21/05/2017
Bouilon russe (1/4)
Le chapiteau vert
Ludmilla OULITSKAIA
Gallimard, 2014 (2010 en Russe), 24.90€
Pourquoi ce titre ? Sur la couverture, des rails qui s’entrecroisent : existences croisées ou divergentes de trois personnages principaux. Ilya, Micha, Sania : de la mort de Staline (1953) à la mort de Joseph Brodsky (poète russe, prix Nobel 1987, mort à New York en 1996).
Les trois garçons, rejetés à l’école par les autres, pour des raisons différentes : pauvreté d'Ilya, judéité de Micha et joliesse de Saia l'aristocrate, suivent le prof de littérature russe : Vassili… lui-même amputé, victime de la seconde guerre mondiale.
A travers les trois personnages, c’est l’histoire de l’URSS avec les arrestations, les compromissions, les dénonciations, etc… Très intéressant. Parfois difficile à suivre à cause des magouilles politiques, de la complexité des sentiments humains, des personnages « à la russe », mais… à lire !
Marie-Claire
Sincèrement vôtre, Chourik
Ludmilla OULITSKAIA
Gallimard, 2005, 24.90€
Portrait d'un homme élevé dans un monde de femmes, à commencer par sa mère et sa grand-mère, dans le Moscou des années 1980. Chourik est un homme faible, assez pathétique, autour duquel l'auteur développe une kyrielle de personnages secondaires, finement croqués, et une multitude de détails et anecdotes... au point que le lecteur perd en route le fil narratif. Bien écrit.
Aline
20:02 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, russie
10/03/2017
Bouillon grec (2)
Eva
Ersi SOTIROPOULOS
Stock (La Cosmopolite), 2015, 19€
Traduit du grec Eva par Madeleine Rigopoulos
Après une journée houleuse, suivie d’une soirée de réveillon agitée, Eva erre dans les rues d’Athènes.
Eva et son mari Nikos se sont incrustés à une grande fête chic, où ils ne connaissaient personne, d’où une sensation frustrante d’être transparents. Un peu ivre (ou un peu « chargée » ?) Eva s’échappe de cette soirée de réveillon agitée, et déambule dans les rues d’Athènes. Une nuit sans sommeil à errer dans des rues, le long des vitrines éteintes et dans les quartiers désaffectés, où elle croise la faune de la nuit.
Des rencontres fugitives avec des personnages un peu à la dérive : sans-abri, prostituées, voleur à la tire,… lui font oublier un moment l’impasse où elle se trouve : comment trouver 10000 € pour faire admettre son vieux père malade dans une clinique privée ?
Prix du meilleur roman de l’Académie d’Athènes, ce roman m’a paru plutôt morne. Eva a la sensation de vivre comme de « derrière un paravent » sans vraiment se réaliser. Ce portrait de femme désabusée est-il une allégorie de la Grèce après la fête (le boom économique) ? Malgré la qualité de l’écriture, je reconnais que je me suis un peu ennuyée...
Aline
13:07 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce
Bouillon grec (1)
Actionnaire Principal
Petros MARKARIS
Seuil, 2009, 22,30 €
Petros MARKARIS né en 1937 à Istanbul vit à Athènes. Auteur dramatique, scénariste pour le réalisateur de cinéma Théo Angelopoulos, et traducteur, notamment de Brecht et de Goethe, il a publié plusieurs romans policiers dans la série des "enquêtes du commissaire Charitos", best-seller en Grèce et en Allemagne.
Dans cette enquête, le commissaire voyage beaucoup entre la Crète et Athènes. Côté Crète, un bateau sur lequel sa fille et le petit ami de celle-ci se trouvaient est l'objet d’une prise d’otages. Pendant ce temps à Athènes, un déséquilibré exige la suppression immédiate de la publicité à la télévision et à la radio, et fait pression en exécutant une par une des vedettes de ces médias, provoquant une panique générale.
Le rythme de ce policier est assez lent, avec des longueurs pour expliquer les déplacements du commissaire, son itinéraire est trop détaillé. Les infos sur le comportement des Grecs sont intéressantes. Ils doivent utiliser le système D et la débrouille pour de nombreuses choses courantes de la vie. Au vu de ce roman, le civisme semble très faible.
Livre lu avec intérêt. Annie B
09:34 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman policier, grèce
24/02/2017
Exil (4)
Sur le thème de l'exil, autres ouvrages lus pour le Bouillon de lecture de février. Certains livres jeunesse ont le mérite d'être lus facilement tout en permettant d'accéder à une compréhension du vécu des migrants.
Tu vois la lune
Agnès de Lestrade, ill. Anaïs Bernabé
Ed. Anna Chanel, 2010
Splendide album jeunesse (à partir de 8 ans) sur la migration d’une famille : l’exil en raison de la sécheresse, le voyage avec ce qu’il faut abandonner, le rêve d’un pays « où l’eau coule d’un tuyau », le voyage, et l’arrivée… pas tout à fait sur la lune ! Le texte est très sobre, et les peintures stylisées très colorées et parlantes. Nous aimons tout particulièrement la double-page des masques africains, représentant la multitude compacte des migrants.
Quitter son pays
Marie-Christine HELGERSON
Flammarion, 2001
Toute une famille d’ethnie Hmong (« hommes libres ») doit quitter le Laos. Le voyage est raconté par un enfant, avec des épisodes de solidarité et d’entraide, mais aussi la faim, les plaies et maladies, la traversée épique du Mékong, un camp en Thaïlande, puis l’arrivée en France. Longtemps c’est la mère qui réussit à nourrir sa famille grâce à ses broderies. Roman jeunesse à partir de 10 ans, fluide.
Un roi clandestin
Havier Parmentier, d’après le récit de Fahim
Ed. Les Arènes, 2014
Histoire vraie d’un jeune Bengladais, écrite par son entraîneur. A 8 ans, Fahim fuit le Bengladesh avec son père. Pendant 3 ½ ans, ils restent en situation précaire. Fahim, excellent joueur d’échecs, remporte des tournois, et devient champion de France en 2012. La description des parties d’échecs peut être un peu fastidieuse, mais le récit est réaliste.
S’abandonner à vivre
Sylvain TESSON
Gallimard 2013
L’une des nouvelles de ce recueil porte sur l’exil : Idriss, est envoyé en exil par sa famille, après 5 ans où tous économisent et se cotisent pour le voyage du jeune homme, qui devra en retour gagner de l’argent pour soutenir sa famille.
Exil. Exit
Emmanuel LAMBERT
Ed. L'Harmattan, 2012
Le narrateur raconte une rencontre avec Aldou, migrant. Pas facile à lire.
Apatride
Shumona Sinha
éd. de l'Olivier, 2017
Troisième roman d’une jeune auteur franco-indienne, professeur de français à Calcutta, et interprète à l’OFPRA.
Histoires croisées de trois jeunes filles indiennes aux destinées différentes : l’une, restée à la campagne, participe à un mouvement de protestation paysanne au Bengale ; l’autre, adoptée d’origine indienne, retourne en Inde à la recherche de ses origines. Avec une écriture forte, voire violente, ce roman pose une critique des deux sociétés, occidentale et indienne, avec une remise en question des religions, et du poids que les traditions et les hommes font peser sur les femmes.
Voici venir les rêveurs
Imbolo MBUE
Belfond, 2016
L’auteur, Camerounaise, vit à Manhattan. Le récit, sans doute autobiographique, se situe au moment de l’élection d’Obama aux Etats-Unis. Le récit s’attache au quotidien d’une famille dans la communauté camerounaise de Harlem, après avoir fui la pauvreté au pays : les difficultés pour trouver du travail quand on n’a pas de papiers ; les relations avec les Américains et avec les gens restés au pays ; les relations entre le père et la famille pour laquelle il travaille comme chauffeur.
Les derniers jours de Stefan Zweig
Laurent SEKSIK
Flammarion, 2010
Laurent Seksik narre deux années passées à Pétropolis par Stefan Zweig, après avoir rompu les liens avec l’Autriche dans les années 1930.
Le monde d’hier
Stefan ZWEIG
Récit d’un exilé de l’Europe. Raconte le monde d’hier, sans frontières, et les voyages de Stefan Zweig.
The Arrival
Shaun TAN
Dargaud, 2011
Bande dessinée sans texte, dont l’illustration extrêmement expressive narre une immigration à portée universelle, même si elle se base sans doute sur l’époque où l’Australie était une grande terre d’accueil. La menace / La traversée / Arrivée dans un lieu totalement différent / Adaptation.
Ru
Kim THUY
L. Levi, 2010
Double sens du titre : « petit ruisseau » en français, « berceuse » en Vietnamien.
Une femme voyage dans ses souvenirs, par petits touches, sans suivi chronologique. Elle a grandi dans une famille aisée à Saigon, puis a connu l’exil : la fuite sur un bateau, l’arrivée en Malaisie, puis au Canada. Beaucoup de positif, en particulier lorsqu’elle évoque l’accueil formidable des Canadiens.
« Nous ne nous attendions pas à avoir la chance de survivre. »
Certaines n’avaient jamais vu la mer
Julie Ostuka
Ed. Phébus, 2012
Déjà critiqué sur ce blog. Récit du double exil de Japonaises : jusqu’aux Etats-Unis, puis déportation à l’intérieur des Etats-Unis après l’attaque de Pearl-Harbour.
Moi, Gulwali, réfugié à 12 ans
Gulwali PASSARLAY
Hachette 2016
Dans la mer il y a des crocodiles. L'histoire vraie d'Enaiatollah Akbari
Fabio GEDA
L. Levi, 2011
Deux témoignages de jeunes qui ont vécu des déplacements similaires, et toutes les épreuves des trajets d’émigrants, sans aucun espoir de retour. Déjà chroniqués dans ce blog.
« Aussi mal que les choses tournent, ne revenez jamais. »
11:25 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exil, migrant
21/02/2017
Exil (2)
L’opticien de Lampedusa
Emma-Jane KIRBY
Equateurs, 2016
Traduit de l’anglais The Optician of Lampedusa par Mathias Mézard
Emma-Jane Kirby est journaliste à la BBC. Elle a remporté le prix Bayeux-Calvados 2015 des correspondants de guerre pour son reportage intitulé "L'opticien de Lampedusa" dont s'inspire ce premier livre. Pour elle, tout est parti de la nécessité de parler autrement des migrants, en interrogeant des personnes « normales » en lien avec eux.
Un fossoyeur, un charpentier fabriquant des croix à partir de leurs bateaux échoués, une cuisinière de soupe populaire et enfin « l’opticien ». Un homme ordinaire, sur l’île de Lampedusa, qui plaint les migrants mais ne leur accorde pas plus d’attention que ça dans sa vie remplie… jusqu’au jour où…
Parti pour quelques jours de détente en mer avec ses amis, il se réveille aux cris stridents des mouettes. Mais les formes noires aperçues dans la mer ne sont pas des poissons, ce sont des personnes en train de se noyer ! Comment faire pour les sauver tous ? Comment faire lorsqu’on sait que l’on ne va pas pouvoir les sauver tous ? Et comment vivre avec ça ensuite ?
C'est un drame qui est décrit, mais aussi une prise de conscience. Un témoignage court, qui interroge chaque lecteur sur ses choix de voir -ou pas- et d'agir -ou pas.
Emma-Jane Kirby vous présente son ouvrage "L'opticien de Lampedusa".
Aline
19:49 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exil, immigration
20/02/2017
Exil (1)
Le bouillon de lecture de février nous a réunis autour du thème de l'exil. Sujet plombant s'il en est, mais aussi occasion de belles lectures.
Les échoués
Pascal MANOUKIAN
Don Quichotte, 2015
1992, banlieue parisienne. Trois hommes, trois migrants arrivés en France vivants, mais sans papiers, dont on découvre peu à peu les origines et les épreuves. Il y a Virgil, massif et travailleur, parti de Moldavie sous un faux plancher de camion pour sauver femme et enfants de la misère ; Assan, Somalien ayant traversé déserts et mers pour fuir les carnages et les pillages de Mogadiscio et protéger sa dernière fille survivante du pire ; et Chanchal, chargé de gagner la vie de la famille restée au Bengladesh.
Chanchal, « Sans repos », « Que ce nom te donne la force quand il te faudra partir, car c’est toi qui as été désigné pour l’exil et nous comptons tous sur ton courage pour survivre… Depuis son arrivée en France, personne ne l’appelait plus jamais par son prénom. C’est ça aussi l’exil, quelques lettres choisies pour vous accompagner tout au long d’une vie, et qui brusquement s’effacent jusqu’à ne plus exister pour personne. Plus rien. Le silence. Un sevrage brutal. »
Chacun d’entre eux est parti pour ses proches, avec abnégation. Il ne s’agit pas d’un choix personnel, et comme ils le disent en avertissant d’un probable afflux de migrants « Ce qu’il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu’il y a de meilleur chez nous. »
Et c’est pourtant le pire qu’il nous semble lire dans le quotidien de ces trois hommes, la façon dont ils doivent se cacher, disputer des restes aux chiens, accepter les pires travaux dangereux, et accepter les humiliations. Ce qui sauve ce récit d’une noirceur totale, c’est l’entraide entre eux : Virgil est une très belle figure tutélaire, malgré l’égoïsme que pourrait lui dicter son sens de la survie. Ils rencontrent aussi une famille française pour qui leur venir en aide semble une évidence !
Poignant. La quatrième de couverture et les premières lignes donnent le ton !
Aline
19:46 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immigration
25/01/2017
En février, le Bouillon migre à Saint Laurent d'Agny
Attention, changement de bibliothèque pour les prochaines rencontres de nos échanges "Bouillon de lecture"
Rendez-vous à 20h15
Jeudi 9 février à St Laurent, autour de livres sur l'exil, et il y a à dire !
Jeudi 9 mars à Chassagny, autour des auteurs Grecs... récents. (non, non, on ne remonte pas aux calendes grecques, on ne ressort pas Homère, on investigue et on découvre !)
Ouvert à tous
08:29 Publié dans Bouillon de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2017
Les coups de coeur de janvier, par les lecteurs du Bouillon
Un fauteuil sur la Seine
Amin MAALOUF
L’auteur se penche sur les occupants qui l’ont précédé au fauteuil 29 de l’Académie des lettres. Il traverse 4 siècles d’histoire de France en 18 personnages. Chaque académicien étant révélateur d’un moment de l’histoire, depuis la création de l’Académie en 1634 par Richelieu. D’illustres noms sont évoqués dans des récits vivants et courts, très instructifs et pleins d’anecdotes.
Pardon Clara
Didier CORNAILLE
Clara, petite fille juive, a été adoptée par des paysans du Morvan pendant la guerre. Des années plus tard, elle est toujours « la juive » pour les habitants du village. Ce roman met en avant un conservatisme en milieu rural, et plus largement comment nous sommes tous l’étranger de l’autre.
Joanne Lebster, le début d’un nouveau monde
Marc Chinal, Mathieu Bertrand
Bande dessinée utopiste. En proposant une alternative à la société de consommation et au système économique mené par l’argent, des idéalistes parviennent à réinventer le monde. Un monde dans lequel on a envie d’exister.
L’affaire Arnolfini
Jean-Philippe Postel
Etude autour du tableau de Van Eyck appelé « Les époux Arnolfini ». L’auteur –médecin- après l’avoir étudié à la loupe, s’est intéressé à chaque détail du tableau en le rapportant à la mentalité de l’époque. Il propose ici une nouvelle théorie, très bien documentée, sur ce tableau qui a fait couler beaucoup d’encre. Se lit très bien.
Les corps fragiles
Isabelle Kauffmann
Médecin, Isabelle Kauffmann a rencontré l’une des premières infirmières libérales (dans les années 1950), passionnée par son métier. A la première personne, elle fait ici un récit fluide et simple de la vie de cette infirmière : d’un milieu rural, puis orpheline, elle a quand même réussi à faire ses études d’infirmière. Récit non chronologique, traité par thèmes à partir des parties du corps humain.
Nymphéas noirs
Michel BUSSI
Grand gagnant du prix des lecteurs Messimy-Soucieu-Thurins en 2012, ce roman policier à la construction singulière séduit aussi pour la promenade qu’il offre à Giverny.
Le testament d’Olympe
Chantal THOMAS
Roman historique qui, au travers de la vie de deux soeurs de la petite aristocratie bordelaise, s’attache à dépeindre la destinée des femmes sous Louis XVI. Roman très apprécié, mais plusieurs d’entre nous ont préféré L’Adieu à la reine et L’Echange des princesses.
Véronique OVALDE
Soyez imprudents les enfants
(cf critique).
Paloma et le vaste monde
Album jeunesse écrit par Véronique Ovaldé et magnifiquement illustré par Jeanne Detallante sur une thématique proche : Paloma rêve d’ailleurs en regardant les boules à neige du monde entier, mais n’ose quitter son cercle familial un peu étouffant, quoique affectueux. On la voit prendre son envol, encouragée par sa mère.
Ma part de Gaulois
Magyd CHERFI (du groupe Zebda)
L’auteur, français aux racines algériennes, a grandi dans la banlieue toulousaine. Mal vu parce qu’il voulait apprendre et étudier, il a peiné à trouver son identité. Il écrit :
« Au lieu de la grande révolution des quartiers ou du grand chambardement prolétarien, à défaut d’être le porte-parole des jeunes issus de l’immigration ou l’héritier métis d’un peuple des « Lumières », je suis devenu « moi ». »
Aux petits mots les grands remèdes
Michaël URAS
Alex, bibliothérapeute, prescrit des livres en fonction de ce dont souffrent ses visiteurs. L’intrigue manque un peu de rythme, mais le livre est riche de références littéraires, et les situations pathétiques sont décrites avec humour. Soigner au moyen des livres, en les adaptant aux besoins et à l’humeur du moment, c’est un peu ce que nous faisons en bibliothèque, ou aimerions faire…
La différence invisible
Julie DACHEZ, ill. Mademoiselle Caroline
Bande dessinée témoignage sur le syndrome d’Asperger. Marguerite traverse la vie en se heurtant à de multiples difficultés : le bruit la dérange, elle a besoin de respecter une routine rassurante, peine à supporter la compagnie et les sorties… Aucun professionnel consulté ne l’écoute vraiment, jusqu’au jour où un diagnostic est enfin posé, lui permettant de mieux comprendre et s’adapter.
Récit touchant, en mots simples et images efficaces. Une BD qui a du sens.
Sur le syndrome d’Asperger, lire aussi « De l’amour en Autistan » par Josef SCHOVANEC, et « Marcher droit, tourner en rond » par Emmanuel VENET.
Songe à la douceur
Clémentine BEAUVAIS
Clémentine Beauvais a beaucoup de cordes à son arc. En anglais ou en français, elle s’essaie à la littérature pour tous âges. Son dernier album jeunesse « Va jouer avec le petit garçon » est un régal de lecture (et une petite leçon pour les parents !). Songe à la douceur est une « reprise » inspirée d’Eugène Onéguine de Pouchkine, une histoire d’amour à contretemps, transposée –en vers- à notre époque !
L’odeur de la forêt
Hélène GESTERN
(cf critique). Le plus récent… et peut-être le meilleur roman de l’auteur de Eux sur la photo, La part du feu et Portrait d’après blessure. Il fait l’unanimité parmi nous !
Petit pays
Gaël FAYE
Le narrateur, Gabriel, est le fils d'un Français et d'une Rwandaise exilée. Il nous fait partager les jours heureux de son enfance idyllique au Burundi... jusqu'au moment où il lui faut tirer un trait sur son enfance et perdre son innocence. Le désamour de ses parents fait écho à la sournoise montée de la violence dans le pays, qui dresse ses amis les uns contre les autres, voit monter la peur, et culmine avec les massacres au Rwanda voisin.
Coquelicots d’Irak
Brigitte FINDAKLY, Lewis TRONDHEIM
Dans cette bande dessinée biographique, Lewis TRONDHEIM illustre le récit de sa femme, qui est aussi coloriste. Pour son père, qui perd actuellement la mémoire, elle raconte son enfance, l’histoire de sa famille et celle de l’Irak, de 1959 à nos jours.
« Tous les vendredis, on partait en pique-nique autour de Mossoul… »
Les aller-retours entre les époques sont parfois difficiles à suivre, mais la bande dessinée est très intéressante.
22:21 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0)
04/01/2017
La traversée du continent
La traversée du continent
Michel TREMBLAY
Actes sud, 2007
Au début du vingtième siècle, Rhéauna, dite Nana, 10 ans vit à Maria, petite communauté francophone et catholique dans les plaines (anglophones et protestantes) de la Saskatchewan, où l’on « entend pousser le blé d’Inde ». Elle est heureuse, entre ses grands-parents et ses deux petites sœurs, lorsqu'une lettre de sa mère, qu’elle connaît à peine, réclame qu’elle la rejoigne à Montréal.
Elle doit alors entreprendre la longue traversée du continent vers l’est. Avec elle, on découvre les plaines du centre du Canada, Saskatchewan et Manitoba, avec les cultures de céréales à perte de vue, des champs qui ondulent comme un océan. Puis c'est l'étonnement devant les villes, avec toutes les commodités, des maisons où on peut même "soaker" dans son bain sans faire chauffer l'eau sur le poêle à bois…
Dans ce premier volet de la Diaspora des Desrosiers, le dramaturge québécois présente le portrait d'une époque, celle des familles canadiennes-françaises qui ont essaimé jusque dans l'Ouest canadien et y vivent dans des conditions difficiles.
Tout au long de son voyage, la petite fille, angoissée mais curieuse, ne demande qu'un peu d'affection de la part de la famille qui l’accueille au passage. Les personnages rencontrés sont brossés avec talent en quelques traits : le jeune étudiant attentionné, aux états d'âme qui lui échappent ; la grand-tante-vieille-fille acariâtre qui se révèle pianiste merveilleuse ; Bébette, l'autre soeur de son grand-père, qui tyranise tout son monde à grand coup de "saperlipopette" ; ou sa belle cousine vivant dans le luxe grâce à son travail de femme "autonome".
Tout au long du récit, le lecteur appréhende la rencontre avec la mère, inquiet de savoir comment est cette maman qu'on connaît si peu, et de comprendre pourquoi elle réclame soudain sa fille.
Aline
Michel Tremblay, né en 1942 à Montréal, est dramaturge, romancier et scénariste, mais aussi conteur, traducteur, adaptateur, scénariste de films et de pièces de théâtre, ainsi que parolier. L'utilisation inédite et originale qu'il fait du parler populaire québécois marque le paysage littéraire, si bien que le français familier de Montréal, ou joual, qui lui est rattaché, est parfois désigné comme « la langue de Tremblay ».
Ses récits sont marqués par son enfance, d'origine modeste (quartier du Plateau-Mont-Royal), ses proches, et son homosexualité. En 2007, dans le roman La Traversée du continent, il raconte l'enfance de sa mère et son long voyage entre la Saskatchewan et le Québec. Ce tome peut se lire seul ou comme introduction à la Diaspora des Desrosiers (saga de 9 tomes).
20:13 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, canada
02/01/2017
Homme invisible à la fenêtre
Homme invisible à la fenêtre
Monique Proulx
Boréal (1993)
Le roman s’ouvre sur une toile gigantesque, opposant monstres noirs et grimaçants statiques, et tout un ballet d’humains en plein vernissage. Mais la réelle opposition est plutôt celle qui existe entre les acteurs, et celui qui ne se considère plus que comme spectateur, Max.
« Je vis pour peindre… Je sors peu. Les périples à l’extérieur déstabilisent, embringuent dans des pièces qui exigent une participation. Je joue mal, publiquement, je suis un exécrable acteur. Je fais, par contre, un spectateur excellent, toujours disposé à admirer ce qui est admirable. Il n’y a pas de mal à être spectateur : l’important c’est de connaître l’emploi qui correspond le mieux à ses petits talents. Sans les spectateurs, à quoi serviraient les acteurs ? »
Artiste peintre, centre involontaire autour duquel gravitent amis, admirateurs et modèles. Bienveillant, silencieux, il laisse sa porte ouverte à tous, écoute et peint sans juger. Fermé au passé, il s’est mis en sommeil pour ne pas raviver la douleur de la perte de ses jambes… et de son grand amour. Son statut d’infirme lui confère une forme d’invisibilité, dans son rôle d’observateur inoffensif.
« Je me souviens de la confiance immédiate de Maggie, sa belle tête fauve si rapprochée de mon épaule, disposée à livrer son âme avant que je la réquisitionne, disant des choses vertigineusement dépourvues de rouerie…. Je me souviens de sa confiance immédiate comme d’une injure en même temps. Il n’y a que les très jeunes enfants, les vieillards bavotants –et les infirmes- dont on ne se méfie pas. »
Monique Proulx dirige le regard de l’artiste pour nous présenter une galerie de portraits, façades sous lesquelles le peintre perçoit l’être intérieur complexe : longue figure pâle d’artiste à succès, Gérald Mortimer, dévoué jusqu’à l’abjection ; Maggie, à la beauté éclatante, déboulant sans prévenir avec ses états d’âme ; Julienne, la mère tenue à distance ; Julius Einhorne, l’énorme propriétaire ; Laurel et sa relation complexe à la mère... Mais c’est quand il fait son auto-portrait avec sa « fidèle Rossinante » qu’il est le plus incisif, lucide et plein d’humour noir.
D’une écriture forte et évocatrice, Monique Proulx, en traçant le portrait de ceux qui entourent Max, parvient à faire ressentir intensément les tourments intérieurs du peintre. Elle dépeint l’importance du regard, qui souvent évite et glisse sur les gens qui gênent (gros, handicapés…) tandis que le peintre, lui, voit la personne et la révèle (jeu du miroir). Ce roman est aussi une histoire d’amitiés et d’amour, profond et douloureux, où le renoncement est une bataille sans cesse renouvelée. Vivre à travers les autres se révèle insuffisant lorsque le passé vient cogner à la fenêtre avec insistance.
Merci Frédérique de m’avoir fait découvrir ce splendide roman !
Aline
Née à Québec en 1952, Monique Proulx se consacre à l’écriture depuis 1980. On lui doit de nombreuses nouvelles, plusieurs dramatiques de soixante minutes diffusées sur Radio-Canada (Un aller simple, et Les gens de la ville), deux pièces de théâtre et plusieurs scénarios. Le film Le sexe des étoiles, tiré de son roman éponyme, a remporté de nombreux prix en 1994. Homme invisible à la fenêtre a inspiré Souvenirs intimes, réalisé en 1999 par Jean Beaudin.
Ses romans : Le sexe des étoiles (1987), Le cœur est un muscle involontaire (2002), Champagne (2008), Ce qu’il reste de moi (2015).
12:12 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, canada, handicap, peinture