05/01/2020
Le Bouillon se jette à l'eau
Venant de Chassagny, Orliénas, Soucieu, St Laurent et Taluyers, nous avons été privés de notre rencontre de novembre pour cause de neige. C’est donc en décembre que nous nous sommes retrouvés à St Laurent d’Agny autour du thème de l’eau, avec des récits souvent autobiographiques, ou inspirés de la réalité.
Capitaine de la Calypso, l'odyssée
Albert FALCO, Yves PACCALET
Arthaud, 2016, 21.50€
« À vingt ans, Albert Falco n'a rien : ni riche famille, ni brillante éducation. Rien, sauf une formidable passion pour la mer et des rêves d'évasion plein la tête... »
Mémoires d’Albert Falco (1927-2012), bras droit et chef plongeur de l'équipe du commandant Cousteau. Ensemble, ils ont fait plusieurs fois le tour du globe sur la Calypso, de missions scientifiques en visites d’épaves. Il a œuvré à la création du parc des Calanques, et dénonce le tourisme de masse et la pollution.
Le phare, voyage immobile
Paolo RUMIZ
Hoëbeke, 2015, 16€
Grand voyageur, Paolo Rumiz prend le temps d’une découverte immobile, dans un phare perché sur un îlot au milieu de la Méditerranée. Se consacrant à l’exploration du phare et de son rocher, il raconte sa vie à côté des gardiens, mais surtout la nature, les goélands, l’observation des étoiles et de la météo. Paradoxalement, il décrit peu l’eau qui l’entoure, si ce n’est pour souligner les difficultés d’accostage, et évoquer la pêche des gardiens. C’est le vent qui est omniprésent dans son récit.
Le grand marin
Catherine POULAIN
Ed. de l’Olivier, 2016, 19€
Un petit bout de femme, aux grandes mains et à l’immense détermination, part au bout du monde travailler comme marin pêcheur. Basée à Kodiak, en Alaska, elle se confronte à la mer, au sel, à une éprouvante cadence de travail, ainsi qu’à un environnement masculin très rude. On apprend beaucoup sur la pêche… et les errances de bar en bar entre deux campagnes de pêche.
Souvenirs de la marée basse
Chantal THOMAS
Seuil, 2017, 18€
Souvenirs personnels, retour rêveur sur son enfance, ce roman est une ode à la mère de l’auteur, Jackie, qui nageait tout le temps, partout. Alors que sa mère vieillissante perd peu à peu la mémoire, l’auteur se remémore ses vacances à la mer, la plage et les animaux des bords de mer, son étude des estivants aussi.
Bleue
Maja LUNDE
Presses de la Cité, 2019, 22€
Le roman reprend une structure similaire à celle de Une histoire des abeilles. Le lecteur suit une évolution à des époques diverses : dans le passé, au présent et dans le futur. Ici, les chapitres alternent 1950 en Norvège, où l’on construit des barrages et détourne des rivières ; 2017, l’évolution du rapport à l’eau et les premières conséquences de la mauvaise gestion des rivières ; 2042, où la désertification contraint les habitants de certaines zones à l’exil. Il s’agit bien d’une fiction, avec des personnages attachants et combatifs.
Oublier Klara
Isabelle AUTISSIER
Stock, 2019, 20€
Secret de famille sur trois générations, chacune liée à une nature rédemptrice. Rubin, le père, a mené une rude existence sur les chalutiers, il est très marqué par la pêche intensive en URSS. En fin de vie, il fait appel à son fils Iouri pour comprendre ce qu’il est advenu de Klara, la grand-mère, disparue lorsqu’il était enfant, à l’époque de Staline. Roman assez doux malgré son sujet, Oublier Kara est une belle aventure humaine, située dans une nature sauvage.
Juste après la vague
Sandrine COLLETTE
Denoël, 2018, 19.90€
Récit post-apocalyptique. L'eau a tout envahi. Sur un bout de terre émergée survit une famille de onze personnes. La barque qui pourrait les sauver ne peut en embarquer que huit. Le père doit faire des choix entre ses enfants. Se retrouvent d’un côté la barque face aux vagues et aux dangers de l’océan, et de l’autre les trois enfants laissés sur place… parce qu’ils sont les plus débrouillards ou les enfants « ratés » ?
Au fond de l’eau
Paula HAWKINS
Sonatine, 2017, 22€
Thriller. En Angleterre, dans une rivière proche de Beckford aux eaux dangereuses, est retrouvé le corps d’une jeune fille. Suicide ou assassinat ?
Histoire d’une baleine blanche
Luis SEPULVEDA
Metailié, 2019, 12€
Une baleine blanche raconte à ses petits dans quelles conditions elle a rencontré les hommes. Depuis les mythes du large de la Patagonie, où elle est chargée de guider les âmes Mapuches au-delà de l'horizon, jusqu'au XIXe s avec la chasse à la baleine -en particulier le baleinier du capitaine Achab. Beau récit pour tous, jeunes et moins jeunes, illustré par Joëlle Jolivet.
Moi, baleine
Oriane CHARPENTIER, ill. Olivier DESVAUX
Gallimard jeunesse, 2019, 6.60€
Le récit débute sous la forme d’un petit conte illustrant l’apparition de la vie dans les océans, et pourquoi les baleines ont gardé un évent. Puis on suit un jeune baleineau à bosse dans sa découverte du monde qui l’entoure. Curieux, il s’éloigne du groupe, et vient en aide à des phoques en détresse. Récit poétique aux splendides illustrations, un très beau cadeau à faire aux enfants !
Ceux qui voulaient voir la mer
Clarisse SABARD
Charleston, 2019, 19€
Lilou, mère célibataire, quitte Paris car la mer lui manque, pour s’installer à Nice avec son fils. Elle y rencontre Aurore, une femme âgée, qu’elle pousse à raconter son histoire. Depuis des décennies, elle attend son grand amour, Albert, parti à New York tenter sa chance après la guerre… Lecture facile, mais point de mer dans ce récit, malgré son titre.
In Waves
A.J. DUNGO
Casterman, 2019, 23€
Roman graphique autobiographique, reprenant par vagues l’histoire d’amour entre l’auteur et Kristen, nouée autour de la mer et du surf. Malgré la maladie de Kristen, c’est une ode à la vie et à l’amitié, entrecoupée de chapitres au rythme différent, qui retracent les origines du surf à Hawaï et évoquent les premiers grands surfeurs, de Duke Kahanamoku à Tom Blake. Le dessin est simple et très graphique, d’une grande lisibilité. L’auteur utilise des tons bleus turquoise profonds pour la partie autobiographique, tandis que les pages consacrées à l’histoire et aux « beach boys » sont traitées en sépia.
Le vieil homme et la mer
Thierry MURAT
Futuropolis, 2014, 19€
Bande dessinée librement adaptée du roman éponyme d’Ernest Hemingway. Golfe de Cuba, au début des années 50. Un garçon court rejoindre le vieil homme qui lui a appris le métier de pêcheur. Le vieux Santiago a la poisse depuis longtemps. Malgré son savoir-faire et la discipline à laquelle il s'astreint, il revient bredouille de ses sorties en mer. Aussi le gamin a-t-il dû intégrer un autre équipage. Après des mois de malchance, le vieil homme part seul en mer, et met en œuvre toute son expérience et toutes ses forces pour une pêche extraordinaire. Il affronte un gigantesque espadon. Bien qu’omniprésente, la mer est peu mentionnée dans le texte d’Hemmingway.
Thierry Murat réalise des planches quasiment monochromatiques, entre lumière orangée du soleil et bleu-nuit pour l’obscurité. Sa sobriété s’étend à la mise en page, où ses grandes vignettes, voire ses illustrations pleine page rendent l’immensité de l’océan et du ciel qui se confondent. Les personnages sont croqués en noir, et ressortent presque en ombres chinoises.
L'homme de la mer
Deok-Hyun JANG
Pika, 2017, 22 €
Manhwa coréen. Anna, jeune femme désabusée, licenciée par son patron, se réfugie au bord de la mer, où le comportement d’un pêcheur de coquillages l’intrigue. Quoique particulièrement maladroite, elle le contraint à lui enseigner la pêche en apnée, inspirée de la tradition séculaire des haenyos, pêcheuses en apnée extraordinaires de l’île de Cheju, en Corée du Sud. Récit intéressant, mais les personnages ne sont guère sympathiques.
Les enfants de la mer
Daisuke IGARASHI
Sarbacane, 2012 à 2014, 15.50€/tome
Manga traduit du japonais. Ruka, collégienne rebelle, fait la rencontre d’Umi, un garçon étrange qui passe son temps dans l’eau. Par ailleurs, un plongeur prétend avoir vu deux bébés nourris par un dugong (lamantin). Une énigme s’installe quant à la nature des enfants de la mer, à la recherche de leur mémoire. Dans ce manga au dessin extrêmement soigné et détaillé, l’auteur semble s’inspirer de légendes de la mer japonaises, peuplées de créatures légendaires, pour écrire un conte écologique sur le monde aquatique.
Nous finissons par la lecture à voix haute d’un poème de Raymond Carver
« Là où les eaux se mêlent ».
(titre choisi pour la biennale d’art contemporain 2019 de Lyon)
16:56 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eau, roman, bande dessinée
23/12/2019
Quand un parent s'en va
Grand National
Roland BUTI
Ed. Zoé, 2019, 16€
Tranche de vie de Carlo Weiss, que toutes les difficultés semblent accabler au même moment : Ana l’a quitté, alors qu’elle est toujours la femme de ses pensées et de son cœur ; sa mère arrive en fin de vie, et son esprit s’échappe de plus en plus, jusqu’au jour où elle disparaît de la maison de retraite. Enfin, son collègue jardinier semble rattrapé par un passé violent.
Pour la retrouver et la comprendre, le narrateur enquête calmement sur la vie de sa mère, sous le regard bienveillant du géant Agon, fournisseur en boulettes aux « herbes » calmantes. Récit tout en délicatesse, dans un grand amour des jardins ouvriers et des oiseaux. La mort arrive à pas feutrés dans ce grand hôtel suisse un peu décati mais distingué, où le client –comme pendant la guerre- est toujours roi.
Avant que j’oublie
Anne PAULY
Ed. Verdier, 2019, 14€
Autre ambiance pour cet autre récit de mort d’un parent. Ici, c’est la vie brute, concrète, qui transparaît dans un récit énergique et piquant. Avec un franc-parler souvent drôle, la narratrice organise les funérailles de son père, et remonte le fil des souvenirs en triant ses affaires. Au cours des étapes du deuil, ce sont autant les violences conjugales qui reviennent que les moments de tendresse. C’est le moment pour les enfants de se réconcilier -ou pas- avec ce père tellement excessif et insupportable, qui a transmis à sa fille un penchant pour l’alcool, et à son fils la tentation de la violence. Un premier roman vivant et plein d’humour !
Deux styles, deux sensibilités pour un même sujet. Entre les deux, mon cœur balance...
Aline
20:08 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, deuil
02/12/2019
Bouillon d'histoire
Petite sélection de romans historiques, présentés en octobre à Orliénas par les lectrices du Bouillon.
14 juillet
Eric VUILLARD
Actes Sud (un endroit où aller), 2016, 19€
Les quelques jours qui ont précédé la prise de la Bastille, le peuple avait faim. Des descriptions très vivantes des gens du peuple, des différents métiers et corporations, des mouvements de foules et des débordements.
Le fracas du temps
Julian BARNES
Mercure de France (Bibliothèque étrangère), 2016, 19€
Vie des artistes sous la dictature communiste, au travers de la vie de Chostakovitch, qui a choisi de demeurer en URSS. Les trois parties du roman commencent par la même phrase « Tout ce qu’il savait, c’est que c’était le pire moment. »
Chostakovitch se voulait compositeur d’opéra, mais sa musique a déplu à Staline. Contraste entre sa très grande musique et sa position, toujours coincée politiquement.
Sur la scène internationale avec Hitler
Paul-Otto SCHMIDT
Ed. Perrin, 2014, 23€
Diplomate devenu l'interprète d'Hitler pour l’anglais, Paul Otto Schmidt (1899-1970) raconte en témoin privilégié l'ascension et la chute du IIIe Reich ainsi que les principales réunions, congrès, et rencontres au sommet avec les personnages du Reich. Une véritable leçon d’histoire.
Camarade Papa
GAUZ
Le Nouvel Attila, 2018, 19€
L’Afrique au temps des colonies… et après. Un petit garçon noir, élevé par un père révolutionnaire communiste, est envoyé en Côte d’Ivoire retrouver la trace de ses ancêtres. Parallèlement, on suit la conquête Africaine en 1880, la lutte entre colons français et anglais, le fétichisme des Ivoiriens,… Beaucoup de personnages pour ce roman documenté. L’écriture, par moments très imagée, est assez fluctuante dans le style.
Frère d’âme
David DIOP
Seuil, 2018, 17€
PRIX GONCOURT DES LYCEENS 2018
Mademba et Alfa, ils étaient deux « presque frères » à partir du village pour s’engager comme tirailleurs Sénégalais pendant la Grande Guerre. Au cours d’une attaque, Mademba est éventré, et demande à son camarade d’abréger ses souffrances. Alfa, traumatisé, répend alors la violence dans le camp ennemi. Héros, ou fou de guerre ?
Le monde depuis ma chaise
Sergio SCHMUCLER
Ed. Liana Lévi, 2017, 17€
Depuis sa chaise, qu’il a décidé de ne jamais quitter, un garçon observe… Les évènements d’Europe au travers de tous les réfugiés qui arrivent au Mexique : Espagnols, Juifs,…
La disparition de Josef Mengele
Olivier GUEZ
Ed. Grasset, 2017, 18.50€
PRIX RENAUDAUT 2017
Depuis 1949 jusqu’en 1979, roman de la cavale du médecin tortionnaire Nazi en Amérique du Sud. Ce qui dérange est qu’il ne semble pas ressentir de remords. Jusqu’à son dernier jour, il pense avoir agi pour le bien de l’humanité en mettant toutes ses forces au service de la pureté !
Les enfants d’Alexandrie
Françoise CHANDERNAGOR
Albin Michel, 2011, 22.30€
Marc-Antoine, marié à Rome à Octavie, a formé avec Cléopâtre un couple mythique, qui a engendré des jumeaux. Séléné a 10 ans lors de la prise d’Alexandrie. Dernière des Ptolémée, elle raconte…
Le captif au masque de fer
Jean d’AILLON
Ed. Lattès, 2007, 17.80€
Roman policier historique situé à la fin du règne de Louis XIV. On suit un lieutenant de police nommé par Colbert, et Trois Sueurs, bandit des grands chemins –ancien bas-officier huguenot chassé de l’armée…
Madame Proust
Evelyne BLOCH-DANO
Ed. Grasset, 2004, 21.25€
Biographie très bien écrite de Jeanne Weil-Proust (1849-1905), mère de Marcel Proust.
La nuit des Béguines
Aline KINER
Ed. Liana Levi, 2017, 22€
1310, sous le règne de Philippe Le Bel. À Paris, dans le quartier du Marais, se trouve le grand béguinage royal, fondé par saint Louis. Dans ses murs, vit une communauté de femmes hors normes. Veuves ou célibataires, nobles ou ouvrières, elles peuvent étudier, travailler, circuler librement dans la cité. Ni moniales, ni séculières, « mi chair mi poisson », leur liberté et leur indépendance dérange.
Le Prix
Cyril GELY
Albin Michel, 2019, 17€
Otto Hahn et Lise Meitner (physicienne juive) ont travaillé de concert de 1907 à 1938. Pour autant, le Nobel de physique a été attribué à Otto Hahn seul pour la découverte de la fission nucléaire. Le roman est un huis clos à l’hôtel, entre eux deux, juste avant la remise du prix. Déjà abordé en mai.
Après Constantinople
Sophie VAN DER LINDEN
Gallimard (Sygne), 2019, 15€
Balkans, fin de l’empire Ottoman. Un peintre se rend dans un domaine isolé à la recherche de fontanelles (jupes plissées des Balkans). Ses conversations avec l’intendante remettent en question ses convictions. Nous n’avons pas été convaincues par le vocabulaire trop complexe par rapport à une histoire trop floue. Critique complète ici.
14:26 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman historique, histoire
Les simples
Les simples
Yannick GRANNEC
Ed. Anne Carrière, 2019, 445 p.
Simples : plantes médicinales utilisées telles qu’elles sont fournies par la nature.
Le rythme du roman est donné par des dictons autour des plantes : il commence le vingtième jour d’avril « à Saint-Théodore fleurit le bouton d’or » et égrène le temps au fil des saints du calendrier : vingt et unième jour d’avril « à Saint-Anselme, dernières fleurs sème », vingt-deuxième jour d’avril « Pluie de Sainte-Opportune, ni cerises ni prunes »… Ainsi, l’auteur indique déjà les thématiques principales de son roman : piété, crédulité et herboristerie.
1584. Le récit débute à l’apogée de l’abbaye bénédictine de Notre-Dame du Loup, en Provence. Les Louventines disposent d’une protection spéciale du Saint-Siège, et bénéficient de privilèges octroyés par Françoise 1er lui-même. Ce régime de faveur n’est pas sans irriter l’ambitieux évêque local, monsieur de Solines, à qui échappent les bénéfices réalisés par le couvent. Il dépêche donc son jeune vicaire, Léon de Sine, pour une inspection. L’arrivé du jeune homme, gravement blessé en chemin et soigné à l’hôpital du couvent, aura d’énormes conséquences sur la vie de tous.
L’abbesse, mère Marie-Vérane fait régner l’entente entre les deux ordres de moniales : les Marie, sœurs contemplatives issues de la noblesse, et les Marthe, sœurs converses d’humble origine, qui travaillent durement aux cuisines, à l’entretien, au jardin, à l’hôpital et à l’herboristerie. Chacune semble avoir sa place, des offices jusqu’à la cueillette des simples, mais jalousies et rancœurs sont prêtes à s’embraser dans cet univers de femmes.
L’auteur détaille d’abondance la vie dans le couvent et les intrigues qui s'y déroulent, ainsi que les enjeux autour de celui ci. Chacun des personnages est étudié à la loupe, avec tendresse mais sans concession, en particulier sœur Clémence, herboriste de génie et soigneuse empirique, ainsi que sœur Gabrielle, dont la vocation ne va ni au couvent, ni au mariage ! Roman historique très documenté, assez cruel.
Aline
14:00 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman
18/10/2019
Vinegar girl
Vinegar girl
Anne TYLER
Phébus, 2018, 223 p., 19€
Savant complètement dédié à ses recherches, le professeur Battista laisse sa fille aînée Kate gérer sa maison et l'éducation de sa petite soeur Bunny. De caractère bien affirmé, autonome, Kate ne trouve rien à redire à cet arrangement. Tout va bien jusqu'au jour où Piotr, l'assistant de recherches du Professeur -en fin de visa- est menacé d'expulsion. Battista essaie alors de persuader Kate de contracter un mariage blanc avec lui... Vu le caractère de Kate, l'affaire s'annonce mal engagée !!!
Romance rigolote et pas tarte.
Aline
11:50 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, amour, romance
29/09/2019
Après Constantinople
Après Constantinople
Sophie Van der Linden
Gallimard (Sygne), 2019, 146 p., 15 €
Récit situé au début du 19e siècle. En voyage d’étude "oriental", "le peintre" ne s’est pas attardé au Caire, "trop âpre, trop sèche", mais il a succombé aux charmes de Constantinople, sa palette de bleu persan, ses bains, ses femmes, dont l’une surtout l’a envoûté. Sur un coup de tête, il part pour une expédition aventureuse au fin fond de l’Empire Ottoman, pour acquérir -auprès de la meilleure fabrique- une fontanelle (jupe masculine de coton blanc à centaine de plis).
"Il s’était mis en tête d’acquérir quelques pièces de ces vêtements afin de pouvoir les reproduire à loisir, dans les conditions choisies de son atelier".
Arrivé au "Domaine", il se laisse piéger par un marché avec la régente (entre sultane et patronne efficace de fabrique). Retenu à moitié contre son gré, il devra exécuter des peintures décoratives sur les panneaux du salon, contre l’offre de quelques fontanelles. Dans cette place fortifiée, située "aux confins de l’Epire et de la Thessalie", le peintre ignore tout ce qui l’entoure et se laisse balloter au gré des désirs de la Sultane et des instabilités de la région.
Peut-être est-ce de cette ignorance que découle la sensation de superficialité du roman. Certains tableaux sont très détaillés, mais le lecteur se sent lui aussi balloté par les "arnautes" sans bien saisir les tenants et aboutissants. L’écriture de Sophie Van der Linden très précise, utilise à plaisir des mots compliqués. Péché d’esthétisme ? Elle reste un peu sèche, sauf dans les courts poèmes -plus évocateurs- qu’elle s’autorise.
Aline
18:25 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman historique, peinture
22/09/2019
Des hommes couleur de ciel
Des hommes couleur de ciel
Anaïs LLOBET
Ed. de l’Observatoire, 2019, 209 p, 17€
Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2019
Une bombe vient d’exploser dans la cantine d’un lycée de La Haye, faisant de nombreuses victimes. La police affirme que le terroriste est un lycéen tchétchène.
Adam, au café avec un ami au moment où la nouvelle est diffusée, voit débarquer la police. Ils crient "son autre nom, Oumar", le menottent et l’arrêtent. En cellule, il retrouve son cousin, Makhmoud, arrêté lui aussi, mais son jeune frère Kirem a disparu.
Alissa Zoubaïeva, professeur de langue que ses amis croient Russe, impuissante, s’inquiète pour ses élèves, et espère que le poseur de bombe n’est pas l’un des siens. Elle prie pour n’avoir jamais croisé son regard dans les couloirs, ou pire, dans sa classe.
Les points de vue alternent entre plusieurs personnages. L’auteur recompose la trajectoire et les efforts d’intégration de quelques Tchétchènes, dont l’assimilation vole soudain en éclats. Oumar, "homme couleur de ciel", qui s'est construit une double identité pour protéger son secret, est particulièrement vulnérable aux pressions des musulmans intégristes.
Anaïs Llobet met en lumière l’impératif d’intégration des immigrés, et les conflits d’identité ou de loyauté qui en résultent. Un livre nécessaire, qui sonne juste, et nous questionne aussi sur la profondeur de notre accueil des étrangers. Combien de temps faut-il avant que les soupçons ne cessent de se porter sur eux ?
Anaïs Llobet est journaliste. En poste à Moscou pendant cinq ans, elle a suivi l'actualité russe et effectué plusieurs séjours en Tchétchénie.
15:55 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, terrorisme, intégration
15/09/2019
Matador Yankee
Matador Yankee
Jean-Baptiste MAUDET
Le Passage, 2019, 192 p., 18€
Lauréat 2019 du prix Orange du livre
Tijuana, ville frontière, ses quartiers sordides et ses arènes. John Harper, fils métis d’une Mexicaine et d’un Yankee, s’imagine fils de Robert Redford et mène sa vie comme un héros de western. Torero passionné, vif, agile, connaissant bien les ruminants, il n’a malgré toutes ses qualités jamais réussi à faire décoller sa carrière. La faute à ses yeux bleus et sa blondeur, comme le prétend son imprésario ? "Entre deux contrats, son cerveau s’échappe trop loin" et il se retrouve régulièrement acculé par des dettes de jeu.
Cette fois-ci, il accepte un contrat de matador sur les hauteurs de la Sierra Madre, "chez les fous", pour rembourser la terrible Roberta. Combattre des "taureaux trafiqués sortis des enfers" ne l'effraie pas... mais le véritable danger ne se situe pas forcément dans l’arène !
Roadtrip américano/mexicain, un peu désabusé, aux personnages pittoresques et attachants. Bien que n’éprouvant aucun intérêt pour la corrida, j’ai été emportée par l’écriture précise et enlevée de l’auteur, aussi poétique qu'un Daudet dans ses descriptions des troupeaux. Très belle lecture, inattendue !
Aline
19:37 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, road trip, corrida
04/09/2019
Rentrée littéraire septembre 2019 (encore)
Les fillettes
Clarisse GOROKHOFF
Editions des Equateurs, 2019, 18€
Portrait de l’amour inconditionnel reliant trois filles et leur mère, malgré ses fêlures et ses défaillances. Rebecca parfois est une maman extraordinaire, belle, fantaisiste, et décalée, capable de transformer une journée en fête. Mais d’autres fois, elle est incapable de se lever le matin pour s'occuper de ses filles, et ne fait que repousser le moment où elle cédera à la tentation de la chimie pour combler sa "peur permanente et infondée".
Ce roman, condensé en une journée représentative, fait se succéder les voix des cinq membres de la famille. Mari et père aimant, Anton le conjoint reste un peu périphérique, tandis que la mère étale son mal-être et que chaque fillette -par les petits riens de son existence- exprime ses attentes, ses espérances… et son inquiétude latente. "Mais trois fillettes peuvent-elles sauver une femme ? Avec des cris, des rires, des larmes, peut-on pulvériser les démons d’une mère ?"
J’ai aimé les caractères et les voix prêtés aux enfants. La petite Ninon, 13 mois, toute en séduction "comme tous les bébés, fait depuis sa naissance des efforts colossaux pour qu’on s’intéresse à elle, qu’on pense à la maintenir en vie, qu’on n’oublie pas de la nourrir, de la changer, de la bercer… Entre zéro et trois ans, l’enjeu est vital, il faut séduire les grands, à commencer par ses parents, pour ne pas mourir." Laurette, la rêveuse, l’imaginative, énurétique depuis quelques temps, se demande "pourquoi tout est si moche à l’école ?... Elle sait que la laideur rend triste : la tristesse peut tuer. C’est sa maman qui l’a dit…" Et enfin Justine, au CP, qui fait souvent les courses à la place de sa mère et va lui acheter ses cigarettes, "sa béquille, son phare, son rempart".
Très beau prologue aussi : « L’enfance est une atmosphère. Décor impalpable et mouvant, mélange d’odeurs et de lumières. Les silhouettes qui l’habitent sont fuyantes, et finisse par s’envoler. Sa mélodie est apaisante, la seconde d’après elle se met à grincer. Agonie à l’envers, épopée ordinaire, c’est le début de tout ; une fin en soi. L’enfance est irréparable. Voilà pourquoi, à peine advenue, nous la poussons gentiment dans les abîmes de l’oubli. Mais elle nous court après –petit chien fébrile- et nous poursuit jusqu’à la tombe. Comment peut-on en garder si peu de souvenirs quand elle s’acharne à laisser tant de traces ? »
J'ai été un peu frustrée par une sensation de "déjà lu", après le roman de Delphine de Vigan Rien ne s’oppose à la nuit. Pour autant j’en ai apprécié la justesse. L’auteur, née en 1989, se consacre à la philosophie et à l’écriture. Dans une interview accordée à LoupBouquin, elle évoque les personnages féminins de ses deux livres précédents, Ophélie (De la bombe) et Ava (Casse-gueule) présentent de nombreux points communs avec Rebecca, dont « leur perplexité existentielle, leur refus des conventions sociales, leur désir absolu de liberté et leur quête de sentiments authentiques et intenses. »
Aline
08:26 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, rentrée littéraire, famille
25/08/2019
Rentrée littéraire septembre 2019 (suite)
Lanny
Max PORTER
Seuil, 2019, 240 p., 20€
Traduit de l’anglais par Charles Recoursé
Lanny, c’est un petit garçon ingénu, chéri par sa maman, mais dont l’imagination débordante n’est pas toujours bien comprise par son papa, plus terre à terre. C’est aussi un enfant qui "sent fort le pin", passe ses journées à chantonner en profitant de chaque parcelle de nature et à disparaître dans les bois autour du village.
Dans ce roman à la forme originale, le récit est choral, alternant la narration entre tous ceux qui gravitent autour de Lanny, permettant de rester au plus près de chaque personnage et de ses pensées, parfois inavouées. Jolie, sa maman à l’amour inconditionnel ; Robert, son papa prosaïque ; Peter, l’artiste qui l’aide à transposer son imaginaire ; la vieille Peggy gardienne des légendes locales… ainsi que de nombreuses autres voix plus fugitives de villageois.
Mais celui qui commence le récit et le ponctue, omniprésent quoique invisible pour les humains normaux, c’est le Père Lathrée Morte, créature protéiforme plus ou moins végétale, qui guette et se régale des sons du village, des voix humaines, dont il capte –et retranscrit- les bribes en vrac, véritable échantillonnage de l’âme humaine.
Le récit, comme un conte folklorique qui se déroulerait près de chez nous, fait monter la tension, et osciller le lecteur entre l’émerveillement et l’inquiétude liée à des peurs enfouies.
L’appellation étrange du Père Lathrée Morte, est directement traduite de l’anglais Papa Toothwort ou « Dead man’s fingers ». Il s’agit de la Lathrée Clandestine, parasite qui plante ses suçoirs dans les racines des arbres et arbustes, mais dont les besoins modestes ne semblent pas affaiblir ses hôtes.
Le premier roman de Max Porter, La douleur porte un costume de plumes, propose également un récit atypique, où tristesse et inquiétude sont contrebalancées par la magie.
Aline
15:50 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, nature, légende, rentrée littéraire