25/03/2013
Gabriel Garcia Marquez
Colombien, né le 6 mars 1927 à Aracataca, Gabriel Garcia Marquez a été activiste politique, journaliste, novelliste, et romancier. Ce sont surtout ses romans qui lui ont apporté la reconnaissance de la critique littéraire et un grand succès auprès des lecteurs. Le prix Nobel de littérature lui a été attribué en 1982.
Œuvres de fiction lues pour le "bouillon"
Des feuilles dans la bourrasque : La Hojarasca (1955)
(paru en France en 1983 chez Grasset, 157 p.)
Histoire de famille, qui commence en 1900, dans le village de Macondo. Après la mort du Docteur, son histoire est déroulée par différents narrateurs.
Facile et agréable à lire.
Pas de lettre pour le Colonel : El coronel no tiene quien le escriba (1961)
(publié en France en 1980 chez Grasset, 125 p.)
Dans son village, très pauvre, le Colonel attend sa retraite depuis 15 ans, et se rend à la poste chaque semaine pour voir si sa pension est arrivée. Il possède un coq, qu'il nourrit et affectionne, et espère se sortir de la misère lorsque le coq gagnera…
Très beau roman autour des thèmes de l'attente, la pauvreté et la dignité.
Cent ans de solitude : Cien años de soledad (1967)
(paru en France en 1968 au Seuil, 391 p.)
Histoire du village imaginaire de Macondo, fondé au fin fond de la Colombie par un groupe de familles en exode. En suivant les péripéties vécues par la famille Buendia sur six générations, le lecteur assiste au développement social, économique et politique du village, puis à sa décadence.
Ce roman est l'un des plus lus et des plus traduits de Garcia Marquez. "Il est souvent cité comme le texte le plus représentatif du réalisme magique, faisant cohabiter un cadre historique avéré et des références culturelles vraisemblables à des éléments surnaturels ou irrationnels" (Wikipedia).
Ce récit picaresque semble aujourd'hui très long, et sa lecture est compliquée par la reprise des mêmes prénoms dans la famille Buendia au fil des générations.
L'automne du patriarche : El otoño del patriarca (1975)
(publié chez Grasset en 1977, 317 p.)
Dans la lignée de Cent ans de solitude, ce roman évoque surtout la dictature, à l'automne de la vie du tyran.
Chronique d'une mort annoncée : Crónica de una muerte anunciada (1981)
(publié chez Grasset en 1981, 200 p.)
Lendemain de mariage dans une petite ville au bord du fleuve. Tous se préparent pour rien à la visite de l'évêque, qui ne daigne pas débarquer, tandis que les frères de la mariée recherchent pour le tuer celui qui aurait défloré leur sœur avant le mariage.
Ce roman, très bien mené et aux descriptions très détaillées, a été lu avec grand plaisir !
L'amour aux temps du choléra : El amor en los tiempos del cólera (1985)
(paru en France en 1987 chez Grasset, 379 p.)
Dans une petite ville des Caraïbes, à la fin du XIXe siècle, un jeune télégraphiste, Florentino, s'éprend de la belle Fermina. Poète pauvre et maladroit, il lui fait une cour acharnée et timide qui flatte le romantisme de la jeune fille, qui choisit pourtant d'épouser Urbino Juvenal, riche médecin. Le récit relate la réussite sociale et la vie conjugale satisfaisante du couple, tandis que Florentino entreprend une carrière de séducteur impénitent. Florentino et Fermina se retrouvent 50 ans plus tard, après la mort de Juvenal.
Le récit, haut en couleurs, est très bien écrit, et certaines pages (les retrouvailles des amants âgés) sont très belles. Néanmoins l'ensemble est trop long, l'évocation en particulier des conquêtes de Florentino semble interminable.
De l'amour et autres démons : Del amor y otros demonios (1994)
(publié en France en 1995 chez Grasset, 248 p.)
En 1949, des fouilles auprès d'un ancien couvent à Carthagène en Colombie mettent à jour les restes d'une jeune fille dont les cheveux atteignent 22 mètres de long… Garcia Marquez imagine l'histoire, à la fin du XIIIe siècle, d'une fillette mordue par un chien et accusée de possession démoniaque (elle parlait en fait les langues des esclaves noirs qui l'avaient élevée). Exorcisée, elle fut emmurée vivante dans un couvent des Clarisses.
Un récit coloré, touchant et plein d'humour, qui a plu à ses lectrices.
Autres œuvres lues pour le "bouillon"
Récit d'un naufragé : Relato de un Naufrago (1970)
(paru en France en 1996, chez Grasset, 166 p.)
Pour rédiger ce livre, qui relate une dramatique aventure qui a eu lieu en 1955, Gabriel Garcia Marquez a passé une centaine d'heures d'entretien avec le seul rescapé d'une catastrophe maritime. Il raconte sa lutte pour la survie, pendant huit jours, sur un radeau.
Plusieurs lectrices ont aimé ce livre, réaliste et instructif.
Vivre pour la raconter : Vivir para contarla (2002)
(2003, Grasset, 602 p.)
Cette autobiographie de l'auteur fourmille d'histoires entremêlées… à tel point qu'il est très difficile de s'y retrouver.
Conclusion
Nous avons eu de la peine à nous replonger dans les romans de Garcia Marquez, qui avaient pourtant (pour certaines) enchanté notre jeunesse. Ont-ils mal vieilli, ou sont-ce nos cerveaux ??? Dans tous les cas, ce sont ses romans les plus courts qui ont séduit ! Malgré les descriptions très imagées, les romans plus longs nous sont "tombés des mains".
18:40 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
23/02/2013
bouillon de (presque) mardi gras
Fatigués, enrhumés, mais réconfortés par les bugnes préparées par Jacky et sa femme, nous avons échangé sur nos livres coups de cœur :
Quelques livres –déjà présentés- ont été appréciés par de nouveaux lecteurs : pour Annie, Une femme fuyant l'annonce et La nuit tombée sont des romans incontournables. Johane a lu Rien ne s'oppose à la nuit. Aline et Marie-Claire évoquent trois romans déjà chroniqués sur le blog : Ce qu'ils n'ont pas su nous prendre, Luke et Jon, et L'atelier des miracles. Muriel a eu la chance de découvrir un grand classique de la science-fiction, Fahrenheit 451, de Ray Bradbury.
Autres coups de cœur :
Le vase où meurt cette verveine
Frédérique Martin
Belfond, 2012, 18 €
Depuis leur mariage il y a 56 ans, Zika et Joseph ne se sont jamais quittés. Mais un jour où Joseph découvre Zika évanouie dans la cuisine, il appelle ses enfants à la rescousse. Pour faire des examens et suivre son traitement, il est convenu que Zika ira chez sa fille Isabelle à Paris, tandis que Joseph partira chez son fils dans les Landes. Les vieux amants vivent douloureusement cette séparation, et s'écrivent de longues lettres passionnées, évoquant leurs souvenirs et leur nouvelle vie de plus en plus difficile : Isabelle règle des comptes avec sa mère, Gauthier n'est pas heureux en ménage,… Beau roman dérangeant, car l'histoire prend un tour très sombre, sur les problèmes de couple vieillissant, les difficultés de communication entre enfants et parents, et l'épreuve d'être à la charge des enfants. Le titre est tiré d'un poème de Sully Prudhomme :
Le vase où meurt cette verveine,
D'un coup d'éventail fut fêlé
Le coup dut l'effleurer à peine…
Le silence du bourreau
François Bizot
Flammarion, 2011, 18.30 €
Récit personnel facile à lire et sérieux, pas morbide malgré le sujet.
En 1971, l'ethnologue français est arrêté au Cambodge par les Khmers rouges : détenu pendant trois mois et condamné à mort, il est libéré grâce à l'intervention de son geôlier, un révolutionnaire du nom de Douch. François Bizot raconte avec détachement son internement. En 1988, en visitant l'ancien centre de torture S21, il découvre que celui qui l'a gracié est responsable de la mort de milliers de personnes, et s'interroge sur sa libération. En 2009, Bizot témoigne au procès des Khmers rouges, où Douch est l'unique accusé.
Le printemps des cathédrales
Jean Diwo
Flammarion, 2002, 20.30 €
Dans cette fresque romanesque, Jean Diwo suit la famille Pasquier sur plusieurs générations de bâtisseurs de cathédrales. Le premier de la lignée est maître d'œuvre, ses fils lui succèdent comme sculpteur et architecte. Jean Diwo évoque la construction, à partir du XIIe siècle, du premier chef-d'œuvre de l'architecture gothique, l'abbaye de Saint-Denis, puis de la cathédrale de Sens, Notre Dame de Paris, Chartres, la Sainte Chapelle…
Une année formidable en France : 100 portraits de Français d'aujourd'hui.
Le Monde – Les Arènes, 2012, 29.80 €
Pendant un an –à l'occasion de la campagne présidentielle- une dizaine de journalistes du Monde ont établi une radiographie de la société française. Résidant chacun dans une commune, de taille, de milieu sociologique et d'emplacement géographique différents, ils ont passé 4 saisons à rencontrer des gens de toute sorte et à les questionner sur leur quotidien, malgré un accueil parfois méfiant.
Ce livre est un recueil de tranches de vie et de témoignages, qui donnent de l'espoir. Partout, des gens s'engagent et cherchent à améliorer le vivre-ensemble !
Revue XXI
Le "mook" (magazine book) est "tendance". Il se décline sous plusieurs formats, qui ont en commun de se situer à la frontière du livre et du magazine, sans publicité. La revue XXI, co-fondée par Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, est devenue une référence du genre. Trimestriel de 200 pages, elle propose des articles de fond et des témoignages rédigés par des journalistes, auteurs, photographes, illustrateurs et dessinateurs. Chaque sujet développé est suivi d'une double page de références "pour aller plus loin".
Le journal intime d'un arbre
Didier Van Cauwelaert
M. Laffon, 2011, 19.50 €
Le narrateur de ce roman est Tristan, un poirier âgé de 300 ans, déraciné après une tempête, qui passe en revue son histoire. Les générations successives sont toujours venues se confier à lui, il est donc le dépositaire d'un trésor d'histoires, qu'il évoque en faisant alterner passé et présent. Sa conscience et sa mémoire habiteront-elles chacune de ses bûches, ou la statuette qu'une jeune fille a sculptée dans son bois ? Plaisant à lire, avec de nombreuses références.
En souvenir d'André
Martin Winckler
POL, 2012, 16 €
Un homme évoque sa vie de médecin, son travail sur la douleur et dans une unité de soins palliatifs. Il est amené à accompagner des patients qui veulent mourir. Le premier de ces patients était André, aussi, la phrase rituelle lorsqu'on l'appelle pour une fin de vie est-elle "En souvenir d'André…"
De cet auteur, nous avons aussi beaucoup aimé La maladie de Sachs et Le chœur des femmes.
Le monde sans vous
Sylvie Germain
Albin Michel, 2011, 12.70 €
Lors d'un voyage en Transsibérien , Sylvie Germain alterne les descriptions poétiques de paysages extraordinaires et le souvenir de sa mère, qui vient de mourir.
Très belle écriture pour ce livre sur le deuil, la séparation, la fragilité de l'existence.
Julien Letrouvé, colporteur
Pierre Silvain
Ed. Verdier, 2007, 11.16 €
Enfant trouvé, Julien est colporteur de livres. Le récit, qui se déroule de 1850 environ jusqu'à la guerre de 70, remonte à ses souvenirs d'enfance, au milieu des femmes lisant des histoires à la veillée. C'est ce qui lui a donné le désir de transporter de livres, alors qu'il ne sait pas lire.
Belle histoire poétique. Pierre Silvain est également l'auteur de Assise devant la mer (2009), roman lent à la belle écriture, qui évoque une enfance marocaine auprès d'une mère neurasthénique, assise devant la mer.
Le Négus
Ryszard Kapuscinski
Flammarion, 1984, réédité en 2011
L'auteur, journaliste polonais, est resté en 1963 à 1970 à Addis Abeba.
Réflexion sur les mécanismes de l'histoire et du pouvoir, son essai éclaire plusieurs aspects de la personnalité du dernier empereur d'Ethiopie. Ce livre témoigne d'un monde violent et sans justice, où les puissants croûlent sous l'argent et où l'on régale les diplomates étrangers en laissant le peuple mourir de faim… mais aussi de réalisations allant dans le sens du modernisme : écoles, électricité, routes.
Qui était le Négus, le Roi des Rois - Haïlé Sélassié, dernier empereur d'Ethiopie ? Un despote sanguinaire ? une figure paternelle adulée par son peuple et par les rastafaris ? un vieillard-enfant débordé par son armée ?
Le roman conjugal : chroniques de la vie familiale à l'époque de la révolution et de l'empire
Anne Verjus – Denise Davidson
Champ Vallon, 2011, 26.50 €
Lors du déménagement du musée des archives de Lyon, on a découvert la correspondance de la famille Morand. Elle a été utilisée par Anne Verjus, qui en publie des extraits et resitue cette famille dans la grande histoire.
Briançonnais installé à Lyon, artiste, ingénieur, architecte et urbaniste, Jean-Antoine Morand de Jouffrey a épousé Magdeleine Guilloud, fille d'un grand bourgeois lyonnais, en 1785. A partir de leurs échanges épistolaires, Anne Verjus retrace les étapes, les aléas et les normes de la vie conjugale à cette époque dans la haute société, la place des enfants, l'éducation des filles….
En filigrane apparaît aussi l'histoire du Pont des Brotteaux, qui a été construit à l'initiative de Morand. En 1794, jugé par une commission révolutionnaire, Morand, progressiste mais pas révolutionnaire, nia toutes convictions royalistes, mais fut néanmoins condamné et décapité.
22:48 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité de lecture
13/02/2013
Planning des bouillons
Nos prochains Bouillons de lecture, ouverts à tous les amateurs de lecture
21 février à Soucieu : coups de coeur
21 mars à St Laurent d'Agny : Gabriel Garcia Marquez
18 avril à Orliénas : auteurs Irlandais
16 mai à Soucieu :
La vallée des masques, Tarun Tejpal
La vérité sur l’affaire Harry Québert, Joël Dicker
Rue des voleurs, Mathias Enard
(Les déracinés, Amin Maalouf)
(Ce qu'il advint du sauvage blanc, François Garde)
14:56 Publié dans Animation, Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
11/02/2013
Haruki Murakami
Kafka sur le rivage
Belfond 2006, 23 €
Récit initiatique dans le Japon actuel.
Kafka Tamura fugue le jour de ses 15 ans. Il fuit sa maison de Tokyo et son père, sculpteur célèbre, "avant d'être trop abîmé". Instinctivement il se dirige vers l'île de Shikoku, où le climat est plus doux. Là, il trouve refuge auprès de plusieurs personnes, et en particulier dans une bibliothèque privée calme et spacieuse, où le personnel, extra-ordinaire, l'aide à progresser vers sa vérité.
De son côté, Nakata, vieil homme simple d'esprit, mais qui parle aux chats, vit des évènements extraordinaires. Lui aussi doit prendre la route, poussé par une sorte d'appel impérieux.
Ces deux personnages semblent évoluer hors du temps, aidés lorsqu'il en est besoin par les gens qu'ils rencontrent. Dans une inquiétante étrangeté, leur destin semble converger inexorablement, accompagné de phénomènes météorologiques étranges : pluie de sardines, de sangsues, tonnerre…
Un roman énigmatique et onirique, avec une part d'inexplicable… certaines actions sont dictées par l'inconscient, d'autres passent par le canal des rêves, des personnes ou des fantômes passent la frontière de la mort…
Malgré la part inexplicable, ou inexpliquée du roman, je l'ai trouvé envoutant et splendide !
Au Sud de la Frontière, à l'Ouest du Soleil
Belfond, 2002, 18.30 €
Roman intime dont le héros est en quête d'un inaccessible amour absolu.
Au seuil de l'adolescence, Hajime a connu une amitié/amour intense avec la douce Shimamoto-San, la seule personne avec qui il ait jamais pu parler à nu, jusqu'à ce que la vie les sépare. Toute sa vie, il a recherché le sentiment de plénitude, de complétude qu'il ressentait auprès d'elle.
Aujourd’hui, à l’aube de la quarantaine, Hajime est devenu un homme riche et s’est construit une vie agréable entre sa famille et un métier de gérant de bars de jazz qui lui plaît. Des femmes l'ont aimé, sa femme l'aime, mais il donne assez peu de lui. Il a toujours la sensation d'être le spectateur de sa vie, l'insatisfaction semble être l'essence même de son être.
Jusqu'à ce que Shimamoto-San réapparaisse dans sa vie, et le fasse souffrir.
Toujours aussi amoureuse, elle se montre mystérieuse et inaccessible. On ne sait jusqu'au bout presque rien de la vie de Shimamoto-San, et le lecteur est presque aussi frustré que Hajime. La fin du roman est ouverte, et le lecteur a toute latitude d'imaginer quelle évolution va suivre la relation de Hajime avec sa femme.
Il y a des choses dans la vie qu'on peut changer et d'autres non. Le temps par exemple est irrattrapable. Il est impossible de revenir sur le passé. […]Avec le temps, les choses se figent, comme du plâtre dans un seau, et on ne peut plus revenir en arrière. Le "toi" que tu es maintenant est solidifié comme du ciment et tu ne peux pas être autre que ce que tu es aujourd'hui… (p. 17)
Le titre est une référence
- aux rêves et fantasmes sur ce qui pourrait exister de l'autre côté de la frontière
- à l'hystérie sibérienne (expliquée page 187)
La musique (jazz) est très présente, avec le titre "star-crossed lovers", musique de Roméo et Juliette composée par Duke Ellington et Strayhorn pour le festival Shakespeare (Ontario).
J'ai trouvé ce roman assez universel, les aspects typiquement japonnais m'ont paru peu développés, si ce n'est que les personnages font preuve d'une extrême civilité et s'excusent beaucoup. En toile de fond, également, Tokyo, sa croissance effrénée, et la spéculation qui l'accompagne, à laquelle le héros refuse de céder.
Aline
21:16 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, japon
Bouillon Japonais
Nous avons le plaisir d’accueillir Denise, qui a vécu 20 ans au Japon, et apporte à nos lectures un éclairage culturel différent.
Les Japonais lisent beaucoup, y compris la littérature étrangère, traduite en japonais depuis longtemps. Inversement, en France, c’est seulement depuis quelques décennies qu’un gros travail de traduction et de diffusion des œuvres asiatiques a été entrepris, par les éditions Actes Sud et Picquier. Le Japon est très bien équipé en médiathèques, voire en fondations privées, et on y trouve aussi beaucoup de magasins de livres d’occasion.
Chez certains auteurs japonais contemporains, le roman traduit des courants universels. Néanmoins, même les auteurs actuels introduisent souvent des touches de fantastique ou d’irrationnel dans le quotidien. Pour les adeptes du Shintoïsme, tout a une âme, et on passe très vite d’un monde réel à un monde irréel. Les relations avec les morts sont naturelles, donc normales aussi les apparitions dans les récits des âmes de revenants ou de spectres.
Haruki Murakami, dans Kafka sur le rivage, fait intervenir des spectres, et le héros tombe amoureux à la fois d’une femme d’âge mur et de son spectre adolescent. Asada Jiro, dans Le Cheminot : parvenu à la retraite, le cheminot voit apparaître sa fille morte, aux différents âges qu’elle aurait pu avoir.
Le culte des ancêtres est fondamental. La fête des morts a lieu chaque année en août. C’est l’occasion de retourner au village natal, de retrouver la famille pour de grandes festivités. On peut voir à ce moment-là l’état de santé financier de la famille… Dans toutes les maisons, une pièce spéciale, à tatamis (la pièce à invités), contient les autels des ancêtres, sur lesquels on dépose des offrandes, car le mort rend visite. Bien sûr, vu l’exiguïté croissante des logements, l’autel est de plus en plus petit…
Les japonais professent une grande tolérance vis-à-vis des religions, ne rechignant pas à en pratiquer plusieurs (multi-assurance ?). « On nait shintoïste, on se marie catholique, on meurt bouddhiste ».
Peut-être sous l’influence du Shintoïsme, un courant d’écriture s’attache à décrire la vie au jour le jour, les petits riens qui font que la vie n’est pas si mal que ça. Kawakami Iromi, avec La brocante Nakano, raconte le bonheur simple des gens qui ont peu d’exigences. Dans Les années douces, elle évoque les heures passées au bar, à boire et à manger… et peu à peu des sentiments fins et subtils émergent.
Par ailleurs la dualité bien/mal, telle que nous la connaissons avec notre morale judéo-chrétienne, n’existe pas. Ce sont plutôt les conventions sociales qui régissent les relations entre personnes. D’où l’importance d’une attitude extrêmement polie, souriante et policée. Le silence a une grande place : on ne s’impose pas à l’autre. Dans Le musée du silence, de Yôko Ogawa, une vieille femme veut organiser un musée à partir des objets personnels qu’elle a dérobés à chaque défunt du village, sortes de témoins silencieux de leur vie.
Il est évident que pour autant le Japon n’échappe pas à la violence. L’auteur Riyû Murakami par exemple, montre surtout la face noire et violente du pays. Yôko Ogawa ne porte pas de jugement dans ses romans, mais expose parfois une cruauté certaine, qui met le lecteur (en tout cas européen) mal à l’aise, par exemple dans La piscine ou dans Hôtel Iris.
L’amour n’a pas la même fonction qu’en Europe. Le mariage sert traditionnellement au prolongement de la lignée, et le fils aîné a un rôle prépondérant. Tanizaki, dans Les quatre sœurs, présente une famille ayant 4 filles, dans les années quarante et cinquante, où le mariage des quatre sœurs est arrangé par ordre d’âge impérativement, par le mari de la fille aînée. Ce récit est situé à Kyoto, ville impériale où la tradition est très forte.
Sawako Ariyoshi, auteur féministe, conteste la position de la femme ainsi que la place du fils aîné dans Les dames de Kimoto.
Néanmoins les femmes japonaises sont de plus en plus entreprenantes, dans les PME, dans le milieu de l’architecture et du design par exemple. Haruki Murakami, dans 1Q84, met en scène toute une génération de femmes qui veulent être indépendantes, et ne se marient pas pour se consacrer à leur carrière.
Un autre thème, lui, très japonais, est apparu au cours de nos lectures : les relations difficiles entre le Japon et la Corée. Aki Shimazaki, dans les 5 tomes de Le poids des secrets (secrets de famille), évoque la diaspora des Coréens mal intégrés au Japon dans les années 20, et les tensions entre les deux ethnies lors de la deuxième guerre mondiale. Les Coréens, considérés comme ennemis, étaient suspectés de traitrise et maltraités…
Tout comme les ressortissants d’origine japonaise en Amérique du Nord à la même époque : voir les romans de Julie Otsuka Quand l’empereur était un Dieu, et Certaines n’avaient jamais vu la mer.
Nous évoquons de nombreux autres romans qui nous ont plu :
Les belles endormies, de Yasunari Kawabata, un très beau classique
Un artiste du monde flottant, de Kazuo Ishiguro
La formule préférée du professeur, de Yôko Ogawa
Ainsi que des romans policiers :
Le vase de sable, de Seicho Matsumoto
La proie et l’ombre, de Edogawa Rampo, premier auteur de romans policiers japonais, qui se réclame d’Edgar Allan Poe, dont les œuvres sont assez faciles à lire, plutôt psychologiques
La ritournelle du démon, La hache le kôto et le chrysanthème, de Seishi Yokomizo, se lisent d’une traite, ont beaucoup de rythme, mais aussi de nombreux personnages !
Ce jeudi-là, au Bouillon, nos échanges étaient très riches et informels, donc la prise de notes était difficile. J’espère ne pas avoir trahi l’essentiel. Aline
14:41 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : roman, japon
10/02/2013
L'île du lézard vert
L'île du lézard vert
Eduardo Manet, Flammarion, 1992
Dans la suite de notre "bouillon de lecture" sur les auteurs Cubain, je me suis plongée dans ce roman lauréat du prix Goncourt des lycéens en 1992.
"Un jour j'ai vu sur la mer une île toute paresseuse, immobile sur les vagues, comme un long lézard vert."
Cette île, c'est Cuba, pays prospère et excessif à la fin des années quarante, vu par les yeux d'un jeune étudiant. Malgré ses origines bourgeoises, le héros, fort de son amitié avec le brillant "Lohengrin", tente de participer à son combat communiste, sans pour autant parvenir à adhérer aux méthodes des représentants du Parti.
Mais sa véritable passion va aux femmes : sa mère, belle, excessive, terriblement jalouse des conquêtes de son père et étouffante pour son "Niño" ; Gipsie, son initiatrice et amante, sensuelle, cultivée et féministe ; l'évanescente Hanna, passionnée de piano et fille de millionnaire…
Pendant les étés 48, 49 et 50, le héros franchit plusieurs étapes vers l'âge adulte, et se libère de ceux qui l'entravent ou l'utilisent.
Son évolution sentimentale et politique est l'occasion pour l'auteur de transmettre de nombreux éléments historiques sur Cuba, aussi le roman est-il très instructif.
21:11 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, cuba
24/12/2012
Cuba
Auteurs cubains
Par ordre d'âge, voici les auteurs cubains dont nous avons lu des ouvrages. Des thèmes nous ont semblé récurrents, chez plusieurs auteurs : pauvreté, corruption, exil, sensation de vide… et le rhum, qui coule à flots ! Les conséquences des événements historiques se font sentir, depuis la colonisation jusqu'à la longue dictature communiste, ébranlée par la chute du mur et le démantèlement de l'URSS.
Guillermo Cabrera Infante (1929-2005)
Il a reçu en 1967 le prix du meilleur livre étranger pour Trois tristes tigres, et en 1997 le prix Cervantes pour l'ensemble de son œuvre. En 1958, l'auteur s'est exilé en Espagne, puis à Londres. Les deux recueils de nouvelles suivants ont été lus, mais pas appréciés par nos lectrices… trop noirs ?
Dans la paix comme dans la guerre (Gallimard, 1998)
Nouvelles écrites entre 1950 et 1958. Ce sont des chroniques de la vie quotidienne à Cuba, qui montrent la société cubaine sous la dictature de Batista : meurtres, oppression, et une profonde colère qui explique le soutien du peuple cubain à la révolution castriste.
Coupable d'avoir dansé le cha-cha-cha (Gallimard, 1999)
Comme le rythme du cha-cha-cha, les trois nouvelles de ce livre progressent par répétition et contraste. Elles commencent toutes par une scène identique : un après-midi de pluie, un homme et une femme déjeunent dans un restaurant du centre-ville de La Havane. Cette rencontre donne lieu, à chaque fois, à une histoire d'amour différente et à une approche d'un des multiples visages de Cuba.
Eduardo Manet (1930- )
Ecrivain et réalisateur d'origine cubaine, Eduardo Manet a longtemps soutenu les révolutionnaires cubains. Exilé en France depuis 1968, de nationalité française depuis 1979, il a obtenu en 1992 le prix Goncourt des lycéens pour L'Ile du lézard vert (Flammarion)
Rhapsodie cubaine (Grasset, 1996)
L'action débute en juillet 1959. Edelmiro Sargats, homme d'affaires prospère, décide de quitter Cuba avec sa famille avant que l'île ne devienne un bastion du communisme. Les comportements diffèrent selon les exilés : les parents s'efforcent de recréer leur paradis cubain en Floride, dans ce quartier de Miami que l'on appelle la Petite Havane, et rêvent de revenir un jour au pays. Le fils, Julien, fait tout pour s'intégrer aux Etats-Unis… Prix Interallié en 1996.
Leonardo Padura Fuentes (1955- )
Né à La Havane, il vit toujours dans son quartier de Mantilla, qu'il partage avec son héros récurrent Mario Conde. Critique littéraire, scénariste, essayiste, Leonardo Padura s'attache à montrer la réalité sociale qui l'entoure. Il semble -et cela nous a surpris- qu'il n'ait pas été inquiété pour ses écrits. En 2012, il a même reçu le prix national de littérature de Cuba.
Le cycle des saisons comporte 4 tomes. Dans les trois que nous avons lus, ainsi que dans Meurtre d'un chinois à la Havane, l'intrigue policière n'est qu'un prétexte pour montrer les dérives de la société cubaine :
Vent de Carême (Metailié, 2004)
L'inspecteur Mario Conde rencontre une saxophoniste de jazz alors qu'il débute une enquête délicate. En même temps que le bonheur que lui apporte l'amour et la musique, il découvre les côtés obscurs de la société cubaine : drogue surtout, fraude, trafic d'influences, décomposition sociale...
Electre à la Havane (Metailié, 1998)
L'inspecteur enquête sur le meurtre d'un homosexuel, dans une société où cette "déviance capitaliste" est fortement réprimée. Parallèlement, il est confronté à un enquête au commissariat, qui révèle la corruption de ses collègues.
L'automne à Cuba (Metailié, 2000)
A 35 ans, Conde est un excellent policier. Il est certes désordonné, boit trop, travaille de façon intuitive, cependant il résout ses affaires avec succès. Décidé à démissionner suite aux affaires de corruptions dans son commissariat, il doit néanmoins résoudre une dernière enquête, liée à la période des confiscations de villas et d'objets de valeurs des Cubains fortunés partis en exil après la révolution. Sa rencontre avec les profiteurs du régime communiste ne fait que l'écœurer d'avantage, et il appelle de tout son être l'arrivée de l'ouragan Felix qui donnera l'illusion d'un grand nettoyage… Il cherche à se consacrer à l'écriture, tandis que ses amis de jeunesse et de beuverie réfléchissent au néant de leur existence et au sens à donner à leur vie.
Adios Hemingway (Metailié, 2005)
Mario Conde mène une ultime enquête délicate : en effet, les pluies diluviennes ont déraciné un énorme manguier dans l'ancienne résidence à La Havane de Hemingway, mettant à jour un cadavre… et une plaque du FBI. Conde se penche sur les derniers jours d'Hemingway, qu'il a tant admiré lorsqu'il était jeune, mais qui n'apparaît pas ici sous son meilleur jour. Sous la plume de Conde, ou de Padura, il devient un aventurier, avide de prouver sa force et sa virilité, qui aurait en quelque sorte pris sa retraite à La Havane, sans jamais s'intéresser réellement à la vie de la population. Ni même à celle de ses employés, si ce n'est pour se les attacher. Américain communiste, il aurait été surveillé jusqu'à sa mort par le FBI…
Ce court roman peut désarçonner car il alterne sans préavis entre deux époques : les derniers jours d'Hemingway à Cuba, en 1958, et l'enquête de Conde, qui présente peu d'intrigue, pas d'action, mais est plutôt prétexte à réfléchir sur l'écrivain et l'écriture.
Le palmier et l'étoile (Métailié, 2003)
Fernando revient passer un mois à La Havane, après 18 ans d'exil, espérant enfin trouver le mystérieux manuscrit autobiographique du grand poète José Maria Heredia, auquel il a consacré sa thèse. Il veut aussi tirer au clair les circonstances qui l'avaient contraint à l'exil, trouver qui l'avait dénoncé. Cette recherche alterne avec le journal de Heredia, alors que Cuba luttait pour son indépendance, et avec les réflexions du fils du poète, franc-maçon, vers 1920. Peu à peu émergent des parallélismes surprenants dans la vie des trois hommes, pris dans la tourmente de l'histoire politique de Cuba. Dénonciations, exil, intrigues politiques et trahisons semblent inévitables…
Zoé Valdes (1959- )
En 1995, après la publication de son roman « Le néant quotidien », elle est contrainte à l’exil, pour insoumission au régime castriste, accompagnée de son conjoint et de sa fille. Romancière, poète et scénariste cubaine elle réside en France.
Nos lecteurs n'ont pas aimé ses œuvres récentes : Danse avec la vie (Gallimard, 2009), Le pied de mon père (Gallimard, 2002). Des pages trop crues, trop violentes, les ont mis mal à l'aise. Par contre, Annie a beaucoup aimé La douleur du dollar (1997) et Le néant quotidien (1995).
Le néant quotidien (Actes Sud, 1995)
Zoé Valdes raconte l'histoire d'une jeune Cubaine, engluée dans le néant de sa vie quotidienne. Au travail –et elle a de la chance d'avoir du travail- elle attend que les heures passent. Elle a deux liaisons, peut-être pour échapper au vide et à la vie cubaine morose de la " période spéciale " : privations, pénurie, liberté si précaire… L'auteur décrit Cuba comme "l'île qui avait voulu construire le paradis et qui engendra l'enfer".
Karla Suarez (1969- )
Ingénieur et écrivaine, elle a vécu quelques années, à Rome et à Paris, et vit actuellement au Portugal.
Tropique des silences (Metailié, 2002)
Au passage de l'enfance à l'adolescence, celle que ses copains ont longtemps surnommée P'tit Mec s'interroge sur ses origines, et se dresse contre les obsessions et les mensonges familiaux. Elle cherche sa voie, mais contrairement à beaucoup d'autres, elle refuse de quitter Cuba... se privant ainsi d'avenir ? Prix du premier roman en Espagne en 1999.
La voyageuse (Metailié, 2005)
Par un procédé de lecture de journal intime et de flashbacks, le roman déroule la vie de deux Cubaines, exilées par choix. L'une, nomade, "cherche sa ville" et arpente les capitales, ne s'arrêtant jamais plus de quelques années au même endroit. L'autre, sédentaire, évite tous les risques, y compris celui de la maternité. Leurs retrouvailles permettent de s'interroger sur les choix et la façon de vivre l'exil de chacune. Un peu partout dans le monde (Brésil, Mexique, Paris, Rome…), la communauté cubaine exilée semble toujours prête à la solidarité, aux visites (trop) prolongées, aux soirées bruyantes et alcoolisées, à la nostalgie. Prix français du livre insulaire en 2012.
14:22 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba
18/11/2012
Bouillon américain
A l'occasion de la venue de la troupe du théâtre des Célestins à Mornant, pour jouer "Mort d'un commis voyageur" d'Arthur Miller, notre Bouillon de lecture s'est américanisé.
Voici déjà les recettes du soir, réclamées par les participants. Je suis sympa, je vous les ai traduites !
Peanut Butter Cookies
½ tasse beurre ou margarine / ½ tasse beurre de peanut butter / ½ tasse sucre brun en poudre / ½ tasse sucre blanc en poudre / 1 + ¼ tasse farine / 1 œuf / 1 cuil. à thé vanille / 1 cuil. à thé bicarbonate de soude / ¼ cuil. à thé sel
Mettre en crème le beurre, le beurre d'arachide et les sucres. Ajouter l'œuf et la vanille, mélanger. Ajouter la farine, le sel, le bicarbonate de soude, et former une pâte dense, pas trop collante, qui ne devrait pas trop s'émietter. Faire des boules d'un pouce de diamètre, les espacer sur la plaque du four, les aplatir un petit peu en appuyant à la fourchette. Cuire à 375° F (180° C) pendant environ 10 mn. Laisser refroidir les cookies 2 mn avant de les retirer de la plaque.
Rice Krispies Squares
¼ tasse beurre / 32 gros chamallow / 4 tasses céréales de riz souffé, ou de riz soufflé au chocolat. Allez, je vous aide : je mets 125 g beurre, 1 gros sachet de 350 g de chamallows, et un paquet de 370 g de céréales (type Rice Krispies ou Choco Pops).
Dans une grande casserole, faire fondre le beurre. Ajouter les chamallows, et les faire fondre à feu doux. Eteindre le feu et ajouter les céréales. Mélanger jusqu'à ce que les céréales soient bien recouvertes. Presser le mélange dans un grand plat (j'utilise une plaque à gâteau roulé ou un plateau). Laisser refroidir 2 heures avant de découper en carrés ou en barres.
15:31 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuisine
29/10/2012
Mort d'un commis voyageur
Bouillon de lecture
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Mort d'un commis voyageur
Jeudi 15 novembre
20h15 à la bibliothèque
Des représentants du théâtre des Célestins à notre rencontre autour de l’œuvre d’Arthur Miller, et de la mise en scène de Claudia Stavisky
17:10 Publié dans Animation, Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre
28/10/2012
Bouillon de cuisine
Cuisine et romans
Pour ce bouillon culinaire, Geneviève s'est surpassée en nous accueillant avec un somptueux moelleux au chocolat !
Les romans lus autour de ce thème présentent un aspect gourmand et sensuel, auquel nous n'avons pas été insensibles...
Le cuisinier, de Martin Suter, C. Bourgeois, 2010, 20€30
Au Sri Lanka, Maravan était un jeune cuisinier prometteur, initié par sa grand-mère aux préparations ayurvédiques. Réfugié en Suisse, il travaille comme simple commis dans un restaurant renommé, mais passe tous ses loisirs à expérimenter de nouvelles recettes. Un jour, l'emprunt au restaurant d'un coûteux appareil servant aux préparations moléculaires lui vaut d'être renvoyé. Sa collègue Andrea, ayant découvert –à ses frais- son don particulier, lui propose alors de créer une entreprise de dîners aphrodisiaques à domicile. Maravan est en proie aux affres de sa conscience : sa morale et sa religion lui interdisent de corrompre sa cuisine en rapprochant des couples illégaux, mais comment s'assurer que les clients sont des couples mariés ? et comment résister aux pressions des tigres tamouls qui veulent leur part du gâteau et menacent sa famille restée au pays ?
Une approche originale de la cuisine moléculaire et de la cuisine ayurvédique, sur fond de crise financière mondiale et d'affaires véreuses.
Coup de cœur du Bouillon.
L'affaire du cuisinier chinois, Pascal Vatinel, le Rouergue, 2007, 19 €
Prenez un vieux cuisinier qui perd un peu la main, un jeune chef qui a voyagé pour parfaire sa cuisine, un roi gourmant et gourmet, et organisez un tournoi culinaire. Saupoudrez de homards explosifs, de soupes légères, de présentations extraordinaires mêlant le yin et le yang. Mélangez avec un amour impossible et de terribles trahisons. Plongez le tout dans la complexe et foisonnante histoire de la Chine, à l'époque des Royaumes Combattants, juste avant le règne de Qin Shi huangdi.
Ajoutez, de nos jours, deux vieux amis, archéologue et paléographe, aux prises avec des hauts fonctionnaires corrompus. Mélangez. Vous obtiendrez un roman gastronomico-archéologique complexe et foisonnant, qui mêle intrigue policière et délices culinaires d'hier à la corruption d'aujourd'hui !
Mangez-moi, Agnès Desarthe, L'Olivier, 2006, 20.30 €
Myriam, cuisinière dans un cirque, perd sa place lorsque celui-ci ferme. Elle décide d'ouvrir son restaurant, "Chez moi", mais faute d'argent doit aussi vivre dans ses locaux. Peu à peu, les clients découvrent ce restaurant à la cuisine familiale : fleuriste, amoureux, étudiants,… composent une petite cour des miracles. Myriam, plus cuisinière que financière, est aussi intransigeante avec elle-même qu'elle est généreuse avec les autres. Elle ressent beaucoup de culpabilité par rapport à son passé d' "atrophiée de l'amour maternel" et ne se pardonne rien. Cependant cuisiner pour ceux qui l'entourent semble lui redonner confiance.
Un roman facile à lire, plutôt optimiste et généreux malgré le mal de vivre du personnage principal.
Les liaisons culinaires, Andreas Staïkos, Actes Sud (Babel), 2007, 6.50 €
Dimitris et Damoclès, voisins dans le même immeuble, sont tous deux éperdument amoureux de la séduisante Nana. Fins cuisiniers, ils l'accueillent à tour de rôle, sont aux petits soins pour elle, littéralement à ses pieds ! Comme elle est aussi friande de bons petits plats que gourmande des délices de l'amour, les deux hommes lui préparent des dîners avec amour et rivalisent pour gagner sa préférence… même après avoir réalisé qu'elle leur ment et se joue d'eux !
En 17 menus et 36 recettes grecques, toutes simples, appétissantes et parfumées –autant de rendez-vous- Staïkios campe un marivaudage léger, drôle et digeste.
Cuisine tatare et descendance, Alina Bronsky, Actes Sud, 2012, 23.40 €
Malgré le titre, aucune dégustation dans ce roman, si ce n'est une effroyable cuisine relationnelle, concoctée par une terrible maîtresse-femme, belle et raffinée, qui méprise son entourage. Toujours contente d'elle-même, sans états d'âme, elle traite son mari de péquenaud, sa fille de "moche et débile", et manipule tous ceux qui l'entourent ! Une critique mordante et cynique de la Russie des années 1980.
Voir la critique de Jacqueline.
Chocolat, Joanne Harris, Quai Voltaire, 2001
Lansquenet est un village tranquille du Sud-Ouest, dans les années 1960. Les habitants y mènent une vie tranquille, un peu somnolente, agrémentée de commérages. L'arrivée de Vianne Rocher, parisienne, qui installe une confiserie-chocolaterie en face de l'église – en période de Carême, qui plus est- provoque un émoi considérable ! Le village est partagé entre ceux qui succombent à son charme et à ses gourmandises, et ceux qui, à la suite du curé austère, considèrent que cette boutique menace l'ordre et la moralité.
Un film adapté de ce roman a été réalisé par Lasse Hallström en 2000. Plusieurs romans de Joanne Harris ont des thèmes proches de la nourriture : les cinq quartiers de l'orange est situé dans un restaurant. Annie a beaucoup aimé Le vin de bohême, empreint de parfums et de sensualité.
Le cuisinier de Talleyrand : meurtre au congrès de Vienne, par Jean-Christophe Duchon-Doris, Julliard, 2006, 19 €
Ce roman policier est principalement situé dans les cuisines de Talleyrand en pleine effervescence, en 1814, pendant le congrès de Vienne qui a suivi la chute de Napoléon. Les puissances européennes ont vaincu Napoléon et se réunissent pour se partager l'empire ; la France est en disgrâce, et l'habile Talleyrand use de tous les moyens pour redorer son blason. Pour amadouer les plus récalcitrants, il engage pour l'évènement Marie-Antoine Carême (dit Antonin), meilleur cuisinier de son temps. Mais lorsqu'un maréchal est retrouvé assassiné, la police autrichienne suspecte que le nœud de l'intrigue se trouve dans le palais occupé par Talleyrand, et plus précisément dans ses cuisines. Il s'établit entre le policier chargé de l'enquête et Antonin une relation autant faite de respect et d'admiration que de soupçon.
Antonin Carême, génie de la cuisine, a consacré toute son existence à la gastronomie, et cuisiné chez les plus grands : le prince de Talleyrand, le prince régent d'Angleterre (futur Georges IV), l'empereur d'Autriche, le baron de Rothschild, etc. Sa cuisine marque la transition entre la cuisine du Moyen-Âge et celle d'aujourd'hui. Il a exécuté des pièces montées extraordinaires, et ne séparait pas l'architecture de la pâtisserie : "les beaux-arts sont au nombre de cinq, à savoir: la peinture, la sculpture, la poésie, la musique et l'architecture, laquelle a pour branche principale la pâtisserie." La fin de sa vie a été consacrée à la rédaction de plusieurs livres sur la cuisine, dont L'Art de la Cuisine française, encyclopédie en 5 volumes (1833-1834), qui comprenait des centaines de recettes, des menus et des plans de table, une histoire de la cuisine française et des instructions pour l'organisation de cuisines.
L'école des saveurs, Erica Bauermeister, Presses de la Cité, 2009, 19.30 €
Lilian n'a que 4 ans lorsque son père part. Elle se retrouve livrée à elle-même face à une mère dépressive, noyée dans les livres pour oublier. Lilian développe une passion pour la cuisine, et met beaucoup d'émotion et de sensualité dans ses recettes pour sortir sa mère de son chagrin. La description du chocolat chaud qui extorquera le premier sourire de sa mère est savoureuse !
Vingt ans plus tard, elle anime tous les lundis un atelier de cuisine dans son restaurant. Durant deux saisons, elle partage les tentatives culinaires et les aspirations secrètes de ses élèves de tous horizons.
L'école des saveurs… ou la thérapie par la cuisine !
Le voyage de cent pas, Richard C. Morais, Calmann-Lévy, 2011, 19.30 €
Hassan grandit à Bombay, au-dessus du restaurant familial, entouré des odeurs de cuisine, dans une Inde gourmande et voluptueuse. Mais au moment de la Partition entre Inde et Pakistan, sa mère décède dans l'incendie du restaurant. La famille émigre et finit par se fixer dans un village du Jura, où elle ouvre un petit restaurant tout près du restaurant deux étoiles de Mme Mallory. Cuisine indienne et française se font concurrence, jusqu'à ce que Mme Mallory accepte de former le jeune Hassan. En effet, "cet adolescent maigrichon possède ce petit quelque chose qu’on ne rencontre qu’une fois par génération. C’est un chef né. Un artiste. " Cent pas, c’est la courte distance qui sépare le boui-boui familial du restaurant deux étoiles.
Roman gourmand, qui mêle intégration et cuisine, et aborde le petit monde de la gastronomie française.
17:04 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuisine