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Critiques de livres - Page 3

  • Les évasions particulières

    roman,famille

     

    Les évasions particulières

    Véronique OLMI

    Albin Michel, 2020, 502 p., 21€90

    travers l’histoire de la famille Malivieri, Véronique Olmi livre une véritable chronique sociale post mai 68 dans une France qui doit réussir à composer entre anciennes conventions et nouvelles révolutions : celles des idées, de l’indépendance et de la liberté. Les profondes mutations sociales font voler en éclat des principes fortement ancrés et -si elles font souffler un vent de liberté- elles provoquent aussi, pour une partie de la population, incompréhension et désarroi.

    Agnès n’a pu poursuivre ses études et, à 18 ans, a épousé Bruno. Tous deux s’aiment profondément.  Catholiques, ils essaient d’inculquer à leurs filles leurs convictions et leur croyance mais plusieurs évènements vont secouer l’harmonie familiale. C’est d’abord l’affaire Gabrielle Russier qui amène les premières interrogations et c’est en écoutant Simone Veil qu’Agnès se réveille. Les procès féministes avec Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir se déroulent à Aix. Le viol, le droit à l'avortement et la contraception sont au cœur des débats. Agnès découvre dans les revendications féminines, les siennes secrètes. Elle étouffe dans son petit appartement, avec pour seules activités, le ménage, la cuisine, les courses.  Elle ressent une envie de vivre violente et décide de suivre une formation pour devenir factrice. Bruno est dépassé et ne peut remettre en question ce qui l’a construit et ce qui constitue pour lui d’une façon immuable la famille. Le couple se fissure.

    Sabine, l’aînée, est la première à vouloir s’évader d’une vie bien tracée, cherchant à s'émanciper des principes familiaux et sociétaux.  Elle rêve de partir à Paris et de devenir comédienne, ce qui n’ira pas sans désillusions. 

    Hélène a un statut à part.  Elle passe les vacances scolaires avec sa tante et son oncle, cotoyant le monde de la haute bourgeoisie parisienne. Cette distinction entre elle et ses sœurs, qui ne bénéficient pas du même privilège, l’éloignera parfois d’elles et de ses parents. Elle fera progressivement de la lutte pour la cause animale un chemin de vie.

    Mariette, la benjamine, est de santé fragile. Sa gentillesse, son empathie, sa sensibilité la rendent touchante. Restée seule avec ses parents, elle souffre du départ de ses sœurs et de l’éclatement du couple. Le monde qu’elle avait alors imaginé dans son « cahier des bonheurs » se transforme en « cahiers des malheurs ». Elle doit apprendre à composer entre ses rêves et la réalité, et trouve refuge dans la musique et le silence.

    L’écriture de Véronique Olmi est fluide et très agréable. On se sent proche cette famille, de ses bonheurs, de ses peines et de ses combats. J’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman qui retrace avec justesse les bouleversements importants de la société à travers l'évolution d'une traditionnelle famille française de province.

    Annie

  • Colum McCann au "bouillon de lecture"

    Colum McCann, né le 28 février 1965 à Dublin. Son père était journaliste et éditeur et sa mère au foyer. Après avoir été journaliste, il voyage autour du monde en multipliant les petits boulots. Il commence à écrire des romans en 1995 et accède à la notoriété avec Et que le vaste monde poursuive sa course folle. Il vit à New York où il enseigne l'écriture créative. (source Wikipedia)

     

    roman étrangerLe chant du coyote

    Marval, 1996, 19€90

    Traduit de Songdogs (1995) par Renée Kérisit

    1er roman de Colum McCann.

    Après une absence de 5 ans, Conor 23 ans revient en Irlande. Il y retrouve son père, vieil homme taciturne et alcoolique, passionné par la pêche à la mouche. Conor a sept jours devant lui pour renouer avec son père malade. Sept jours pour remonter le temps et comprendre enfin, le départ de cette mère dont l’absence le fait tant souffrir. Sept jours pour reconstituer un passé en lambeaux.

    L’auteur aborde les rapports douloureux entre un père et son fils et le vide laissé par la mère avec une grande sensibilité. Dans ce roman, McCann nous offre également un dépaysement total avec un périple familial qui se déroule en Irlande bien sûr, mais aussi en Espagne, au Mexique et en Amérique du Nord. A lire !

     

    roman étrangerEt que le vaste monde poursuive sa course folle

    Belfond, 2009, 22€

    Traduit de Let The Great World Spin par Jean-Luc Piningre

    National Book Award 2009 et Prix du Meilleur livre de l'année (magazine Lire) 2009.

    Le 7 août 1974, Philippe Petit, funambule a marché sur un câble tendu entre les deux tours jumelles du World Trade Centre. Partant de ce fait divers réel, McCann nous raconte le New York des années 70 : la fin de la guerre du Vietnam, la période hippie, le quartier du Bronx.

    A travers la voix de plusieurs personnages fictifs qui s’entre croisent, tous très attachants, le lecteur est en immersion totale dans ce New-York des seventies. Un prêtre dans le Bronx qui cherche Dieu, des femmes fortunées de la 5è Avenue, d’anciens soldats, tous ont un point commun…. Très bon roman

     

    roman étrangerDanseur

    Belfond, 2003, 19€50

    Traduit de Dancer (2003) par Jean-Luc Piningre

    Entre biographie et roman, l’auteur se penche sur la destinée de Noureïev, de son enfance tartare dans un coin reculé d'URSS à ses frasques dans les soirées, en passant par son incroyable talent sur scène, ses amitiés indéfectibles, ses fragilités ou sa mégalomanie.

    Construction originale : McCann décrit sa vie, à travers le regard des personnes de son entourage, en changeant de ton, de point de vue et de modèle stylistique à chaque partie du livre. Très belle écriture, roman bien documenté sur le monde du ballet, ses codes, ses douleurs, les luttes. Les informations sont véridiques, mais le roman fait l’impasse sur ses années en prison.

     

    roman étrangerLettes à un jeune auteur

    Belfond, 2018

    Traduit de Letters to a Young Writer par Jean-Luc Piningre

    Essai. Recueil de 52 conseils que McCann donne à tout aspirant auteur. S’adresse aussi à tout lecteur intéressé par l'écriture. Pas de conseils techniques mais un ton familier et percutant :  "De l’audace devant la page blanche ! Écris au-delà du désespoir. Chante. Chasse tes visions dans le noir. Partage ta rage. Résiste. Dénonce. De la vigueur, du cœur, de la persévérance ! Donne du poids à l’imaginaire. Commence par douter. Va où personne n’est allé. Compose une langue unique. Sublime l’ordinaire. Pas de panique. Révèle une vérité inconnue. Divertis également. Soulage la soif de sérieux et de joie. On peut te retirer bien des choses – même la vie –, mais pas les récits que tu en fais. Pour toi, jeune auteur, ce mot donc, non dénué d’amour et de respect : écris !"

     

    roman étrangerApeirogon

    Belfond, 2020

    Traduit de Apeirogon par Clément Baude

    Le nouveau roman de Colum McCann traite du conflit israélo-palestinien à travers les récits de deux pères et une construction complexe tirée de la géométrie. Deux pères de famille, l’un palestinien, l’autre israélien perdent chacun un enfant dans un attentat. Contre toute attente, ils vont devenir amis et vont unir leur douleur au sein de l'association Combattants for Peace afin que leur tragédie serve au moins à faire avancer le dialogue entre les deux peuples. Inlassablement ils parcourent la planète pour raconter l'histoire et la mort de Smadar et d'Abir, leur seule façon de survivre.

    Roman très émouvant, mais sa construction est complexe et déroutante. On n'entre réellement dans le roman qu'à la page 243 car, jusqu'alors, ces deux récits apparaissent par morceaux éclatés, entrecoupés de considérations philosophiques, arithmétiques, géographiques, religieuses, musicales, ethnologiques ou poétiques de deux à une quinzaine de lignes. Un apeirogon, titre du livre, est une figure géométrique au nombre infini de côtés. Le roman est construit comme cette figure géométrique : pour montrer toutes les facettes d'un conflit multiple et les liens de cause à effet entre les tragédies, parfois même l'absurdité de ce conflit. Basé sur des faits réels, un roman hors du commun, à lire malgré son début complexe.

     

    roman étrangerZoli

    Belfond, 2007, 21€

    Traduit de Zoli par Jean-Luc Piningre

    Histoire inspirée de la vie de la poétesse tzigane polonaise Papusza. Zoli est une jeune tzigane, orpheline dès l’âge de 6 ans, élevée par son grand-père. Elle se démarque de son peuple en apprenant à lire et à écrire et en développant un talent de poétesse et de chanteuse.  Des années 1930 en Tchécoslovaquie à Paris en 2003, on suit son histoire aussi envoûtante que dramatique.

    McCann écrit à partir de faits réels comme souvent, mais il ne connait pas le monde tzigane. Ce roman est un hymne à la liberté, une réflexion sur l'exil, sur l'appartenance à une communauté et sur la transmission d'une culture, sur la différence … Une pépite !

     

    roman étrangerAilleurs en ce pays

    Belfond, 2001, 18€

    Traduit de Everything in This Country Must par Michelle Herpe-Voslinsky

    3 histoires courtes, mais tristes, de jeunes irlandais en pleine tragédie de guerre de l’Irlande contemporaine. Du Zola irlandais ! Bien raconté, mais très noir.

     

    roman étrangerTransatlantic

    Belfond, 2013, 22€

    Traduit de TransAtlantic par Jean-Luc Piningre

    L’auteur bâtit un pont entre l’Amérique et l’Irlande du XIXème siècle à nos jours, mêlant histoire et fiction dans une écriture lyrique. Ce qui intéresse l’auteur : "au cœur de la violence, des vies malgré tout ; écheveaux invisibles qui entremêlent lieux, époques, personnages, le passé ressurgit de la manière la plus étrange qui soit."

  • Marc Dugain à l'honneur

    Né en 1957 au Sénégal, où son père était coopérant, Marc Dugain grandit en France.  Diplômé de l'Institut d'études politiques de Grenoble et expert-comptable, il travaille dans la finance, puis crée une société d'ingénierie financière pour les moyens de transport. Entrepreneur dans l'aéronautique, il dirige en 2000 les compagnies aériennes Proteus Airlines et Flandre Air. À 35 ans, il commence une carrière littéraire en racontant le destin de son grand-père maternel, "gueule cassée" de la guerre de 14-18, dans La Chambre des officiers, publié en 1998 et qui le fait connaître. Dès lors, Marc Dugain se consacre entièrement à l'écriture, et à la réalisation de films. (Source Wikipedia)

     

    roman, comité de lectureUne exécution ordinaire

    Gallimard, 2007

    Grand Prix RTL-Lire.

    Roman inspiré par le naufrage du sous-marin russe Koursk. Évocation du pouvoir politique en Russie depuis la période de Staline jusqu’à celle de Poutine à travers l’itinéraire d’une famille. Aborde le contexte politique et sociétal de cette période. L’auteur mêle personnages réels et personnages fictifs. Ce roman est richement documenté, mais sa construction fragmentée en 7 parties, avec des narrateurs différents, nuit à la fluidité de la lecture. Adapté au cinéma par l’auteur en 2010 sous le même titre que le roman avec André Dussolier.

     

    roman, comité de lectureL’emprise

    Gallimard (Blanche), 2014, 19€50

    Roman politique et d’espionnage, sur fond d’élection présidentielle en France. Inspiré de personnages et faits réels ce roman aborde le parcours de plusieurs personnages issus des milieux politique, industriel et de l’espionnage français. L'auteur met en avant les conséquences catastrophiques de certains actes liés au pouvoir et à l'argent.

    Il s'agit donc d'une dénonciation d'un système et de ses rouages. La construction est curieuse, et l’énergie maîtrisée, avec une écriture sèche. Intéressant et actuel, un roman qui fait réfléchir.

     

    roman, comité de lectureTransparence

    Gallimard (Blanche), 2019, 19€

    Roman d'anticipation sur un sujet qui passionne l'auteur : le transhumanisme. L’histoire se déroule à la fin des années 2060 en Islande. Transparence est une start-up numérique qui met au point le projet Endless dans le but de sauver l’humanité, menacée par le réchauffement climatique. Un projet qui consiste à transplanter après, ou même avant sa mort, les données personnelles numérisées d’un individu dans un corps artificiel. En d’autres termes, un projet révolutionnaire donnant accès à l’immortalité. Pour qui ? Sur quels critères ? Comment ? Un algorithme décide si une personne est éligible à l’immortalité / si elle le droit d’enfanter.

    Sous couvert de roman d’anticipation, une réflexion intéressante sur notre société actuelle menacée de destruction, avec le dérèglement climatique, le danger des algorithmes, ou celui du transhumanisme. Bien écrit, assez ardu avec une écriture un peu philosophique, angoissant.

     

    roman, comité de lectureAvenue des géants

    Gallimard (Blanche), 2012, 21€50

    Prix des lycéennes Elle 2013

    Marc Dugain s'est inspiré de l'histoire de Edmund Kemper, un tueur en série américain de la fin des années 70. Ce roman est le récit du cheminement intérieur d'un tueur en série hors du commun. Comment cet homme supérieur en tout - un colosse dont le QI serait supérieur à celui d'Einstein - est-il devenu un tueur en série ? A travers ce roman, l’auteur fait également l'autopsie d'une Amérique des années 1960-1970 en pleine révolution avec la guerre du Vietnam et le mouvement hippie.

    Un roman certes percutant et perturbant, mais avec une approche psychologique fine.

     

    roman, comité de lectureLa malédiction d’Edgar

    Gallimard (Blanche), 2005, 20€20

    Roman biographique sur John Edgar Hoover, directeur du FBI de 1924 à 1972. Durant toute cette période, Hoover a imposé son ombre à tous les dirigeants américains, de Roosevelt à Nixon, d’où le titre du roman. Pendant près d'un demi-siècle, les plus grands personnages de l'histoire des États-Unis ont été traqués jusque dans leur intimité par cet homme qui s'était érigé en garant de la morale.

    Roman très documenté. Espionnage, mafia, respect de l’ordre moral… le point de vue sur Kennedy et sa famille n’est pas très brillant.

     

    roman, comité de lectureIls vont tuer Robert Kennedy

    Gallimard (Blanche), 2017, 22€50

    Ce roman mêle intimement deux histoires : une synthèse sur les assassinats de John et Robert Kennedy, à laquelle le narrateur lie celle de son père, espion. L’auteur revisite l’histoire des États-Unis dans les années 1960, entre contre-culture et violences politiques. De nombreux assassinats et règlements de comptes ; les grands financiers, la pègre, la justice et certains politiques règnent «ensemble», sur le pays ! On comprend bien ce qui a tué les frères Kennedy, les tueurs présumés n’étant qu’un paravent. Édifiant, et très bien écrit.

     

    roman, comité de lectureEn bas les nuages

    Flammarion, 2009, 20€30

    L’auteur nous livre 7 nouvelles, l’histoire de 7 hommes vivant aujourd’hui dans des lieux différents : Dordogne, Maroc, États-Unis, Irak ou dans une île lointaine. Comment chacun fait face à son quotidien ?

    Réflexion cynique sur l’humanité, le rêve, la société de consommation …

     

    roman, comité de lectureL’insomnie des étoiles

    Gallimard (Blanche), 2010, 17€75

    Automne 1945, les alliés occupent Berlin et le reste de l’Allemagne. La compagnie française du capitaine Louyre investit le sud du pays. Dans une ferme isolée, il découvre une adolescente vivant seule, comme une sauvage, et le corps calciné d’un homme. Incapable d’expliquer la situation, la jeune fille est arrêtée. Le capitaine s’acharne à chercher la vérité, et découvrira un secret sur la région.

    Roman à la fois historique et policier, très bien écrit.

     

    roman, comité de lectureLa chambre des officiers

    JC Lattes, 1999, 17€

    Prix des libraires, Prix des Deux Magots, Prix Roger-Nimier et Prix René-Fallet 1999

    Un officier est blessé au visage, dès le 1er jour de la guerre, où il est envoyé en reconnaissance. Défiguré, il est transporté au Val de Grâce à Paris, où il séjourne 5 ans dans la chambre des officiers. Au fil du temps, des amitiés se nouent entre les blessés. D’une époque et une situation dramatiques, l’auteur sait faire émerger la grâce et l’humanité. Le roman a été adapté au cinéma par François Dupeyron (2001) sous le même titre.

    Ce livre rappelle à Annie « Les gueules cassées » de Martin Monestier, qui retrace toute l’évolution de la chirurgie faciale pendant la période allant de la guerre de 14-18 à nos jours.

  • L'amitié est un cadeau à se faire

    roman, cavale, amérique, roman policier

     

    L’amitié est un cadeau à se faire

    William BOYLE

    Gallmeister (Americana), 2020, 377 p., 23€80

    Traduit de l’américain A Friend is a Gift you give yourself par Simon Baril

     

    Prenez quelques personnages au caractère affirmé :

    -Rena, la veuve de Vic le Tendre, chef mafioso de Brooklyn exécuté sur son perron alors qu’il dégustait son expresso. Toute sa vie, elle a fermé les yeux sur ses activités illégales ;

    -Lucia, ado qui n’attend qu’une étincelle pour commencer sa rébellion ;

    -Adrienne, fille deRena et mère de Lucia ;

    -Lacey, ancienne star du porno, la soixantaine pétillante ;

    -Un vieux séducteur libidineux, un mafioso qui veut disparaître avec la galette, un assassin au marteau complètement givré, et des chauffeurs en tous genres…

    Ajoutez un cendrier un peu lourd, une mallette pleine de dollars appartenant à la mafia et quelques belles américaines  – les voitures- Impala, Eldorado ou Town Car, adorées par leurs propriétaires. Et mélangez le tout pour obtenir une cavale déjantée à la Tarantino.

    Avec tout cela, le titre de ce roman pourrait sembler bien trompeur. Mais non, car l’auteur prend le temps, entre deux courses-poursuites, de développer ses personnages. Et au bout du compte, ce sont bien l’amitié et le soutien entre femmes qui se révèlent salvateurs. Un roman -policier ou pas- qui se lit d’une traite et laisse à bout de souffle, le sourire aux lèvres. Bien rythmé, drôle et jouissif.

    Aline

  • Sélection polar

    Sélection de polars et romans noirs, par la librairie Un Petit Noir, des pentes de la Croix-Rousse.

     

    roman policier, roman noirL’ange rouge

    François Médéline

    Manufacture des livres, 2020, 512 p., 20€90

    Lyon, 1997-1998, découverte à Confluence d’un homme crucifié sur un radeau. L’enquête se passe dans le milieu des étudiants des beaux-arts, de l’extrême gauche des pentes de la Croix-Rousse, la famille d’un grand pharmacien lyonnais… Elle est également prétexte à s’intéresser aux personnages de flics, à leurs failles, aux guerres entre services. L’intrigue et l’écriture sont toutes deux très bonnes. Par l’auteur de La politique du tumulte (financement politique) et Rêve de guerre (histoire familiale entre deux frères, l’un policier, l’autre accusé d’un crime).

     

    roman policier, roman noirNoir diadème

    Gilles Sebhan

    Rouergue (Noir), 2021, 182 p., 18€

    Lorsque le corps profané d'un adolescent est découvert aux abords d'un camp de fortune de réfugiés migrants, l’inspecteur Dapper en fait une affaire personnelle. Un roman noir réaliste et nécessaire, qui suit l’itinéraire de jeunes victimes et l’exploitation de la pauvreté.

     

    roman policier, roman noirLes boîteux

    Frédéric L’Homme

    Le Rouergue (Rouergue Noir), 2020, 272 p., 20€

    Début des années 1980, dans une réalité qui s'écarte légèrement de celle que nous connaissons, la guerre éclate entre la police judiciaire et le « boulevard Soult », autrement dit les « boîteux » ou barbouzes des services secrets, dont l'action centrée sur la lutte antiterroriste a longtemps échappé au contrôle des juges. L’enquête de la PJ, sur des crimes datant de 1958, se place à la limite de l’espionnage.

     

    roman policier, roman noirNoir côté cour

    Jacques Bablon

    Jigal (Noir), 2020, 176 p., 17€

    Huis clos dans un immeuble parisien. Le narrateur occupe un appartement du 5ème étage, qui appartenait à son père, ancien propriétaire de tout l’immeuble qu’il a vendu peu à peu. Un type du 3ème étage est assassiné. L’enquête nous fait visiter tout l’immeuble et ses différents occupants. Histoire de famille, de vengeance, d’erreur et de faux semblants, avec une écriture ciselée.

     

    roman policier, roman noirLes martyres de Montplaisir

    Jacques Morize

    Andre Odemard éditions, 2020, 278 p., 18€

    Les enquêtes du Commissaire Séverac se déroulent chacune dans un arrondissement de Lyon, à grand renfort de repas dans les bistrots et bouchons lyonnais. Dans ce roman, le quartier Montplaisir est le théâtre de deux assassinats abjects de vieilles dames. Ne laissant aucune trace derrière lui, si ce n’est une rose bleue, le criminel parvient même à orienter les policiers sur une fausse piste. Le commissaire aurait-il affaire à des crimes en série... ?  Enquête policière locale, facile à lire, avec un duo de criminels très violents.

     

    roman policier, roman noirL’imposture du marronnier

    Mariano Sabatini

    Actes sud (Actes Noirs), 2021, 400 p., 22€80

    Polar italien actuel, dans le milieu de la politique et de la mafia à Rome. L’enquêteur est un journaliste assez psychologue, aidé de son ami flic intègre. Classique et plaisant.

     

    roman policier, roman noirJustice indienne

    David Heska Wanbli Weiden

    Gallmeister (Americana), 2021, 416 p., 24€20

    Polar sur une réserve indienne, avec un crime et un enquêteur, justicier autoproclamé.  L’auteur s’intéresse aux addictions des peuples amérindiens, à la façon dont l’argent a fait exploser un système qui était, à la base, solidaire.

     

    roman policier, roman noirDans la gueule de l’ours

    James A. Mclaughlin

    Rue de l'échiquier, 2020, 448 p., 23€

    Dans les Appalaches, des ours (espèce protégée) sont tués. Rice, en cavale, s’est plus ou moins refait une virginité dans le coin. Garde forestier, il vit en symbiose avec la nature, et décide d’enquêter sur ces actes de braconnage… Prix Edgar Allan Poe aux Etats-Unis, Grand prix de la littérature policière BILIPO et prix SNCF.

     

    roman policier, roman noirCe lien entre nous

    David Joy

    Sonatine, 2020, 302 p., 21€

    Un braconneur abat un homme par erreur, et enterre le corps. Arrive un homme de la vallée, qui cherche son frère et enquête. A partir d’un fait divers, une histoire de vengeance d’une violence extraordinaire, portée par une très belle écriture. Très américain.

     

    roman policier, roman noirDans la vallée du soleil

    Andy Davidson

    Gallmeister (Americana), 2020, 472 p., 24€80

    Manipuler ou être manipulé… Un VRP itinérant s’arrêt dans un motel, et reste aider la gérante qui se bat au quotidien pour faire marcher l’établissement. Histoire de cette femme, de sa « conquête de l’ouest personnelle », grands espaces américains, et… un truc pas net du côté du VRP !

     

    roman policier, roman noirMictlán

    Sébastien Rutès

    Gallimard (La Noire), 2020, 154 p., 17€

    Deux types se relaient pour conduire un semi-remorque réfrigéré, avec interdiction de s’arrêter, sauf dans les stations-service pour faire le plein du camion. Les ordres du Gouverneur sont clairs : « si tu t’arrêtes, c’est pour toujours ! ». On suit les pensées -noires- de Gros et Vieux, condamnés à rouler sans trêve, qui philosophent au volant sur la vie, la mort, et pourquoi on tient à sa peau. Court et cynique.

     

    roman policier, roman noirMarseille 73

    Dominique Manotti

    Les Arènes (Equinox), 2020, 450 p., 20€

    Un polar très politique, dans l’atmosphère « anti-beur » de Marseille. Attitude des policiers qui enquêtent sur des morts arabes. Bien écrit, bien construit, avec des références à l’histoire, et des restes d’O.A.S.

     

    roman policier, roman noirDeux balles

    Gérard Lecas

    Jigal (Polar), 2020, 216 p., 18€50

    Deux vétérans d’Afghanistan reviennent à Marseille, bien abîmés psychologiquement. Ils s’étaient promis de monter ensemble un foodtruck à leur retour, mais l’un des deux doit d’abord suivre une lourde rééducation pour son handicap. En attendant, l’autre rejoint ses frères dans un business de magouilleurs. Comment on place son éthique, et comment on fait des ajustements… un parcours humain très noir !

     

    roman policier, roman noirJoueuse

    Benoît Philippon

    Les Arènes (Equinox), 2020, 368 p., 18€

    Dans le milieu du jeu, une jolie jeune femme tombe sous le charme d’un joueur professionnel de poker, bluffeur et manipulateur. Le thème n’est pas très original, mais l’écriture est pleine d’humour. Par l’auteur de Mamie Luger.

     

    roman policier, roman noirLa mort et le météore

    Joca Reiners Terron

    Zulma, 2020, 192 p., 17€50

    La tribu amazonienne des Kaajapukugi est décimée par l’avancée de la « civilisation ». Le mystérieux Boaventura cherche à les sauver en les implantant au Mexique, mais il est rattrapé par son passé et meurt juste avant leur arrivée. Peut-on décider comment « faire le bien » pour autres, lorsque ni la langue ni les références culturelles ne sont les mêmes ? Plus proche de la métaphysique que du polar, l’auteur s’intéresse à la spiritualité des indiens d’Amazonie.

  • Bouillon de lecture autour de l'art

    Question judicieuse : quels sont les arts ?

    Traditionnellement, les arts majeurs sont l’architecture, la sculpture, les arts visuels (dessin & peinture), la musique, la littérature, les arts de la scène, (théâtre, danse, mime, cirque, humour). Le consensus désigne ensuite le cinéma comme 7ème art, les arts médiatiques (radio, télévision, photographie) comme 8ème art, la bande dessinée comme 9ème art, et les jeux vidéo comme 10ème art... puis les candidats sont nombreux pour le 11ème… arts culinaires ? éloquence ? mode et parfumerie ?...

     

    Autour de la musique

    art, Quatuor

    Anna Enquist

    Actes Sud, 2016, 300 p., 21€90

    Auteur néerlandaise, musicienne, concertiste et psychothérapeute, Anna Enquist travaille en milieu hospitalier.

    Amsterdam. Les personnages, amis de longue date, se retrouvent pour jouer de la musique : Caroline, violoncelliste, est médecin, son mari Jochem, alto, est luthier, Hélène 2nd violon, est infirmière, Hugo, 1er violon, dirige un centre culturel. L’ancien professeur de musique d’Hugo et Caroline, Rainier, âgé, donne encore des cours.

    Chaque personnage parle à la 1ère personne pour livrer son histoire. La musique partagée les aide à surmonter les épreuves de la vie. Ce roman, au rythme soutenu, se lit vite et facilement, y compris pour les non mélomanes. Au-delà de la musique, qui imprègne tout le roman, l’auteur présente une critique de la vie actuelle aux Pays-Bas, et de la place accordée aux personnes âgées dans la société. Elle aborde les problèmes de la vieillesse et de la retraite. Quand on se voit diminuer, mais qu’on veut résister…

     

    art, art,

    Eric-Emmanuel Schmitt

    Ma vie avec Mozart

    Albin Michel (livre avec CD), 2005, 160 p., 23€90

    Le narrateur parle avec Mozart. Il raconte qu’ado il déprimait, pensait au suicide, puis tout a changé pour lui à l’écoute de La flûte enchantée. « A cette époque je croyais que le monde mourait, alors que c’était moi qui mourais au monde ». Cette musique le rapproche de la vie. Il décrit ses états d’âme.

    Madame Pylinska et le secret de Chopin

    Albin Michel, 2018, 118 p., 13€50

    Jeune, le narrateur n’aimait pas le piano, jusqu’à entendre sa tante jouer du Chopin. C’est sa professeure de piano qui lui apprend que le piano ne se joue pas seulement avec ses mains, mais avec tout son être. « Il y a des secrets qu'il ne faut pas percer mais fréquenter : leur compagnie vous rend meilleur. »

     

    La Calligraphie

     

    art, Passagère du silence

    Fabienne Verdier

    Albin Michel, 2003, 292 p., 23€

    Fabienne Verdier a consacré toute sa vie à la calligraphie chinoise. A l’école des Beaux-Arts de Toulouse, elle s’intéressait aux représentations de la nature, essayant de saisir l’instant en un trait.

    A 20 ans, partie en Chine, elle s’est retrouvée dans une ville immense, seule étrangère à l’université. Les professeurs, persécutés pendant la révolution chinoise, ont mis longtemps à lui ouvrir leur porte. L'artiste est restée dix ans à Chongqing, pour apprendre l'art de la calligraphie auprès de Huang Yuan, et du graveur de sceaux Cheng Yun. Au-delà de son aventure personnelle, on perçoit la philosophie qui sous-tend son art. Actuellement, elle travaille sur d’immenses calligraphies, et peint comme on danse, avec un pinceau énorme, soutenu par des rails, et guidé par un guidon de vélo. (cf Exposition à Aix en Provence l’été dernier, voir affiche Roland Garros 2018)

     

    L’écriture

    art, Mr Gwyn

    Alessandro Baricco

    Gallimard (Du monde entier), 2014, 192 p., 18€50

    Mr Gwyn, romancier londonien, est au sommet de sa gloire après avoir écrit trois romans à succès. Dans un article du Guardian, il annonce qu’il n’écrira plus jamais de roman. Lorsqu’il revient à l’écriture, après un an, c’est pour faire des portraits de gens. Il crée un lieu, prépare l’ambiance, pour chacune des personnes qu’il va dépeindre.

    On s’attache à ce personnage d’écrivain, sympathique, mais assez excentrique, sophistiqué, mystérieux. Un roman formidable, et une très belle réflexion sur l’artiste. Qu’est-ce qu’est un artiste. Qu’est-ce que l’art ?

    Alessandro Baricco est écrivain, homme de théâtre, et musicologue. Son œuvre Novecento : pianiste, écrite sous la forme d’un monologue poétique, a été magnifiquement joué au théâtre par André Dussolier.

     

    art, Miss Islande

    Audur Ava Olafsdottir

    Zulma, 2019, 266 p., 20€50

    Histoire d’une femme qui pour pouvoir vivre de sa passion, l’écriture – la poésie- doit passer par le stade de miss Islande pour gagner son indépendance. Plus qu’une histoire d’artiste, c’est un récit sur la réalisation de soi, la débrouille et la résistance à l’ordre établi.

     

    La peinture

     

    art, Manet, le secret

    Sophie Chauveau

    Télémaque, 2014, 384 p., 22€

    Nommé chef de file des impressionnistes, Edouard refuse d’étudier le droit, devient apprenti marin, rate le concours de l’école navale. Dandy, croqueur de femmes, il recherche la reconnaissance du salon des peintres, est éconduit. Ses amis, peintres et poètes sont évoqués dans le livre : Renoir, Degas, Pissarro, Monet, Baudelaire…  Amoureux de Suzanne, qui enseignait le piano à sa mère, il a un enfant avec elle, mais ne le reconnait pas, car elle n’est pas de son milieu. L’auteur décrit la relation extraordinaire de ce fils Léon avec sa mère. L’histoire de France s’entrechoque avec la vie de l’artiste, dans un contexte historique allant du second empire à la défaite française de 1870, puis à la IIIe république. Bien écrit, facile à lire et bien ancré dans l’histoire.

    Sophie Chauveau a écrit avec talent de nombreuses biographies d’artistes romancées : La passion Lippi, Le rêve Botticelli, L’obsession Vinci, Fragonard l’invention du bonheur, Sonia Delaunay la vie magnifique…)

     

    art, Radeau

    Antoine Choplin

    Pendant la guerre, Louis transporte en camion de précieux tableaux du Louvre, pour les emporter à l’abri dans le sud. Le radeau de la méduse en fait partie. Malgré l’ordre strict de ne pas s’arrêter, il recueille Louise, qui chemine au bord de la route. L’écriture ciselée et pudique de Choplin, à son meilleur, comme dans son splendide roman Le héron de Guernica.

     

    art, art, Le meurtre du Commandeur

    T1, Une idée apparaît / T2, la métamorphose se déplace

    Haruki Murakami

    Belfond, 2018, 456 + 472 p., 23€90/tome

    Un jeune peintre, que sa femme a quitté, s’installe dans l’ancienne résidence d’un peintre japonais décédé, spécialiste de peinture traditionnelle. Il découvre au grenier une peinture obsédante, sur le meurtre du commandeur. Un voisin veut faire peindre un portrait, mais comment faire le portrait d’un homme sans visage ???

    Intrigue à tiroirs, histoire d’amour, secret de famille, un peintre qui se cherche dans la progression de son art, la naissance d’une œuvre… Dans le 2e tome, Murakami fourni les réponses aux questions posées dans le premier. Féru d’art, il décrit la création, la quête du peintre, les rapports entre modèle et peintre, quand une toile est-elle achevée ? comment s’en séparer ?

    Ces romans tournent autour de la peinture, et -comme souvent chez Murakami- mélangent réel et fantastique, jusqu’à ce que le lecteur ne distingue plus la frontière. "La réalité ne se limite pas seulement à ce qui est visible". Passionnant et philosophique.

     

    art, Les couleurs de nos souvenirs

    Bleu, histoire d’une couleur / Vert, histoire d’une couleur /….

    Michel Pastoureau

    Tous les livres de Michel Pastoureau autour de l’histoire et de l’origine des couleurs sont passionnants, avec des anecdotes très parlantes.

     

    art, Le grand art

    Léa Simone Allegria

    Flammarion, 2020, 358p., 20€

    Paul Vivienne, commissaire-priseur, a beaucoup vendu, mais il commence à être dépassé par internet et les ventes en ligne. Lorsqu’il découvre un retable au fond d’une chapelle toscane, il se demande si c’est un faux ou pas, s’il a de la valeur ou non. La forme du roman est proche de l’enquête policière, dans le milieu de l’art et de la finance, des bulles spéculatives.

     

    art, Efface toute trace

    François Vallejo

    Viviane Hamy (Contemporaine), 2020, 320 p., 19€

    Dans ce roman qui démarre comme un policier, le narrateur est un expert en art contemporain, chargé par un groupe de collectionneurs d'enquêter sur des incidents étranges ayant entraîné la mort de trois d'entre eux. Comment faire de l’argent avec l’art contemporain, l’art conceptuel, les happenings… On en arrive parfois au « foutage de gueule », voire au blanchiment d’argent.

    Andy Warhol, Keith Harring, Bansky sont évoqués, y compris la vente aux enchères où l’œuvre de Bansky s’est auto-déchiquetée aussitôt adjugée.

     

    La sculpture

     

    art, Trencadis

    Caroline Deyns

    Quidam éditeur (Made in Europe), août 2020, 364 p.

    Roman biographique sur Niki de Saint Phalle

    L’auteur écrit la biographie de Niki de Saint Phalle comme un patchwork d’éclats de vie. D’où son titre : le trencadis est une forme de mosaïque à base d’éclats de céramique, typique de l’architecture moderniste catalane, employé en particulier par Gaudi au parc Güell. Les narrateurs, différents pour chaque chapitre, présentent chacun une scène ou une facette de la vie de Niki, qui permet de faire des liens avec son œuvre artistique, et l’apprécier plus en profondeur. Tel ce forain qui, refusant de prêter sa carabine à cette tireuse d’élite, l’accompagna jusqu’à la cour où elle réalisait ses œuvres « Tir à la carabine » et put lui-même participer au processus créatif.

    Cette forme de narration fait à la fois l’originalité du livre, et sa difficulté. Car si chaque chapitre est bien écrit et prenant, le passage d’une scène à l’autre peut démotiver un peu le lecteur.

     

    art, Pietra Viva

    Léonor de Récondo

    S. Wespieser, 2013, 242 p., 20€

    Un épisode de la vie de Michel Ange, son parcours autour d’une œuvre. En 1505, il part dans les carrières de Carrare choisir le marbre qui lui est nécessaire pour réaliser le tombeau commandé par le pape. Très intéressant, ce roman présente sa façon de travailler, mais aussi sa vie débridée.

     

    art, La brodeuse de Winchester

    Tracy Chevalier

    Table Ronde (Quai Voltaire), 2020, 348 p., 23€50

    L’histoire, située en Angleterre à l’époque de la montée du fascisme sur le continent, s'inspire de celle de Louisa Pesel, la fondatrice du cercle des Brodeuses de la cathédrale de Winchester.

     

    Prochain Bouillon en visioconférence

    Lundi 1er mars, à 20h

    Auteurs choisis : Colum McCann et Marc Dugain

  • Un monde à porté de main

    roman, art

     

    Un monde à portée de main

    Maylis de Kerangal

    éd. Verticales, 2018, 288 p., 20€

     

    Avec ce roman Maylis de Kerangal nous fait découvrir, avec talent, l’art du trompe-l’oeil et interroge sur l’artifice et la frontière entre illusion et réalité.

    Paula rêvait d'être artiste, elle sera peintre en décor, elle apprendra les trompe-l’œil, les bois et les marbres, elle créera l'illusion sur les murs, les plafonds, au cinéma, jusqu'à la consécration, jusqu'au projet qui la touchera jusqu'au plus profond de son âme. Avec en toile de fond, Jonas, toujours.

    Après avoir passé son bac et cherché sa voie pendant 2 ans sans beaucoup de conviction, Paula se découvre une sensibilité d’artiste.  Après quelques mois dans une école préparatoire aux Beaux-Arts, elle abandonne et subitement décide d’intégrer le prestigieux Institut Supérieur de peinture de décors à Bruxelles.  La formation est courte, 6 mois mais intense ; la charge de travail est violente pour une étudiante comme elle, peu habituée à l’effort. La pratique en atelier est très physique, épuisante et douloureuse. Mais elle s’accroche.

    Copier n’est pas si simple. Pour imiter le bois, il faut sentir la forêt, établir une relation avec elle. Pour peindre les marbres, il faut accepter des codes de représentation stricts, une syntaxe, un vocabulaire rigoureux, scruter leur spécificité, différencier les marbres de Carrare, Grand antique, Labrador, Henriette blonde, Fleur de pécher, Griotte d’Italie, se familiariser avec les couleurs Vert de Polcevera, mischio de San Siro, albâtre du mont Gazzo. Paula apprend  à développer son sens de l’observation, à maîtriser ses gestes, à pénétrer dans la matière même de la nature, à explorer sa forme pour capter sa structure.

    Elle partage cet enseignement avec une vingtaine d’élèves venus d’horizons divers pour des raisons bien différentes. Après quelques semaines, ils finissent par constituer une petite communauté. Paula se lie d'amitié avec Kate, débrouillarde et impulsive et noue une relation ambiguë avec son co-locataire Jonas, secret, énigmatique et surdoué. Le diplôme obtenu, ils suivront chacun leur route mais resteront en contact.

    Pendant 5 ans Paula enchaîne des chantiers modestes, s’assurant ainsi une autonomie matérielle fragile mais réelle.  Au fil des expériences, elle gagne en professionnalisme. Elle acquiert une petite notoriété lui offrant des chantiers de plus en plus intéressants. Elle devient nomade, se déplace au gré des contrats, s’adapte à toutes les pratiques, à tous les protocoles, à tous les rythmes. Mais cette précarité, cette instabilité la rendent vulnérable. Ni les amours, ni les amitiés ne durent. Sa vie devient un tourbillon qu’elle ne maîtrise pas.

    Et un jour, un appel de Jonas bouleverse son existence. Il offre à Paula le fac similé ultime : participer à la réplique IV de la grotte de Lascaux. « Ce chantier est pour toi. Une caverne cabossée, des peintures rouges et noires, des taureaux, des rennes, la chapelle Sixtine de la Préhistoire ». Paula se passionne pour ce chantier hors du commun, et elle parvient enfin à sortir du décor et à s'inventer pleinement, découvrant la vertigineuse profondeur du vrai monde et un amour véritable.

    Maylis de Kerangal, comme dans ses autres romans, s'approprie le lexique technique pour décrire avec précision l'univers qu'elle présente. Tout est précis, détaillé.  Elle invite à une réflexion sur l’Art, la création et la copie. Mais elle livre aussi une analyse fine et subtile de l’enseignement, des rapports familiaux, de l’amitié et de l’amour. Un bon roman.

    Annie

  • Cogito

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    Cogito

    Victor Dixen

    R. Laffont, mai 2019, 537 p., 19€90

     

    Roxane, 18 ans, rebelle depuis le décès accidentel de sa mère, pour lequel elle blâme en vrac la société de plus en plus automatisée et son père, sombre dans la provocation et la petite délinquance avec sa bande de "Clébardes".

    Sa seule chance de décrocher le BAC (Brevet d’Accès aux Corporations) est d’obtenir une bourse pour un stage de « science infuse », remise à niveau neuronal organisé par la corporation Noosynth. Mais que faire quand le stage de cyber-bachotage en île paradisiaque vire au cauchemar ?

    Beaucoup d’action et de revirements dans ce roman de science-fiction teinté de philosophie, en un seul tome. Il est facile à lire, mais questionne sur ce qu’est la pensée, sur ce qui fait la spécificité de la pensée humaine par rapport à l’intelligence artificielle. Victor Dixen fait appel aux grands philosophes ou théoriciens de l’humanité : Descartes et Rousseau sont évoqués, mais aussi Turing, Asimov ou Ada Lovelace. Parfait pour les lycéens, ce roman a d'ailleurs gagné leur prix Imaginales 2020.

    Aline

  • La transparence du temps

    Cuba, roman policier

     

    La transparence du temps

    Leonardo Padura

    Métailié (Bibliothèque Hispano-Américaine), 2019, 426 p., 23€

     

    Leonardo Padura est né à La Havane en 1955. Diplômé de littérature hispano-américaine, il est romancier, essayiste, journaliste et auteur de scénarios pour le cinéma. Il a obtenu de nombreux prix littéraires. Il a créé le personnage de Mario Condé, son double, avec Passé parfait paru en 2008.

    Amateur de rhum, de café et de littérature, Mario Condé aime savourer les plaisirs de la vie. Ex-inspecteur reconverti dans la recherche et l’achat de vieux livres, il mène des enquêtes officieuses au gré des demandes, tout en promenant son spleen dans La Havane, entouré par ses fidèles amis, une génération qui n'a connu de l'utopie que le goût amer de la désillusion. Un anti-flic pas très méthodique qui se fie essentiellement à ses intuitions et ses pressentiments.

    Dans La transparence du temps, Leonardo Padura emmène le lecteur dans le milieu des marchands d’art de La Havane, ainsi qu’à travers les siècles. Mario Condé voit avec inquiétude approcher son soixantième anniversaire. Il réalise qu’il vieillit et son moral est au plus bas. De surcroît sa recherche d’ouvrages rares s’avère de plus en plus difficile.

    C’est dans cet état d’esprit qu’il reçoit l’appel d’un ancien camarade de lycée, Bobby, spécialisé dans l‘achat et la vente d’objets précieux et d’œuvres d’art. Une statue miraculeuse de Vierge en bois noir lui a été dérobée par son amant Raydel. Elle n’a pas de valeur marchande, explique-t-il, mais une valeur sentimentale, car elle a été amenée de Catalogne en 1936 par son grand-père venu s’installer à La Havane pour fuir la guerre civile espagnole. 

    Mario Conde s’embarque alors dans une aventure pleine de rebondissements qui le conduira de la misère des bidonvilles où survit péniblement toute une population de migrants venus de Santiago à la richesse insolente des marchands d’art et des nouveaux riches sans scrupules et au mode de vie très confortable.

    L’origine médiévale de la Vierge noire sert de prétexte à l’auteur pour nous faire remonter le temps et nous plonger dans plusieurs faits historiques marquants : La prise de St Jean d‘Acre en 1291 par les troupes du sultan Khalil al-Ashraf qui sonne la fin de la conquête de la Terre Sainte ; La persécution, la condamnation et la dissolution de l’ordre des Templiers en 1307 par Philippe IV ; La guerre entre Catalans au XVème siècle, menée au détriment de la population par des seigneurs avides de puissance. 

    La statue est chaque fois protégée et sauvée et termine son périple en 1472 dans un petit hameau pyrénéen où le seigneur du coin, Jaume Pallard, fait édifier une chapelle pour remercier la Vierge de l’avoir ramené à la vie. Pendant des siècles elle est adorée et remerciée pour ses miracles jusqu’en 1936 où elle est à nouveau enlevée et traverse l’océan...

    Nous retrouvons, à travers les turbulences du temps, Antoni Barral, personnage intemporel dont le destin est inéluctablement lié à celui de la statue. « Il pensa alors qu'il voyait le temps à travers la transparence d'une goutte de pluie accrochée à une branche. Ou en franchissant les années, à travers la transparence cristalline d'une larme qu'un état d'âme altéré mais incoercible avait arraché à ses yeux. »

    Une nouvelle fois, ce roman sert à présenter l’existence quotidienne de la population cubaine, l’atmosphère sociale et politique, ainsi que les changements qui sont en train de s’y opérer. Leonardo Padura décrit d’ailleurs ses romans noirs comme des « chroniques sociales qui, pour se mettre en place, partent d’un délit, ou d’un homicide ».

    Avec force et sensibilité, il communique son amour de Cuba, de La Havane et de son quartier, son sens aigu de l’amitié et son attachement aux valeurs épicuriennes, vaille que vaille. Il nous émeut par ses accès de mélancolie, son désenchantement et sa capacité à résister à la fatalité avec le soutien indéfectible de ses amis de toujours et de l’amour de sa vie, Tamara. Ce roman mêlant intrigue policière et voyage dans le temps est absolument passionnant.

    Annie

  • Secrets de famille

    famille, secret de famille, angleterre

     

    Double secret

    Willa MARSH

    Autrement, 2015, 361 p., 21€

    Traduit de The Summer House par Aline Weill

     

    Une famille atypique, famille de cœur, se rassemble avec affection dans "la grande maison" autour de Milo, ancien brigadier à la retraite, et sa petite ex-belle-sœur Lottie. Lottie, malgré son peu de sens pratique, a élevé Matt et Imogen lorsque leur mère dépressive a sombré dans l’alcool, et ils viennent se ressourcer auprès d’elle quand ils en ont besoin ; Milo accueille son fils Nick lorsqu’il fait trop de bêtises ; la coquette et lucide Venetia aime rendre visite à son vieil amant…

    Après la mort de sa mère Helen, Matt découvre dans son coffret à trésors des photos qui font remonter d’anciens souvenirs à la surface. Il tente de percer le mystère de l’étrange sensation de manque qui l’a toujours habité : enfant, il l’avait comblé avec un ami imaginaire ; adulte, il en a tiré la substance d’un roman devenu bestseller.

    Willa Marsh décrit ses personnages avec douceur, et les situe dans une calme campagne anglaise, avec laquelle ils développent des liens forts. Le "pavillon d'été", le jardin, les oiseaux ou les chiens et les chats sont source de joie et de paix. Le récit laisse une part à l’inexpliqué (au surnaturel ?) là où Matt –et surtout Lottie- ont une sensibilité hors normes, à la limite d’une forme de clairvoyance

    « Tu crois aux fantômes ?

    -Je pense que, partout où il y a eu des émotions puissantes, des échos demeurent. »

    Le secret de famille ne semble peser que sur Matt, mais sa résolution lui est indispensable pour avancer, incapable qu’il est devenu d’écrire ou de nouer une relation profonde avec une femme.

    L'écriture de Willa Marsh, fluide et agréable, nous transporte facilement dans une ambiance anglaise. La seule difficulté réside dans la compréhension des liens de famille.

    Aline