1990 c’est aussi l’éclatement du bloc soviétique.  Cuba abandonné par ses alliés doit faire face à une crise économique et sociale sans précédent qui bouleverse l’existence du peuple cubain. Entre l’histoire politique tourmentée, les terribles pénuries et la fuite en masse vers l'étranger, l’île s’effondre et les Cubains perdent leurs illusions.

Léonardo Padura décrit admirablement la difficulté de l'exilé à reconstruire une vie, pas tant pour les problèmes matériels, que sur le plan de l'appartenance. Comme le dit l'un de ces exilés "nous ne sommes dans la mémoire de personne et personne n'est dans notre mémoire à nous". Même ceux qui ont le mieux réussi ne se remettront jamais complètement de leur départ "cette chaleur n'était pas sa chaleur, ses nouveaux amis étaient seulement cela, des nouveaux amis, et non ses amis, ce qu'il avait perdu était irrécupérable".

Une interrogation court comme un leitmotiv d’un bout à l’autre du récit « Que nous est-il arrivé ? »  Chacun des personnages apporte sa pierre à la construction de la vérité à travers son histoire personnelle avec les désillusions, les remises en question, les choix douloureux à faire.

Léonardo Padura appartient à cette génération des désenchantés de la révolution castriste. Malgré le succès international de ses livres il n’a pas choisi l’exil ; il a besoin de son île pour écrire.

"Dans les années 90, j’écrivais comme un fou pour ne pas devenir fou c’est-à-dire que la littérature m’a sauvé du désespoir et de l’exil parce que beaucoup de mes amis, de mes camarades de travail sont partis et moi j’ai décidé de rester car à Cuba je pouvais écrire, pourtant il me manquait tout : l’électricité, les transports, la nourriture…  Mais on avait ce qu’un romancier nécessite le plus : le temps".

Le roman est parcouru par la chanson du groupe Kansas que l’auteur écoutait à La Havane dans les années 1970, Dust in the wind…

Annie

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