07/01/2019
Terres fauves
Terres fauves
Patrice GAIN
Le mot et le reste, 2018, 19€
A la base, David McCae déteste la violence et la solitude. Cet écrivain aime se perdre dans l’activité et la foule de New York. Aussi est-ce à contrecœur qu’il traîne son costume de citadin et ses chaussures en daim jusqu’au fin fond de l’Alaska, pour obéir à son commanditaire qui exige de clore sa biographie sur une interview de Dick Carlson : héros viril des Etats-Unis, vainqueur du 1er sommet de 8000 m conquis par des Américains, Dick Carlson mérite en effet un chapitre dans les mémoires du gouverneur Kearny, qui brigue une réélection.
« Je me demandais ce qui pouvait bien pousser un homme à s’isoler dans cette contrée inhospitalière. A se mettre constamment en danger dans un espace barbare où les plus gros mangent les plus petits sans que ces derniers ne soupçonnent que c’est là leur destin.... Le genre d'endroit où le voisin le plus proche est le Bon Dieu."
Le héros de l'Amérique se révèle plutôt un personnage déplaisant, mégalomaniaque, et David se retrouve bien mal à l’aise en immersion dans une nature hostile en compagnie de son groupe de chasseurs de grizzlys. Incapable d’utiliser une arme, totalement inadapté à cet environnement, il puise dans ses réserves de volonté et d’ingéniosité, et tente de déjouer les pièges pied à pied. Le récit est haletant, dans une spirale descendante où il se retrouve poursuivi par un destin plus fort que lui.
« En arrivant en Alaska j’étais tombé dans un muskeg [marécage] qui m’avalait lentement. Je sentais une force de succion me tirer vers le fond. Me débattre ne changerait rien, sinon accélérer le moment où ma tête disparaitrait… »
La psychologie du personnage est plus fine qu’il n’y parait. Face aux prédateurs, sa naïveté le dessert ; en revanche, elle l’aide à se rapprocher des autres avec empathie. Dans les pires moments, il revient à l’essentiel : sa mère, sa sœur, et le souvenir de son père, GI mort en Afghanistan, qui le soutient.
Evocation puissante de l’Amérique de Trump, où il vaut mieux être du bon côté du fusil et savoir tirer !
Aline
10:10 Publié dans coups de coeur, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, alaska, états-unis, thriller
08/11/2018
Fracking
Fracking
François ROUX
Albin Michel, 2018, 19.50€
Entre le titre et la couverture, le sujet est clairement annoncé. Du reste, le récit est très proche du documentaire puisque l’auteur, installé aux Etats-Unis peu avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, se pose en observateur. Ses descriptions et son sens de la formule, parfois, touchent à la citation. Lors d’une réunion politique de Républicains : "Tous les hommes dans cette assemblée tenaient la Constitution pour sacrée, et plus précisément son deuxième amendement. Dans ce pays de chasseurs et de ranchers, tous les hommes présents – et une grande majorité de femmes- avaient appris à marcher en s’appuyant sur un fusil. Leur troisième jambe, disait-on couramment!" Ou, en lien avec Ruth, bigote rigide : "Ici, vous étiez croyant ou vous n'étiez pas grand chose".
A quelques mois des élections présidentielles, toutes les tendances se croisent à Middletown, petite ville imaginaire du Dakota du Nord. L’auteur suit plusieurs personnages, mettant en avant de multiples fractures : fractures entre les personnes d’orientations politiques différentes ; fractures entre des familles qui jusqu’ici vivaient dans une tradition d’hospitalité et d’entraide pour surmonter des conditions de vie rudes. Enfin, l’élément déclencheur, l’utilisation de la « fracturation hydraulique », technique mise au point depuis quelques années pour extraire les hydrocarbures de schiste en injectant dans la roche des tonnes d’eau, de sable et d’adjuvants chimiques.
"Les ressources en hydrocarbures du sous-sol schisteux, jusqu’alors inexploitables en raison d’impossibilités techniques de forage, l’étaient soudain devenues grâce à la mise au point de la fracturation hydraulique, dont le recours massif avait débuté il y a tout juste quatre ans et qui laissait la porte ouverte à toutes sortes de spéculations et de convoitises. Avec le fracking, le rêve d’indépendance énergétique de l’Amérique allait enfin se réaliser…"
Dans ce pays jusqu’ici consacré à l’élevage, c’est une révolution qui oppose :
- ceux qui en profitent, en premier lieu les compagnies pétrolières, mais aussi ceux à qui elles offrent un travail bien rémunéré, comme Joe Jenson -devenu chef de chantier ;
- ceux qui se résignent, comme les voisins –qui ont déménagé et vendu le sous-sol ;
- ceux qui se battent, comme les activistes écologistes ou les Amérindiens, opposés au "Black Snake" le pipeline prévu sur les réserves ;
- et enfin, ceux qui en meurent, comme la famille Wilson, dont le bétail dépérit, ou meurt renversé par les chauffards des poids lourds. "Ce que Karen exécrait…, c’était ce foutu pétrole, ces pompes à balancier qui, inlassablement, bousillaient les entrailles de la terre depuis dix ans, depuis que la région était devenue ce que les journaux avaient appelé « le nouvel eldorado de l’or noir ». Dispersés jusqu’à deux kilomètres à la ronde, certains à moins de 200 mètres de leur habitation, il y avait très exactement 23 puits dans leur voisinage immédiat… De près, le bruit était intolérable, et avec la distance, il devenait obsédant". Sans parler de l’intoxication des fermiers, et de l’eau glauque couleur de terre et inflammable qui sort du robinet !
Le côté « reportage » et l’écriture assez factuelle du roman sont compensés par les récits plus personnels des protagonistes. J’ai juste été un peu frustrée par la fin, qui peut-être appelle une suite.
Aline
14:34 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, états-unis, pétrole
04/11/2018
Tu dormiras quand tu seras mort
Tu dormiras quand tu seras mort
François MURATET
J. Losfeld, 2018, 18.50€
André Leguidel n’a ni passé, ni passif avec l’Algérie. Quand il y est envoyé en 1960, il n’y voit que l’occasion de faire carrière comme officier de renseignement, laissant derrière lui des débuts assez ternes comme traducteur en Allemagne. C’est avec un regard neutre et une oreille attentive qu’il débarque à Alger, puis à Marnia, au sud d’Oran, dans les montagnes proches du Sahara.
Sa mission ? Infiltrer en tant qu’opérateur radio la section de commando de chasse du sergent-chef Mohamed Guellab, afin de vérifier si celui-ci est à l’origine de la mort du lieutenant Maillard. Suspect de par son origine musulmane, Guellab est-il le combattant brillant et énergique admiré par ses hommes, ou bien en traitre en puissance, susceptible de passer à l’ennemi avec armes et hommes ?
Cependant l’enquête de Leguidel s’efface devant les impératifs d’une traque engagée par l'armée française d'un détachement du FLN à travers le djebel. L’important, au jour le jour, est de rester vigilant et de couvrir les arrières du groupe. D’où l’injonction « Tu dormiras quand tu seras mort ! »
Outre les descriptions prenantes du quotidien des combattants d'Algérie, c’est la position neutre du narrateur qui fait l’intérêt de ce livre. Pendant entre les engagements, et pendant les missions « de pacification » du commando, Leguidel écoute les hommes échanger sur l’avenir de l’Algérie. Arabes, pieds noirs, français, supplétifs, appelés ou engagés, chaque personnage est unique, avec son avis sur la question – et sur l’interprétation de la phrase de De Gaulle « La France restera en Algérie ». Quant aux populations, comme dans le très remarquable « l’art de perdre » d’Alice Zeniter, on comprend bien que leur choix est limité, pris en tenailles entre forces françaises et rebelles. Aucun jugement n'est porté, mais peu à peu émerge l’impossibilité d’une solution militaire.
Partiellement inspiré par son beau père harki, l'auteur, professeur d'histoire géographie, a mûri ce récit pendant une quinzaine d'années. Malgré son côté "histoire de bidasse" qui m'aurait rebutée a priori, j'ai été passionnée. Le temps a passé depuis la guerre d'Algérie, pour autant, j'ai vu passer encore assez peu de bons livres sur la question. A mon sens, celui-ci en est un. Entretien avec François Muratet:
Aline
16:16 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, guerre d'algérie, algérie
01/11/2018
Là où les chiens aboient par la queue
Là où les chiens aboient par la queue
Estelle-Sarah BULLE
L. Levi, 2018, 19€
L’un après l’autre, ils ont quitté Morne-Galant et leur père, Hilaire « Gros-Vaisseau », paysan à l’ancienne, avec ses 5 ou 6 vaches et ses quelques arpents de canne à sucre. Chacun à son tour ils se sont sentis étouffer dans ce trou perdu de la Grande Île. La première à partir a été Antoine, l’aînée, belle comme un soleil, mais fière et indépendante. Femme à poigne, elle trace son chemin de commerçante –sans jamais se soumettre à un homme. Lucinde, la seconde, a utilisé ses talents de couturière pour gagner sa vie à Pointe-à-Pitre. Enfin Petit Frère les a rejointes à la ville pour étudier.
En même temps que la chronique de la famille Ezechiel, racontée par la fratrie à leur nièce Eulalie, c’est l’évolution de toute la Guadeloupe entre les années 1940 et 1960 qui est évoquée en toile de fond : d’une terre agricole dédiée aux cultures vivrières et à la canne à sucre, on la voit changer vers une bétonisation et une urbanisation effrénées. De même, les personnages, d’abord ruraux, puis urbains, participent enfin à l’exode massif des Antillais dans les années 1960 vers la métropole. [Le Bumidom -Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer-, fondé en 1963 et chargé d'accompagner l'émigration des habitants des départements d'outre-mer vers la France métropolitaine a attiré nombre de jeunes et de travailleurs à Paris.]
S’inspirant de son histoire familiale, l’auteur a volontairement donné la parole tour à tour à ses trois narrateurs pour offrir un point de vue varié. Estelle-Sarah Bulle est née en 1974 à Créteil, d’un père guadeloupéen et d’une mère franco-belge, et vit dans la région parisienne. Là où les chiens aboient par la queue, son premier roman, a déjà obtenu le prix Stanislas 2018. Elle en parle ici.
Une lecture fluide et agréable, enrichissante. Auteur à suivre ! Aline
18:14 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, guadeloupe, famille
26/10/2018
Le coeur converti
Le coeur converti
Stefan HERTMANS
Gallimard, 2018, 21.50€
Traduit du néerlandais De Bekeerlinge par Isabelle Rosselin
Voici un livre qui présente une couverture et un titre de roman : détrompez vous il s’agit essentiellement d’histoire, plus exactement d’historiographie, d’une manière poétique et intime de définir notre rapport contemporain au temps.
La trame principale en est le destin funeste d’une jeune prosélyte, catholique convertie au judaïsme par amour. L’auteur-chercheur entre en empathie avec l’objet de ses recherches, usant tout au fil du roman de flashback oniriques à mille ans de distance. L’invariant, le fil conducteur, est un site ancestral : Monieux, communauté nichée au cœur d’un petit village provençal. L’auteur met en scène la première synagogue, ravagée par un pogrom en 1096 sur les basses œuvres de l’Armée des Croisés levée par le Comte Raymond IV de Toulouse. Pillards, assassins et violeurs, ces croisés répondent à l’appel du pape Urbain II. Deux jeunes amoureux, Vigdis et David, et leurs trois enfants en seront les victimes emblématiques.
L’auteur retrace leur destin funeste à la manière dont on évoque des silhouettes sur un vitrail, nous ne sommes pas dans un roman littéraire mais dans une évocation tragique. Amateur de littérature et de romanesque passez donc votre chemin. Mais si vous goutez au partage de la recherche historique, si vous aimez la lenteur et la précision, vous apprendrez mille détails cartographiés sur le rayonnement et les rites des communautés juives XIème siècle. Vous revivrez l’intensité du choc religieux qui a entrainé plusieurs générations dans le massacre. En conjuguant l’investigation historique, sociétale, avec une flânerie onirique... l’auteur assume un vrai parti pris : c’est toute la singularité de l’ouvrage.
Sylvie B.
10:28 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0)
22/10/2018
Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique
Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique
Balli Kaur Jaswal
Belfond, 2018, 347 p., 21€
Traduit par Guillaume-Jean Milan
Au tableau d'affichage du temple, à côté des petites annonces matrimoniales, Nikki trouve une offre d'emploi qui pourrait la sortir de son travail de barmaid : "Association sikhe recherche animatrice pour atelier d'écriture réservé aux femmes." Mais alors qu'elle pensait animer un atelier d'écriture créative, elle se retrouve face à un public d'Indiennes de tous âges, presque toutes analphabètes.
Veuves pour la plupart, elles révèlent rapidement une imagination fertile. La formation tourne à l'échange d'histoires salaces, mais sert aussi de révélateur de la condition des femmes de la communauté Sikh et de leurs aspirations. Aspirations combattues activement par les fondamentalistes !
Roman qui traite du sujet de la religion sikhe, du communautarisme, de l'intégration. Tout en étant très drôle, frais et original. Certaines histoires de veuves laisseraient monsieur Christian Grey pantois !
Pascale et Aline
08:31 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, londres, amour, condition féminine, intégration
15/10/2018
Les perles noires de Jacky O.
Les perles noires de Jacky O.
Stéphane CARLIER
Gabelire, 2017, 23.40€
Précipitez-vous sur ce livre... il est tonique, frais, drôle. J'ai passé un moment très agréable et j'ai bien ri. Des personnages hauts en couleurs, attachants, une intrigue bien menée, une issue qui fait plaisir. Stéphane Carlier est le fils aîné du chroniqueur Guy Carlier et il signe là une comédie jubilatoire.
Irving Zuckerman, 76 ans, marchand d'art fortuné, vit seul dans un quartier chic de Manhattan, en compagnie de sa petite chienne Carmen. Sa femme de ménage Gaby a quitté, jeune, la Colombie et son poste de professeur de comptabilité pour suivre Salvadore parti travailler aux Etats Unis. Après la mort de celui-ci elle a dû se résoudre à faire des ménages pour élever sa fille Isabella. Elle a maintenant la soixantaine. Déprimée, elle n'en peut plus de vivre dans une banlieue sordide, de porter des vêtements sans forme, d'être toujours à court d'argent -sans parler de tous les maux qui l'accablent, tension cholestérol, phlébite, raideurs, lumbago, fatigue.
Et voilà que par un heureux hasard elle a connaissance du code du coffre-fort de son patron. Sa loyauté est mise à l’épreuve : 164 000 dollars, 6 lingots d’or,... l'attirent irrésistiblement. Pour son patron c'est une goutte d'eau et pour elle la promesse d'une vie magnifique ! Seulement, elle a besoin d’aide. Elle embarque dans cette folle aventure des complices improbables : son neveu Franck d'une beauté époustouflante qui devra se faufiler dans la peau d’un gigolo gay ; Biscotte, une connaissance de son neveu, absolument pas fiable ; Nando, un vieil ami perdu de vue depuis des lustres, qui autrefois se livrait à de petits trafics. Va-t-elle réussir son coup ? Pourra-t-elle enfin goûter à une vie moins misérable ? Un plan imparable (pense-t-elle !) en poche, la voilà partie pour s’emparer d’une petite fortune en billets verts et lingots d’or, sans oublier un collier mythique, les fameuses perles noires de Jackie Onassis. Mais débuter une carrière dans le grand banditisme est bien moins aisé qu’il n’y paraît et les choses tournent rarement comme on s’y attend…
Délirant, trépidant, haletant, on passe d’un retournement de situation à l’autre, sans cesser de se demander comment tout cela va finir. Chaque imprévu emmène cette équipe de "bras cassés" dans une situation encore plus improbable que la précédente. L'écriture est fluide, le style incisif, les dialogues percutants, le rythme rapide et on s'amuse. Alors n'hésitez pas !!!
Annie
10:39 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : humour
08/10/2018
Bouillon de rentrée littéraire... mais pas que !
4 3 2 1
Paul AUSTER
Actes Sud, 2018
Selon la légende familiale, le grand-père Isaac Reznikoff quitta un jour à pied sa ville natale de Minsk avec 100 roubles cousus dans la doublure de sa veste, eut moultes aventures avant d’arriver enfin aux Etats Unis, où il fut rebaptisé Ferguson à Ellis Island. A partir de là, l’auteur invente 4 trajectoires pour le même personnage… dont le destin change en fonction de son environnement et de l’influence des évènements. Au travers de ces 4 variations biographiques, l’auteur retrace l’histoire des Etats-Unis. Ambitieux et intéressant.
Khalil
Yasmina KHADRA
Julliard, 2018
Récit d’un jeune de Molenbeek radicalisé, venu à Paris en 2015 pour semer la terreur. Yasmina Khadra propose une approche psychologique du sujet en se mettant dans la tête d’un kamikaze. Ses rapports aux autres, à la mère de cet ami… Dérangeant et captivant, du grand Khadra !
Un monde à portée de main
Maylis de KERANGAL
Verticales, 2018
Une jeune fille, indécise sur son avenir après le bac, s’inscrit dans une école de copiste. S’ensuivent ses années d’école, puis ses travaux à Rome à Cinecita, dans la grotte de Lascaux,… Maylis de Kerangal nous offre une plongée détaillée dans la peinture et le métier de peintre en décors. A son habitude, son roman est extrêmement documenté et précis. Vous ne regarderez plus les fresques de la même façon !
Mille petits riens
Jody PICOULT
Traduit de l’américain « Small Great Things » par Marie Chabin
Actes Sud, 2018
Plaçant son récit dans les Etats Unis d’aujourd’hui, l’auteur raconte la communauté blanche bien-pensante, et les pensées de ceux qui ne se croient pas racistes – pas si claires vis-à-vis des noirs. Alternant entre trois personnages, le roman en suit l’évolution : une sage-femme noire professionnelle et appréciée ; un suprématiste blanc qui refuse qu’une soignante noire s’occupe de son bébé ; une avocate blanche. Facile à lire.
Changer l’eau des fleurs
Valérie PERRIN
Albin Michel, 2018
Violette Toussaint vient de l’assistance publique. Elle a été garde-barrière, puis gardienne de cimetière, chargée de l’entretien des tombes et de l’accueil des familles. Une leçon de courage et de résilience, avec des personnages tout simples mais très bien racontés. (Par l’auteur de Les oubliés du dimanche, qui se passait en maison de retraite).
Les meilleurs amis du monde
Gilly MacMILLAN
Les Escales, 2018
Noah et Abdi sont amis depuis l’enfance, bien qu’issus de milieux différents : Noah vient d’une bonne famille BCBG anglaise, tandis qu’Abdi est réfugié Somalien. Lorsque le corps de Noah est repêché dans un canal de Bristol, Abdi est soupçonné, mais il ne peut (ou ne veut) rien dire. On voit progresser deux familles qui n’ont rien en commun dans leur recherche de vérité. Très bien écrit.
Le magasin jaune
Marc TREVIDIC
J.C. Lattes, 2018
En 1929, un jeune couple ouvre une boutique de jouets dans le quartier de Pigalle. Repeint d’un jaune éclatant, le magasin est rayonnant, et propose de beaux jouets du Jura. La petite fille du couple devient la mascotte du quartier. Vie du quartier avec ses hauts et ses bas jusqu’après la guerre.
Le peintre d'aquarelles
Michel TREMBLAY
Actes Sud, 2018
Marcel a passé plus de 50 ans dans un hôpital psychiatrique au fond des Laurentides. Depuis des années, il peint à l'aquarelle, sur les conseils de son médecin : les montagnes menaçantes qui l'entourent, mais aussi la mer, qu'il n'a jamais vue. Le roman est son passage à l'écriture, dans un essai de journal intime. Il y écrit de très belles pages sur la peinture, de la préparation du papier à la réalisation de ses aquarelles, et s'essaie à comprendre sa vie. Enfant épileptique, sujet à des crises de schizophrénie, il avait été enfermé après avoir mis le feu aux cheveux de sa mère... Avec la douceur des teintes d'aquarelle, le récit émouvant d'une vie confisquée par les médicaments, consacrée à la peinture. (Se lit seul, mais peut aussi être intégré à la saga des Desrosiers).
Le pays des contes
Chris COLFER
M. Lafon, 2016 à 2018
Alexe et Connor sont des jumeaux très différents. Alexe aime les livres, tandis que Connor –peu scolaire- a beaucoup d’amis. Depuis le décès de leur père, il y a un an, leur mère travaille dur. Leur grand-mère est conteuse dans les hôpitaux. Un jour, les jumeaux se retrouvent projetés dans le livre des contes, où les histoires sont en fait bien différentes des versions que nous connaissons. Enfermés de l’autre côté, il leur faut réunir 8 objets magiques éparpillés dans les villes des différents personnages. Aventure, humour et émotion sont au rendez-vous dans cette série pour ados. (Série en cours, mais chaque tome est clos.)
Frappe-toi le cœur
Amélie NOTHOMB
Albin Michel, 2017
Alfred de Musset : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ». Une jolie fille qui a tout pour elle épouse un pharmacien, puis vit mal la perte de sa jeunesse lorsqu’elle devient mère. La narratrice, sa fille, est détestée par sa mère narcissique et jalouse. Le récit s’attache à l’évolution des trois enfants, conditionnée par leur relation à la mère, que ce soit l’excès ou le manque d’amour. Relations humaines, rivalités, manipulations… et retournement en fin de roman. Un bon Nothomb.
Bakhita
Véronique OLMI
Albin Michel, 2017
Fin du 19e siècle. Une fillette soudanaise, raflée par des esclavagistes, va vivre un destin incroyable –avec des moments très durs. Ses pérégrinations l’emmèneront jusqu’en Italie. Après la perte de sa langue maternelle, et la perte de son identité, la religion l’aidera à se réaliser. Le style colle très bien à l’histoire et aux émotions, par son choix de mots et de phrasé. Très beau récit émouvant, inspiré de la vie de Joséphine Bakhita, canonisée par Jean-Paul II en 2000.
Celui qui va vers elle ne revient pas
Shulem DEEN
Globe, 2017
Essai, ou roman autobiographique. L’auteur vient d’un Shetl, communauté juive hassidique traditionnelle près de Brooklyn. Tenté par la radio, internet et une émancipation vis-à-vis du groupe, le narrateur raconte aussi comment ceux qui sortent de ces communautés soudées en sont bannis et se retrouvent déconnectés, esseulés.
Un jour, tu raconteras cette histoire
Joyce MAYNARD
P. Rey, 2017
Joyce Maynard retrace ses années de bonheur avec son mari Jim, rencontré à 55 ans, leur complicité, et leur douloureux chemin ensemble lorsque Jim est atteint d’un cancer du pancréas.
L’homme de ma vie
Yann QUEFFELEC
Guérin, 2017
L’auteur parle de sa relation difficile à son père, l’écrivain Henri Quéffelec, dont il a toujours essayé de capter l’attention et l’amour. Sensible et sympathique.
Guide des égarés
Jean d’ORMESSON
Gallimard, 2016
Le regard de l’écrivain sur l’humanité. Belle écriture et philosophie sans en avoir l’air.
17:24 Publié dans Bouillon de lecture, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, roman étranger, roman ado
07/10/2018
Quand la nature reprend ses droits !
Le mystère Croatoan
José-Carlos SOMOZA
Traduit de l’espagnol Croatoan par Marianne Millon
Actes Sud, 2018, 410 p., 23€
Plusieurs personnes reçoivent au même moment un mail incompréhensible d’avertissement de la part de Mandel, éthologue renommé… Ce spécialiste du comportement animal, ou plutôt des relations entre eux, est pourtant mort il y a deux ans ! Services secrets et mercenaires impitoyables sont aux trousses des destinataires du message.
Cette fiction commence comme un thriller haletant, puis vire à la fable écologique oppressante ou au roman d’anticipation sombre : après divers signaux alarmants tout autour du monde, on assiste peu à peu à un dérèglement effrayant du règne animal, vers un nouvel ordre naturel dérangeant. C'est une vision apocalyptique, cependant la note est assez forcée pour que le lecteur puisse garder un peu de distance.
The End
ZEP
Rue de Sèvres, 2018, 189€
Théodore débarque en Suède pour un stage auprès d'une équipe de biologistes, regroupés autour d'un savant renommé. Sur fond de musique des Doors, ils étudient la communication entre les plantes. Toute la mémoire du vivant serait contenue dans l'ADN des arbres. Là aussi, plusieurs signaux alarmants apparaissent : mort mystérieuse de promeneurs en forêt espagnole, comportement inhabituel des animaux sauvages, et apparition de champignons toxiques...
Vite lu, mais pas vite oubliée, cette BD donne matière à réflexion !
Aline
09:57 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, anticipation, bande dessinée, nature
25/09/2018
Marcher droit, tourner en rond
Marcher droit, tourner en rond
Emmanuel VENET
Verdier, 2016
En parcourant ce roman à une voix, fort bien écrit, on se surprend vite à envier le héros. Qu’il soit atteint du syndrome d’Asperger est juste anecdotique C’est surtout le prétexte d’un roman sans concession, à la manière du Candide de Voltaire, le narrateur tend un miroir très lucide sur nos modes de vie contemporains. Quel privilège de penser sans entrave et d’évacuer toute culpabilité dans ses analyses. Seul bémol, la tristesse ambiante : notre autiste se pose en légiste et déroule une vie humaine, sa légèreté puis l’âge venant les compromis et la dégradation physique qui nous fait oublier jusqu’à nos exigences. Au-delà du ton léger pour décrire les funérailles de la grand-mère Marguerite et l’inénarrable tante Solange, ce n’est pas vraiment gai. Mais jubilatoire, incisif et vrai… Oui !
Sylvie
08:33 Publié dans critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, autisme