29/09/2019
Après Constantinople
Après Constantinople
Sophie Van der Linden
Gallimard (Sygne), 2019, 146 p., 15 €
Récit situé au début du 19e siècle. En voyage d’étude "oriental", "le peintre" ne s’est pas attardé au Caire, "trop âpre, trop sèche", mais il a succombé aux charmes de Constantinople, sa palette de bleu persan, ses bains, ses femmes, dont l’une surtout l’a envoûté. Sur un coup de tête, il part pour une expédition aventureuse au fin fond de l’Empire Ottoman, pour acquérir -auprès de la meilleure fabrique- une fontanelle (jupe masculine de coton blanc à centaine de plis).
"Il s’était mis en tête d’acquérir quelques pièces de ces vêtements afin de pouvoir les reproduire à loisir, dans les conditions choisies de son atelier".
Arrivé au "Domaine", il se laisse piéger par un marché avec la régente (entre sultane et patronne efficace de fabrique). Retenu à moitié contre son gré, il devra exécuter des peintures décoratives sur les panneaux du salon, contre l’offre de quelques fontanelles. Dans cette place fortifiée, située "aux confins de l’Epire et de la Thessalie", le peintre ignore tout ce qui l’entoure et se laisse balloter au gré des désirs de la Sultane et des instabilités de la région.
Peut-être est-ce de cette ignorance que découle la sensation de superficialité du roman. Certains tableaux sont très détaillés, mais le lecteur se sent lui aussi balloté par les "arnautes" sans bien saisir les tenants et aboutissants. L’écriture de Sophie Van der Linden très précise, utilise à plaisir des mots compliqués. Péché d’esthétisme ? Elle reste un peu sèche, sauf dans les courts poèmes -plus évocateurs- qu’elle s’autorise.
Aline
18:25 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman historique, peinture
22/09/2019
Des hommes couleur de ciel
Des hommes couleur de ciel
Anaïs LLOBET
Ed. de l’Observatoire, 2019, 209 p, 17€
Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2019
Une bombe vient d’exploser dans la cantine d’un lycée de La Haye, faisant de nombreuses victimes. La police affirme que le terroriste est un lycéen tchétchène.
Adam, au café avec un ami au moment où la nouvelle est diffusée, voit débarquer la police. Ils crient "son autre nom, Oumar", le menottent et l’arrêtent. En cellule, il retrouve son cousin, Makhmoud, arrêté lui aussi, mais son jeune frère Kirem a disparu.
Alissa Zoubaïeva, professeur de langue que ses amis croient Russe, impuissante, s’inquiète pour ses élèves, et espère que le poseur de bombe n’est pas l’un des siens. Elle prie pour n’avoir jamais croisé son regard dans les couloirs, ou pire, dans sa classe.
Les points de vue alternent entre plusieurs personnages. L’auteur recompose la trajectoire et les efforts d’intégration de quelques Tchétchènes, dont l’assimilation vole soudain en éclats. Oumar, "homme couleur de ciel", qui s'est construit une double identité pour protéger son secret, est particulièrement vulnérable aux pressions des musulmans intégristes.
Anaïs Llobet met en lumière l’impératif d’intégration des immigrés, et les conflits d’identité ou de loyauté qui en résultent. Un livre nécessaire, qui sonne juste, et nous questionne aussi sur la profondeur de notre accueil des étrangers. Combien de temps faut-il avant que les soupçons ne cessent de se porter sur eux ?
Anaïs Llobet est journaliste. En poste à Moscou pendant cinq ans, elle a suivi l'actualité russe et effectué plusieurs séjours en Tchétchénie.
15:55 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, terrorisme, intégration
15/09/2019
Matador Yankee
Matador Yankee
Jean-Baptiste MAUDET
Le Passage, 2019, 192 p., 18€
Lauréat 2019 du prix Orange du livre
Tijuana, ville frontière, ses quartiers sordides et ses arènes. John Harper, fils métis d’une Mexicaine et d’un Yankee, s’imagine fils de Robert Redford et mène sa vie comme un héros de western. Torero passionné, vif, agile, connaissant bien les ruminants, il n’a malgré toutes ses qualités jamais réussi à faire décoller sa carrière. La faute à ses yeux bleus et sa blondeur, comme le prétend son imprésario ? "Entre deux contrats, son cerveau s’échappe trop loin" et il se retrouve régulièrement acculé par des dettes de jeu.
Cette fois-ci, il accepte un contrat de matador sur les hauteurs de la Sierra Madre, "chez les fous", pour rembourser la terrible Roberta. Combattre des "taureaux trafiqués sortis des enfers" ne l'effraie pas... mais le véritable danger ne se situe pas forcément dans l’arène !
Roadtrip américano/mexicain, un peu désabusé, aux personnages pittoresques et attachants. Bien que n’éprouvant aucun intérêt pour la corrida, j’ai été emportée par l’écriture précise et enlevée de l’auteur, aussi poétique qu'un Daudet dans ses descriptions des troupeaux. Très belle lecture, inattendue !
Aline
19:37 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, road trip, corrida
04/09/2019
Rentrée littéraire septembre 2019 (encore)
Les fillettes
Clarisse GOROKHOFF
Editions des Equateurs, 2019, 18€
Portrait de l’amour inconditionnel reliant trois filles et leur mère, malgré ses fêlures et ses défaillances. Rebecca parfois est une maman extraordinaire, belle, fantaisiste, et décalée, capable de transformer une journée en fête. Mais d’autres fois, elle est incapable de se lever le matin pour s'occuper de ses filles, et ne fait que repousser le moment où elle cédera à la tentation de la chimie pour combler sa "peur permanente et infondée".
Ce roman, condensé en une journée représentative, fait se succéder les voix des cinq membres de la famille. Mari et père aimant, Anton le conjoint reste un peu périphérique, tandis que la mère étale son mal-être et que chaque fillette -par les petits riens de son existence- exprime ses attentes, ses espérances… et son inquiétude latente. "Mais trois fillettes peuvent-elles sauver une femme ? Avec des cris, des rires, des larmes, peut-on pulvériser les démons d’une mère ?"
J’ai aimé les caractères et les voix prêtés aux enfants. La petite Ninon, 13 mois, toute en séduction "comme tous les bébés, fait depuis sa naissance des efforts colossaux pour qu’on s’intéresse à elle, qu’on pense à la maintenir en vie, qu’on n’oublie pas de la nourrir, de la changer, de la bercer… Entre zéro et trois ans, l’enjeu est vital, il faut séduire les grands, à commencer par ses parents, pour ne pas mourir." Laurette, la rêveuse, l’imaginative, énurétique depuis quelques temps, se demande "pourquoi tout est si moche à l’école ?... Elle sait que la laideur rend triste : la tristesse peut tuer. C’est sa maman qui l’a dit…" Et enfin Justine, au CP, qui fait souvent les courses à la place de sa mère et va lui acheter ses cigarettes, "sa béquille, son phare, son rempart".
Très beau prologue aussi : « L’enfance est une atmosphère. Décor impalpable et mouvant, mélange d’odeurs et de lumières. Les silhouettes qui l’habitent sont fuyantes, et finisse par s’envoler. Sa mélodie est apaisante, la seconde d’après elle se met à grincer. Agonie à l’envers, épopée ordinaire, c’est le début de tout ; une fin en soi. L’enfance est irréparable. Voilà pourquoi, à peine advenue, nous la poussons gentiment dans les abîmes de l’oubli. Mais elle nous court après –petit chien fébrile- et nous poursuit jusqu’à la tombe. Comment peut-on en garder si peu de souvenirs quand elle s’acharne à laisser tant de traces ? »
J'ai été un peu frustrée par une sensation de "déjà lu", après le roman de Delphine de Vigan Rien ne s’oppose à la nuit. Pour autant j’en ai apprécié la justesse. L’auteur, née en 1989, se consacre à la philosophie et à l’écriture. Dans une interview accordée à LoupBouquin, elle évoque les personnages féminins de ses deux livres précédents, Ophélie (De la bombe) et Ava (Casse-gueule) présentent de nombreux points communs avec Rebecca, dont « leur perplexité existentielle, leur refus des conventions sociales, leur désir absolu de liberté et leur quête de sentiments authentiques et intenses. »
Aline
08:26 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, rentrée littéraire, famille
25/08/2019
Rentrée littéraire septembre 2019 (suite)
Lanny
Max PORTER
Seuil, 2019, 240 p., 20€
Traduit de l’anglais par Charles Recoursé
Lanny, c’est un petit garçon ingénu, chéri par sa maman, mais dont l’imagination débordante n’est pas toujours bien comprise par son papa, plus terre à terre. C’est aussi un enfant qui "sent fort le pin", passe ses journées à chantonner en profitant de chaque parcelle de nature et à disparaître dans les bois autour du village.
Dans ce roman à la forme originale, le récit est choral, alternant la narration entre tous ceux qui gravitent autour de Lanny, permettant de rester au plus près de chaque personnage et de ses pensées, parfois inavouées. Jolie, sa maman à l’amour inconditionnel ; Robert, son papa prosaïque ; Peter, l’artiste qui l’aide à transposer son imaginaire ; la vieille Peggy gardienne des légendes locales… ainsi que de nombreuses autres voix plus fugitives de villageois.
Mais celui qui commence le récit et le ponctue, omniprésent quoique invisible pour les humains normaux, c’est le Père Lathrée Morte, créature protéiforme plus ou moins végétale, qui guette et se régale des sons du village, des voix humaines, dont il capte –et retranscrit- les bribes en vrac, véritable échantillonnage de l’âme humaine.
Le récit, comme un conte folklorique qui se déroulerait près de chez nous, fait monter la tension, et osciller le lecteur entre l’émerveillement et l’inquiétude liée à des peurs enfouies.
L’appellation étrange du Père Lathrée Morte, est directement traduite de l’anglais Papa Toothwort ou « Dead man’s fingers ». Il s’agit de la Lathrée Clandestine, parasite qui plante ses suçoirs dans les racines des arbres et arbustes, mais dont les besoins modestes ne semblent pas affaiblir ses hôtes.
Le premier roman de Max Porter, La douleur porte un costume de plumes, propose également un récit atypique, où tristesse et inquiétude sont contrebalancées par la magie.
Aline
15:50 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, nature, légende, rentrée littéraire
18/08/2019
Rentrée littéraire septembre 2019
Grâce aux Lulus, les bibliothécaires ont un peu d'avance sur la rentrée littéraire...
Boy Diola
Yancouba Diémé
Flammarion, 2019, 192 p., 17€
Témoin de l’émotion de son père devant le JT montrant l’arrivée d’un bateau de migrants sur la côte Corse, l’auteur réalise que celui-ci a vécu un parcours d'émigré. Dès lors, il revient sur la vie de ce père, « Aperow » en diola, par le biais d’anecdotes collectées à plusieurs époques marquantes de sa vie.
C’est lors d’un voyage à Kagnarou, en Casamance, que l’auteur fait connaissance avec sa famille paternelle, et réalise l’ampleur des changements vécus par son père avant même de quitter le Sénégal.
"Du temps de l’avant avant, les Diolas étaient Asoninkés… L’islam n’est jamais parvenu à rentrer entièrement dans le corps d’Apéraw. Il y est entré, et en est sorti plusieurs fois. Musulman en surface, mais Asoninké en profondeur". "Je ne connais pas son âge. Aperaw a l’air d’avoir 400 ans. Comment peut-il avoir vécu à la fois l’époque où l’on faisait griller de la viande de cochon et celle de l’école coranique ? L’époque des accouchements dans la forêt et celle des premiers dispensaires ?"
Après son passage par Dakar, la Côte d’Ivoire, le Libéria, l’ancien paysan -puis menuisier- s’installe en France, et travaille comme ouvrier chez Citroên. "Les parcours se ressemblent à la Cité. Familles nombreuses, lits superposés, grosse ambiance, père ouvrier, deux épouses et mères femmes de ménage".
La narration un peu décousue, toujours au présent, alterne -sans autre logique que celle des souvenirs- les faits anciens ou récents, au risque d’égarer un peu le lecteur. Pourtant, on se laisse happer par l’écriture vivante et évocatrice, parsemée de citations d’Aperow. On sent beaucoup d’amour et de fierté pour ce père, travailleur et courageux, portant cravate « parce que j’ai le droit ».
Aline
10:59 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, sénégal, immigration, rentrée littéraire
08/08/2019
Du côté de Canaan
Du côté de Canaan
Sebastian BARRY
Ed. J. Losfeld (Littérature étrangère), 2012, 274 p., 19.50€
Traduit de l’anglais On Canaan’s Side par Florence Lévy-Paoloni
"Bill n’est plus. Quel bruit fait le cœur d’une femme de 89 ans quand il se brise ? Sans doute guère plus qu’un silence, certainement à peine plus qu’un petit bruit ténu."
Bill est mort. Descendant d’une famille d’hommes Irlandais abîmés par les conflits du XXe siècle.
Bill est mort, et sa grand-mère, Lilly Bere laisse affluer les souvenirs d’une vie qui l’a menée de Wicklow - en Irlande- aux Etats-Unis, terre promise (Canaan) pour les Européens en difficulté. Fille de James Patrick Dunne, chef de la police municipale de Dublin, elle a dû fuir l’Irlande avec son mari, frappé d’un contrat de mort par les indépendantistes.
J’ai beaucoup aimé le récit de Sebastian Barry, sinueux et sobre, qui dévoile peu à peu toutes les vicissitudes de cette femme, liées à l’actualité du siècle en Irlande et aux Etats-Unis. Comme elle l’écrit, Lilly a "eu assez d’histoires pour toute une vie, dans sa propre vie, sans parler de celle de sa patronne, Mme Wolohan." Pour autant, elle ne s’appesantit pas sur les drames, préférant s’appuyer sur les moments de joie.
Pour ne pas gâcher votre lecture, j'évite volontairement de dévoiler les nombreux développements inattendus… Mais j'espère bientôt me plonger dans les autres romans de l'auteur qui développent d’autres personnages de la famille Dunne.
Aline
p. 234 : "Je commence à penser que le fait d’écrire tout cela est un labeur aussi dur qu’un jour de lessive en Irlande… Les souvenirs provoquent parfois beaucoup de chagrin, mais une fois qu’ils ont été réveillés vient ensuite une sérénité très étrange… Et je remarque une nouvelle fois que l’expression « il y a longtemps » n’existe pas finalement. Quand on évoque les souvenirs, tout se passe dans le présent, purement et simplement. De sorte que, à mon grand étonnement, les gens que j’ai aimés retrouvent une nouvelle vie."
12:50 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, irlande, etats-unis
07/07/2019
Bouillon Africain
Lectures variées, autour d'auteurs de différents pays d'Afrique noire.
Et le ciel a oublié de pleuvoir
Mbarek BEYROUK
Musée Dapper (Littérature), 2006, 124 p., 10€
Aux confins du Sahara, trois personnes racontent tour à tour la tragédie dont elles sont les acteurs. Mahmoud, ancien esclave échappé, qui a gravi les marches de l’Etat ; Béchir, chef de village aux traditions ancestrales, qui refuse l’évolution de la société ; Lolla, femme libre qui refuse un mariage de force avec Béchir et quitte le village le soir de ses noces.
Une écriture poétique et imagée, pour dresser le constat d’une société mauritanienne entre tradition et modernité.
Mauritanien, Mbarek Ould Beyrouk est né en 1957. Après des études de droit, il se lance dans la presse, et fonde en 1988 le premier périodique indépendant de son pays. Et le ciel a oublié de pleuvoir est son premier roman.
Aux Etats-Unis d’Afrique
Abdourahmane WABERI
J.C. Lattes, 2006, 233 p., 15.20€
La Fédération des Etats-Unis d'Afrique prospère, autour de la riche capitale d’Asmara, en Erythrée, indifférente au sort des millions de réfugiés caucasiens qui se pressent à ses frontières. Maya, arrachée il y a longtemps à la misère de sa Normandie natale, repart pourtant vers l’Europe à la recherche de ses origines.
Fiction parfois difficile à suivre, renversant la situation actuelle entre Nord et Sud, ce pamphlet a le mérite de nous placer face à nos préjugés.
Né en 1965 à Djibouti, Abdourahman A. Waberi est l'auteur de plusieurs recueils de nouvelles et romans dont Le Pays sans ombre, Cahier nomade et Balbala, salués par la critique, récompensés par de nombreux prix et traduits en une huitaine de langues.
Un si beau diplôme
Scholastique MUKASONGA
Gallimard (Blanche), 185 p., 18€
Parcours autobiographique d’une femme née au Rwanda dans une famille de bergers pauvres. Encouragée par son père à suivre une éducation poussée, elle a poursuivi sa scolarité, interne dans des institutions religieuses, puis en exil, afin d’obtenir un diplôme, supposé sésame pour une vie meilleure. Une grande partie de sa famille a été assassinée pendant les massacres entre Hutus et Tutsis. Elle est confrontée à plusieurs pays étrangers, dont la France, différente de l’image qu’elle s’en faisait.
Elle vit actuellement en Normandie avec son mari, français. Son roman Notre-Dame du Nil a obtenu le prix Renaudot en 2012.
Celles qui attendent
Fatou DIOME
Flammarion, 2010, 329 p., 20.30€
Deux mères Sénégalaises, Arame et Bougna, encouragent leurs fils à partir pour l’Espagne à bord d’une pirogue pour échapper à la misère. Récit fait du point de vue de celles qui attendent des nouvelles : les mères, et les jeunes épouses des deux émigrés.
Beau roman, facile à lire et instructif.
Née au Sénégal, Fatou Diome est arrivée en France en 1994 et vit à Strasbourg. Elle est l'auteur d'un recueil de nouvelles et de plusieurs romans, dont Le Ventre de l'Atlantique (2003), qui s’intéresse au même sujet, mais du point de vue d’une jeune Sénégalaise installée en France, qui tente de faire comprendre à ses frères la réalité de l’immigration.
Avenue YAKUBU
Jowhor Ile
Christian Bourgois (Littérature étrangère), 2017, 304 p., 20€
Nigeria. A Port Harcourt en 1995, le destin d’une famille bascule lorsque Paul, le fils aîné, ne rentre pas chez lui un jour de manifestation. L’écriture présente des longueurs, alternant entre ce qui s’est passé avant la disparition, la vie des parents (qui ont connu la guerre du Biafra), et ce qui lui succède.
Jowhor Ile est né en 1980 à Obagi et a grandi à Port Harcourt au Nigeria. Encouragé par la romancière nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, il publie ses nouvelles dans les magazines littéraires à Londres, puis enseigne aux Etats-Unis. Avenue yakubu est son premier roman.
Citoyen de seconde zone
Buchi EMECHETA
Gaïa, 1994
Parcours du Nigeria à l’Angleterre. Dans les années 1940, quand le Nigeria était une colonie anglaise, les immigrés nigérians étaient issus de couches sociales favorisées, venus étudier en Angleterre. La génération suivante d’immigrés est moins favorisée. Le roman, largement autobiographique, s’attache à la vie d’Adah, fille de paysans qui réussit à émigrer à Londres. A double titre « citoyenne de seconde zone » en tant que femme et en tant qu’étrangère, elle fait preuve d’une grande ténacité pour obtenir son autonomie et élever ses cinq enfants. Un roman qui honore la résistance des femmes.
Née au Nigéria, Florence Onyebuchi Emecheta, dite Buchi Emecheta (1944-2017) a émigré en Angleterre en 1962. Elle a été successivement bibliothécaire, travailleuse sociale, chroniqueuse et professeur dans plusieurs universités aux Etats-Unis, au Nigéria et en Angleterre.
Une Maternité rouge
LAX
Futuropolis, 2019, 144 p., 22€
Du Mali au Louvre, cette superbe bande dessinée suit la destinée d’une statue de maternité Dogon. En 1960, aux temps du Soudan Français, la statuette avait été cachée par un enfant pour la soustraire aux rafles des colonisateurs. En 2015, elle est redécouverte par un jeune chasseur de miel Malien, Alou, qui sera chargé de la protéger et de l’apporter au musée du Louvre, pour la mettre à l’abri des djihadistes. Commence alors pour Alou un dangereux périple parmi les migrants africains. En parallèle, on suit le quotidien d’un professeur du musée du Louvre, passionné d’art africain.
Liens entre les pays par l’art et la culture.
Les cigognes sont immortelles
Alain MABANKOU
Seuil (Fiction & Cie), 2018, 292 p., 19.50€
Roman autobiographique. Le jeune Michel, 14 ans, vit à Pointe Noire avec Maman Pauline et Papa Roger. Avec une écriture orale qui tient à l’enfance, l’auteur décrit les petits plaisirs et tracas de l’enfance, jusqu’au moment de l’assassinat du Président Ngouabi à Brazzaville, qui entraîne couvre-feu et arrestations, et exacerbe les oppositions entre ethnies… Lorsque l’un des frères de maman Pauline, accusé de trahison, est tué, elle veut se venger sur le chef de la Révolution du Nord. L’influence soviétique est omniprésente (le titre du roman provient d’une chanson révolutionnaire russe), et on ressent également l’ingérence de la France dans le pays. Plus largement, l’auteur évoque beaucoup des caractéristiques qui empêchent les pays d’Afrique d’avancer.
Auteur congolais, né à Pointe-Noire en 1966, Alain Mabanckou est l'auteur de plusieurs romans, dont Mémoire de porc-épic (Seuil, 2006), pour lequel il a reçu le prix Renaudot ainsi que Petit piment, Lumières de Pointe Noire, Black bazar,… Il vit à cheval entre les Etats-Unis (où il enseigne la littérature francophone) et la France.
Ainsi que trois romans, dont vous trouverez les critiques plus détaillées sur ce blog :
Chimamanda Ngozie ADICHIE
Gallimard, 2014, 24.50€
La saison des fleurs de flamme
Abubakar Adam IBRAHIM
L'Observatoire, 2018, 422 p., 22€
Lagos Lady
Leye Adenle
Métailié, 2016, 20€
15:03 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, bande dessinée, afrique, nigéria, congo, mali, mauritanie, djibouti, sénégal
01/07/2019
Lagos Lady
Lagos Lady
Leye ADENLE
Traduit de Easy Motion Tourist par David Fauquemberg
Métailié Noir (bibliothèque anglo-saxone), 2016, 335 p.
Polar noir, situé à Lagos, Nigeria.
Guy Collins, petit journaliste anglais venu couvrir les élections présidentielles, néglige les conseils de prudence et sort boire un verre dans le quartier de Victoria Island. Suite à la découverte d’une femme mutilée devant le bar, il est embarqué au commissariat, où il assiste à des scènes effrayantes. Les policiers s’appliquent plus à préserver la réputation de leur pays à l’étranger qu’à résoudre le meurtre. C’est une belle avocate noire, Amaka, qui vient à son aide : le croyant journaliste à la BBC, elle obtient sa libération, et lui demande d’enquêter pour témoigner sur des disparitions suspectes, et sur les mauvais traitements que subissent les prostituées. Sous l’emprise de cette femme de tête et de convictions, notre pauvre journaliste fait de son mieux pour sortir de cette galère, sans jamais savoir à qui se fier.
Le roman, rédigé en courts chapitres, présente des points de vue différents à chaque chapitre, ce qui embrouille un peu l’intrigue, dotée de nombreux personnages secondaires, souvent équivoques. La ville elle-même semble totalement chaotique, embouteillages, industrie du sexe, corruption, braquages, attaques à main armée voisinant avec juju et croyances traditionnelles.
L’auteur traite d’un sujet grave, l’industrie du sexe, et les maltraitances faites aux femmes, souvent jeunes, mais en fait surtout un polar haletant et décalé : les personnages de petits truands, caricaturaux, permettent de prendre du recul, comme dans le cinéma de Tarantino. Sans dévoiler la fin du roman, je dirais qu'elle est un peu convenue, contrairement au reste du récit.
La phrase de clôture ouvre sur un nouveau suspense. Le tome 2 est paru en anglais sous le tire « When trouble sleeps ».
Leye Adenle est né au Nigéria en 1975, et vit à Londres où il travaille comme chef de projet et acteur. Lagos Lady est son premier roman, il a reçu le prix Marianne / Un aller-retour dans le noir.
Aline
10:47 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bouilon de lecture, roman étranger, roman policier, nigéria
17/06/2019
Bouillon de bandes dessinées
Avec un gros temps de retard, BD présentées en Bouillon de lecture (je n'ose pas avouer de quand datent mes notes !). Bien que nous ne soyons pas tous lecteurs de bandes dessinées, nous saluons la grande variété de styles. Dans ce genre très vivant et créatif, tantôt documentaire, tantôt historique, polar, humoristique… chacun a pu trouver un titre qui lui a plu.
Kivu
Jean VAN HAMME, Christophe SIMON
Le Lombard (Signé), 2018
Docufiction extrêmement noir, sur la province du Kivu au Congo, où l’exploitation du coltan (minerai précieux pour nos technologies modernes) entraîne corruption et exactions. Au milieu de toute cette violence, un jeune ingénieur tente de sauver une enfant, rescapée d’un massacre. Terrible, cette histoire fait douter de l’humain.
La Cosmologie du futur, traité d’écologie sauvage
Alessandro Pignocchi
Steinkis BD, 2018
Dans un monde global où les humains et toutes les espèces animales sont au même niveau, aucun être ne veut plus prendre de responsabilités politiques. Tous les responsables démissionnent et préfèrent « cultiver leur jardin ». Deux mésanges philosophent, tandis qu’un ethnologue jivaro observe le microcosme de Seine et Marne, et tire des conclusions totalement fausses de ses observations partielles… Humour et philosophie pour cette bande dessinée totalement atypique. De très belles planches (les mésanges !), mais l’ensemble est un peu répétitif. Voir ici le format blog, pour apprécier pleinement les illustrations !!!
Didier, la 5e roue du tracteur
François RAVARD / Pascal RABATE
Futuropolis, 2018
Humour et légèreté pour traiter d’un thème très sérieux sur le fond : le monde paysan, et les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui : faillite, mise aux enchères, impossibilité de trouver un conjoint,…
Nos embellies
Gwenola MORIZUR, Marie DUVOISIN
Bamboo, 2018
Le jour où l’héroine apprend qu’elle est enceinte, son conjoint musicien doit partir en tournée, tandis qu’un neveu débarque impromptu du Québec pour les vacances. Plus les jours passent, plus elle a de mal à annoncer sa grossesse, pas certaine d’être prête à devenir mère. Pour distraire le neveu, qui vit mal la séparation de ses parents, elle part à la neige. Ce trajet est l’occasion de belles rencontres, et d’entraide avec d’autres personnes solitaires ou en galère. Une jolie BD très positive.
Enquêtes gastronomiques à Lyon
Guillaume LAMY/ Guillaume LONG
Lyon Capitale, 2017
Visite gastronomique et humoristique de 24 tables lyonnaises, par G. Lamy critique gastronomique, et G. Long, auteur-dessinateur. Guillaume Long est bien connu pour son blog et ses bandes dessinées « à boire et à manger » qui rassemblent ses anecdotes, recettes, portraits, dessins et astuces autour des plaisirs de la table. Ici, en plus, on confronte son avis à celui de G. Lamy, et on visite les tables lyonnaises. Ça donne envie !
Café Touba
Léah TOUITOU
Jarjille, 2018
Partie pour un projet « Caravane d’images » au Sénégal, Léah s’est retrouvée toute seule à voyager en Afrique pour réaliser des fresques avec les enfants. Elle raconte, avec humilité et sur un ton très juste, ce voyage au quotidien, les petites galères, les belles rencontres. Illustrations sobres et expressives en noir et blanc (sauf la splendide couverture en couleurs). Le temps que je publie cette chronique, le tome 2 est sorti. Joie ! Qui plus est, Léah est super sympa et anime toutes sortes d'ateliers. Elle est aussi super forte en "battle" de BD. Suivez-la sur Facebook ici.
Les petites cartes secrètes
Anaïs VACHEZ, CYRIELLE
Delcourt 2018
Bande dessinée épistolaire plébiscitée par les enfants ! Suite au divorce de leurs parents, Tom et Lili ont été séparés. Ils s’envoient des cartes postales secrètes, dans lesquelles ils échafaudent des stratégies pour être réunis, ne reculant devant aucun plan (foireux) pour que leurs parents retombent amoureux… Joli et émouvant, les enfants adorent... et les adultes aussi. C'est ici, pour regarder Cyrielle dessiner, rotrings et aquarelle !
Il faut flinguer Ramirez
Nicolas PETRIMAUX
Glénat 2018
Ambiance années 80 aux Etats-Unis. Qui est Ramirez ? L’As du service après-vente, le Mozart de la réparation de l’électroménager ? Ou bien un personnage peu fréquentable, recherché par flics et mafias ? Humour et action pour cette bande dessinée très cinématographique, au découpage de style « comics » très dynamique. Le scénario offre de nombreuses scènes d’action et de course poursuite, les personnages sont très typés : Ramirez, petit meximain moustachu, mafieux, bad girls,… Le récit est entrecoupé de simili publicités « vintage ». C'est jubilatoire ! En attendant le tome suivant, on peut regarder le trailer !
Coupures irlandaises
KRIS, ill. Vincent BAILLY
Futuropolis, 2008
Inspiré d’un séjour de Kris en Irlande du Nord, à Belfast, en 1987. A 14 ans, de jeunes français sont envoyés en séjour linguistique à Belfast pour un été, l’un dans une famille ouvrière catholique, l’autre dans une famille protestante plus aisée. Très bien accueillis, ils pensaient mener la belle vie, mais sont peu à peu confrontés à la réalité de l’époque.
Période d’opposition entre l’IRA, bas armé terroriste, et l’Angleterre de Margaret Thatcher, qui a laissé mourir les prisonniers (Bobby Lands) après 66 jours de grève de la faim entamée pour obtenir le statut de prisonniers politiques. Dossier historique en fin d’ouvrage, avec témoignage de Sorj Chalandon.
Meurtre au Mont Saint Michel
Jean-Blaise DIJAN, ill. Marie JAFFREDO
Glénat/ Ed. du Patrimoine, 2015
Automne 1936. Un soir, comme la brume vient de tomber sur le Mont-Saint-Michel, Lucie est témoin d'un meurtre ! Terrorisée, la fillette trahit sa présence et, aussitôt, se retrouve pourchassée par le meurtrier. Lorsque les habitants se mettent à fouiller la baie et le Mont à la recherche de Lucie, portée disparue, c'est le corps sans vie de la bonne du curé qui est retrouvé ! Enquête en vase clos, prétexte à de superbes illustrations encre et aquarelle par Marie Jaffredo.
Les rues de Lyon
(n° 1, la chute d’un pape)
Existant depuis 2015, ce mensuel dessiné est réalisé à chaque fois par des auteurs / illustrateurs différents, et s’attache à présenter lieux, personnages et histoires lyonnais. On adhère plus ou moins selon les sujets et les auteurs, mais c’est globalement très intéressant, et permet de belles découvertes ! Disponible sur abonnement et dans les librairies.
Lyon quartiers BD
Collectif
Glénat, 2000
Collectif, regroupant plusieurs récits. L'ancêtre des Rues de Lyon ? C’est irrégulier selon les auteurs. Au chapitre Place Sainte Anne, une vieille dame s’agenouille dans la cour… où se trouvait autrefois l’église où elle s’est mariée.
Thésée et le minotaure
Collection de Luc Ferry
Glénat, 2016
Collection La sagesse des mythes.
BD pédagogique, dessin assez classique.
Les beaux étés
ZIDROU
Ah! les départs en vacances en famille... Il y a tant à en dire qu'on en est déjà au tome 4! Illustration claire et plaisante, récit plein de tendresse et d'humour.
Demain, demain : Nanterre 1962-1966
Laurent MAFFRE
Actes Sud / Arte
Installation d’une famille dans un bidonville de Nanterre. Documentaires & photos en fin d’ouvrage. Le tome 2, Demain, demain - Genevilliers, cité de transit. 51 rue du Port-1973 vient de paraître.
Voltaire amoureux
Clément OUBRERIE
Intrigues et aventures de Voltaire, avec de nombreuses citations et extraits de Voltaire.
L’anniversaire de Kim Jong Il
Aurélien DUCOUDRAY
Histoire d’un petit Coréen du Nord, 8 ans, fier d’être né le même jour que Kim Jong Il.
Endoctrinement, propagande, dénonciations, emprisonnements arbitraires, exécutions… L’enfant apprend un jour le secret honteux de la famille : ses grands-parents paternels sont Coréens du Sud ! Les enfants doivent assurer les patrouilles nocturnes, les travaux agricoles. Lorsque la famille tente de partir en Chine, elle se fait rattraper, et les choses empirent… Le graphisme un peu enfantin n’a pas été apprécié par tous. Pour autant, il rend bien l’ambiance et on peut considérer qu’il correspond au personnage principal.
09:54 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée