20/05/2019
Les pépites du Bouillon de lecture
Les porteurs d’eau
Atiq RAHIMI
P.O.L., 2019, 283 p., 19€
Dans une narration alternée entre la France et Kaboul, l’auteur suit le destin de deux Afghans : Tom, réfugié à Paris, qui a changé de prénom et de langue, s’habille et vit comme un Français ; et Youssef, porteur d’eau à Kaboul, tôt levé pour aller chercher de l’eau à la source pour les ablutions rituelles à la mosquée. Ces deux vies parallèles ne se rencontrent pas, mais toutes deux basculent le 11 mars 2001, jour où les Talibans détruisent les Bouddhas de Bâmiyân.
L’auteur, qui a lui-même quitté l’Afghanistan en 1984, a reçu le Goncourt en 2008 pour Syngué Sabour, pierre de patience. Dans ce roman-ci très bien écrit et bien construit, il aborde les thèmes de l’exil, de la clandestinité, de la trahison et du mensonge, du poids de la religion, et des non-dits.
La nuit du cœur
Christian BOBIN
Gallimard (blanche), 2018, 208 p., 18€
Christian Bobin vit près du Creusot, et voyage peu. Rare exception, son voyage à Conques, occasion de s’émerveiller devant l’abbatiale du XIe siècle. L’auteur excelle à décrire les beautés simples du monde. Il livre ses réflexions en chapitres courts, très apaisants et poétiques. La douleur et la mort sont conjurées par l’attention aux choses et aux gens.
Mon grain de sable
Luciano BOLIS
La Fosse aux ours
Traduit de l’italien Il mio granello di sabbia (1946)
Récit personnel de Luciano Bolis, résistant, arrêté en 1945 à Gênes par les fascistes. Torturé, il craint de craquer et tente de mettre fin à ses jours pour éviter la trahison. Il en réchappe, et deviendra par la suite un militant de la cause européenne.
Le bruit des trousseaux
Philippe CLAUDEL
Stock, 2002, 92 p., 10.70€
L’auteur raconte son expérience de visiteur dans les prisons pour donner des cours de français, tout en admettant que son point de vue est partiel, puisque lui ressort toujours.
Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux
Martha HALL KELLY
Charleston, 2018, 573 p., 22.50€
Traduit de l'américain Lilac Girls par Géraldine d'Amico
Situé pendant et après la guerre de 39-45, le roman alterne entre trois femmes : Kasia, jeune résistante polonaise internée à Ravensbruck ; Herta, ambitieuse « soignante » allemande pratiquant des expériences dans le camp de déportation ; et Caroline, Américaine engagée, qui –après la libération du camp- a accueilli chez elle et procuré des soins aux « rabbits » ces femmes ayant servi de cobayes aux allemands. Premier roman de l’auteur, inspiré de faits réels et s’appuyant sur les archives laissées par Caroline Ferriday.
Les joyeux compères
Robert Louis Stevenson
Ed. Vagabonde, 2017, 136 p., 11.70€
Sombre nouvelle située en Ecosse, vers 1850, qu’on peut considérer comme précédant l’île au trésor. Terribles brisants aux abords de l’île d’Aros, les Joyeux Compères sont un piège redoutable pour les navires en perdition. Sur un îlot venté et battu par les flots, un jeune Écossais en vacances chez son oncle à moitié fou, décide de retrouver l’épave de l’Espirito Santo et son trésor englouti... Cette nouvelle traduction par Patrick Reumaux rend justice à la puissance littéraire de l’œuvre de R.L. Stevenson, avec de très belles descriptions.
Olga
Bernhard SCHLINK
Gallimard (Du monde entier), 2019, 267 p., 19€
Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary
Allemagne, fin du XIXe, Olga, d’humble origine, et Herbert, fils de la haute bourgeoisie, sont amis d’enfance et deviennent amants malgré l’opposition de la famille. Tandis qu’Olga, de nature contemplative, devient institutrice, Herbert ne rêve que de voyages et d’exploits. Tournant autour du personnage positif d’Olga, cette romance douce-amère offre des tableaux de la vie quotidienne allemande et de ses classes sociales, et montre la montée du désir de puissance de l’Allemagne et du colonialisme.
La chambre des merveilles
Julien SANDREL
Calmann-Lévy, 2018, 272 p., 17.90€
Après un accident qui a plongé son fils adolescent dans le coma, une mère tente de le « réveiller » en réalisant « la liste de ses merveilles ». Elle a trouvé dans sa chambre un carnet listant tout ce qu’il aimerait faire, et réalise un à un ses souhaits d’adolescent pour pouvoir les lui raconter. Hymne à la vie, entre tragique et comique (décalage entre les rêves d’ado et la femme qui accomplit ces expériences). Ce n’est pas de la grande littérature, mais un feelgood book plutôt réussi.
L’infinie patience des oiseaux
David MALOUF
Albin Michel (Les Grandes traductions), 2018, 234 p., 20€
Traduit de Fly away Peter par Nadine Gassie
Australie, deux jeunes hommes sont réunis par leur passion de la faune sauvage, et rêvent de créer une réserve naturelle pour les oiseaux migrateurs. Engagés dans la guerre de 14-18, ils se retrouvent dans les tranchées. Elle-même passionnée d'ornithologie, leur amie journaliste raconte leur rencontre dans le Queensland. David Malouf, l’un des plus grands auteurs australiens, célèbre la vie et la beauté du monde dans ce roman de 1982, traduit pour la première fois en français.
Lèvres de pierre
Nancy HUSTON
Actes Sud (Domaine français), 2018, 233 p., 19.80€
Deux parties, traitées séparément. La première décrit l’enfance rurale de Saloth Sâr -arraché à un monastère bouddhiste- puis sa jeunesse avant de devenir Pol Pot, que l’histoire retiendra comme le responsable du génocide au Cambodge. La seconde évoque l’itinéraire difficile de l’auteur. Elle crée des liens ténus entre les deux (passage par les milieux littéraires parisiens) et interroge sur les abîmes que dissimule un sourire de façade. Impressionnant !
Ombres sur la Tamise
Michael ONDAATJE
L’Olivier, 2019, 279 p., 22.50€
Londres, après la guerre de 1939-45. Nathaniel et sa sœur Rachel, adolescents, sont confiés par leurs parents à un « tuteur », papillon de nuit aux activités mystérieuses, dans un milieu glauque. Nathaniel enquête pour savoir où et pourquoi sa mère a disparu. Ce livre dégage une réelle atmosphère, et présente des personnages pittoresques. Cependant l’écriture est peu fluide.
J’ai couru vers le Nil
Alaa EL ASWANI
Actes Sud, 2019, 432 p., 23€
Traduit de l'arabe par Gilles Gauthier
Le Caire, pendant la révolte des jeunes de 2011. Destinées d'une vingtaine de personnages autour de la place Tahrir, pas forcément liées : couple d’amoureux, étudiants en médecine, fille d’un responsable de la sécurité d’Etat, Coptes en situation précaire, présentatrice télé aux dents longues, enseignante engagée qui refuse le voile et la logique financière… Ce roman, dont la publication a été interdite en Egypte, fait beaucoup référence à la religion, et à la manière de l’interpréter ou de l’exploiter, ainsi qu’à la manipulation de l’opinion publique.
Du même auteur, nous avions beaucoup aimé L'immeuble Yacoubian et Chicago.
Salina, les trois exils
Laurent GAUDE
Actes Sud (Domaine français), 2018, 168 p., 16.80€
Un bébé est déposé par un cavalier à l’entrée du village. Dans une langue qui rappelle la tradition du conte oral, la vie de Salina est déroulée. Son enfance d’étrangère au village, la rupture d’un mariage décevant,… On retrouve le style mythique de La mort du roi Tsongor.
Le prix
Cyril GELY
Albin Michel, 2019, 223 p., 17€
10 décembre 1946. Le jour où Otto Hahn se rend à Stockholm pour recevoir son prix Nobel de chimie, son ancienne collaboratrice Lise Meitner le rejoint dans sa chambre d’hôtel. Dans un huis-clos intense, ils évoquent leurs 30 ans de recherches scientifiques communes, dans leur laboratoire de Berlin, avant que Lise, juive, ne doive fuir l’Allemagne. Complémentaires, liés comme les deux faces d’une même pièce, elle brillante physicienne/lui avec son approche de chimiste, ils ont découvert le processus de fission de l’uranium. Autour du noyau passionné de scientifiques, Edith, la femme d’Otto, attend la résolution de cette confrontation...
Chacun des personnages défend "sa" vérité, mais il est certain que cet épisode de l'histoire des sciences est symptomatique du peu de considération accordée à la contribution intellectuelle des femmes.
L’île
Sigridur Hagalin BJORNSDOTTIR
Gaïa, 2018, 272 p., 21€
Traduit de l'islandais Eyland par Eric Boury
Un homme isolé au fond d’un fjord islandais réapprend les gestes de survie des paysans d’autrefois. Le soir, il rédige son journal intime « annales de ce qui est advenu », afin de « rappeler comment le lien s’est rompu, comment la lumière a décliné et comment la nuit s’est abattue ». Dans ce récit post-apocalyptique, l’Islande se retrouve brutalement coupée du monde. L’auteur décortique les différentes étapes, de la compréhension aux réactions de la population, du gouvernement et des médias. Liens entre journalistes et politiques, manipulation de l’opinion, montée d’une forme de fascisme… ou comment utiliser le « Récit » d’un pays pour manipuler les foules en activant les peurs ancestrales. Un récit dépaysant, avec beaucoup de références à l’histoire de l’Islande, à sa culture et à ses paysages ; mais aussi universel pour le fonctionnement des politiques et les manipulations ! L'autrice est elle-même journaliste à la tête du service information de la télévision publique islandaise, et présentatrice du journal télévisé.
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10/05/2019
Aventure et voyages
En avril, nous nous sommes réunis à Saint Laurent d’Agny, autour de livres d'aventure et de voyages.
Le cartographe des Indes boréales
Oliver Truc
Ed. Metailié, 2019, 630 p., 23€
XVIIème siècle. Au Pays Basque un jeune homme part de St Jean de Luz pour le Portugal faire une école de cartographie. Son père est chasseur de baleine, le jeune homme voyage en bateau. Roman sur fond de querelle entre catholiques et protestants. Inquisition, scènes de tortures avec descriptions abominables. Le jeune homme est à la solde des jésuites qui l’obligent à voyager pour faire des rapports. Sa mère avait été considérée comme une sorcière. Les lapons maltraités sont des esclaves des mines.
Roman historique bien documenté, foisonnant, avec des passages très « touffus » un peu difficile à lire.
Taqawan
Eric Plamondon
Ed. Quidam, 2018, 196 p., 20€
Evénements qui ont réellement eu lieu en 1981, en Gaspésie. 300 policiers débarquent sur la réserve de Restigouche et confisquent les filets de pêche au saumon des Indiens mig’mag. Une adolescente Océane, est retrouvée, évanouie, elle est récupérée par un ancien flic et deux autres personnes. C’est l’affrontement entre les Indiens, la police et la mafia.
Survie et résistance des Indiens. Récits et personnes qui se croisent, chapitres très « techniques ».
Saisons du voyage
Cédric Gras
Ed. Stock (la bleue), 2018, 208 p., 18€
Récit de voyage. Cédric Gras a fait des études de Géographie, il part pour la Russie, les Balkans, le sud des USA durant 10 ans. Il a travaillé aux affaires étrangères lors de certaines étapes. Une réflexion sur ce qu’est un voyage, différence entre tourisme et voyage.
Vocabulaire spécifique, philosophique. Le retour fait partie du voyage.
Soie
Alessandro Baricco
Ed. Albin Michel, 1997, 121 p., 12.20€
Les élevages de vers à soie du village étant contaminés, le personnage principal part au Japon pour trouver des remèdes. Il y vivra une belle histoire d’amour.
Courts chapitres. Pudeur de l’écriture.
Immortelle randonnée
Jean-Christophe Ruffin
Ed. M. Guérin, 2013, 258 p., 19.50€
Voyage à pied jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle en dehors des chemins tracés et fréquentés habituellement par les pélerins.
Une longue nuit Mexicaine
Isabelle Mayault
Ed. Gallimard (Blanche), 2019, 272 p., 21€
Le héros hérite d’une valise à la mort de sa cousine. La valise contient beaucoup de clichés, Il remonte l’histoire de cette valise suite à une exposition en lien avec la Guerre en Espagne.
Pas vraiment un roman d’aventure, roman très dense, pas de paragraphes.
Equateur
Antonin Varenne
Ed. Albin Michel, 2017, 339 p., 20.90€
Pete Ferguson vient du Nebraska (état sudiste). Déserteur, il part avec un étalon (son seul bien), se joint pendant un temps aux chasseurs de bisons, puis suit le rêve d’un autre : aller à l’équateur en passant par le Mexique (cosmopolite). En Guyane, il tuera un homme qui embarque des enfants indiens. Il prendra un bateau jusqu’au Guatemala (1871).
Roman distrayant bien écrit.
Au cœur des extrêmes
Christian CLOT
R. Laffont, 2018, 301 p., 20€
Récit de ses aventures, entre août 2016 et février 2017. Chaque expédition dure 1 mois, il y en aura 4 avec un délai de 15 jours de repos entre deux aventures. L’auteur brave quatre milieux extrêmes : Le désert du Dasht-e Lut, en Iran, aux monts de Verkhoïansk, en Iakoutie, des canaux marins de la Patagonie à la forêt tropicale du Brésil. Voyage seul sans moyen de communication, uniquement à manger. Objectif : étudier l’acclimatation de l’homme dans un milieu extrême.
Soudain, seuls
Isabelle Autissier
Ed. Stock (la bleue), 2015, 250 p., 18.50€
Un couple sans enfant voyage autour du globe en bateau, direction le Cap Horn. Ils font une excursion sur île abandonnée en 1950, suite à trafic de baleine. L’île est interdite, ils bravent l’interdiction, mais une tempête fait disparaître le bateau. Pour manger ils doivent tuer des manchots. Leur état de santé se dégrade. Faut-il mourir à deux ou seul ?
Voyageur sous les étoiles
Alex Capus
Actes Sud (lettres allemandes), 2017, 240 p., 21.80€
L’écrivain Robert Louis Stevenson, payé pour aller sur l’île de Samoa, cherche des trésors. Les cartes des îles s’achètent à prix d’or. Un capitaine parti avec un trésor aurait fait naufrage que l’île Coco. Le climat est néfaste pour la santé de Stevenson, pourtant il reste sur l’île, persuadé que le trésor s’y trouve.
On assiste à la construction de la maison, où il vit avec toute sa famille. L’auteur va aller sur l’île également. Coup de cœur pour une lectrice / une autre aurait préféré moins de récits sur la vie antérieure de Stevenson et plus de descriptions de la nature et des Samoans.
Sur les chemins noirs
Sylvain Tesson
Ed. Gallimard (Blanche), 2016, 144 p., 15€
Suite à son accident, Sylvain Tesson décide de traverser la France, à pied sur les chemins non balisés, dans le Mercantour, le Cotentin... Thérapie, rééducation.
Entre deux mers, voyage au bout de soi
Axel KAHN
Ed. Stock, 2015, 250 p., 19€
Seconde traversée de la France de la Pointe du Raz à Menton. Son but : rencontrer les gens. Chute genou et épaule déboîtés. Beauté des paysages. Echange avec les gens du terroir leur attachement et leurs peurs.
Le grand marin
Catherine Poulain
Ed. de l’Olivier, 2016, 372 p., 19€
Autobiographie. Née dans le Bas-Rhin en 1960, Catherine Poulain éprise de liberté devient bergère, puis, à 27 ans, part au Canada, USA, Hong-Kong, et passe 10 ans en Alaska. Elle se fait accepter sur un bateau de pêche au bout du monde, au milieu d’une équipe de marins, elle aura une histoire d’amour avec un marin.
Prochains bouillons, les jeudis à 20h15, le 16 mai à Orliénas (coups de cœur), et le 13 juin à Chassagny (auteurs d’Afrique noire).
15:09 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aventure, voyage
31/03/2019
Bouillon de polars
Polars présentés lors du bouillon de lecture de mars 2019 à la bibliothèque de Soucieu.
Par-delà la pluie
Victor DEL ARBOL
Actes Sud (Noirs), 2019, 448 p., 23€
Traduit de l’espagnol Por encima de la lluvia par Claude Bleton
Deux pensionnaires d’une maison de retraite au Maroc prennent la route. Hélène, marquée par la disparition de son père lorsqu’elle était enfant ; et Miguel, ancien banquier rigide, veuf, qui regrette un amour manqué, et s'inquiète pour sa la fille en proie aux violences de son mari. De très belles pages, bien écrites, pour ce roman noir. De 1947 à 2014, on voyage du Maroc, à travers l’Espagne et jusqu’en Suède autours de destins croisés, marqués par des traumatismes. Vieillesse, violence, crimes,… le bonheur s’échappe toujours.
Le Président a disparu
Bill CLINTON & James PATTERSON
JC Lattès (Thrillers), 2018, 491 p., 23€
Traduit de l’américain The President is missing
Thriller politique qui se déroule en trois jours. Une menace terroriste pourrait mener les Etats-Unis au chaos. Le Président réunit ses alliés (Israël et Allemagne). Situation haletante, à la recherche de deux mots de passe cruciaux et de la taupe qui informe les criminels. Intrigue assez classique, mais bien menée, avec des rebondissements.
La peau de César
René BARJAVEL
Mercure de France, 1985 / Gallimard (Folio), 6.80€
Nîmes, une lettre anonyme avertit le commissaire Mary que César sera réellement tué pendant la représentation de Shakespeare dans les arènes. Malgré les précautions, l’acteur est tué… Quel plaisir de retrouver la plume de Barjavel, dans ce dernier roman publié de son vivant !
La fille d’avant
J.P. DELANEY
Ed. Mazarine, 2017, 430 p., 21.90€
A l’issue d’un drame éprouvant, Jane cherche à tourner la page en déménageant. Un appartement la séduit : remarquable, connecté, minimaliste… et bon marché ! La jeune femme est séduite, elle voit là l’occasion de faire table rase de son passé. Mais pour y vivre, il faut se plier aux règles draconiennes, minimalistes et intrusives, fixées par l’architecte. Des événements inquiétants se produisent, et l’auteur sait fait monter la tension progressivement.
Pension complète
Jacky SCHWARTZMANN
Seuil, 2018, 184 p., 18€
Dino Scala, le personnage principal -tout comme l’auteur- est issu de la banlieue de Buers, à Lyon. Il vit aux crochets de sa femme plus âgée, milliardaire de la haute société luxembourgeoise. Dans ce milieu très bourgeois, il a gardé son parler franc et ses réactions vives. Suite à un coup de poing malencontreux, il doit se faire oublier et part dans le sud de la France. Après une panne improbable à La Ciotat, Dino fait halte dans camping. Il y rencontre un écrivain, venu là « à la rencontre des vrais gens » pour retrouver l’inspiration. Entre eux, se crée un lien « par défaut » ; ils tuent le temps… tandis que les morts accidentelles se multiplient au camping. De l’humour et une écriture assez verte pour ce polar à l’humour décalé.
Toute la vérité
Karen CLEVELAND
R. Laffont (La bête noire), 2018, 367 p., 21€
Traduit de l’américain Need to know par Johan-Frédérik Hel-Guedj
Mariée depuis 10 ans, et mère de 4 enfants, Vivian Miller est agent du contre-espionnage à la CIA. En développant un logiciel permettant de repérer les agents dormants russes, elle accède à un dossier secret qui remet en cause sa vie et sa famille ! L’auteur a travaillé 8 ans comme analyste à la CIA.
Le journal de ma disparition
Camilla GREBE
Calmann-Lévy (Noir), 2018, 424 p., 21.90€
Traduit du suédois Husdjuret par Anna Postel
Deux ans ont passé depuis la précédente enquête Un cri sous la glace, et Hanne vit en couple avec son collègue policier Peter Lindgren. Elle a de sérieux problèmes de mémoire et tient un petit carnet où elle note les détails de ses enquêtes. Ils sont appelés en renfort auprès de l’inspecteur Malin pour élucider un meurtre, qui semble lié à un cadavre découvert au même endroit il y a dix ans. Hanne perd son carnet, retrouvé par un jeune homme qui s’en sert pour résoudre l’intrigue. L’écriture est quelconque, mais le récit réserve des surprises jusqu’au bout, et présente une peinture intéressante du village du fin fond de la Suède, paumé, appauvri, ou l’installation de migrants musulmans est mal perçue. L’auteur souhaite renverser le regard porté sur les exilés : ces réfugiés pourraient être nous ! Prix du meilleur polar suédois 2017.
Sur le toit de l’enfer
Ilaria TUTI
R. Laffont (La bête noire), 2018, 405 p., 20€
Traduit de Sopra l’Inferno (via l’anglais !)
L’intrigue se situe dans les montagnes isolées du Frioul, entre Italie et Autriche, sur plusieurs périodes (1936, 1978 et 1993). Dans un village très fermé, qui vit du tourisme sans vouloir élargir le domaine skiable, se succèdent meurtres et agressions. Le récit laisse une large part à la psychologie, celle des victimes, des bourreaux, mais aussi celle des enquêteurs, avec le personnage de la commissaire Bataglia, qui mène la vie dure au jeune inspecteur Massimo qui les rejoint. Bourrue et cinglante, mais adulée par son équipe, elle ne reconnaît que la compétence, et tente de tenir à distance les premières attaques d’Alzheimer. L’histoire nous plonge dans le passé de la région, et s’inspire des expérimentations comportementales réalisées par un psychanalyste nazi, Spitz.
Back-up
Paul COLIZE
La manufacture des Livres, 2012 / Folio policier, 2013, 496 p., 8.30€
Un back-up, dans le milieu du rock, c’est un musicien de remplacement. Sur toile de fond des années « sexe, drogues et rock n’roll », l’auteur monte un récit puzzle, à lire d’une traite pour s’y retrouver. Berlin, 1967, les 4 musiciens du groupe Pearl Harbor meurent, dans différentes parties du globe, semble-t-il d’accidents. Bruxelles, 2010, un SDF est renversé par une voiture. C’est l’ancien batteur back-up du groupe, qui souffre du locked in syndrome, et se remémore ses années d’errance sans pouvoir communiquer. Le lecteur suit avec avidité ces 2 histoires parallèles qui sont évidemment liées. Le roman est truffé de références à la musique. Petite coquetterie : chaque chapitre a un titre musical (dernière expression dudit chapitre).
Du même auteur, Michèle signale Un long moment de silence, sur les juifs sortis des camps, et leurs enquêtes pour retrouver leurs tortionnaires allemands.
La disparue de la cabine n°10
Ruth WARE
Fleuve Noir, 2018, 432 p., 20€
Traduit de l’anglais The Women in Cabin 10 par Héloïse Esquié
Laura, rédactrice pour un magazine de voyages, a une belle opportunité de faire ses preuves en participant à la croisière inaugurale d’un yacht de luxe dans les fjords norvégiens. La première nuit en mer, elle croit entendre un cri en provenance de la cabine n° 10, suivi de la chute d’un corps dans l’eau. Elle pense avoir assisté à un meurtre, mais le personnel prétend que cette cabine a toujours été vide, et personne n’a disparu. De plus, la crédibilité de Laura est mise en doute en raison de sa tendance à cumuler alcool et médicaments. L’intrigue, bien menée, se passe en huis clos, avec un personnage plutôt sympathique quoique névrosé, qui disparait à son tour. La peinture des « riches et puissants » aurait pu être plus incisive. Thriller assez bien ficelé.
Le Bibliothécaire
Larry BEINHART
Gallimard (série noire), 2005, 450 p., 24€
Traduit de The Librarian par Patrice Carrer
Pour arrondir ses fins de mois, et par amour des livres, David Goldberg devient bibliothécaire privé pour un milliardaire américain. Or Alan Stowe fait partie des « Eléphants d’or », gros bailleurs de fonds du parti Républicain, peu avant les élections présidentielles. A classer les documents confidentiels de l’industriel influent, le bibliothécaire se retrouve rapidement pris en chasse par les barbouzes républicains… alors qu’il n’a aucune idée de l’information qu’on lui reproche de détenir. Thriller politique américain typique, assez réussi, ne serait-ce que pour son personnage principal de bibliothécaire, et pour la belle Niobé, Mata Hari pleine de surprises qui tente de le séduire.
Chambre froide
Tim WEAVER
Micro Application (Pôle noir-thriller), 2013, 417 p., 20€
Traduit de Chasing the Dead par Véronique Gourdon
Un an après la mort de son fils, une femme est persuadée de l’avoir vu dans la rue, alors qu’il avait été formellement identifié par son empreinte dentaire après un accident de la route. Elle embauche David Raker, détective spécialiste des personnes disparues. Depuis que sa femme est morte, David n’a plus rien à perdre. Aussi n’abandonne-t-il pas l’enquête, même lorsque l’enquête devient dangereuse, et que morts et disparus se multiplient. Le personnage de l’enquêteur entêté est plutôt sympathique, mais ce thriller est un peu dérangeant, par son registre glauque de la souffrance physique et de l’aliénation.
L’île des absents
Caroline ERIKSSON
Presses de la Cité, 2018, 236 p., 19€
Traduit du suédois De Försvunna par Laurence Mennerich
Greta et son amant (marié) Alex passent un week-end au bord du Cauchemar, un lac suédois isolé, dont la légende voudrait qu’il soit maudit. Lors d’une sortie en barque avec la petite Smilla, fille d’Alex, Greta laisse Alex et sa fille débarquer seuls sur un îlot pour une promenade. Lorsqu’ils tardent à revenir, Greta s’affole et l’angoisse monte. Thriller psychologique angoissant, mais un peu vite traversé. Un lien intéressant (quoiqu’assez « fabriqué ») est fait entre plusieurs femmes subissant l’emprise et la violence des hommes.
20:40 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman policier, thriller
17/02/2019
Joyce Carol Oates
C'est la bibliothèque de Chassagny qui nous accueille pour le "bouillon de lecture" du 14 février. Les gourmandises du jour, petits coeurs, flan parisien et strudel, ne sont pas de trop pour nous réconforter avant d'aborder l'oeuvre de Joyce Carol Oates, monument de la littérature américaine.
Joyce Carol Oates est née en 1938 dans l’Etat de New York. Diplômée de l'université de Syracuse et de celle du Wisconsin, elle partage sa vie avec Raymond J. Smith, professeur de littérature anglaise. Elle enseigne à Detroit, « une ville où la violence et les tensions raciales sont vives », au Texas, en Ontario (Canada), puis à l'université de Princeton, au New Jersey. Son œuvre littéraire regroupe une centaine d’ouvrages, romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, poèmes, livres pour la jeunesse… ainsi que des polars, sous les pseudonymes de Rosamond Smith et Lauren Kelly.
Les romans que nous avons lus se distinguent par leur noirceur, et la complexité des personnages, qui souvent présentent une personnalité publique différente de leur « moi » profond. JCO n’hésite pas à multiplier les retours en arrière, et la structure de ses romans n’en facilite pas la lecture. Tous décrivent des facettes d’une Amérique plutôt bigote et peu reluisante.
Nulle et Grande Gueule
Gallimard, 2002
Trad. de Big Mouth and Ugly Girl, 2002
Grande et mal dans sa peau, ursula se trouve nulle. Matt, lui, aime rire et blaguer. Un jour, il propose en plaisantant de poser une bombe au lycée. Accusé de terrorisme, il est arrêté par la police. Exclu du lycée quelques jours, ostracisé, il n'est plus soutenu que par Ursula. Dans ce roman "jeunesse" (ou pas), JCO dénonce le conformisme et l'hypocrisie de la société américaine.
Les Chutes
P. Rey, 2005
Trad. de The Falls, 2004
Après le suicide inattendu de son premier mari au lendemain de leur nuit de noces à Niagara, Ariah "la veuve blanche des chutes", épouse Dirk, et se consacre à ses trois enfants, sa maison et son piano. Brillant avocat, Dirk s'occupe d'une affaire de pollution industrielle, lorsqu'il meurt brutalement d'un accident dans les Chutes. Ce n'est que longtemps après, lorsque le scandale concernant la pollution refait surface, que les enfants enquêtent... Le regard sur l'Amérique est intéressant, mais les personnages peu sympathiques, et le style répétitif rendent la lecture fastidieuse.
Un endroit où se cacher
Albin Michel, 2010
After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away, 2006
Suite à un accident, Jenna a perdu sa mère. Culpabilité, comportement auto-destructif... elle vit avec un oncle et une tante plutôt sympas, mais refuse leur aide. Ce roman ado finit sur une note positive.
Petite soeur, mon amour : l'histoire intime de Skyler Rampike
P. Rey, 2010
Trad. de My Sister, My Love, 2008
Inspiré de l'histoire d'une mini-miss assassinée en 1996, le roman est présenté comme le journal intime de son frère Skyler. Dans cette famille dysfonctionnelle, les parents projettent leurs rêves sur les enfants : gymnastique pour le fils, patin à glace et mannequinat pour sa petite soeur Bliss. Lorsque la fillette est retrouvée assassinée, l'enquête conclut à la culpabilité d'un soit-disant pédophile. Mais était-il coupable ?
Petit oiseau du ciel
P. Rey, 2012
Trad. de Little Bird of Heaven, 2009
Little Bird of Heaven est le titre d'une chanson interprétée par Zoé, jolie et aguicheuse, qui rencontre un joli succès local. Lorsque le groupe de Zoé se fait arnaquer par un pseudo impressario, elle sombre dans l'alcool et la drogue, et finit assassinée. Les soupçons se portent sur Delray, le mari dont Zoe est séparée, et Eddy Diehl, son amant. L'auteur dissèque l'impact du drame sur leurs familles : comment leurs enfants ressentent les choses, dites ou non-dites. Beaucoup de violence, d'alcool, de drogue...
Mudwoman
P. Rey, 2013
Trad. de Mudwoman, 2012
USA, 2002, après la chute des Twin Towers, la guerre contre l'Irak est en gestation. Dans le milieu universitaire, Meredith Ruth Neukirchen est une superwoman, première femme présidente d'université. Dédiée à son travail corps et âme, non pas pour sa réussite personnelle, mais par dévouementt -et parce qu'une femme doit se battre davantage qu'un homme pour éviter de donner prise aux critiques. Corsetée dans son personnage public, elle bascule cependant lorsque ses souvenirs de "mudgirl", l'enfant tondue et sacrifiée dans les marais par une mère folle fanatique ressurgissent. Le sujet est très prenant, et l'étude de personnages (foyer d'accueil, parents adoptifs Quakers, professeurs...) fouillée. Pour autant, le roman déroute par son accumulation d'allers-retours temporels, à laquelle viennent s'ajouter cauchemars et hallucinations. La lecture est donc en même temps longue, un peu pénible... et captivante.
Daddy Love
P. Rey, 2016
Trad. de Daddy Love, 2013
Sur un parking de supermarché, Robby, un petit garçon de 5 ans, est enlevé par un prédateur sexuel, prêcheur itinérant. Rebaptisé Gidéon, il grandit auprès de lui dans une ferme, maté par quelques punitions terribles. Peu à peu, il réalise qu'il est le 4ème d'une série, et que les garçons précédents ont disparu à la puberté. JCO déploie des raffinements de cruauté pour emmener son lecteur dans un univers horrible.
Carthage
P. Rey, 2015
Trad. de Carthage, 2014
Dans la petite ville de Carthage (Adirondacks), une famille bourgeoise voit grandir ses deux filles, la jolie et pieuse Juliet, et Cressida,intelligente et différente (rebelle ? autiste ?). Juliet rompt avec son fiancé, revenu de la guerre en Irak assez amoché, physiquement et psychologiquement. Lorsque sa soeur Cressida disparait, il est accusé et emprisonné. JCO met en scène une Amérique très provinciale, et le monde carcéral aux Etats-Unis.
Valet de Pique
P. Rey, 2017
Trad. de Jack of Spades, 2015
Auteur à succès de romans policiers, Andrew J. Rush publie également sous un pseudo des polars sulfureux et pornographiques. Lorsque cet équilibre tout en dissimulation est menacé, le Valet de Pique refait surface... Thriller autour d'un personnage double.
Nous finissons par deux livres plus personnels, qui -au travers de l'histoire personnelle de l'auteur et de son récit familial- jettent un éclairage sur l’œuvre de Joyce Carol Oates :
Paysage perdu
P. Rey, 2017
Trad. de The Lost Landscape: A Writer's Coming of Age, 2015
Comme un puzzle à reconstituer par le lecteur, il regroupe des fragments de souvenirs en chapitres courts, qui donnent des indications sur la construction de l'auteur : son enfance sur une ferme isolée, proche de grands-parents d’origine hongroise, sa petite sœur « différente », son goût pour l’écriture depuis le plus jeune âge, ses rapports à sa grand-mère Blanche qui lui offrit sa première machine à écrire…
La fille du fossoyeur
P. Rey, 2008
Trad. de The Gravedigger’s Daughter, 2007
Inspiré de la vie de la grand-mère de l’auteur. Rebecca, petite dernière d’une famille de juifs allemands réfugiés d’Europe, est la seule née sur le sol américain. Son père -autrefois professeur- doit travailler comme fossoyeur, et sombre dans la folie jusqu’à un délire meurtrier. Après avoir fui un premier mari violent, Rebecca construit sa vie en se durcissant et en se construisant un personnage public fictif, évitant de montrer ses faiblesses pour se protéger. Elle se consacre à son fils musicien.
18:12 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité de lecture
21/12/2018
Il était une fois... au bouillon de lecture
Bouillon de lecture à St Laurent d’Agny ce 12 décembre 2018. Bien accueillies, nous parlons des contes, thème retenu à l’approche de Noël.
Les contes traditionnels : Contes et légendes oubliés de Bretagne du XIXème siècle, Contes et légendes du Vercors de Claude Ferradou, etc. n’ont pas séduit.
Par contre, 2 coups de cœur :
Maryvonne lit des passages de Salina de Laurent Gaudé et la magie opère, nous sommes toutes attentives, voire charmées.
Mme Pecontal nous régale à son tour avec les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari, drôles , caustiques, …
Nous terminons de façon animée avec les contes lyonnais d’autrefois et toutes les lyonnaises d’origine nous parlent "lyonnais", belle cacophonie pour les non initiées "patafinéees" !!!!
Marie-Claire
10:59 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conte
17/11/2018
Bouillon de jeunesse
La fille qui n’existait pas
Natalie C. ANDERSON
Pocket jeunesse, 2018
L’auteur a travaillé une dizaine d’années dans l’humanitaire en Afrique, ce qui constitue le matériau du roman. Du Kenya au Congo : une jeune fille de 15 ans, seule et orpheline, vit dans la rue sous l’emprise d’un gang. Volontaire et possédant une grande force de caractère, elle pense avoir échappé au sort réservé aux filles dans ces bandes. Futée et agile, elle sert de pickpocket, v ole des fichiers. Sa quête de vengeance (venger l’assassinat de sa mère) évolue en quête des origines. A partir de 15 ans.
Rhizome
Nadia COSTE
Seuil jeunesse, 2018
En 2081, les côtes étant submergées, les humains occupent des skycities, villes toutes en hauteur, avec des murs végétaux pour purifier l’air. Les dirigeants se trouvent dans les hauteurs, tandis que certaines populations sont cantonnées dans les bas-fonds pour cultiver. Un jeune botaniste découvre que les plantes communiquent entre elles, et peuvent même communiquer avec lui… en le colonisant. Sujets : nourrir la planète, qualité de l’air, manque de place. A partir de 13 ans.
Jefferson
Jean-Claude MOURLEVAT
Gallimard jeunesse, 2018
Jefferson le hérisson, accusé de l’assassinat de son coiffeur « Définitifs », enquête pour trouver le coupable. Au-delà de l’enquête, ce roman parle aussi d’amitié et de solidarité, et des rapports entre humains et animaux. Toujours la qualité d’écriture de Jean-Claude Mourlevat, une valeur sûre en littérature jeunesse ! A partir de 9 ans.
Le mot d’Abel
Véronique PETIT
Rageot, 2018
Le monde d’Abel est analogue au nôtre, à ceci près que chaque personne reçoit vers la fin de son enfance la révélation d’un mot, personnel, intime, qui le définit et détermine sa vie. Abel a la hantise de ne pas recevoir son mot, d’en recevoir un qui lui semblerait insignifiant, ou pire, de recevoir un mot négatif, qui conditionnerait sa vie entière. Sujets : détermination versus choix personnels, influence du groupe. A partir de 11 ans. Prix Gulli 2018 du roman jeunesse.
Interfeel
Antonin ATGER
Pocket jeunesse, 2018
Dans un monde futuriste où les réseaux sociaux prennent le pouvoir, Interfeel permet de partager ses émotions, d’être toujours en contact avec les autres grâce à une puce et une opale. Quelques personnes restent hors réseau et luttent contre le totalitarisme du système. Premier roman très réussi, par un jeune auteur de la région à suivre ! A partir de 15 ans.
Fake, fake, fake
Zoé BECK
Milan, 2016
de son vrai nom Henrike Heiland, est une écrivaine , éditeur et traductrice allemande
Un prénom pourri, des pieds taille 49, pas d’amis… Edvard, ado en fin de collège, surveille l’apparition tardive de sa puberté et se morfond d’amour pour une fille qui l’ignore. Sur un blog, il se crée un avatar parfait. Quand la belle Constance mord à l’hameçon, ça devient compliqué... Assez comique.
Dans la lumière de l’aube
Julien PIGNARD
Edition du Poutan, 2018
Lyon. Quatre amis d’enfance, arrivés à la trentaine, se retrouvent autour de l’un d’eux, de retour après 2 ans d’absence, et qui a besoin de leur aide. Redémarrage de leur amitié et de leur amitié et de leur vie. Belles descriptions de Lyon. Roman à 4 voix, au style moyen. Sujet : amitié. Pour jeunes adultes.
George
Alex GINO
Ecole des Loisirs, 2017
Quand la maîtresse propose de jouer une pièce de théâtre à l’école, George veut à tout prix interpréter le personnage de Charlotte. Ainsi, tout le monde comprendra enfin qui elle est. Car George (ou plutôt Melissa, comme elle se surnomme) le sait : elle est une fille, bien que tout lui rappelle au quotidien qu’elle est un garçon. Même si ce n’est pas de la façon qu’elle espérait, cette pièce de théâtre va lui permettre de prendre confiance en elle, d’évoluer et de s’imposer. Ce roman aborde avec délicatesse le sujet délicat de la transidentité chez les enfants. A partir de 10 ans.
Chair à ballon
Alain DEVALPO
Gründ, 2012
Histoire basée sur les faits réels, ce roman ado traite des jeunes noirs africains cibles d’arnaqueurs dans le monde du football. Une belle leçon de vie et d’humilité au travers de l’histoire de Kaci, Sénégalais, l’une des victimes d’un escroc blanc.
15:41 Publié dans Bouillon de lecture, Livres jeunesse, Livres pour ados | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman jeunesse, roman ado
08/10/2018
Bouillon de rentrée littéraire... mais pas que !
4 3 2 1
Paul AUSTER
Actes Sud, 2018
Selon la légende familiale, le grand-père Isaac Reznikoff quitta un jour à pied sa ville natale de Minsk avec 100 roubles cousus dans la doublure de sa veste, eut moultes aventures avant d’arriver enfin aux Etats Unis, où il fut rebaptisé Ferguson à Ellis Island. A partir de là, l’auteur invente 4 trajectoires pour le même personnage… dont le destin change en fonction de son environnement et de l’influence des évènements. Au travers de ces 4 variations biographiques, l’auteur retrace l’histoire des Etats-Unis. Ambitieux et intéressant.
Khalil
Yasmina KHADRA
Julliard, 2018
Récit d’un jeune de Molenbeek radicalisé, venu à Paris en 2015 pour semer la terreur. Yasmina Khadra propose une approche psychologique du sujet en se mettant dans la tête d’un kamikaze. Ses rapports aux autres, à la mère de cet ami… Dérangeant et captivant, du grand Khadra !
Un monde à portée de main
Maylis de KERANGAL
Verticales, 2018
Une jeune fille, indécise sur son avenir après le bac, s’inscrit dans une école de copiste. S’ensuivent ses années d’école, puis ses travaux à Rome à Cinecita, dans la grotte de Lascaux,… Maylis de Kerangal nous offre une plongée détaillée dans la peinture et le métier de peintre en décors. A son habitude, son roman est extrêmement documenté et précis. Vous ne regarderez plus les fresques de la même façon !
Mille petits riens
Jody PICOULT
Traduit de l’américain « Small Great Things » par Marie Chabin
Actes Sud, 2018
Plaçant son récit dans les Etats Unis d’aujourd’hui, l’auteur raconte la communauté blanche bien-pensante, et les pensées de ceux qui ne se croient pas racistes – pas si claires vis-à-vis des noirs. Alternant entre trois personnages, le roman en suit l’évolution : une sage-femme noire professionnelle et appréciée ; un suprématiste blanc qui refuse qu’une soignante noire s’occupe de son bébé ; une avocate blanche. Facile à lire.
Changer l’eau des fleurs
Valérie PERRIN
Albin Michel, 2018
Violette Toussaint vient de l’assistance publique. Elle a été garde-barrière, puis gardienne de cimetière, chargée de l’entretien des tombes et de l’accueil des familles. Une leçon de courage et de résilience, avec des personnages tout simples mais très bien racontés. (Par l’auteur de Les oubliés du dimanche, qui se passait en maison de retraite).
Les meilleurs amis du monde
Gilly MacMILLAN
Les Escales, 2018
Noah et Abdi sont amis depuis l’enfance, bien qu’issus de milieux différents : Noah vient d’une bonne famille BCBG anglaise, tandis qu’Abdi est réfugié Somalien. Lorsque le corps de Noah est repêché dans un canal de Bristol, Abdi est soupçonné, mais il ne peut (ou ne veut) rien dire. On voit progresser deux familles qui n’ont rien en commun dans leur recherche de vérité. Très bien écrit.
Le magasin jaune
Marc TREVIDIC
J.C. Lattes, 2018
En 1929, un jeune couple ouvre une boutique de jouets dans le quartier de Pigalle. Repeint d’un jaune éclatant, le magasin est rayonnant, et propose de beaux jouets du Jura. La petite fille du couple devient la mascotte du quartier. Vie du quartier avec ses hauts et ses bas jusqu’après la guerre.
Le peintre d'aquarelles
Michel TREMBLAY
Actes Sud, 2018
Marcel a passé plus de 50 ans dans un hôpital psychiatrique au fond des Laurentides. Depuis des années, il peint à l'aquarelle, sur les conseils de son médecin : les montagnes menaçantes qui l'entourent, mais aussi la mer, qu'il n'a jamais vue. Le roman est son passage à l'écriture, dans un essai de journal intime. Il y écrit de très belles pages sur la peinture, de la préparation du papier à la réalisation de ses aquarelles, et s'essaie à comprendre sa vie. Enfant épileptique, sujet à des crises de schizophrénie, il avait été enfermé après avoir mis le feu aux cheveux de sa mère... Avec la douceur des teintes d'aquarelle, le récit émouvant d'une vie confisquée par les médicaments, consacrée à la peinture. (Se lit seul, mais peut aussi être intégré à la saga des Desrosiers).
Le pays des contes
Chris COLFER
M. Lafon, 2016 à 2018
Alexe et Connor sont des jumeaux très différents. Alexe aime les livres, tandis que Connor –peu scolaire- a beaucoup d’amis. Depuis le décès de leur père, il y a un an, leur mère travaille dur. Leur grand-mère est conteuse dans les hôpitaux. Un jour, les jumeaux se retrouvent projetés dans le livre des contes, où les histoires sont en fait bien différentes des versions que nous connaissons. Enfermés de l’autre côté, il leur faut réunir 8 objets magiques éparpillés dans les villes des différents personnages. Aventure, humour et émotion sont au rendez-vous dans cette série pour ados. (Série en cours, mais chaque tome est clos.)
Frappe-toi le cœur
Amélie NOTHOMB
Albin Michel, 2017
Alfred de Musset : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ». Une jolie fille qui a tout pour elle épouse un pharmacien, puis vit mal la perte de sa jeunesse lorsqu’elle devient mère. La narratrice, sa fille, est détestée par sa mère narcissique et jalouse. Le récit s’attache à l’évolution des trois enfants, conditionnée par leur relation à la mère, que ce soit l’excès ou le manque d’amour. Relations humaines, rivalités, manipulations… et retournement en fin de roman. Un bon Nothomb.
Bakhita
Véronique OLMI
Albin Michel, 2017
Fin du 19e siècle. Une fillette soudanaise, raflée par des esclavagistes, va vivre un destin incroyable –avec des moments très durs. Ses pérégrinations l’emmèneront jusqu’en Italie. Après la perte de sa langue maternelle, et la perte de son identité, la religion l’aidera à se réaliser. Le style colle très bien à l’histoire et aux émotions, par son choix de mots et de phrasé. Très beau récit émouvant, inspiré de la vie de Joséphine Bakhita, canonisée par Jean-Paul II en 2000.
Celui qui va vers elle ne revient pas
Shulem DEEN
Globe, 2017
Essai, ou roman autobiographique. L’auteur vient d’un Shetl, communauté juive hassidique traditionnelle près de Brooklyn. Tenté par la radio, internet et une émancipation vis-à-vis du groupe, le narrateur raconte aussi comment ceux qui sortent de ces communautés soudées en sont bannis et se retrouvent déconnectés, esseulés.
Un jour, tu raconteras cette histoire
Joyce MAYNARD
P. Rey, 2017
Joyce Maynard retrace ses années de bonheur avec son mari Jim, rencontré à 55 ans, leur complicité, et leur douloureux chemin ensemble lorsque Jim est atteint d’un cancer du pancréas.
L’homme de ma vie
Yann QUEFFELEC
Guérin, 2017
L’auteur parle de sa relation difficile à son père, l’écrivain Henri Quéffelec, dont il a toujours essayé de capter l’attention et l’amour. Sensible et sympathique.
Guide des égarés
Jean d’ORMESSON
Gallimard, 2016
Le regard de l’écrivain sur l’humanité. Belle écriture et philosophie sans en avoir l’air.
17:24 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, roman étranger, roman ado
31/07/2018
Bouillon de biographies
Journal d’Irlande
Carnets de pêche et d’amour, 1977-2003
Benoîte GROULT (1920-2016)
Grasset, 2018
Benoîte Groult et Paul Guimard (son 3e mari) avaient une maison au bord de l’océan, où ils allaient l’été pour pêcher. Blandine de Caunes a repris et entremêlé les écrits irlandais de sa mère : carnets de pêche au jour le jour ; et journaux intimes, tenus pendant 23 étés, retraçant sa relation avec son mari qui vieillit mal, et avec son amant américain Kurt, avec lequel elle vit une intense passion charnelle depuis les années 1960. La journaliste et romancière, féministe, forcenée de la vie, célèbre aussi l’Irlande, et relate d’une plume acérée les visites d’amis célèbres –de François Mitterrand aux Badinter. C’est un plaisir de retrouver cet auteur.
Je ne serais pas arrivée là si…
Annick COJEAN
Grasset, 2018
Journaliste au Monde, l’auteur a lancé ce début de phrase à des femmes connues, qui ont accepté de l’approfondir. Ce livre regroupe donc 27 micro-biographies, tranches de vie de personnes fascinantes aussi variées que Patti Smith, Asli Erdogan ou Christiane Taubira. Les rapports à la mère et à l’instruction sont des thématiques récurrentes.
Glaneurs de rêves
Patti SMITH (1946- )
Gallimard, 2014
Un soir de blues, Patti Smith a couché sur le papier ses beaux souvenirs d’enfance. Dans ce court récit autobiographique, elle évoque la petite fille qu’elle était, très jeune déjà passionnée d’écriture. Lecture lumineuse.
Cette année les pommes sont rouges
Georges et Laurent GERRA
Flammarion, 2015
"C'était la drôle de guerre de mon grand-père". Laurent Gerra adorait son grand-père, mort quand il avait une dizaine d’années. Il a repris le carnet que celui-ci a rédigé pendant la guerre, témoignage de la « drôle de guerre » de 1939, la débâcle, la résistance. Les chapitres courts et factuels rendent très vivants ces moments de l’histoire de notre pays.
Du Sahara aux Cévennes
Itinéraire d'un homme au service de la Terre-Mère
Pierre RABHI (né en 1936 en Algérie)
Albin Michel, 2002
Originaire du même village Algérien que Yasmina Khadra, Pierre Rabhi a grandi auprès de son père forgeron, « le protecteur », ou « le pilier », qui se retirait parfois pour jouer du luth. Il évoque son enfance dans une famille très musulmane, et ce qui l’a marqué : l’école coranique, le désert « J’écoute le désert ne rien dire », les étoiles, le soleil les jours de canicule, la cérémonie du thé, le bruit de balancier du puits... et l’arrivée des premiers Européens à la recherche des « cailloux noirs » (charbon). Eduqué ensuite à l’occidentale, et séjournant chez des roumis, il lui devient de plus en plus difficile de retrouver sa place au douar. « Les deux civilisations me tiennent par la main et dialoguent par-dessus ma tête ». Immigré en France, il parvint en compagnie de sa femme à exploiter une petite ferme cévenole, réalisant ainsi son rêve de retour à la terre. Fort de cette réussite, il travaille depuis à transmettre son savoir-faire agronomique et à inaugurer une autre éthique dans les échanges internationaux. pionnier d'une révolution écologique tranquille s'adresse aussi bien aux hommes en lutte contre la désertification de leurs terres qu'à ceux qui découvrent la désertification de leur âme
Le courage de dire non
Conversations et entretiens, 1963-2007
Mario RIGONI-STERN
Les Belles Lettres, 2018
Série d'entretiens avec l'auteur, vers la fin de sa vie. On réalise grâce à ce livre que tous ses récits sont authentiques, inspirés de sa vie. Né à Asiago, dans une famille aisée, Rigoni Stern était un amoureux de la nature, un chasseur, doté d'une grande sensibilité, et toujours partisan de la paix.
Mariage en douge
Ariane CHEMIN
Ed. des Equateurs, 2016
A l'automne 1963, Romain Gary et Jean Seberg se sont mariée en douce, en Corse, après la naissance de leur enfant. Ariane Chemin, grand reporter, a retrouvé le dernier témoin de ce mariage, organisé par le Renseignement militaire français. Une biographie très vivante de gens morts, bien intégrée à son époque d'après-guerre.y
Les rêveurs
Isabelle CARRE
Grasset, 2018
Récit d'une enfance dans les années 1970, au coeur d'une famille bohème, avec des parents fragiles. « Au pied de l’arc en ciel se dissimule toujours un trésor », nous répétait mon père. Notre univers avait la texture d’un rêve, oui, une enfance rêvée, plutôt qu’une enfance de rêve. »
Ce récit évoque peu la carrière de l'actrice, mais offre une réflexion sur ce qui la sous-tend.
"Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois joyeux, ludique, toujours bordélique, qui ne tarderait pas à s’assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et la réalité en étaient absentes. Là encore, et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l’histoire, accepter les rôles qu’on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes."
"Pour rien au monde je ne renoncerais au plaisir d’être si bien cachée derrière mon maquillage et les costumes d’un personnage. Puisque tout est vrai, et que les acteurs « font semblant de faire semblant », comme l’écrit Marivaux... Et si c’était la solution, s’inscrire dans un cours de théâtre, accepter que ça déborde ? Il y aura la sécurité du cadre, du cadre de scène, ou celui défini par la caméra, pour contenir, autoriser, et même encourager ce qui, dans la vie courante, est toujours en trop."
"L’émotion est pénible au quotidien, embarrassante. Les mains qui tremblent, les maladresses, tout prête à rire, ou dérange. Je pense à ma mère qui traverse sa journée sur un fil, dans un équilibre précaire, essuyant avec lassitude les reproches qui pleuvent, alors que sur un grand écran, les spectateurs considéreraient peut-être sa fragilité comme un supplément d’âme, une sensibilité un peu naïve qui leur rappellerait celle d’une Mia Farrow… Tout se transorme quand on va au cinéma : la folie de Romy Schneider devient grandiose, le mal-être de Patrick Dewaere bouleversant, le filet de voix de Charlotte Gainsbourg touchant, la fébrilité de Nastassja Kinski sensuelle…"
15:58 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : biographie
29/07/2018
La fille à histoires
La fille à histoires
Irène FRAIN
Seuil, 2017, 250 p., 18 €
Par courts chapitres, Irène Frain livre un récit d’enfance, en lien avec sa vocation d’écrivain.
C’est tout d’abord le récit simple et touchant d’un amour fou pour une mère, hostile dès la naissance, qu’elle cherche à comprendre.
"Impossible de douter de la vocation des femmes à la maternité... La vraie femme a des enfants et les mères sont dotées d’un instinct qui leur commande de se vouer corps et âme à leur progéniture, jusqu’au sacrifice de leur vie. A moins, évidemment, d’être un monstre. Ma mère, je trouve, a beaucoup de courage. A sa sortie de l’hôpital, quand elle franchit le seuil de son enfer domestique, elle décide de tout mettre en œuvre pour aimer sa petite dernière. Jamais on ne dira d’elle qu’elle est une « mauvaise mère ». Elle oublie que l’amour ne se décrète pas. Et qu’il ne souffre pas la contrefaçon. Il y aura donc des ratés."
C’est aussi le récit d’une enfant "vivace, pas facile à mourir". Une résiliente, plus libre que ses sœurs peut-être, dont les résultats scolaires font la fierté de son père, qui espère la voir "monter jusqu’à prof", et qui très tôt décide "je vais partir d’ici".
L’auteur enfin fait le lien entre cette enfance et sa vocation au rêve. Sa mère avait un don naturel pour les histoires, affutées autour des « jus entre voisines» servi dans les verres en Duralex, à même la toile cirée. "Ce qu’elle disait, c’était du roman à l’état natif... Quand je repense à ces après-midi, je me vois toujours cachée sous la table… J’ai été, je pense, la plus attentive, celle qui buvait, en même temps que ses paroles, ses silences. Quelque chose me soufflait qu’avec « eux, j’aurais accès à son secret et, du même coup, à la clé qui me ferait aimer d’elle. Il suffit que je les écrive, ces colliers de mots, pour qu’instantanément je me retrouve dans la peau de la petite fille qui écoutait, suspendue entre effroi et merveille, convaincue que sa mère, avec ses mots, détenait la clé d’un univers parallèle. Je voulais à toute force la suivre dans ce monde d’à côté, mettre mes pas dans les siens, m’engouffrer comme elle faisait dans ses couloirs étranges…"
A son tour, Irène s’empare des histoires, tissées tout d’abord autour de la boîte à boutons, puis de ses mères fantômes découpées dans des catalogues, ses histoires écrites dans le grenier, et jusqu’à ses premiers romans, qui "me font maintenant l’effet d’un collier de suppliques. Chaque fois la même, celle que ma bouche n’avait pas réussi à former quand j’étais petite : « Maman, s’il te plaît, écoute-moi, aime-moi, je le mérite, j’y ai droit. »
"Les mots de ma mère étaient puissants. Les uns m’ont émerveillée, ont réussi à réenchanter ma vie. D’autres furent meurtriers. Ils ne m’ont pas tuée –j’ai toujours préféré les premiers". Ce sont ceux, sans doute, qui l'ont poussée à l'écriture.
Ce récit a fait écho en moi à celui de Cécile Latreille, L'Innommée, où sourd la douleur d'une relation manquée à la mère.
19:19 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bibliographie, maternité
20/05/2018
L'homme craie
L’homme craie
C.J. TUDOR
Pygmalion, 2018, 384 p., 20.90 €
Traduit de The Chalk Man, par Thibaud Eliroff
"Les deux étaient irrévocablement mêlés. La poule et l’œuf. Lequel est venu en premier ? Les bonhommes de craie ou les meurtres ?"
Suite à la réapparition d’un vieux copain, le narrateur, Eddie Munster, désormais professeur de littérature, revient sur les événements de sa jeunesse quarante ans plus tôt, pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer. Il remonte aux origines, fait une « virée sur le boulevard des souvenirs, un chemin sombre sur lequel les dressent des bonshommes de craie ».
En 1986, intello de la bande, un tantinet kleptomane, il traînait avec Le Gros Gav, Mickey Metal, Hoppo et Nicky la fille du pasteur. Quand le Gros Gav a reçu un seau de craies pour son anniversaire, ils s’en sont servis pour se laisser des messages secrets et fixer leurs rendez-vous. Mais peu à peu, tandis que leur petite ville était agitée par les passions suscitées par l’installation d’une clinique pratiquant des avortements, les bonshommes de craie sont apparus seuls, semblant attirer ou désigner des accidents… ou des meurtres !
Quels étaient les liens avec leur bande ? Quel rôle ont joué les adultes : le père d’Eddie un temps accusé ? Monsieur Halloran « l’homme pâle », révélateur ou coupable ? Ou le révérend Martin, prêtre évangéliste à la tête des « Anges d’Anderbury », un violent groupe anti-avortement ?
Pour progresser, Eddie doit se rappeler de « regarder derrière l’évidence… Nous partons du principe que les choses sont telles qu’elles paraissent parce que c’est plus simple, ça demande moins d’effort. Ça nous exempte de trop penser –en général à ce qui nous met mal à l’aise. Mais ne pas penser, c’est aller droit aux malentendus, et dans certains cas aux tragédies. »
Polar à l’ambiance macabre, allégée par un vocabulaire parfois fleuri, dont la construction atypique très réussie interroge sur la culpabilité, les apparences, et les mécanismes de la mémoire. Repéré dans la sélection des libraires au salon du livre de Bron, c’est mon coup de cœur parmi les polars lus récemment.
Et je finirai sur une définition du karma, donnée par monsieur Halloran : « Tu récoltes ce que tu sèmes. Tes mauvaises actions reviendront te mordre les fesses un jour. » Qui pourrait attirer la tirade de Gros Gav « Quel ramassis de cowboys puants !»
Aline
20:43 Publié dans Bouillon de lecture, coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman policier