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Coups de coeur - Page 16

  • Quelques minutes après minuit

    Depuis que sa mère est malade, Connor fait de terribles cauchemars. Au collège, il ne supporte pas les regards de tous ceux qui "savent". Il s'est coupé de ses amis et se fait harceler par Harry et ses sbires.

     

    Une nuit le grand if du cimetière, monstre très ancien et très sauvage, se penche à sa fenêtre. Il  vient lui raconter trois histoires, car  "les histoires sont les choses les plus sauvages de toutes ; les histoires chassent et griffent et mordent". Quand Connor se réveille, il trouve des aiguilles et des baies d'if dans sa chambre… L'arbre menaçant, en quête de vérité, exige que Connor lui raconte ensuite la quatrième histoire, sa propre vérité.

     

    Le récit est très émouvant, et les magnifiques illustrations à l'encre noire de Jim Kay rendent bien l'ambiance sombre et effrayante dans laquelle se débat Connor.

     

    quelques minutes après minuit.gifQuelques minutes après minuit

    Patrick Ness, ill. Jim Kay.- Gallimard jeunesse, 2012, 18 €

     

    Vérité – maladie - deuil

    Ados et adultes

     

  • Le Seigneur vous le rendra

    P'Tit-pain nous raconte son enfance dans les bas quartiers de Marrakech, agités, hauts en couleurs et en odeurs, où la Mère envoie tous ses fils gagner leur vie dès le plus jeune âge. Tout bébé, il était déjà loué à des mendiantes pour attendrir le chaland.

     

    "Moi, j'étais né génie dans l'art de la mendicité… ainsi, je me mis à étudier de près les êtres et les choses qui m'entouraient. Je mesurai assez vite l'importance du regard et les vertus du sourire dans les rapports humains, sésame qui allait se montrer déterminant dans mon parcours."

     

    P'tit-pain fait de la mendicité un véritable métier, dans lequel il s'accomplit longtemps pour satisfaire la rapacité de sa mère, laquelle prolonge au-delà du raisonnable son aspect de bébé chétif en utilisant de multiples subterfuges pour retarder sa croissance :

     

    "Difficile de garder l'aspect d'un nourrisson quand on a trois ans. La concurrence devenait rude, car on trouvait des bébés à louer pour une bouchée de pain. Afin de m'aider à rester compétitif, Mère se mit à contrôler de près mon alimentation, réduite à du lait écrémé, des infusions de verveine et de légères soupes de légumes que je prenais au biberon. Elle avait pris l'habitude d'entourer mes jambes de bandelettes qu'elle serrait si fort que mon corps se résigna à remettre sa croissance à plus tard. Ainsi ficelé, je continuais à paraître bébé."

     

    Son frère Tachfine est chargé de l'emmener jusqu'aux lieux les plus propices à la mendicité, et "de veiller sur lui comme sur un trésor".  A l'abri dans son landau, P'tit-pain observe le monde qui l'entoure, la médina, s'intéresse aux adultes qui l'entourent et trouve de la beauté dans les êtres les plus déchus.

     

    Jusqu'à ce qu'une ouverture lui laisse entrevoir qu'une autre vie est possible et qu'il saisisse sa chance…

     

    Conte haut en couleur, ce récit picaresque fait oublier la noirceur de son sujet en utilisant un ton qui alterne entre légèreté, humour et philosophie. C'est Hector Malo ou Dickens… dans la médina !

     

    Né en 1959, l'auteur est peintre et écrivain. Depuis une vingtaine d'années, il vit entre la France, le Maroc et les Etats-Unis. Son roman "Les étoiles de Sidi Moumen", paru en 2010, a été porté à l'écran par Nabil Ayouch sous le titre "Les chevaux de Dieu".

    Il est invité à une séance de dédicace à la librairie Murmure des Mots de Brignais le vendredi 19 avril 2013.

    maroc,mendicité,histoire de vie 

    Le Seigneur vous le rendra

    Mahi Binebine

    Fayard (Roman), 2013, 199 p., 18 €

  • Cherche jeune filles à croquer

    roman policier,anorexieL'équipe du commandant Lanister, profiler au quai des Orfèvres,  est réquisitionnée dans le cadre d'une enquête sur des disparitions de jeunes filles dans la vallée de Chamonix. Fugues ? Enlèvements ? Toutes ces jeunes filles avaient un lien avec la clinique de la Grande-Sauve, spécialisée dans le traitement des troubles alimentaires.

    Les policiers parisiens collaborent avec la gendarmerie, efficace, dont le chef, trop parfait pourtant, inhibe Lanister. Lanister a du mal à garder son objectivité par rapport à cette enquête, qui rencontre un écho particulier chez lui, dont le jeune frère est interné en raison de ses tendances à l'autodestruction.

    Les policiers rencontrent très peu les jeunes filles anorexiques, mais elles sont au centre de l'histoire, ainsi que les ravages de leur  maladie, sur elles et sur leurs proches. Relativement long par rapport à l'action, le roman est néanmoins très prenant, pour le sujet abordé, pour l'enquête, et pour la psychologie du Commandant Lanister et les relations entre policiers.

    Même si le lecteur apprend  finalement ce qui est arrivé aux jeunes filles, il referme le livre avec frustration, car les raisons des troubles alimentaires des jeunes filles restent obscures, et leur futur incertain. C'est assez habile de la part de l'auteur, qui évite de plaquer des réponses et des solutions toutes faites sur des cas et des personnalités uniques.

     

    Cherche jeune fille à croquer

    Françoise Guérin

    Ed. du Masque, 2012, 392 p., 19 €

  • bouillon de (presque) mardi gras

    Fatigués, enrhumés, mais réconfortés par les bugnes préparées par Jacky et sa femme, nous avons échangé  sur nos livres coups de cœur :

     

    Quelques livres –déjà présentés- ont été appréciés par de nouveaux lecteurs : pour Annie, Une femme fuyant l'annonce et La nuit tombée sont des romans incontournables. Johane a lu Rien ne s'oppose à la nuit. Aline et Marie-Claire évoquent trois romans déjà chroniqués sur le blog : Ce qu'ils n'ont pas su nous prendre, Luke et Jon, et L'atelier des miracles. Muriel a eu la chance de découvrir un grand classique de la science-fiction, Fahrenheit 451, de Ray Bradbury.

     

    Autres coups de cœur :

     

    Le vase où meurt cette verveine

    Frédérique Martin

    Belfond, 2012, 18 €

    Depuis leur mariage il y a 56 ans, Zika et Joseph ne se sont jamais quittés. Mais un jour où Joseph découvre Zika évanouie dans la cuisine, il appelle ses enfants à la rescousse. Pour faire des examens et suivre son traitement, il est convenu que Zika ira chez sa fille Isabelle à Paris, tandis que Joseph partira chez son fils dans les Landes. Les vieux amants vivent douloureusement cette séparation, et s'écrivent de longues lettres passionnées, évoquant leurs souvenirs et leur nouvelle vie de plus en plus difficile : Isabelle règle des comptes avec sa mère, Gauthier n'est pas heureux en ménage,… Beau roman dérangeant, car l'histoire prend un tour très sombre, sur les problèmes de couple vieillissant, les difficultés de communication entre enfants et parents, et l'épreuve  d'être à la charge des enfants. Le titre est tiré d'un poème de Sully Prudhomme :

              Le vase où meurt cette verveine,

              D'un coup d'éventail fut fêlé

              Le coup dut l'effleurer à peine…

     

    Le silence du bourreau

    François Bizot

    Flammarion, 2011, 18.30 €

    Récit personnel facile à lire et sérieux, pas morbide malgré le sujet.

    En 1971, l'ethnologue français est arrêté au Cambodge par les Khmers rouges : détenu pendant trois mois et condamné à mort, il est libéré grâce à l'intervention de son geôlier, un révolutionnaire du nom de Douch. François Bizot raconte avec détachement son internement. En 1988, en visitant l'ancien centre de torture S21, il découvre que celui qui l'a gracié est responsable de la mort de milliers de personnes, et s'interroge sur sa libération. En 2009, Bizot témoigne au  procès des Khmers rouges, où Douch est l'unique accusé.

     

    Le printemps des cathédrales

    Jean Diwo

    Flammarion, 2002, 20.30 €

    Dans cette fresque romanesque, Jean Diwo suit la famille Pasquier sur plusieurs générations de bâtisseurs de cathédrales. Le premier de la lignée est maître d'œuvre, ses fils lui succèdent comme sculpteur et architecte. Jean Diwo évoque la construction, à partir du XIIe siècle, du premier chef-d'œuvre de l'architecture gothique, l'abbaye de Saint-Denis, puis de la cathédrale de Sens, Notre Dame de Paris, Chartres, la Sainte Chapelle…

     

    Une année formidable en France : 100 portraits de Français d'aujourd'hui.

    Le Monde – Les Arènes, 2012, 29.80 €

    Pendant un an –à l'occasion de la campagne présidentielle- une dizaine de journalistes du Monde ont établi une radiographie de la société française. Résidant  chacun dans une commune, de taille, de milieu sociologique et d'emplacement géographique différents, ils ont passé 4 saisons à rencontrer des gens de toute sorte et à les questionner sur leur quotidien, malgré un accueil parfois méfiant.

    Ce livre est un recueil de tranches de vie et de témoignages, qui donnent de l'espoir. Partout, des gens s'engagent et cherchent à améliorer le vivre-ensemble !

     

    Revue XXI

    Le "mook" (magazine book) est "tendance". Il se décline sous plusieurs formats, qui ont en commun de se situer à la frontière du livre et du magazine, sans publicité. La revue XXI, co-fondée par Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, est devenue une référence du genre. Trimestriel de 200 pages, elle propose des articles de fond et des témoignages rédigés par des journalistes, auteurs, photographes, illustrateurs et dessinateurs. Chaque sujet développé est suivi d'une double page de références "pour aller plus loin".

     

    Le journal intime d'un arbre

    Didier Van Cauwelaert

    M. Laffon, 2011, 19.50 €

    Le narrateur de ce roman est Tristan, un poirier âgé de 300 ans, déraciné après une tempête, qui passe en revue son histoire. Les générations successives sont toujours venues se confier à lui, il est donc le dépositaire d'un trésor d'histoires, qu'il évoque en faisant alterner passé et présent. Sa conscience et sa mémoire habiteront-elles chacune de ses bûches, ou la statuette qu'une jeune fille a sculptée dans son bois ? Plaisant à lire, avec de nombreuses références.

     

    En souvenir d'André

    Martin Winckler

    POL, 2012, 16 €

    Un homme évoque sa vie de médecin, son travail sur la douleur et dans une unité de soins palliatifs. Il est amené à accompagner des patients qui veulent mourir. Le premier de ces patients était André, aussi, la phrase rituelle lorsqu'on l'appelle pour une fin de vie est-elle "En souvenir d'André…"

    De cet auteur, nous avons aussi beaucoup aimé La maladie de Sachs et Le chœur des femmes.

     

    Le monde sans vous

    Sylvie Germain

    Albin Michel, 2011, 12.70 €

    Lors d'un voyage en Transsibérien , Sylvie Germain alterne les descriptions poétiques de paysages extraordinaires et le souvenir de sa mère, qui vient de mourir.

    Très belle écriture pour ce livre sur le deuil, la séparation, la fragilité de l'existence.

     

    Julien Letrouvé, colporteur

    Pierre Silvain

    Ed. Verdier, 2007, 11.16 €

    Enfant trouvé, Julien est colporteur de livres. Le récit, qui se déroule de 1850 environ jusqu'à la guerre de 70, remonte à ses souvenirs d'enfance, au milieu des femmes lisant des histoires à la veillée. C'est ce qui lui a donné le désir de transporter de livres, alors qu'il ne sait pas lire.

    Belle histoire poétique. Pierre Silvain est également l'auteur de Assise devant la mer (2009), roman lent à la belle écriture, qui évoque une enfance marocaine auprès d'une mère neurasthénique, assise devant la mer.

     

    Le Négus

    Ryszard Kapuscinski

    Flammarion, 1984, réédité en 2011

    L'auteur, journaliste polonais, est resté en 1963 à 1970 à Addis Abeba.

    Réflexion sur les mécanismes de l'histoire et du pouvoir, son essai  éclaire plusieurs aspects de la personnalité du dernier empereur d'Ethiopie. Ce livre témoigne d'un monde violent et sans justice, où les puissants croûlent sous l'argent et où l'on régale les diplomates étrangers en laissant le peuple mourir de faim…  mais aussi de réalisations  allant dans le sens du modernisme : écoles, électricité, routes.

    Qui était le Négus, le Roi des Rois - Haïlé Sélassié, dernier empereur d'Ethiopie ? Un despote sanguinaire ? une figure paternelle adulée par son peuple et par les rastafaris ? un vieillard-enfant débordé par son armée ?

     

    Le roman conjugal : chroniques de la vie familiale à l'époque de la révolution et de l'empire

    Anne Verjus – Denise Davidson

    Champ Vallon, 2011, 26.50 €

    Lors du déménagement du musée des archives de Lyon, on a découvert la correspondance de la famille Morand. Elle a été utilisée par Anne Verjus, qui en publie des extraits et resitue cette famille dans la grande histoire.

    Briançonnais installé à Lyon, artiste, ingénieur, architecte et urbaniste, Jean-Antoine Morand de Jouffrey a épousé Magdeleine Guilloud, fille d'un grand bourgeois lyonnais, en 1785. A partir de leurs échanges épistolaires, Anne Verjus retrace les étapes, les aléas et les normes de la vie conjugale à cette époque dans la haute société, la place des enfants, l'éducation des filles….

    En filigrane apparaît aussi l'histoire du Pont des Brotteaux, qui a été construit à l'initiative de Morand. En 1794, jugé par une commission révolutionnaire, Morand, progressiste mais pas révolutionnaire, nia toutes convictions royalistes, mais fut néanmoins condamné et décapité.

  • Haruki Murakami

    Kafka sur le rivageroman,japon

    Belfond 2006, 23 €

     

    Récit initiatique dans le Japon actuel.

    Kafka Tamura fugue le jour de ses 15 ans. Il fuit sa maison de Tokyo et son père, sculpteur célèbre, "avant d'être trop abîmé". Instinctivement il se dirige vers l'île de Shikoku, où le climat est plus doux. Là, il trouve refuge auprès de plusieurs personnes, et en particulier dans une bibliothèque privée calme et spacieuse, où le personnel, extra-ordinaire, l'aide à progresser vers sa vérité.

    De son côté, Nakata, vieil homme simple d'esprit, mais qui parle aux chats, vit des évènements extraordinaires. Lui aussi doit prendre la route, poussé par une sorte d'appel impérieux.

    Ces deux personnages semblent évoluer hors du temps, aidés lorsqu'il en est besoin par les gens qu'ils rencontrent. Dans une inquiétante étrangeté, leur destin semble converger inexorablement, accompagné de phénomènes météorologiques étranges : pluie de sardines, de sangsues, tonnerre…

     

    Un roman énigmatique et onirique, avec une part d'inexplicable… certaines actions sont dictées par l'inconscient, d'autres passent par le canal des rêves, des personnes ou des fantômes passent la frontière de la mort…

    Malgré la part inexplicable, ou inexpliquée du roman, je l'ai trouvé envoutant et splendide !

     

     

    Au Sud de la Frontière, à l'Ouest du Soleilroman,japon

    Belfond, 2002, 18.30 €

     

    Roman intime dont le héros est en quête d'un inaccessible amour absolu.

    Au seuil de l'adolescence, Hajime a connu une amitié/amour intense avec la douce Shimamoto-San, la seule personne avec qui il ait jamais pu parler à nu, jusqu'à ce que la vie les sépare. Toute sa vie, il a recherché le sentiment de plénitude, de complétude qu'il ressentait auprès d'elle.

    Aujourd’hui, à l’aube de la quarantaine, Hajime est devenu un homme riche et s’est construit une vie agréable entre sa famille et un métier de gérant de bars de jazz qui lui plaît. Des femmes l'ont aimé, sa femme l'aime, mais il donne assez peu de lui. Il a toujours la sensation d'être le spectateur de sa vie, l'insatisfaction semble être l'essence même de son être.

    Jusqu'à ce que Shimamoto-San réapparaisse dans sa vie, et le fasse souffrir.

    Toujours aussi amoureuse, elle se montre mystérieuse et inaccessible. On ne sait jusqu'au bout presque rien de la vie de Shimamoto-San, et le lecteur est presque aussi frustré que Hajime. La fin du roman est ouverte, et le lecteur a toute latitude d'imaginer quelle évolution va suivre la relation de Hajime avec sa femme.

     

    Il y a des choses dans la vie qu'on peut changer et d'autres non. Le temps par exemple est irrattrapable. Il est impossible de revenir sur le passé. […]Avec le temps, les choses se figent, comme du plâtre dans un seau, et on ne peut plus revenir en arrière. Le "toi" que tu es maintenant est solidifié comme du ciment et tu ne peux pas être autre que ce que tu es aujourd'hui… (p. 17)

     

    Le titre est une référence

    -       aux rêves et fantasmes sur ce qui pourrait exister de l'autre côté de la frontière

    -       à l'hystérie sibérienne (expliquée page 187)

     

    La musique (jazz) est très présente, avec le titre "star-crossed lovers", musique de Roméo et Juliette composée par Duke Ellington et Strayhorn pour le festival Shakespeare (Ontario).

     

    J'ai trouvé ce roman assez universel, les aspects typiquement japonnais m'ont paru peu développés, si ce n'est que les personnages font preuve d'une extrême civilité et s'excusent beaucoup. En toile de fond, également, Tokyo, sa croissance effrénée, et la spéculation qui l'accompagne, à laquelle le héros refuse de céder.

    Aline

     

  • Triple crossing

    Triple crossing, de Sébastien Rotella

    L. Levi, 2012, 22.50 €

     

    Ce roman nous plonge dans un univers impitoyable, celui de milliers de Latinos, Indiens, Chinois qui tentent de passer illégalement la frontière entre Tijuana et San Diego, et la brigade de policiers chargée de les en empêcher.

     

    Valentin Pescatore, issu d'un milieu défavorisé, fait partie de cette brigade. Une entorse malheureuse au règlement va faire basculer son destin. Contraint de collaborer avec la justice américaine, il est envoyé au sud de la frontière pour infiltrer les rangs de la mafia mexicaine dominée par Ruiz Caballero, un homme sans scrupule et sans état d'âme. Une petite équipe de policiers mexicains intégrés dirigée par Léo Mendez sont bien décidés à le faire tomber lui et tout son réseau.
    On pénètre dans un monde à la dérive, miné par les cartels, la violence et la corruption au plus haut niveau.

     

    C'est d'autant plus terrifiant que Sébastien Rotella est un journaliste qui connait bien ce milieu ; même s'il précise qu'il s'agit de fiction, on a bien conscience qu'on est dans la réalité la plus sordide.

     

    Ce roman passionnant qui parfois fait froid dans le dos m'a beaucoup plu et je conseille fortement de le lire. L'honnêteté de quelques policiers persévérants apporte de l'espoir dans ce thriller qui nous fait découvrir la triple frontière aux confins du Brésil, de l'Argentine et du Paraguay, un territoire sans loi livré aux pègres du monde entier.

    Annie

  • Batchalo

    BATCHALObande dessinée,tsiganes,déportation

    Michaël Le Galli, Arnaud Bétend. – Delcourt, 2012. (Histoire et histoires)

    17.95 €

     

    Février 1939, en Bohême. Un cortège de villageois furieux se dirige vers un campement de tsiganes, soupçonnés d'avoir enlevé deux enfants. Après quelques échanges haineux, il ressort que 10 enfants Rroms sont également introuvables. Des empreintes de bottes et de lutte laissent à penser que les enfants ont été capturés. Josef, un jeune policier veuf dont le fils unique Roman a disparu, part avec les tsiganes à la poursuite des ravisseurs. Les enfants ont été enlevés par des nazis pour servir de cobayes aux expérimentations sur les tsiganes.

    Sur leurs traces, ils traversent la Bohême et entrent sur les territoires annexés par l'Allemagne, où ils finissent par être internés en camp de concentration. Josef s'est tellement intégré à la famille tsigane, qu'il subit le même sort.

    Le fils de Josef et son ami, protégés un temps par leur prétendu statut de jumeaux, sur lequel les Nazis font des recherches, ont échappé à l'inoculation de maladies. Cependant  ils finissent par rejoindre eux aussi le camp d'Auschwitz, où les Rroms dépérissent, et où le docteur Mengelé procède lui aussi à des expérimentations effroyables…

     

    Remarquable bande dessinée en un tome, sur le génocide des Rroms. "Batchalo"  signifie en langage rrom "bonne chance"… mais la seule chance qu'auront eu les personnages, c'est l'entraide et l'amour entre Josef le policier et Silenka la bohémienne.

    Le récit est très documenté, et complété d'un dossier en fin d'ouvrage. L'illustration de qualité, au trait précis, présente un encrage très soigné dans les tons sépia, qui rend bien les mouvement, les ombres et les lumières.

     

     Coup de coeur d'Aline et Fabienne

  • Le monde à l'endroit

    Le monde à l'endroitAmérique, récit d'initiation

    Ron Rash

    Traduit de l'anglais The world made straight (2006) par Isabelle Reinharez

    Seuil, août 2012, 19.50 €

    Travis Shelton, un jeune gars de 17 ans,  a grandi dans le comté de Madison, en Caroline du Nord. Fils de fermier, destiné à devenir à son tour fermier, il a laissé tomber le lycée, après avoir joué pas mal de mauvais tours aux professeurs avec son copain Shank. Son père le fait travailler dur sur ses plantations de tabac, sans jamais un mot de remerciement ou d'approbation, et Travis supporte de plus en plus mal ses critiques injustes.

    Un beau jour de pêche à la truite, Travis tombe par hasard sur une plantation clandestine de marijuana, et y voit l'occasion de se faire un peu d'argent facilement en revendant quelques pieds.  Mais la famille Toomey n'est pas tendre, et lorsqu'il retourne une fois de trop couper des plans, c'est par un piège à loup et un couteau serpette qu'il est accueilli !

    Pendant sa convalescence, il s'installe chez Léonard, ancien professeur et dealer à la petite semaine. Fasciné par l'histoire des Etats-Unis et en particulier par le massacre de Shelton Laurel pendant la guerre de Sécession, il commence à fréquenter la bibliothèque, et de fil en aiguille se remet aux études... sans pour autant perdre sa naïveté et sa propension à s'attirer des ennuis !

    Des personnages assez complexes entourent Travis : Léonard, professeur et père déchu, fasciné par des registres tenus par un ancêtre médecin pendant la guerre de Sécession ; Carlton Toomey, fermier, et trafiquant de drogue sans pitié ; Dena, ancienne jolie fille devenue dépendante des drogues ; et la fascinante Lona, acharnée à sortir de la pauvreté par les études.

    L'écriture, forte et poétique, mêle adroitement les descriptions de paysages ruraux américains, les parties de pêche… et les scènes pleines de tension : sorties alcoolisées entre copains, révolte contre le père injuste, confrontations au terrible Carlton Toomey…

    Aline

  • Ce qu'ils n'ont pas su nous prendre

    Ce qu'ils n'ont pas su nous prendre

    Ruta Sepetys

    Gallimard (Scripto), octobre 2011,14€

    Récit émouvant sur des déportations d'opposants au régime et d'intellectuels de Lituanie après l'annexion des pays Baltes par Staline en 1940.

    Lina est une  jeune Lituanienne douée pour le dessin, fascinée en particulier par les peintures de Munch, qui s'apprête à rentrer dans une école d'art. Son père est recteur à l'université. Une nuit de juin 1941, sa famille est raflée par le NKVD et déportée, dans des conditions épouvantables qui rappellent les récits de déportation de la shoah. Après la séparation d'avec leur père et un terrible voyage en wagon à bestiaux, ils doivent lutter pour leur survie dans un camp de travail de l'Altaï. Un certaine solidarité se manifeste entre déportés.

    Le roman, inspiré de témoignages de déportés, a des accents de vérité, dans les récits de petites débrouilles pour récupérer une betterave, une patate ou un morceau de bois, pour faire passer des messages dans l'espoir qu'ils parviendront à leur famille. Les dessins de Lina jouent le rôle de lien -des petits cailloux semés dans l'espoir que son père les trouvera- de témoignage, et de gagne-pain aussi à l'occasion.

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    Le titre français, beaucoup plus porteur d'espoir que le titre anglais, laisse entrevoir ce que les déportés réussissent pour certains à conserver : l'amour, l'humour, la soif de liberté et de beauté.

  • Dégringolade dans l'enfer des cartons

    Cartons, de Pascal Garnierattente

    Zulma, roman posthume publié en 2012

    Brice quitte son appartement lyonnais pour emménager dans une grande bâtisse, dont nous saurons seulement qu'elle est située dans un bourg en bordure de nationale, et possède un garage en rez-de chaussée. Après l'efficacité redoutable des Déménageurs Bretons Brice se retrouve seul, confronté à la masse des cartons et accablé par l'ampleur du déballage et des installations qu'il lui reste à faire…

    Dans l'attente de nouvelles, de plus en plus improbables, de sa femme Emma, il se laisse aller à une vie cotonneuse entre les piles de cartons du garage, ajoutant encore au désordre chaque fois qu'il recherche un objet. Seule Blanche, une voisine à qui il rappelle son père, lui rend visite et s'impose à lui… ne faisant qu'ajouter à son désarroi !

    Un grand coup de cœur de Sylvie (Thurins), pour  l'écriture ciselée de ce roman ! Lire aussi, du même auteur, Lune captive dans un oeil mort (coup de coeur de Dominique en septembre 2011).