La patience des traces Coup de cœur
Jeanne Benameur
Qu’il est agréable, en cette période troublée, de se plonger dans ce roman empreint de douceur et de silence.
Simon Lhumain est psychanalyste et a consacré une partie de son existence à écouter les autres, peut-être pour fuir un passé douloureux.
Un petit incident anodin - un bol auquel il tient glisse de ses mains et se brise - fait remonter toute un pan de son existence. Les blessures qu’il porte en lui, la disparition de son ami Mathieu, sa séparation avec Louise qu’il a passionnément aimée, resurgissent. Dans leur jeunesse, tous trois formaient un trio inséparable mais un évènement a conduit au drame.
Simon prend soudain conscience qu’il a besoin de faire une pause pour affronter son passé. Il ressent le besoin de s’isoler et de partir loin pour s’approcher d’une vérité trop longtemps refoulée, et faire la paix avec lui-même.
Il décide de troquer ses agendas remplis de noms de patients et « l'armée des mots », contre le silence, la contemplation et la méditation.
Sur les conseils de son ami Hervé, il part au Japon dans les îles de Yaeyama, loin des sites touristiques et choisit de loger dans une chambre d’hôtes.
Madame Itô Akido est collectionneuse de magnifiques tissus anciens ; son discret mari travaille dans son atelier de céramiste où il pratique l'art nippon du Kintsugi, une technique ancestrale qui consiste à réparer les objets brisés en recouvrant les jointures avec de la poudre d'or, laissant ainsi les cicatrices apparentes.
Au-delà de sa fonction esthétique, cet art japonais du XVeme siècle a pour philosophie de valoriser le passé et les failles de l’objet. « On est heureux de redonner vie à ce qui était voué à l’anéantissement. On marque l’empreinte de la brisure. On la montre. C’est la nouvelle vie qui commence. » Beau symbole de résilience et de renouveau !
Simon s’immerge dans un monde où la parole est rare, voire absente. Le silence, l’observation, la contemplation instaurent des relations profondes avec ses hôtes respectueux et attentionnés.
Ce séjour empreint de douceur et de sérénité va permettre à Simon d’accepter un passé trop longtemps nié, et de retrouver la paix avec lui-même et l’envie de vivre pleinement.
Jeanne Bénameur invite à faire un voyage poétique dans un monde intemporel et minimaliste, à pénétrer dans un havre de paix propice au recueillement, à se ressourcer dans une nature encore intacte.
J’ai aimé la lenteur, le temps laissé au temps, cette parenthèse dans une vie trépidante, ce lieu où la nature encore intacte participe à la renaissance de Simon et où l’écoute, les silences, les non-dits et les symboles remplacent la parole réparatrice.
Bonne lecture !
Annie Pin