17/02/2019
Joyce Carol Oates
C'est la bibliothèque de Chassagny qui nous accueille pour le "bouillon de lecture" du 14 février. Les gourmandises du jour, petits coeurs, flan parisien et strudel, ne sont pas de trop pour nous réconforter avant d'aborder l'oeuvre de Joyce Carol Oates, monument de la littérature américaine.
Joyce Carol Oates est née en 1938 dans l’Etat de New York. Diplômée de l'université de Syracuse et de celle du Wisconsin, elle partage sa vie avec Raymond J. Smith, professeur de littérature anglaise. Elle enseigne à Detroit, « une ville où la violence et les tensions raciales sont vives », au Texas, en Ontario (Canada), puis à l'université de Princeton, au New Jersey. Son œuvre littéraire regroupe une centaine d’ouvrages, romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, poèmes, livres pour la jeunesse… ainsi que des polars, sous les pseudonymes de Rosamond Smith et Lauren Kelly.
Les romans que nous avons lus se distinguent par leur noirceur, et la complexité des personnages, qui souvent présentent une personnalité publique différente de leur « moi » profond. JCO n’hésite pas à multiplier les retours en arrière, et la structure de ses romans n’en facilite pas la lecture. Tous décrivent des facettes d’une Amérique plutôt bigote et peu reluisante.
Nulle et Grande Gueule
Gallimard, 2002
Trad. de Big Mouth and Ugly Girl, 2002
Grande et mal dans sa peau, ursula se trouve nulle. Matt, lui, aime rire et blaguer. Un jour, il propose en plaisantant de poser une bombe au lycée. Accusé de terrorisme, il est arrêté par la police. Exclu du lycée quelques jours, ostracisé, il n'est plus soutenu que par Ursula. Dans ce roman "jeunesse" (ou pas), JCO dénonce le conformisme et l'hypocrisie de la société américaine.
Les Chutes
P. Rey, 2005
Trad. de The Falls, 2004
Après le suicide inattendu de son premier mari au lendemain de leur nuit de noces à Niagara, Ariah "la veuve blanche des chutes", épouse Dirk, et se consacre à ses trois enfants, sa maison et son piano. Brillant avocat, Dirk s'occupe d'une affaire de pollution industrielle, lorsqu'il meurt brutalement d'un accident dans les Chutes. Ce n'est que longtemps après, lorsque le scandale concernant la pollution refait surface, que les enfants enquêtent... Le regard sur l'Amérique est intéressant, mais les personnages peu sympathiques, et le style répétitif rendent la lecture fastidieuse.
Un endroit où se cacher
Albin Michel, 2010
After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away, 2006
Suite à un accident, Jenna a perdu sa mère. Culpabilité, comportement auto-destructif... elle vit avec un oncle et une tante plutôt sympas, mais refuse leur aide. Ce roman ado finit sur une note positive.
Petite soeur, mon amour : l'histoire intime de Skyler Rampike
P. Rey, 2010
Trad. de My Sister, My Love, 2008
Inspiré de l'histoire d'une mini-miss assassinée en 1996, le roman est présenté comme le journal intime de son frère Skyler. Dans cette famille dysfonctionnelle, les parents projettent leurs rêves sur les enfants : gymnastique pour le fils, patin à glace et mannequinat pour sa petite soeur Bliss. Lorsque la fillette est retrouvée assassinée, l'enquête conclut à la culpabilité d'un soit-disant pédophile. Mais était-il coupable ?
Petit oiseau du ciel
P. Rey, 2012
Trad. de Little Bird of Heaven, 2009
Little Bird of Heaven est le titre d'une chanson interprétée par Zoé, jolie et aguicheuse, qui rencontre un joli succès local. Lorsque le groupe de Zoé se fait arnaquer par un pseudo impressario, elle sombre dans l'alcool et la drogue, et finit assassinée. Les soupçons se portent sur Delray, le mari dont Zoe est séparée, et Eddy Diehl, son amant. L'auteur dissèque l'impact du drame sur leurs familles : comment leurs enfants ressentent les choses, dites ou non-dites. Beaucoup de violence, d'alcool, de drogue...
Mudwoman
P. Rey, 2013
Trad. de Mudwoman, 2012
USA, 2002, après la chute des Twin Towers, la guerre contre l'Irak est en gestation. Dans le milieu universitaire, Meredith Ruth Neukirchen est une superwoman, première femme présidente d'université. Dédiée à son travail corps et âme, non pas pour sa réussite personnelle, mais par dévouementt -et parce qu'une femme doit se battre davantage qu'un homme pour éviter de donner prise aux critiques. Corsetée dans son personnage public, elle bascule cependant lorsque ses souvenirs de "mudgirl", l'enfant tondue et sacrifiée dans les marais par une mère folle fanatique ressurgissent. Le sujet est très prenant, et l'étude de personnages (foyer d'accueil, parents adoptifs Quakers, professeurs...) fouillée. Pour autant, le roman déroute par son accumulation d'allers-retours temporels, à laquelle viennent s'ajouter cauchemars et hallucinations. La lecture est donc en même temps longue, un peu pénible... et captivante.
Daddy Love
P. Rey, 2016
Trad. de Daddy Love, 2013
Sur un parking de supermarché, Robby, un petit garçon de 5 ans, est enlevé par un prédateur sexuel, prêcheur itinérant. Rebaptisé Gidéon, il grandit auprès de lui dans une ferme, maté par quelques punitions terribles. Peu à peu, il réalise qu'il est le 4ème d'une série, et que les garçons précédents ont disparu à la puberté. JCO déploie des raffinements de cruauté pour emmener son lecteur dans un univers horrible.
Carthage
P. Rey, 2015
Trad. de Carthage, 2014
Dans la petite ville de Carthage (Adirondacks), une famille bourgeoise voit grandir ses deux filles, la jolie et pieuse Juliet, et Cressida,intelligente et différente (rebelle ? autiste ?). Juliet rompt avec son fiancé, revenu de la guerre en Irak assez amoché, physiquement et psychologiquement. Lorsque sa soeur Cressida disparait, il est accusé et emprisonné. JCO met en scène une Amérique très provinciale, et le monde carcéral aux Etats-Unis.
Valet de Pique
P. Rey, 2017
Trad. de Jack of Spades, 2015
Auteur à succès de romans policiers, Andrew J. Rush publie également sous un pseudo des polars sulfureux et pornographiques. Lorsque cet équilibre tout en dissimulation est menacé, le Valet de Pique refait surface... Thriller autour d'un personnage double.
Nous finissons par deux livres plus personnels, qui -au travers de l'histoire personnelle de l'auteur et de son récit familial- jettent un éclairage sur l’œuvre de Joyce Carol Oates :
Paysage perdu
P. Rey, 2017
Trad. de The Lost Landscape: A Writer's Coming of Age, 2015
Comme un puzzle à reconstituer par le lecteur, il regroupe des fragments de souvenirs en chapitres courts, qui donnent des indications sur la construction de l'auteur : son enfance sur une ferme isolée, proche de grands-parents d’origine hongroise, sa petite sœur « différente », son goût pour l’écriture depuis le plus jeune âge, ses rapports à sa grand-mère Blanche qui lui offrit sa première machine à écrire…
La fille du fossoyeur
P. Rey, 2008
Trad. de The Gravedigger’s Daughter, 2007
Inspiré de la vie de la grand-mère de l’auteur. Rebecca, petite dernière d’une famille de juifs allemands réfugiés d’Europe, est la seule née sur le sol américain. Son père -autrefois professeur- doit travailler comme fossoyeur, et sombre dans la folie jusqu’à un délire meurtrier. Après avoir fui un premier mari violent, Rebecca construit sa vie en se durcissant et en se construisant un personnage public fictif, évitant de montrer ses faiblesses pour se protéger. Elle se consacre à son fils musicien.
18:12 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité de lecture
21/12/2018
Il était une fois... au bouillon de lecture
Bouillon de lecture à St Laurent d’Agny ce 12 décembre 2018. Bien accueillies, nous parlons des contes, thème retenu à l’approche de Noël.
Les contes traditionnels : Contes et légendes oubliés de Bretagne du XIXème siècle, Contes et légendes du Vercors de Claude Ferradou, etc. n’ont pas séduit.
Par contre, 2 coups de cœur :
Maryvonne lit des passages de Salina de Laurent Gaudé et la magie opère, nous sommes toutes attentives, voire charmées.
Mme Pecontal nous régale à son tour avec les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari, drôles , caustiques, …
Nous terminons de façon animée avec les contes lyonnais d’autrefois et toutes les lyonnaises d’origine nous parlent "lyonnais", belle cacophonie pour les non initiées "patafinéees" !!!!
Marie-Claire
10:59 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conte
17/11/2018
Bouillon de jeunesse
La fille qui n’existait pas
Natalie C. ANDERSON
Pocket jeunesse, 2018
L’auteur a travaillé une dizaine d’années dans l’humanitaire en Afrique, ce qui constitue le matériau du roman. Du Kenya au Congo : une jeune fille de 15 ans, seule et orpheline, vit dans la rue sous l’emprise d’un gang. Volontaire et possédant une grande force de caractère, elle pense avoir échappé au sort réservé aux filles dans ces bandes. Futée et agile, elle sert de pickpocket, v ole des fichiers. Sa quête de vengeance (venger l’assassinat de sa mère) évolue en quête des origines. A partir de 15 ans.
Rhizome
Nadia COSTE
Seuil jeunesse, 2018
En 2081, les côtes étant submergées, les humains occupent des skycities, villes toutes en hauteur, avec des murs végétaux pour purifier l’air. Les dirigeants se trouvent dans les hauteurs, tandis que certaines populations sont cantonnées dans les bas-fonds pour cultiver. Un jeune botaniste découvre que les plantes communiquent entre elles, et peuvent même communiquer avec lui… en le colonisant. Sujets : nourrir la planète, qualité de l’air, manque de place. A partir de 13 ans.
Jefferson
Jean-Claude MOURLEVAT
Gallimard jeunesse, 2018
Jefferson le hérisson, accusé de l’assassinat de son coiffeur « Définitifs », enquête pour trouver le coupable. Au-delà de l’enquête, ce roman parle aussi d’amitié et de solidarité, et des rapports entre humains et animaux. Toujours la qualité d’écriture de Jean-Claude Mourlevat, une valeur sûre en littérature jeunesse ! A partir de 9 ans.
Le mot d’Abel
Véronique PETIT
Rageot, 2018
Le monde d’Abel est analogue au nôtre, à ceci près que chaque personne reçoit vers la fin de son enfance la révélation d’un mot, personnel, intime, qui le définit et détermine sa vie. Abel a la hantise de ne pas recevoir son mot, d’en recevoir un qui lui semblerait insignifiant, ou pire, de recevoir un mot négatif, qui conditionnerait sa vie entière. Sujets : détermination versus choix personnels, influence du groupe. A partir de 11 ans. Prix Gulli 2018 du roman jeunesse.
Interfeel
Antonin ATGER
Pocket jeunesse, 2018
Dans un monde futuriste où les réseaux sociaux prennent le pouvoir, Interfeel permet de partager ses émotions, d’être toujours en contact avec les autres grâce à une puce et une opale. Quelques personnes restent hors réseau et luttent contre le totalitarisme du système. Premier roman très réussi, par un jeune auteur de la région à suivre ! A partir de 15 ans.
Fake, fake, fake
Zoé BECK
Milan, 2016
de son vrai nom Henrike Heiland, est une écrivaine , éditeur et traductrice allemande
Un prénom pourri, des pieds taille 49, pas d’amis… Edvard, ado en fin de collège, surveille l’apparition tardive de sa puberté et se morfond d’amour pour une fille qui l’ignore. Sur un blog, il se crée un avatar parfait. Quand la belle Constance mord à l’hameçon, ça devient compliqué... Assez comique.
Dans la lumière de l’aube
Julien PIGNARD
Edition du Poutan, 2018
Lyon. Quatre amis d’enfance, arrivés à la trentaine, se retrouvent autour de l’un d’eux, de retour après 2 ans d’absence, et qui a besoin de leur aide. Redémarrage de leur amitié et de leur amitié et de leur vie. Belles descriptions de Lyon. Roman à 4 voix, au style moyen. Sujet : amitié. Pour jeunes adultes.
George
Alex GINO
Ecole des Loisirs, 2017
Quand la maîtresse propose de jouer une pièce de théâtre à l’école, George veut à tout prix interpréter le personnage de Charlotte. Ainsi, tout le monde comprendra enfin qui elle est. Car George (ou plutôt Melissa, comme elle se surnomme) le sait : elle est une fille, bien que tout lui rappelle au quotidien qu’elle est un garçon. Même si ce n’est pas de la façon qu’elle espérait, cette pièce de théâtre va lui permettre de prendre confiance en elle, d’évoluer et de s’imposer. Ce roman aborde avec délicatesse le sujet délicat de la transidentité chez les enfants. A partir de 10 ans.
Chair à ballon
Alain DEVALPO
Gründ, 2012
Histoire basée sur les faits réels, ce roman ado traite des jeunes noirs africains cibles d’arnaqueurs dans le monde du football. Une belle leçon de vie et d’humilité au travers de l’histoire de Kaci, Sénégalais, l’une des victimes d’un escroc blanc.
15:41 Publié dans Bouillon de lecture, Livres jeunesse, Livres pour ados | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman jeunesse, roman ado
08/10/2018
Bouillon de rentrée littéraire... mais pas que !
4 3 2 1
Paul AUSTER
Actes Sud, 2018
Selon la légende familiale, le grand-père Isaac Reznikoff quitta un jour à pied sa ville natale de Minsk avec 100 roubles cousus dans la doublure de sa veste, eut moultes aventures avant d’arriver enfin aux Etats Unis, où il fut rebaptisé Ferguson à Ellis Island. A partir de là, l’auteur invente 4 trajectoires pour le même personnage… dont le destin change en fonction de son environnement et de l’influence des évènements. Au travers de ces 4 variations biographiques, l’auteur retrace l’histoire des Etats-Unis. Ambitieux et intéressant.
Khalil
Yasmina KHADRA
Julliard, 2018
Récit d’un jeune de Molenbeek radicalisé, venu à Paris en 2015 pour semer la terreur. Yasmina Khadra propose une approche psychologique du sujet en se mettant dans la tête d’un kamikaze. Ses rapports aux autres, à la mère de cet ami… Dérangeant et captivant, du grand Khadra !
Un monde à portée de main
Maylis de KERANGAL
Verticales, 2018
Une jeune fille, indécise sur son avenir après le bac, s’inscrit dans une école de copiste. S’ensuivent ses années d’école, puis ses travaux à Rome à Cinecita, dans la grotte de Lascaux,… Maylis de Kerangal nous offre une plongée détaillée dans la peinture et le métier de peintre en décors. A son habitude, son roman est extrêmement documenté et précis. Vous ne regarderez plus les fresques de la même façon !
Mille petits riens
Jody PICOULT
Traduit de l’américain « Small Great Things » par Marie Chabin
Actes Sud, 2018
Plaçant son récit dans les Etats Unis d’aujourd’hui, l’auteur raconte la communauté blanche bien-pensante, et les pensées de ceux qui ne se croient pas racistes – pas si claires vis-à-vis des noirs. Alternant entre trois personnages, le roman en suit l’évolution : une sage-femme noire professionnelle et appréciée ; un suprématiste blanc qui refuse qu’une soignante noire s’occupe de son bébé ; une avocate blanche. Facile à lire.
Changer l’eau des fleurs
Valérie PERRIN
Albin Michel, 2018
Violette Toussaint vient de l’assistance publique. Elle a été garde-barrière, puis gardienne de cimetière, chargée de l’entretien des tombes et de l’accueil des familles. Une leçon de courage et de résilience, avec des personnages tout simples mais très bien racontés. (Par l’auteur de Les oubliés du dimanche, qui se passait en maison de retraite).
Les meilleurs amis du monde
Gilly MacMILLAN
Les Escales, 2018
Noah et Abdi sont amis depuis l’enfance, bien qu’issus de milieux différents : Noah vient d’une bonne famille BCBG anglaise, tandis qu’Abdi est réfugié Somalien. Lorsque le corps de Noah est repêché dans un canal de Bristol, Abdi est soupçonné, mais il ne peut (ou ne veut) rien dire. On voit progresser deux familles qui n’ont rien en commun dans leur recherche de vérité. Très bien écrit.
Le magasin jaune
Marc TREVIDIC
J.C. Lattes, 2018
En 1929, un jeune couple ouvre une boutique de jouets dans le quartier de Pigalle. Repeint d’un jaune éclatant, le magasin est rayonnant, et propose de beaux jouets du Jura. La petite fille du couple devient la mascotte du quartier. Vie du quartier avec ses hauts et ses bas jusqu’après la guerre.
Le peintre d'aquarelles
Michel TREMBLAY
Actes Sud, 2018
Marcel a passé plus de 50 ans dans un hôpital psychiatrique au fond des Laurentides. Depuis des années, il peint à l'aquarelle, sur les conseils de son médecin : les montagnes menaçantes qui l'entourent, mais aussi la mer, qu'il n'a jamais vue. Le roman est son passage à l'écriture, dans un essai de journal intime. Il y écrit de très belles pages sur la peinture, de la préparation du papier à la réalisation de ses aquarelles, et s'essaie à comprendre sa vie. Enfant épileptique, sujet à des crises de schizophrénie, il avait été enfermé après avoir mis le feu aux cheveux de sa mère... Avec la douceur des teintes d'aquarelle, le récit émouvant d'une vie confisquée par les médicaments, consacrée à la peinture. (Se lit seul, mais peut aussi être intégré à la saga des Desrosiers).
Le pays des contes
Chris COLFER
M. Lafon, 2016 à 2018
Alexe et Connor sont des jumeaux très différents. Alexe aime les livres, tandis que Connor –peu scolaire- a beaucoup d’amis. Depuis le décès de leur père, il y a un an, leur mère travaille dur. Leur grand-mère est conteuse dans les hôpitaux. Un jour, les jumeaux se retrouvent projetés dans le livre des contes, où les histoires sont en fait bien différentes des versions que nous connaissons. Enfermés de l’autre côté, il leur faut réunir 8 objets magiques éparpillés dans les villes des différents personnages. Aventure, humour et émotion sont au rendez-vous dans cette série pour ados. (Série en cours, mais chaque tome est clos.)
Frappe-toi le cœur
Amélie NOTHOMB
Albin Michel, 2017
Alfred de Musset : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ». Une jolie fille qui a tout pour elle épouse un pharmacien, puis vit mal la perte de sa jeunesse lorsqu’elle devient mère. La narratrice, sa fille, est détestée par sa mère narcissique et jalouse. Le récit s’attache à l’évolution des trois enfants, conditionnée par leur relation à la mère, que ce soit l’excès ou le manque d’amour. Relations humaines, rivalités, manipulations… et retournement en fin de roman. Un bon Nothomb.
Bakhita
Véronique OLMI
Albin Michel, 2017
Fin du 19e siècle. Une fillette soudanaise, raflée par des esclavagistes, va vivre un destin incroyable –avec des moments très durs. Ses pérégrinations l’emmèneront jusqu’en Italie. Après la perte de sa langue maternelle, et la perte de son identité, la religion l’aidera à se réaliser. Le style colle très bien à l’histoire et aux émotions, par son choix de mots et de phrasé. Très beau récit émouvant, inspiré de la vie de Joséphine Bakhita, canonisée par Jean-Paul II en 2000.
Celui qui va vers elle ne revient pas
Shulem DEEN
Globe, 2017
Essai, ou roman autobiographique. L’auteur vient d’un Shetl, communauté juive hassidique traditionnelle près de Brooklyn. Tenté par la radio, internet et une émancipation vis-à-vis du groupe, le narrateur raconte aussi comment ceux qui sortent de ces communautés soudées en sont bannis et se retrouvent déconnectés, esseulés.
Un jour, tu raconteras cette histoire
Joyce MAYNARD
P. Rey, 2017
Joyce Maynard retrace ses années de bonheur avec son mari Jim, rencontré à 55 ans, leur complicité, et leur douloureux chemin ensemble lorsque Jim est atteint d’un cancer du pancréas.
L’homme de ma vie
Yann QUEFFELEC
Guérin, 2017
L’auteur parle de sa relation difficile à son père, l’écrivain Henri Quéffelec, dont il a toujours essayé de capter l’attention et l’amour. Sensible et sympathique.
Guide des égarés
Jean d’ORMESSON
Gallimard, 2016
Le regard de l’écrivain sur l’humanité. Belle écriture et philosophie sans en avoir l’air.
17:24 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, roman étranger, roman ado
31/07/2018
Bouillon de biographies
Journal d’Irlande
Carnets de pêche et d’amour, 1977-2003
Benoîte GROULT (1920-2016)
Grasset, 2018
Benoîte Groult et Paul Guimard (son 3e mari) avaient une maison au bord de l’océan, où ils allaient l’été pour pêcher. Blandine de Caunes a repris et entremêlé les écrits irlandais de sa mère : carnets de pêche au jour le jour ; et journaux intimes, tenus pendant 23 étés, retraçant sa relation avec son mari qui vieillit mal, et avec son amant américain Kurt, avec lequel elle vit une intense passion charnelle depuis les années 1960. La journaliste et romancière, féministe, forcenée de la vie, célèbre aussi l’Irlande, et relate d’une plume acérée les visites d’amis célèbres –de François Mitterrand aux Badinter. C’est un plaisir de retrouver cet auteur.
Je ne serais pas arrivée là si…
Annick COJEAN
Grasset, 2018
Journaliste au Monde, l’auteur a lancé ce début de phrase à des femmes connues, qui ont accepté de l’approfondir. Ce livre regroupe donc 27 micro-biographies, tranches de vie de personnes fascinantes aussi variées que Patti Smith, Asli Erdogan ou Christiane Taubira. Les rapports à la mère et à l’instruction sont des thématiques récurrentes.
Glaneurs de rêves
Patti SMITH (1946- )
Gallimard, 2014
Un soir de blues, Patti Smith a couché sur le papier ses beaux souvenirs d’enfance. Dans ce court récit autobiographique, elle évoque la petite fille qu’elle était, très jeune déjà passionnée d’écriture. Lecture lumineuse.
Cette année les pommes sont rouges
Georges et Laurent GERRA
Flammarion, 2015
"C'était la drôle de guerre de mon grand-père". Laurent Gerra adorait son grand-père, mort quand il avait une dizaine d’années. Il a repris le carnet que celui-ci a rédigé pendant la guerre, témoignage de la « drôle de guerre » de 1939, la débâcle, la résistance. Les chapitres courts et factuels rendent très vivants ces moments de l’histoire de notre pays.
Du Sahara aux Cévennes
Itinéraire d'un homme au service de la Terre-Mère
Pierre RABHI (né en 1936 en Algérie)
Albin Michel, 2002
Originaire du même village Algérien que Yasmina Khadra, Pierre Rabhi a grandi auprès de son père forgeron, « le protecteur », ou « le pilier », qui se retirait parfois pour jouer du luth. Il évoque son enfance dans une famille très musulmane, et ce qui l’a marqué : l’école coranique, le désert « J’écoute le désert ne rien dire », les étoiles, le soleil les jours de canicule, la cérémonie du thé, le bruit de balancier du puits... et l’arrivée des premiers Européens à la recherche des « cailloux noirs » (charbon). Eduqué ensuite à l’occidentale, et séjournant chez des roumis, il lui devient de plus en plus difficile de retrouver sa place au douar. « Les deux civilisations me tiennent par la main et dialoguent par-dessus ma tête ». Immigré en France, il parvint en compagnie de sa femme à exploiter une petite ferme cévenole, réalisant ainsi son rêve de retour à la terre. Fort de cette réussite, il travaille depuis à transmettre son savoir-faire agronomique et à inaugurer une autre éthique dans les échanges internationaux. pionnier d'une révolution écologique tranquille s'adresse aussi bien aux hommes en lutte contre la désertification de leurs terres qu'à ceux qui découvrent la désertification de leur âme
Le courage de dire non
Conversations et entretiens, 1963-2007
Mario RIGONI-STERN
Les Belles Lettres, 2018
Série d'entretiens avec l'auteur, vers la fin de sa vie. On réalise grâce à ce livre que tous ses récits sont authentiques, inspirés de sa vie. Né à Asiago, dans une famille aisée, Rigoni Stern était un amoureux de la nature, un chasseur, doté d'une grande sensibilité, et toujours partisan de la paix.
Mariage en douge
Ariane CHEMIN
Ed. des Equateurs, 2016
A l'automne 1963, Romain Gary et Jean Seberg se sont mariée en douce, en Corse, après la naissance de leur enfant. Ariane Chemin, grand reporter, a retrouvé le dernier témoin de ce mariage, organisé par le Renseignement militaire français. Une biographie très vivante de gens morts, bien intégrée à son époque d'après-guerre.y
Les rêveurs
Isabelle CARRE
Grasset, 2018
Récit d'une enfance dans les années 1970, au coeur d'une famille bohème, avec des parents fragiles. « Au pied de l’arc en ciel se dissimule toujours un trésor », nous répétait mon père. Notre univers avait la texture d’un rêve, oui, une enfance rêvée, plutôt qu’une enfance de rêve. »
Ce récit évoque peu la carrière de l'actrice, mais offre une réflexion sur ce qui la sous-tend.
"Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois joyeux, ludique, toujours bordélique, qui ne tarderait pas à s’assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et la réalité en étaient absentes. Là encore, et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l’histoire, accepter les rôles qu’on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes."
"Pour rien au monde je ne renoncerais au plaisir d’être si bien cachée derrière mon maquillage et les costumes d’un personnage. Puisque tout est vrai, et que les acteurs « font semblant de faire semblant », comme l’écrit Marivaux... Et si c’était la solution, s’inscrire dans un cours de théâtre, accepter que ça déborde ? Il y aura la sécurité du cadre, du cadre de scène, ou celui défini par la caméra, pour contenir, autoriser, et même encourager ce qui, dans la vie courante, est toujours en trop."
"L’émotion est pénible au quotidien, embarrassante. Les mains qui tremblent, les maladresses, tout prête à rire, ou dérange. Je pense à ma mère qui traverse sa journée sur un fil, dans un équilibre précaire, essuyant avec lassitude les reproches qui pleuvent, alors que sur un grand écran, les spectateurs considéreraient peut-être sa fragilité comme un supplément d’âme, une sensibilité un peu naïve qui leur rappellerait celle d’une Mia Farrow… Tout se transorme quand on va au cinéma : la folie de Romy Schneider devient grandiose, le mal-être de Patrick Dewaere bouleversant, le filet de voix de Charlotte Gainsbourg touchant, la fébrilité de Nastassja Kinski sensuelle…"
15:58 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : biographie
29/07/2018
La fille à histoires
La fille à histoires
Irène FRAIN
Seuil, 2017, 250 p., 18 €
Par courts chapitres, Irène Frain livre un récit d’enfance, en lien avec sa vocation d’écrivain.
C’est tout d’abord le récit simple et touchant d’un amour fou pour une mère, hostile dès la naissance, qu’elle cherche à comprendre.
"Impossible de douter de la vocation des femmes à la maternité... La vraie femme a des enfants et les mères sont dotées d’un instinct qui leur commande de se vouer corps et âme à leur progéniture, jusqu’au sacrifice de leur vie. A moins, évidemment, d’être un monstre. Ma mère, je trouve, a beaucoup de courage. A sa sortie de l’hôpital, quand elle franchit le seuil de son enfer domestique, elle décide de tout mettre en œuvre pour aimer sa petite dernière. Jamais on ne dira d’elle qu’elle est une « mauvaise mère ». Elle oublie que l’amour ne se décrète pas. Et qu’il ne souffre pas la contrefaçon. Il y aura donc des ratés."
C’est aussi le récit d’une enfant "vivace, pas facile à mourir". Une résiliente, plus libre que ses sœurs peut-être, dont les résultats scolaires font la fierté de son père, qui espère la voir "monter jusqu’à prof", et qui très tôt décide "je vais partir d’ici".
L’auteur enfin fait le lien entre cette enfance et sa vocation au rêve. Sa mère avait un don naturel pour les histoires, affutées autour des « jus entre voisines» servi dans les verres en Duralex, à même la toile cirée. "Ce qu’elle disait, c’était du roman à l’état natif... Quand je repense à ces après-midi, je me vois toujours cachée sous la table… J’ai été, je pense, la plus attentive, celle qui buvait, en même temps que ses paroles, ses silences. Quelque chose me soufflait qu’avec « eux, j’aurais accès à son secret et, du même coup, à la clé qui me ferait aimer d’elle. Il suffit que je les écrive, ces colliers de mots, pour qu’instantanément je me retrouve dans la peau de la petite fille qui écoutait, suspendue entre effroi et merveille, convaincue que sa mère, avec ses mots, détenait la clé d’un univers parallèle. Je voulais à toute force la suivre dans ce monde d’à côté, mettre mes pas dans les siens, m’engouffrer comme elle faisait dans ses couloirs étranges…"
A son tour, Irène s’empare des histoires, tissées tout d’abord autour de la boîte à boutons, puis de ses mères fantômes découpées dans des catalogues, ses histoires écrites dans le grenier, et jusqu’à ses premiers romans, qui "me font maintenant l’effet d’un collier de suppliques. Chaque fois la même, celle que ma bouche n’avait pas réussi à former quand j’étais petite : « Maman, s’il te plaît, écoute-moi, aime-moi, je le mérite, j’y ai droit. »
"Les mots de ma mère étaient puissants. Les uns m’ont émerveillée, ont réussi à réenchanter ma vie. D’autres furent meurtriers. Ils ne m’ont pas tuée –j’ai toujours préféré les premiers". Ce sont ceux, sans doute, qui l'ont poussée à l'écriture.
Ce récit a fait écho en moi à celui de Cécile Latreille, L'Innommée, où sourd la douleur d'une relation manquée à la mère.
19:19 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bibliographie, maternité
20/05/2018
L'homme craie
L’homme craie
C.J. TUDOR
Pygmalion, 2018, 384 p., 20.90 €
Traduit de The Chalk Man, par Thibaud Eliroff
"Les deux étaient irrévocablement mêlés. La poule et l’œuf. Lequel est venu en premier ? Les bonhommes de craie ou les meurtres ?"
Suite à la réapparition d’un vieux copain, le narrateur, Eddie Munster, désormais professeur de littérature, revient sur les événements de sa jeunesse quarante ans plus tôt, pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer. Il remonte aux origines, fait une « virée sur le boulevard des souvenirs, un chemin sombre sur lequel les dressent des bonshommes de craie ».
En 1986, intello de la bande, un tantinet kleptomane, il traînait avec Le Gros Gav, Mickey Metal, Hoppo et Nicky la fille du pasteur. Quand le Gros Gav a reçu un seau de craies pour son anniversaire, ils s’en sont servis pour se laisser des messages secrets et fixer leurs rendez-vous. Mais peu à peu, tandis que leur petite ville était agitée par les passions suscitées par l’installation d’une clinique pratiquant des avortements, les bonshommes de craie sont apparus seuls, semblant attirer ou désigner des accidents… ou des meurtres !
Quels étaient les liens avec leur bande ? Quel rôle ont joué les adultes : le père d’Eddie un temps accusé ? Monsieur Halloran « l’homme pâle », révélateur ou coupable ? Ou le révérend Martin, prêtre évangéliste à la tête des « Anges d’Anderbury », un violent groupe anti-avortement ?
Pour progresser, Eddie doit se rappeler de « regarder derrière l’évidence… Nous partons du principe que les choses sont telles qu’elles paraissent parce que c’est plus simple, ça demande moins d’effort. Ça nous exempte de trop penser –en général à ce qui nous met mal à l’aise. Mais ne pas penser, c’est aller droit aux malentendus, et dans certains cas aux tragédies. »
Polar à l’ambiance macabre, allégée par un vocabulaire parfois fleuri, dont la construction atypique très réussie interroge sur la culpabilité, les apparences, et les mécanismes de la mémoire. Repéré dans la sélection des libraires au salon du livre de Bron, c’est mon coup de cœur parmi les polars lus récemment.
Et je finirai sur une définition du karma, donnée par monsieur Halloran : « Tu récoltes ce que tu sèmes. Tes mauvaises actions reviendront te mordre les fesses un jour. » Qui pourrait attirer la tirade de Gros Gav « Quel ramassis de cowboys puants !»
Aline
20:43 Publié dans Bouillon de lecture, coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman policier
14/05/2018
Bouillon de polars
Nous profitons de cette soirée polar pour signaler le prix « Chabanières » du polar, actuellement en cours dans les bibliothèques de la Communauté du Pays Mornantais. En lice 5 romans que nous ne critiquerons pas ici, afin de ne pas vous influencer :
Nous évoquons des auteurs favoris depuis des années : Peter May, Arnaldur Indridasson et Caryl Ferey, mais aussi des lectures plus inattendues, ou de nouveau romanciers.
Peter MAY
avec ses romans policiers qui se passent en Ecosse : : L’Homme de Lewis, L’Île des chasseurs d’oiseaux, Le Braconnier du lac perdu,… Nous en aimons beaucoup l'ambiance dans ces Iles glacées du Nord où soufflent le vent, les tempêtes, où la mer peut être mortelle, où les habitants ont une rudesse due sans doute à la pauvreté, où, en plus de l'air marin ça sent la tourbe ou le poisson, où la religion est terrible, sans parler de ce policier, Fin, affronté à des énigmes incroyables, et une vie personnelle douloureuse.
Arnaldur INDRIDASON
Les nuits de Reykjavik
Après la découverte du cadavre d’un clochard, Erlendur enquête avec obstination, malgré le peu d’intérêt pour cette affaire. Ce tome, écrit récemment, remonte au début de la carrière d’Erlendur, sa première enquête sous la houlette du commissaire Marion.
La rivière noire
Erlendur étant en vacances, c’est sa collègue qui enquête lorsqu’un jeune homme est retrouvé égorgé chez lui. Un provincial sans histoire ? A l’autopsie, on trouve des traces de roïpnol
Trilogie des ombres
Quand Indridason se met au polar historique, avec son talent habituel. Le tome 1, Dans l’ombre, se déroule en 1941 ; Le tome 2, La femme de l’ombre, en 1943. A la fois romans policiers et peinture sociologique de l’Islande pendant la période troublée de la seconde guerre mondiale en Islande -et de l’occupation de l’Islande par les Alliés. Les deux enquêtes sont menées par un duo de jeunes policiers : Flovent, le seul enquêteur de la police criminelle d’Islande, et Thorson, l’Islandais né au Canada. Le tome 3, Passage des ombres, fait référence à une affaire de 1943.
Todd ROBINSON
Une affaire d’hommes
Gallmeister, 2017, 22 €
Bon polar à l’américaine, avec un détective privé qui boit, cogne et reçoit des beignes, un gros dur un peu sentimental, avec son code de l’honneur et ses vulnérabilités. Une fois passées les premières pages, qui désarçonnent par leur rapide entrée en matière dans le monde de la nuit, on apprécie l’ambiance de ce polar où les apparences sont parfois bien trompeuses…
Wojchiech CHMIELARZ
Pyromane
(traduit du polonais Podpalacz par Erik Veaux)
Agullo, 2017, 410 p., 22.50 €
Enquête dans la peau d’un flic, vieux briscard de la police criminelle de Varsovie, l’Inspecteur Jakub Mortka, dit Le Kub. Son métier est tout pour lui, au point que son mariage avec Olga n’y a pas résisté, malgré son amour pour elle et pour leur fils. Il enquête sur une série d’incendies criminels, avec son adjoint Kochan, compétent mais qui file un mauvais coton, et le jeune sergent Shalski, plein d’initiative et de bonne volonté. L’intrigue, bien menée, intègre des chapitres du point de vue du pyromane, sans pour autant dévoiler la chute, et les personnages donnent de la force au roman.
En exergue, une citation de Dennis Lehane (Mystic River), qui s’applique bien au Kub : « à vrai dire, je suis terriblement ennuyeux. Qu’on m’enlève mon métier, et je n’existe plus. »
L’auteur est journaliste, spécialiste de la criminalité en Pologne, et a écrit 4 tomes mettant en scène Le Kub. La ferme aux poupées vient de paraître aux éditions Agullo.
Caryl FEREY
La jambe gauche de Joe Strummer
Gallimard (Folio policier), 2007, 242 p., 6€
Pour mémoire : Joe Strummer était le créateur du groupe Clash, et chaque chapitre du roman porte le titre d’une chanson des Clash.
McCash, ancien de l’IRA, ancien policier, n’a plus rien à perdre. Sa femme est partie, et autour de lui, c’est la désolation. La lettre d’une ancienne amie lui apprend qu’il a une fille, Alice, dont il doit désormais s’occuper. Lorsqu’il arrive dans le village d’Alice, une fillette du foyer est retrouvée noyée, et il doit enquêter. L’enquête se passe en Bretagne, avec des descriptions très fortes et évocatrices.
Philippe JAENADA
La serpe
Julliard, 2017, 648 p., 23 €
En 1941, le massacre à la serpe de trois personnes, le père, la tante et la bonne d’Henri Girard, avait fait couler beaucoup d’encre. La culpabilité du jeune homme semblait probable, mais au terme d’un procès troublant, il avait été acquitté. Philippe Jaenada enquête sur ce fait divers, qui avait remué la France entière. C’est avec talent qu’il décortique les techniques de l’avocat Maurice Garçon, ressuscite toute une époque, et recompose l’histoire de famille compliquée d’Henri Girard. Henri Girard, auteur du célèbre « salaire de la peur » sous le pseudonyme de George Arnaud.
Johana GUSTAWSSON
Mör
Bragelonne (Thriller), 2017, 308 p., 21.50 €
Mör : adj. fém. En suédois, signifie « tendre ». S'emploie pour parler de la viande. Le ton est donné : ce thriller est une sombre histoire autour d’un tueur en série, « boucher » évoquant Jack l’éventreur, et de cannibalisme. Le déroulement est chronologique, et le duo d'enquêtrices Emily Roy et Alexis Castells, fonctionne bien. Comme dans son thriller précédent, Block 46, Johana Gustawsson explore l'histoire et les liens familiaux.
Odile BOUHIER
Le sang des bistanclaques
Presses de la Cité (Terres de France), 2011, 278 p., 19 €
Lyon, 1920. Une enquête est ouverte pour résoudre le meurtre d’une vieille femme. Elle fait intervenir le premier laboratoire scientifique de l’époque. Le sang des bistanclaques est une plongée dans la société lyonnaise des années folles. Avec des retours dans le temps jusqu’en 1895, 1898 et 1903, ainsi que l’intervention d’un médecin aliéniste, c'est aussi le parcours d'une folie individuelle, le portrait d'un enfant de la Croix-Rousse devenu tueur en série. Pour amateurs de polars historiques fouillés... et lyonnais !
Flemming JENSEN
Le blues du braqueur de banque
Gaïa, 2012, 190 p., 17 €
L’humoriste Danois signe ici une sorte de polar totalement décalé, très plaisant à lire.
Bill BEVERLY
Dodgers
Seuil, 2016, 19.50 €
East, quinze ans, est guetteur devant « la taule », une maison où l'on traffique de la drogue, à Los Angeles. Un jour les flics débarquent, entraînant des violences, et le décès d’une personne. Seule façon pour East de se racheter par rapport à son chef : partir dans le Wisconsin tuer un juge. C’est le début d’un périple en voiture, accompagné d’autres jeunes, dont son frère Ty, 13 ans et complètement givré. Entre eux, l’ambiance est de plus en plus crispée, entre rivalités et jeux de pouvoir. Roman noir au dur réalisme.
Charlotte LINK
Une fille en cavale
Presses de la Cité, 2018, 22 €
Simon héberge une jeune femme qui a dû fuir son appartement sans rien et sauter dans le premier train de nuit… Intrigue assez bien menée, un peu de suspense, étude psychologique de chaque personnage très approfondie, par l’une des auteures allemandes les plus connues actuellement.
Michel BUSSI
Maman a tort
Presses de la Cité, 2015, 21.50 €
Malone, 3 ans et ½, affirme que sa maman n’est pas sa vraie maman. Seul un psychologue scolaire la croit, et enquête avec la commissaire. Il doit faire vite, car déjà la mémoire de l’enfant s’efface. Michel Bussi, en se penchant sur le fonctionnement de la mémoire chez l’enfant, signe un polar à l’intrigue bien menée.
Marie-Bernadette DUPUY
Un festival meurtrier
L’Archipel, 2016, 330 p., 19.95 €
Pendant le festival du film policier de Cognac, des jeunes filles sont défenestrées à Angoulême… Une enquête de l’inspectrice Maud Delage.
Et enfin, ceux qui ne nous ont pas plu (eh oui, parfois on fait carrément mauvaise pioche !)
Carol Higgins CLARK, Irish Coffee, trouvé sans intérêt
Dashiell HAMMETT, La clé de verre (1931). Polar aux Etats Unis à l’époque de la prohibition et de la guerre des gangs. Ça date un peu !
18:11 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman policier
18/12/2017
Patrick Deville
Bouillon de lecture à Chassagny, ce 14 Décembre 2017 : nous étions réunis autour de l’œuvre de Patrick DEVILLE qui fêtait ses 60 ans ce jour-là, agrémentée par les délicieuses tarte aux pommes et mousse à l’orange de Noël.
De nombreux ouvrages ont été écrits par ce voyageur infatigable en 30 ans, depuis Cordon bleu en 1987, jusqu’à Taba Taba en 2017. Les premiers sont des romans, publiés aux éditions de Minuit : Longue vue (1988), La femme parfaite (1995) replacés dans l’époque de la société de consommation.
Pendant ces années Patrick Deville se déplace beaucoup au Moyen-Orient, Afrique, Amérique latine. Ses oeuvres suivantes paraissent au Seuil. Pura Vida (2004), évoque William Walker de Nashville, président éphémère du Nicaragua. La tentation des armes à feu (2006) rassemble 5 récits de suicides concernant des personnalités plus ou moins connues.
Et commence un nouveau genre de récits historiques où la grande histoire croise les détails des déplacements, évènements familiaux, retours en arrière, changements de lieux et d’époque qui donnent parfois le tournis, tout en s’appuyant sur une documentation irréprochable qui mettent l’accent sur la complexité réelle de l’Histoire.
Cela déroute le lecteur, ce qui explique dans notre groupe l’alternance de remarques bienveillantes, et de reproches : trop difficile à suivre, une certaine complaisance, des détails sans intérêt sur le numéro des innombrables chambres d’hôtel évoquées !!! Donc un écrivain intéressant, complexe, à la fois attachant et « décourageant » par certains aspects.
Equatoria (2009), pérégrinations de Savorgnan de Brazza, dont quelques extraits, lus à voix haute, nous émeuvent par des souvenirs personnels liés au docteur Schweitzer.
Kampuchéa (2011) récompensé par le magazine Lire défendu et promu par l’une de nos lectrices.
Peste et choléra (2012), magnifique biographie d’Alexandre Yersin saluée par de nombreux prix, est le seul ouvrage qui emporte l’adhésion de nous toutes.
Viva (2014) se déroule au Mexique pour les derniers jours de Trotski, où se croisent Frida Kahlo, Malcom Lowry …
Taba Taba (2017), autobiographie fleuve de plus de 400 pages où l’on comprend que le jeune Patrick cloué dans un corset de plâtre à l’âge de 3 ans, ait juré de découvrir le monde avec autant d’avidité !!
Un tourbillon, une soirée animée et passionnante. Marie-Claire
19:15 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman
13/10/2017
Ron Rash
Ron Rash
Auteur Américain (Caroline du Sud), né en 1953, professeur au département de langue anglaise de la West Carolina University (WCU).
Auteur de recueils de nouvelles et de poésie, il est surtout connu en France pour ses romans noirs, parfois à la limite du policier. Ce sont eux que nous avons lus pour ce « bouillon »
One Foot in Eden (2002)
Un pied au paradis (Le Masque, 2009)
Appalachian Book of the Year 2002
Roman « noir » à 5 voix, drame « terrien » situé dans la Caroline du Sud des années 1950. Holland Winchester, vétéran de la guerre de Corée, fait le coup de poing dans les bars, brandit sa médaille de héros, et se rend globalement impopulaire. Un jour, il disparaît dans la nature, au fond d’une vallée magnifique et aride, où les derniers paysans essaient d’arracher leur subsistance à la terre, menacée d’être engloutie sous un lac artificiel. Comme les indiens Cherokee ont été chassés par les paysans d’Europe, ceux-ci à leur tour sont destinés à perdre leurs terres.
L’événement est raconté à des époques différentes, par des personnages qui révèlent leur vérité et font progresser la narration : le shérif, Amy la voisine de Holland et son mari Billy, leur fils, et enfin l'adjoint du shérif. Chacun témoigne et refait l'histoire, en mettant à jour ses misères et ses espoirs.
Saints at the River (2004)
Le Chant de la Tamassee (Seuil, 2016)
Après la noyade accidentelle d’une fille imprudente de 12 ans, ses parents veulent à tout prix récupérer son corps disparu dans les eaux. Un ingénieur astucieux trouve une solution pour détourner le cours de la rivière avec un barrage provisoire, tandis que les écolos refusent cette solution car la rivière est protégée.
The World Made Straight (2006)
Le Monde à l’endroit (Seuil, 2012),
D’après ce roman, David Burris a réalisé un film avec Minka Kelly, Haley Joel Osment et Jeremy Irvin.
Elevé à la dure par son père, cultivateur de tabac, Travis Shelton, 17 ans, travaille quarante-cinq heures par semaine dans une épicerie. Pour se détendre, il pêche la truite. Par hasard, il tombe sur un champ de marijuana, dont il coupe quelques plans. Attrapé et puni par les trafiquants, il passe sa convalescence chez un prof déchu, fasciné par l’époque de la guerre de Sécession, qui a laissé des traces jusque dans la région.
Tirant toujours le meilleur parti des décors naturels des Appalaches, Ron Rash a l'art de faire cohabiter dans ses pages la violence et l'humanité, le passé des Etats Unis et son histoire plus récente.
Serena (2008)
Serena (Le Masque, 2011)
Adapté au cinéma en 2014, avec Jennifer Lawrence, Bradley Cooper et Sam Reid
Dans les années 1930, Serena et son mari forestier exploitent la forêt, coupant tous les arbres pour faire plus d’argent. A leur appât du gain forcené s’opposent des partisans de la protection de la nature. Ron Rash met en scène une héroïne dure, véritable prédatrice prenant un malin plaisir à faire plier ceux qui croisent son chemin.
The Cove (2012)
Une terre d’ombre (Seuil, 2014)
Prix de la Fiction Américaine 2012, et Grand prix de littérature policière 2014
Vivant au fond d’une vallée sombre, dans un coin paumé, la famille de Hank et Laurel semble marquée par le destin. Les parents sont morts jeunes. Laurel, à cause d'une marque de naissance, concentre la superstition des habitants du coin paumé. Mise à l’écart et humilié, elle a dû quitter l’école à regret, et passe sa vie dans une profonde solitude.
« La falaise la dominait de toute sa hauteur, et elle avait beau avoir les yeux baissés, elle sentait sa présence. Même dans la maison elle la sentait, comme si son ombre était tellement dense qu’elle s’infiltrait dans le bois. Une terre d’ombre et rien d’autre, lui avait dit sa mère, qui soutenait qu’il n’y avait pas d’endroit plus lugubre dans toute la chaîne des Blue Ridge. Un lieu maudit, aussi, pensait la plupart des habitants du comté, maudit bien avant que le père de Laurel n’achète ces terres. Les Cherokee avaient évité ce vallon, et dans la première famille blanche à s’y être installée tout le monde était mort de varicelle. On racontait des histoires de chasseurs qui étaient entrés là et qu’on n’avait plus jamais revus, un lieu où erraient fantômes et esprits ».
Cette morne existence est d’abord ranimée par le retour de la Grande Guerre de son frère Hank, mutilé mais acharné à se reconstruire une vie, puis bouleversée par l’arrivée de Walter, vagabond mutique tirant de sa flute des sons merveilleux. Laurel va vivre elle aussi son histoire d’amour, mais le lecteur pressent que le drame se prépare – sur fond de haine des Boches.
Ron Rash fait ici une peinture sombre des relations humaines fondées sur l’ignorance, la cruauté et la soif de vengeance. Bêtise et patriotisme ne font pas bon ménage...
Above the Waterfall (2015)
Non traduit ?
The Risen (2016)
Par le vent pleuré (Seuil, 2017)
En exergue « Alors commença le châtiment » Dostoïevski. Ainsi que des références à « Look homeward, Angel », Thomas Woolf.
Dans une petite ville des Appalaches, la rivière vient de déposer les ossements d’une jeune femme dont personne n’avait plus entendu parler depuis des décennies. Son histoire est racontée par Eugène, forcé de se confronter à son passé et à celui de son frère Bill après cette macabre découverte. A l’époque, Ligeia était venue de Floride séjourner chez son oncle et sa tante, car ses parents n’en pouvaient plus, et avait séduit Eugène et Bill…
Ron Rash fait une peinture noire des communautés isolées, à l’ombre des Appalaches. Il évoque la cellule familiale, l’émancipation, et le poids du passé.
Tous les lecteurs présents apprécient les romans de Ron Rash, pour son rapport à la nature, et la façon dont l’histoire (des Etats-Unis) entre en résonnance avec la vie de ses personnages. La vie fuse parfois, mais dominée par la tragédie et une certaine noirceur.
Remarque : nous avons préféré les traductions d'Isabelle Reinharez pour la plupart des ouvrages à celle de Béatrice Vierne (Serena).
16:17 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, amérique