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Critiques de livres - Page 9

  • Lagos Lady

    bouilon de lecture,roman étranger,roman policier,nigériaLagos Lady

    Leye ADENLE

    Traduit de Easy Motion Tourist par David Fauquemberg

    Métailié Noir (bibliothèque anglo-saxone), 2016, 335 p.

     

    Polar noir, situé à Lagos, Nigeria.

    Guy Collins, petit journaliste anglais venu couvrir les élections présidentielles, néglige les conseils de prudence et sort boire un verre dans le quartier de Victoria Island. Suite à la découverte d’une femme mutilée devant le bar,  il est embarqué au commissariat, où il assiste à des scènes effrayantes. Les policiers s’appliquent plus à préserver la réputation de leur pays à l’étranger qu’à résoudre le meurtre. C’est une belle avocate noire, Amaka, qui vient à son aide : le croyant journaliste à la BBC, elle obtient sa libération, et lui demande d’enquêter pour témoigner sur des disparitions suspectes, et sur les mauvais traitements que subissent les prostituées. Sous l’emprise de cette femme de tête et de convictions, notre pauvre journaliste fait de son mieux pour sortir de cette galère, sans jamais savoir à qui se fier.

    Le roman, rédigé en courts chapitres, présente des points de vue différents à chaque chapitre, ce qui embrouille un peu l’intrigue, dotée de nombreux personnages secondaires, souvent équivoques. La ville elle-même semble totalement chaotique, embouteillages, industrie du sexe, corruption, braquages, attaques à main armée voisinant avec  juju et croyances traditionnelles.

    L’auteur traite d’un sujet grave, l’industrie du sexe, et les maltraitances faites aux femmes, souvent jeunes,  mais en fait surtout un polar haletant et décalé : les personnages de petits truands, caricaturaux, permettent de prendre du recul, comme dans le cinéma de Tarantino. Sans dévoiler la fin du roman, je dirais qu'elle est un peu convenue, contrairement au reste du récit.

    La phrase de clôture ouvre sur un nouveau suspense. Le tome 2 est paru en anglais sous le tire « When trouble sleeps ».

    Leye Adenle est né au Nigéria en 1975, et vit à Londres où il travaille comme chef de projet et acteur. Lagos Lady est son premier roman, il a reçu le prix Marianne / Un aller-retour dans le noir.

    Aline

     

  • Bouillon de bandes dessinées

    Avec un gros temps de retard, BD présentées en Bouillon de lecture (je n'ose pas avouer de quand datent mes notes !). Bien que nous ne soyons pas tous lecteurs de bandes dessinées, nous saluons la grande variété de styles. Dans ce genre très vivant et créatif, tantôt documentaire, tantôt historique, polar, humoristique… chacun a pu trouver un titre qui lui a plu.

     

    bande dessinée, roman graphiqueKivu

    Jean VAN HAMME, Christophe SIMON

    Le Lombard (Signé), 2018

    Docufiction extrêmement noir, sur la province du Kivu au Congo, où l’exploitation du coltan (minerai précieux pour nos technologies modernes) entraîne corruption et exactions. Au milieu de toute cette violence, un jeune ingénieur tente de sauver une enfant, rescapée d’un massacre. Terrible, cette histoire fait douter de l’humain.

     

    bande dessinée, roman graphiqueLa Cosmologie du futur, traité d’écologie sauvage

    Alessandro Pignocchi

    Steinkis BD, 2018

    Dans un monde global où les humains et toutes les espèces animales sont au même niveau, aucun être ne veut plus prendre de responsabilités politiques. Tous les responsables démissionnent et préfèrent « cultiver leur jardin ». Deux mésanges philosophent, tandis qu’un ethnologue jivaro observe le microcosme de Seine et Marne, et tire des conclusions totalement fausses de ses observations partielles… Humour et philosophie pour cette bande dessinée totalement atypique. De très belles planches (les mésanges !), mais l’ensemble est un peu répétitif. Voir ici le format blog, pour apprécier pleinement les illustrations !!!

     

    bande dessinée, roman graphiqueDidier, la 5e roue du tracteur

    François RAVARD / Pascal RABATE

    Futuropolis, 2018

    Humour et légèreté pour traiter d’un thème très sérieux sur le fond : le monde paysan, et les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui : faillite, mise aux enchères, impossibilité de trouver un conjoint,…

     

    bande dessinée, roman graphiqueNos embellies

    Gwenola MORIZUR, Marie DUVOISIN

    Bamboo, 2018

    Le jour où l’héroine apprend qu’elle est enceinte, son conjoint musicien doit partir en tournée, tandis qu’un neveu débarque impromptu du Québec pour les vacances. Plus les jours passent, plus elle a de mal à annoncer sa grossesse, pas certaine d’être prête à devenir mère. Pour distraire le neveu, qui vit mal la séparation de ses parents, elle part à la neige. Ce trajet est l’occasion de belles rencontres, et d’entraide avec d’autres personnes solitaires ou en galère. Une jolie BD très positive. 

     

    bande dessinée, roman graphiqueEnquêtes gastronomiques à Lyon

    Guillaume LAMY/ Guillaume LONG

    Lyon Capitale, 2017

    Visite gastronomique et humoristique de 24 tables lyonnaises, par G. Lamy critique gastronomique, et G. Long, auteur-dessinateur. Guillaume Long est bien connu pour son blog et ses bandes dessinées  « à boire et à manger » qui rassemblent ses anecdotes, recettes, portraits, dessins et astuces autour des plaisirs de la table. Ici, en plus, on confronte son avis à celui de G. Lamy, et on visite les tables lyonnaises. Ça donne envie !

     

    bande dessinée, roman graphiqueCafé Touba

    Léah TOUITOU

    Jarjille, 2018

    Partie pour un projet « Caravane d’images » au Sénégal, Léah s’est retrouvée toute seule à voyager en Afrique pour réaliser des fresques avec les enfants. Elle raconte, avec humilité et sur un ton très juste, ce voyage au quotidien, les petites galères, les belles rencontres. Illustrations sobres et expressives en noir et blanc (sauf la splendide couverture en couleurs). Le temps que je publie cette chronique, le tome 2 est sorti. Joie ! Qui plus est, Léah est super sympa et anime toutes sortes d'ateliers. Elle est aussi super forte en "battle" de BD. Suivez-la sur Facebook ici.

     

    bande dessinée,roman graphiqueLes petites cartes secrètes

    Anaïs VACHEZ, CYRIELLE

    Delcourt 2018

    Bande dessinée épistolaire plébiscitée par les enfants ! Suite au divorce de leurs parents, Tom et Lili ont été séparés. Ils s’envoient des cartes postales secrètes, dans lesquelles ils échafaudent des stratégies pour être réunis, ne reculant devant aucun plan (foireux) pour que leurs parents retombent amoureux… Joli et émouvant, les enfants adorent... et les adultes aussi. C'est ici, pour regarder Cyrielle dessiner, rotrings et aquarelle !

     

    bande dessinéeIl faut flinguer Ramirez

    Nicolas PETRIMAUX

    Glénat 2018

    Ambiance années 80 aux Etats-Unis. Qui est Ramirez ? L’As du service après-vente, le Mozart de la réparation de l’électroménager ? Ou bien un personnage peu fréquentable, recherché par flics et mafias ? Humour et action pour cette bande dessinée très cinématographique, au découpage de style « comics » très dynamique. Le scénario offre de nombreuses scènes d’action et de course poursuite, les personnages sont très typés : Ramirez, petit meximain moustachu, mafieux, bad girls,… Le récit est entrecoupé de simili publicités « vintage ». C'est jubilatoire ! En attendant le tome suivant, on peut regarder le trailer !

     

    bande dessinéeCoupures irlandaises

    KRIS, ill. Vincent BAILLY

    Futuropolis, 2008

    Inspiré d’un séjour de Kris en Irlande du Nord, à Belfast, en 1987. A 14 ans, de jeunes français sont envoyés en séjour linguistique à Belfast pour un été, l’un dans une famille ouvrière catholique, l’autre dans une famille protestante plus aisée. Très bien accueillis, ils pensaient mener la belle vie, mais sont peu à peu confrontés à la réalité de l’époque.

    Période d’opposition entre l’IRA, bas armé terroriste, et l’Angleterre de Margaret Thatcher, qui a laissé mourir les prisonniers (Bobby Lands) après 66 jours de grève de la faim entamée pour obtenir le statut de prisonniers politiques. Dossier historique en fin d’ouvrage, avec témoignage de Sorj Chalandon.

     

    bande dessinéeMeurtre au Mont Saint Michel

    Jean-Blaise DIJAN, ill. Marie JAFFREDO

    Glénat/ Ed. du Patrimoine, 2015

    Automne 1936. Un soir, comme la brume vient de tomber sur le Mont-Saint-Michel, Lucie est témoin d'un meurtre ! Terrorisée, la fillette trahit sa présence et, aussitôt, se retrouve pourchassée par le meurtrier. Lorsque les habitants se mettent à fouiller la baie et le Mont à la recherche de Lucie, portée disparue, c'est le corps sans vie de la bonne du curé qui est retrouvé ! Enquête en vase clos, prétexte à de superbes illustrations encre et aquarelle par Marie Jaffredo.

     

    bande dessinée,roman graphiqueLes rues de Lyon

    (n° 1, la chute d’un pape)

    L’épicerie séquentielle

    Existant depuis 2015, ce mensuel dessiné est réalisé à chaque fois par des auteurs / illustrateurs différents, et s’attache à présenter lieux, personnages et histoires lyonnais. On adhère plus ou moins selon les sujets et les auteurs, mais c’est globalement très intéressant, et permet de belles découvertes ! Disponible sur abonnement et dans les librairies.

     

    bande dessinéeLyon quartiers BD

    Collectif

    Glénat, 2000

    Collectif, regroupant plusieurs récits. L'ancêtre des Rues de Lyon ? C’est irrégulier selon les auteurs. Au chapitre Place Sainte Anne, une vieille dame s’agenouille dans la cour… où se trouvait autrefois l’église où elle s’est mariée.

     

    bande dessinée,roman graphiqueThésée et le minotaure

    Collection de Luc Ferry

    Glénat, 2016

    Collection La sagesse des mythes.

    BD pédagogique, dessin assez classique.

     

    bande dessinée,roman graphiqueLes beaux étés

    ZIDROU

    Ah! les départs en vacances en famille... Il y a tant à en dire qu'on en est déjà au tome 4! Illustration claire et plaisante, récit plein de tendresse et d'humour.

     

    bande dessinée,roman graphiqueDemain, demain : Nanterre 1962-1966

    Laurent MAFFRE

    Actes Sud / Arte

    Installation d’une famille dans un bidonville de Nanterre. Documentaires & photos en fin d’ouvrage. Le tome 2, Demain, demain - Genevilliers, cité de transit. 51 rue du Port-1973 vient de paraître.

     

    bande dessinée,roman graphiqueVoltaire amoureux

    Clément OUBRERIE

    Intrigues et aventures de Voltaire, avec de nombreuses citations et extraits de Voltaire.

     

     

    bande dessinée,roman graphiqueL’anniversaire de Kim Jong Il

    Aurélien DUCOUDRAY

    Histoire d’un petit Coréen du Nord, 8 ans, fier d’être né le même jour que Kim Jong Il.

    Endoctrinement, propagande, dénonciations, emprisonnements arbitraires, exécutions… L’enfant apprend un jour le secret honteux de la famille : ses grands-parents paternels sont Coréens du Sud ! Les enfants doivent assurer les patrouilles nocturnes, les travaux agricoles. Lorsque la famille tente de partir en Chine, elle se fait rattraper, et les choses empirent… Le graphisme un peu enfantin n’a pas été apprécié par tous. Pour autant, il rend bien l’ambiance et on peut considérer qu’il correspond au personnage principal.

  • Bouillon de polars

    Polars présentés lors du bouillon de lecture de mars 2019 à la bibliothèque de Soucieu.

     

    roman policier,thrillerPar-delà la pluie

    Victor DEL ARBOL

    Actes Sud (Noirs), 2019, 448 p.,  23€

    Traduit de l’espagnol Por encima de la lluvia par Claude Bleton

    Deux pensionnaires d’une maison de retraite au Maroc prennent la route. Hélène, marquée par la disparition de son père lorsqu’elle était enfant ; et Miguel, ancien banquier rigide, veuf, qui regrette un amour manqué, et s'inquiète pour sa la fille en proie aux violences de son mari. De très belles pages, bien écrites, pour ce roman noir. De 1947 à 2014, on voyage du Maroc, à travers l’Espagne et jusqu’en Suède autours de destins croisés, marqués par des traumatismes. Vieillesse, violence, crimes,… le bonheur s’échappe toujours.

     

    roman policier,thrillerLe Président a disparu

    Bill CLINTON & James PATTERSON

    JC Lattès (Thrillers), 2018, 491 p., 23€

    Traduit de l’américain The President is missing

    Thriller politique qui se déroule en trois jours. Une menace terroriste pourrait mener les Etats-Unis au chaos. Le Président réunit ses alliés (Israël et Allemagne). Situation haletante, à la recherche de deux mots de passe cruciaux et de la taupe qui informe les criminels. Intrigue assez classique, mais bien menée, avec des rebondissements.

     

    roman policier,thrillerLa peau de César

    René BARJAVEL

    Mercure de France, 1985 / Gallimard (Folio), 6.80€

    Nîmes, une lettre anonyme avertit le commissaire Mary que César sera réellement tué pendant la représentation de Shakespeare dans les arènes. Malgré les précautions, l’acteur est tué… Quel plaisir de retrouver la plume de Barjavel, dans ce dernier roman publié de son vivant !

     

    roman policier,thrillerLa fille d’avant

    J.P. DELANEY

    Ed. Mazarine, 2017, 430 p., 21.90€

    A l’issue d’un drame éprouvant, Jane cherche à tourner la page en déménageant. Un appartement la séduit : remarquable, connecté, minimaliste… et bon marché ! La jeune femme est séduite, elle voit là l’occasion de faire table rase de son passé. Mais pour y vivre, il faut se plier aux règles draconiennes, minimalistes et intrusives, fixées par l’architecte. Des événements inquiétants se produisent, et l’auteur sait fait monter la tension progressivement.

     

    roman policier,thrillerPension complète

    Jacky SCHWARTZMANN

    Seuil, 2018, 184 p., 18€

    Dino Scala, le personnage principal -tout comme l’auteur- est issu de la banlieue de Buers, à Lyon. Il vit aux crochets de sa femme plus âgée, milliardaire de la haute société luxembourgeoise. Dans ce milieu très bourgeois, il a gardé son parler franc et ses réactions vives. Suite à un coup de poing malencontreux, il doit se faire oublier et part dans le sud de la France. Après une panne improbable à La Ciotat, Dino fait halte dans camping. Il y rencontre un écrivain, venu là « à la rencontre des vrais gens » pour retrouver l’inspiration. Entre eux, se crée un lien « par défaut » ; ils tuent le temps… tandis que les morts accidentelles se multiplient au camping. De l’humour et une écriture assez verte pour ce polar à l’humour décalé.

     

    roman policier,thrillerToute la vérité

    Karen CLEVELAND

    R. Laffont (La bête noire), 2018, 367 p., 21€

    Traduit de l’américain Need to know par Johan-Frédérik Hel-Guedj

    Mariée depuis 10 ans, et mère de 4 enfants, Vivian Miller est agent du contre-espionnage à la CIA. En développant un logiciel permettant de repérer les agents dormants russes, elle accède à un dossier secret qui remet en cause sa vie et sa famille ! L’auteur a travaillé 8 ans comme analyste à la CIA.

     

    roman policier,thrillerLe journal de ma disparition

    Camilla GREBE

    Calmann-Lévy (Noir), 2018, 424 p., 21.90€

    Traduit du suédois Husdjuret par Anna Postel

    Deux ans ont passé depuis la précédente enquête Un cri sous la glace, et Hanne vit en couple avec son collègue policier Peter Lindgren. Elle a de sérieux problèmes de mémoire et tient un petit carnet où elle note les détails de ses enquêtes. Ils sont appelés en renfort auprès de l’inspecteur Malin pour élucider un meurtre, qui semble lié à un cadavre découvert au même endroit il y a dix ans. Hanne perd son carnet, retrouvé par un jeune homme qui s’en sert pour résoudre l’intrigue. L’écriture est quelconque, mais le récit réserve des surprises jusqu’au bout, et présente une peinture intéressante du village du fin fond de la Suède, paumé, appauvri, ou l’installation de migrants musulmans est mal perçue. L’auteur souhaite renverser le regard porté sur les exilés : ces réfugiés pourraient être nous ! Prix du meilleur polar suédois 2017.

     

    roman policier,thrillerSur le toit de l’enfer

    Ilaria TUTI

    R. Laffont (La bête noire), 2018, 405 p., 20€

    Traduit de Sopra l’Inferno (via l’anglais !)

    L’intrigue se situe dans les montagnes isolées du Frioul, entre Italie et Autriche, sur plusieurs périodes (1936, 1978 et 1993). Dans un village très fermé, qui vit du tourisme sans vouloir élargir le domaine skiable, se succèdent meurtres et agressions. Le récit laisse une large part à la psychologie, celle des victimes, des bourreaux, mais aussi celle des enquêteurs, avec le personnage de la commissaire Bataglia, qui mène la vie dure au jeune inspecteur Massimo qui les rejoint. Bourrue et cinglante, mais adulée par son équipe, elle ne reconnaît que la compétence, et tente de tenir à distance les premières attaques d’Alzheimer. L’histoire nous plonge dans le passé de la région, et s’inspire des expérimentations comportementales réalisées par un psychanalyste nazi, Spitz.

     

    roman policier,thrillerBack-up

    Paul COLIZE

    La manufacture des Livres, 2012 / Folio policier, 2013, 496 p., 8.30€

    Un back-up, dans le milieu du rock, c’est un musicien de remplacement. Sur toile de fond des années « sexe, drogues et rock n’roll », l’auteur monte un récit puzzle, à lire d’une traite pour s’y retrouver. Berlin, 1967, les 4 musiciens du groupe Pearl Harbor meurent, dans différentes parties du globe, semble-t-il d’accidents. Bruxelles, 2010, un SDF est renversé par une voiture. C’est l’ancien batteur back-up du groupe, qui souffre du locked in syndrome, et se remémore ses années d’errance sans pouvoir communiquer. Le lecteur suit avec avidité ces 2 histoires parallèles qui sont évidemment liées. Le roman est truffé de références à la musique. Petite coquetterie : chaque chapitre a un titre musical (dernière expression dudit chapitre).

    Du même auteur, Michèle signale Un long moment de silence, sur les juifs sortis des camps, et leurs enquêtes pour retrouver leurs tortionnaires allemands.

     

    roman policier,thrillerLa disparue de la cabine n°10

    Ruth WARE

    Fleuve Noir, 2018, 432 p., 20€

    Traduit de l’anglais The Women in Cabin 10 par Héloïse Esquié

    Laura, rédactrice pour un magazine de voyages, a une belle opportunité de faire ses preuves en participant à la croisière inaugurale d’un yacht de luxe dans les fjords norvégiens. La première nuit en mer, elle croit entendre un cri en provenance de la cabine n° 10, suivi de la chute d’un corps dans  l’eau. Elle pense avoir assisté à un meurtre, mais le personnel prétend que cette cabine a toujours été vide, et personne n’a disparu. De plus, la crédibilité de Laura est mise en doute en raison de sa tendance à cumuler alcool et médicaments. L’intrigue, bien menée, se passe en huis clos, avec un personnage plutôt sympathique quoique névrosé, qui disparait à son tour.  La peinture des « riches et puissants » aurait pu être plus incisive. Thriller assez bien ficelé.

     

    roman policier,thrillerLe Bibliothécaire

    Larry BEINHART

    Gallimard (série noire), 2005, 450 p., 24€

    Traduit de The Librarian par Patrice Carrer

    Pour arrondir ses fins de mois, et par amour des livres, David Goldberg devient bibliothécaire privé pour un milliardaire américain. Or Alan Stowe fait partie des « Eléphants d’or », gros bailleurs de fonds du parti Républicain, peu avant les élections présidentielles. A classer les documents confidentiels de l’industriel influent, le bibliothécaire se retrouve rapidement pris en chasse par les barbouzes républicains… alors qu’il n’a aucune idée de l’information qu’on lui reproche de détenir. Thriller politique américain typique, assez réussi, ne serait-ce que pour son personnage principal de bibliothécaire, et pour la belle Niobé, Mata Hari pleine de surprises qui tente de le séduire.

     

    roman policier,thrillerChambre froide

    Tim WEAVER

    Micro Application (Pôle noir-thriller), 2013, 417 p., 20€

    Traduit de Chasing the Dead par Véronique Gourdon

    Un an après la mort de son fils, une femme est persuadée de l’avoir vu dans la rue, alors qu’il avait été formellement identifié par son empreinte dentaire après un accident de la route.  Elle embauche David Raker, détective spécialiste des personnes disparues. Depuis que sa femme est morte, David n’a plus rien à perdre. Aussi n’abandonne-t-il pas l’enquête, même lorsque l’enquête devient dangereuse, et que morts et disparus se multiplient. Le personnage de l’enquêteur entêté est plutôt sympathique, mais ce thriller est un peu dérangeant, par son registre glauque de la souffrance physique et de l’aliénation.

     

    roman policier,thrillerL’île des absents

    Caroline ERIKSSON

    Presses de la Cité, 2018, 236 p., 19€

    Traduit du suédois De Försvunna par Laurence Mennerich

    Greta et son amant (marié) Alex passent un week-end au bord du Cauchemar, un lac suédois isolé, dont la légende voudrait qu’il soit maudit. Lors d’une sortie en barque avec la petite Smilla, fille d’Alex, Greta laisse Alex et sa fille débarquer seuls sur un îlot pour une promenade. Lorsqu’ils tardent à revenir, Greta s’affole et l’angoisse monte. Thriller psychologique angoissant, mais un peu vite traversé. Un lien intéressant (quoiqu’assez « fabriqué ») est fait entre plusieurs femmes subissant l’emprise et la violence des hommes.

  • La saison des fleurs de flamme

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    La saison des fleurs de flamme

    Abubakar Adam Ibrahim

    L'Observatoire, 2018, 422 p., 22€

     

    L’auteur, journaliste de 39 ans, est issu du peuple Haoussa présent dans le nord du Nigéria, une région où la religion musulmane se respecte strictement. Ce premier roman (Nigeria Prize for Literature 2016) est tout ensemble un plaidoyer pour la liberté et l’indépendance d’aimer et un brûlot contre une corruption politique généralisée.

    Le Nigéria fait parfois la Une des journaux à l’occasion d’événements dramatiques tels que la guerre civile entre musulmans et chrétiens, les exactions du mouvement islamiste intégriste de Boko Haram mais que sait-on vraiment de ce pays le plus peuplé et le plus riche d’Afrique ?

    Cette flamboyante saga romanesque nous fait découvrir la vie quotidienne de ses habitants et notamment la condition féminine, dans cette société musulmane pleine de paradoxes et de contraintes et écartelée entre archaïsme et modernité.

    Abubakar Adam Ibrahim narre une passion amoureuse scandaleuse entre Binta, veuve quinquagénaire plusieurs fois grand-mère et Reza, jeune dealer de 25 ans son cadet. Binta est une musulmane respectable, qui se rend chaque jour à la madrasa et prie, la main sur le Coran, pour ses enfants et petits-enfants. Elle s’occupe de sa petite-fille Ummi, délaissée par sa mère et de sa nièce Fa’iza  adolescente à la mise provocante, grande lectrice de romans à l’eau de rose. En réalité ce comportement superficiel cache un traumatisme profond provoqué par la mort de son père et de son frère lors de la guerre civile.

    Reza, jeune chef de bande, règne sur San Siro, un îlot déshérité d’Abuja servant de repère pour les fugueurs et les dealers. Ce trafiquant de drogues sert également d’homme de main à un politicien sans scrupules, prêt à tout pour être élu.

    Rien ne prédisposait ces deux-là à se rencontrer.  Mais un jour, Binta surprend  Reza en plein cambriolage de sa maison. Elle est effrayée et en même temps attirée par cet homme. Il lui rappelle son fils Yaro happé par le monde de la drogue, assassiné en pleine jeunesse et envers lequel elle ressent une douloureuse culpabilité. En effet, elle a reproduit avec Yaro les lois ancestrales observées dans sa communauté, qui interdisent aux mères de montrer leur affection à leur premier-né –bien qu’elle ait senti chez lui un grand besoin d’affection.

    Reza, abandonné par sa mère à la naissance a aussi vécu une jeunesse douloureuse. Derrière sa violence, il cache un cœur chaviré par son absence. Il a rencontré sa mère deux fois et a été fasciné  par sa beauté et sa tristesse. Il ressent pour Binta une attirance irrépressible et ambigüe. En s’abandonnant à cette passion, Binta qui n’a jamais eu aucun droit sur son corps et a vécu sans amour et dans la dépendance de son époux décide à 55 ans d’assumer son désir. Elle découvre les plaisirs de la sexualité et de l’amour, donné et reçu.

    Au-delà de cette histoire d’amour illicite, au-delà de la déflagration qu’elle va déclencher dans la famille de Binta, l’auteur porte un regard sans concession sur la société nigériane, sur le poids de la famille et des traditions, sur la jeunesse qui aspire à un autre avenir mais sans beaucoup d’espoir. Avec une écriture rythmée, parfois poétique, il fait souffler un vent léger d’audace et de liberté.

    La culture populaire Haoussa avec les senteurs de la cuisine, les couleurs des textiles, la musique jouée dans les rues, les proverbes savoureux qui ouvrent chaque chapitre,  apporte une note de légèreté dans ce récit. Un roman à découvrir.

    Annie

  • Joyce Carol Oates

    C'est la bibliothèque de Chassagny qui nous accueille pour le "bouillon de lecture" du 14 février. Les gourmandises du jour, petits coeurs, flan parisien et strudel, ne sont pas de trop pour nous réconforter avant d'aborder l'oeuvre de Joyce Carol Oates, monument de la littérature américaine.

    Joyce Carol Oates est née en 1938 dans l’Etat de New York. Diplômée de l'université de Syracuse et de celle du Wisconsin, elle partage sa vie avec  Raymond J. Smith, professeur de littérature anglaise. Elle enseigne à Detroit, « une ville où la violence et les tensions raciales sont vives », au Texas, en Ontario (Canada), puis à l'université de Princeton, au New Jersey. Son œuvre littéraire regroupe une centaine d’ouvrages, romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, poèmes, livres pour la jeunesse… ainsi que des polars, sous les pseudonymes de Rosamond Smith et Lauren Kelly.

    Les romans que nous avons lus se distinguent par leur noirceur, et la complexité des personnages, qui souvent présentent une personnalité publique différente de leur « moi » profond. JCO n’hésite pas à multiplier les retours en arrière, et la structure de ses romans n’en facilite pas la lecture. Tous décrivent des facettes d’une Amérique plutôt bigote et peu reluisante.

    Nulle et grande gueule.jpgNulle et Grande Gueule

    Gallimard, 2002

    Trad. de Big Mouth and Ugly Girl, 2002

    Grande et mal dans sa peau, ursula se trouve nulle. Matt, lui, aime rire et blaguer. Un jour, il propose en plaisantant de poser une bombe au lycée. Accusé de terrorisme, il est arrêté par la police. Exclu du lycée quelques jours, ostracisé, il n'est plus soutenu que par Ursula. Dans ce roman "jeunesse" (ou pas), JCO dénonce le conformisme et l'hypocrisie de la société américaine.

     

    comité de lectureLes Chutes

    P. Rey, 2005

    Trad. de The Falls, 2004

    Après le suicide inattendu de son premier mari au lendemain de leur nuit de noces à Niagara, Ariah "la veuve blanche des chutes", épouse Dirk, et se consacre à ses trois enfants, sa maison et son piano. Brillant avocat, Dirk s'occupe d'une affaire de pollution industrielle, lorsqu'il meurt brutalement d'un accident dans les Chutes. Ce n'est que longtemps après, lorsque le scandale concernant la pollution refait surface, que les enfants enquêtent... Le regard sur l'Amérique est intéressant, mais les personnages peu sympathiques, et le style répétitif rendent la lecture fastidieuse.

     

    comité de lectureUn endroit où se cacher

    Albin Michel, 2010

    After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away, 2006

    Suite à un accident, Jenna a perdu sa mère. Culpabilité, comportement auto-destructif... elle vit avec un oncle et une tante plutôt sympas, mais refuse leur aide. Ce roman ado finit sur une note positive.

     

    comité de lecturePetite soeur, mon amour : l'histoire intime de Skyler Rampike

    P. Rey, 2010

    Trad. de My Sister, My Love, 2008

    Inspiré de l'histoire d'une mini-miss assassinée en 1996, le roman est présenté comme le journal intime de son frère Skyler. Dans cette famille dysfonctionnelle, les parents projettent leurs rêves sur les enfants : gymnastique pour le fils, patin à glace et mannequinat pour sa petite soeur Bliss. Lorsque la fillette est retrouvée assassinée, l'enquête conclut à la culpabilité d'un soit-disant pédophile. Mais était-il coupable ?

     

    comité de lecturePetit oiseau du ciel

    P. Rey, 2012

    Trad. de Little Bird of Heaven, 2009

    Little Bird of Heaven est le titre d'une chanson interprétée par Zoé, jolie et aguicheuse, qui rencontre un joli succès local. Lorsque le groupe de Zoé se fait arnaquer par un pseudo impressario, elle sombre dans l'alcool et la drogue, et finit assassinée.  Les soupçons se portent sur Delray, le mari dont Zoe est séparée, et Eddy Diehl, son amant. L'auteur dissèque l'impact du drame sur leurs familles : comment leurs enfants ressentent les choses, dites ou non-dites. Beaucoup de violence, d'alcool, de drogue...

     

    comité de lectureMudwoman

    P. Rey, 2013

    Trad. de Mudwoman, 2012

    USA, 2002, après la chute des Twin Towers, la guerre contre l'Irak est en gestation. Dans le milieu universitaire, Meredith Ruth Neukirchen est une superwoman, première femme présidente d'université. Dédiée à son travail corps et âme, non pas pour sa réussite personnelle, mais par dévouementt -et parce qu'une femme doit se battre davantage qu'un homme pour éviter de donner prise aux critiques. Corsetée dans son personnage public, elle bascule cependant lorsque ses souvenirs de "mudgirl", l'enfant tondue et sacrifiée dans les marais par une mère folle fanatique ressurgissent. Le sujet est très prenant, et l'étude de personnages (foyer d'accueil, parents adoptifs Quakers, professeurs...) fouillée. Pour autant, le roman déroute par son accumulation d'allers-retours temporels, à laquelle viennent s'ajouter cauchemars et hallucinations. La lecture est donc en même temps longue, un peu pénible... et captivante.

     

    comité de lectureDaddy Love

    P. Rey, 2016

    Trad. de Daddy Love, 2013

    Sur un parking de supermarché, Robby, un petit garçon de 5 ans, est enlevé par un prédateur sexuel, prêcheur itinérant.  Rebaptisé Gidéon, il grandit auprès de lui dans une ferme, maté par quelques punitions terribles. Peu à peu, il réalise qu'il est le 4ème d'une série, et que les garçons précédents ont disparu à la puberté. JCO déploie des raffinements de cruauté pour emmener son lecteur dans un univers horrible.

     

    comité de lectureCarthage

    P. Rey, 2015

    Trad. de Carthage, 2014

    Dans la petite ville de Carthage (Adirondacks), une famille bourgeoise voit grandir ses deux filles, la jolie et pieuse Juliet, et Cressida,intelligente et différente (rebelle ? autiste ?). Juliet rompt avec son fiancé, revenu de la guerre en Irak assez amoché, physiquement et psychologiquement. Lorsque sa soeur Cressida disparait, il est accusé et emprisonné. JCO met en scène une Amérique très provinciale, et le monde carcéral aux Etats-Unis.

     

    comité de lectureValet de Pique

    P. Rey, 2017

    Trad. de Jack of Spades, 2015

    Auteur à succès de romans policiers, Andrew J. Rush publie également sous un pseudo des polars sulfureux et pornographiques. Lorsque cet équilibre tout en dissimulation est menacé, le Valet de Pique refait surface... Thriller autour d'un personnage double.

     

    Nous finissons par deux livres plus personnels, qui -au travers de l'histoire personnelle de l'auteur et de son récit familial- jettent un éclairage sur l’œuvre de Joyce Carol Oates :

     

    comité de lecturePaysage perdu

    P. Rey, 2017

    Trad. de The Lost Landscape: A Writer's Coming of Age, 2015

    Comme un puzzle à reconstituer par le lecteur, il regroupe des fragments de souvenirs en chapitres courts, qui donnent des indications sur la construction de l'auteur : son enfance sur une ferme isolée, proche de grands-parents d’origine hongroise, sa petite sœur « différente », son goût pour l’écriture depuis le plus jeune âge, ses rapports à sa grand-mère Blanche qui lui offrit sa première machine à écrire…

     

    comité de lectureLa fille du fossoyeur

    P. Rey, 2008

    Trad. de The Gravedigger’s Daughter, 2007

    Inspiré de la vie de la grand-mère de l’auteur. Rebecca, petite dernière d’une famille de juifs allemands réfugiés d’Europe, est la seule née sur le sol américain. Son père -autrefois professeur- doit travailler comme fossoyeur, et sombre dans la folie jusqu’à un délire meurtrier. Après avoir fui un premier mari violent, Rebecca construit sa vie en se durcissant et en se construisant un personnage public fictif, évitant de montrer ses faiblesses pour se protéger. Elle se consacre à son fils musicien.

     

  • Nuit sur la neige

    roman, récit d'initiation, skiNuit sur la neige

    Laurence Cossé

    Gallimard (Blanche), 2018, 141 p., 13.50€

    Laurence Cossé (1950,--), a travaillé comme journaliste, critique littéraire, et pour la radio France Culture. Elle a publié une douzaine de romans, des pièces pour le théâtre et la radio, et un recueil de nouvelles. Chevalier de l’ordre des arts et des lettres, elle a obtenu en 2015 le Grand Prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.

    Septembre 1935. Robin entre en classe préparatoire dans un lycée d’excellence tenu par les Jésuites. Comme de nombreux jeunes de sa génération, il a grandi à l’ombre de la Grande Guerre, auprès d’une mère veuve de guerre, éplorée et protectrice. Au cours d’une intense première année d'études, il découvre les affres de l'amitié et du premier amour.

    Entre ce garçon peu sûr de lui et son condisciple Conrad, beau, riche et charismatique, se noue une amitié dissymétrique autour du sport. Au printemps 1936, tandis que la tension politique monte en Europe, les garçons partent skier dans un ancien village de Haute Tarentaise du nom de Val-d'Isère, que quelques visionnaires ont l’intention de transformer en station de ski alpin. Les six jours qu'ils y passent marquent Robin à vie.

    L’auteur a articulé son roman autour d’une scène mémorable, dont elle portait l’empreinte depuis l’enfance, point d’orgue du livre et moment où le narrateur passe brutalement dans l’âge adulte. L’écriture est plutôt classique, ciselée et précise, pour un récit initiatique bref et intense. Laurence Cossé  prend le temps de détailler l’ambiance particulière des prépas à cette époque, la vie rurale frugale dans le pauvre village de Val d’Isère, les paysages des Alpes et les débuts du ski alpin. En revanche, quoiqu’en dise la quatrième de couverture, l’auteur évoque peu la montée du nazisme, si ce n’est par une certaine inquiétude ambiante.

    J’ai seulement regretté l’ajout du dernier chapitre… dix ans après. Mal amené, il n’apporte selon moi  rien au récit.

    Aline

     « Quelle étrange substance, la mémoire, fluide et fuyante à la manière du mercure, avec des éléments plus solides que le silex. La précision de certains souvenirs… Il y a des phrases entières que j’entends comme si c’était hier qu’elles m’avaient cloué sur place. Je suis sûr d’elles au mot près. Des expressions sur un visage, glaçantes, des gestes. Et il y a d’énormes trous, des cratères où ont disparu des mois entiers avec les lieux qui leur servaient de cadre, des quantités de gens – sans doute les moments heureux et les personnes inoffensives ; car les plages paisibles s’enfoncent dans l’oubli quand les heures atroces ne perdent rien de leur tranchant, quel que soit le nombre des décennies qui nous en séparent, ou sont supposées nous en séparer. Et dans les heures atroces, je compte pour ma part les quelques instants de joie folle dont j’ai eu conscience en les vivant qu’ils étaient fulgurants et qu’ils allaient s’éteindre aussi brutalement qu’ils m’avaient ébloui. »

  • Le labyrinthe des esprits

    espagne,roman étrangerLe labyrinthe des esprits

    Carlos Ruiz Zafon

    Actes Sud (Lettres hispaniques), 2018, 840 p., 27€

    Ce 4e tome clôt le cycle du « Cimetière des livres oubliés » commencé en 2001 avec « L’ombre du vent ». Chacun peut se lire indépendamment des autres. Si vous n’avez pas lu les précédents, celui-ci vous incitera sans doute à les découvrir.

    Une intrigue politique et policière dans une Espagne dominée par le franquisme avec des personnages cyniques, violents, des trafics sordides, des destins brisés, des drames et des vengeances. On plonge dans les années noires de la dictature.

    Barcelone  mars 1938 : La ville est  sous le feu incessant des bombardements de l’armée de Mussolini. Alicia, petite fille dont les parents ont été arrêtés, et probablement tués par le régime, est sauvée par Firmin qui, blessé, doit  l’abandonner.  Elle-même est également gravement blessée à la hanche ; elle doit supporter son handicap douloureux et acquiert un instinct de survie hors du commun.

    Elle devient une femme torturée par le passé et en perpétuelle souffrance des séquelles de ses blessures. Elle est enrôlée dans les services secrets de la police politique. Son intelligence, sa beauté, son ironie féroce en font un agent redoutable. Alicia a cessé d’exister autrement que par le masque, Habile à se dissimuler et à changer d’apparence, elle s’est perdue elle-même ; n’être personne est plus simple et moins dangereux en ces temps crépusculaires où l’on enferme, torture et assassine sur un simple signe de tête.

    Son mentor, Leandro, la charge d’enquêter discrètement sur la disparition mystérieuse et embarrassante  du  ministre de l’éducation et de la culture, Mauricio Valls. Un livre fantastique pour enfants "Le labyrinthe des esprits", semble avoir déclenché chez Valls, une véritable panique. Est-il en fuite? A-t-il été enlevé? Et quel lien ce roman publié au tout début de la dictature peut-il avoir avec les caciques du régime?

    Alicia va plonger dans l’histoire la plus sombre de Barcelone, celle où les opposants politiques, les artistes, les auteurs de génie sont enfermés dans des cachots. Les mensonges, les trahisons, les disparitions et la propagande sont alors monnaie courante.

    De son côté Firmin, 20 ans après sa rencontre avec Alicia continue à se sentir coupable de n’avoir pas su protéger l’enfant. L’enquête va les mettre sur le même chemin et sur celui de la famille Sempere, libraires barcelonais dont l’existence est toujours marquée par la dictature. Daniel Sempere est hanté par le souvenir de sa mère Isabella, disparue, assassinée sans doute,  alors qu’il avait 5 ans. Il n’aura de repos qu’en sachant la vérité. Soutenu par son ami et complice Firmin, il tente de retirer les nappes d’oubli qui se sont posées sur sa mémoire et sur son cœur.

    Carlos Ruiz Zafon nous livre, dans une écriture maîtrisée et agréable, un récit dense et passionnant. Un roman ténébreux où les forces du mal sont nombreuses et où les livres oubliés renferment de nombreux secrets, une intrigue remarquable qui tient le lecteur en haleine, une Barcelone belle et maléfique.

    Alicia, héroïne forte et fragile, démêlera peu à peu les fils d’une intrigue  aux nombreux rebondissements dont la cohérence se découvre peu à peu. ’humour et les réparties de Firmin, philosophe cynique et désabusé, apportent des moments de détente dans cet univers impitoyable.

    La littérature joue aussi un rôle important : faux écrivains et romans à clefs, autobiographies truquées, nègres inavoués, écriture interdite, littérature où tout est possible, où tout s’entrechoque, l’imaginaire avec le réel, le possible et l’impossible. C’est un hommage au monde du livre, aux auteurs et aux libraires.

    Annie P.

  • Terres fauves

    roman, Alaska, états-unis, thrillerTerres fauves

    Patrice GAIN

    Le mot et le reste, 2018, 19€

     

    A la base, David McCae déteste la violence et la solitude. Cet écrivain aime se perdre dans l’activité et la foule de New York. Aussi est-ce à contrecœur qu’il traîne son costume de citadin et ses chaussures en daim jusqu’au fin fond de l’Alaska, pour obéir à son commanditaire qui exige de clore sa biographie sur une interview de Dick Carlson : héros viril des Etats-Unis, vainqueur du 1er sommet de 8000 m conquis par des Américains, Dick Carlson mérite en effet un chapitre dans les mémoires du gouverneur Kearny, qui brigue une réélection.

    « Je me demandais ce qui pouvait bien pousser un homme à s’isoler dans cette contrée inhospitalière. A se mettre constamment en danger dans un espace barbare où les plus gros mangent les plus petits sans que ces derniers ne soupçonnent que c’est là leur destin.... Le genre d'endroit où le voisin le plus proche est le Bon Dieu."

    Le héros de l'Amérique se révèle plutôt un personnage déplaisant, mégalomaniaque, et David se retrouve bien mal à l’aise en immersion dans une nature hostile en compagnie de son groupe de chasseurs de grizzlys. Incapable d’utiliser une arme, totalement inadapté à cet environnement, il puise dans ses réserves de volonté et d’ingéniosité, et tente de déjouer les pièges pied à pied. Le récit est haletant, dans une spirale descendante où il se retrouve poursuivi par un destin plus fort que lui.

    « En arrivant en Alaska j’étais tombé dans un muskeg [marécage] qui m’avalait lentement. Je sentais une force de succion me tirer vers le fond. Me débattre ne changerait rien, sinon accélérer le moment où ma tête disparaitrait… »

    La psychologie du personnage est plus fine qu’il n’y parait. Face aux prédateurs, sa naïveté le dessert ; en revanche, elle l’aide à se rapprocher des autres avec empathie. Dans les pires moments, il revient à l’essentiel : sa mère, sa sœur, et le souvenir de son père, GI mort en Afghanistan, qui  le soutient.

    Evocation puissante de l’Amérique de Trump, où il vaut mieux être du bon côté du fusil et savoir tirer !

    Aline

  • Fracking

    roman, états-unis, pétrole

     

    Fracking

    François ROUX

    Albin Michel, 2018, 19.50€

     

    Entre le titre et la couverture, le sujet est clairement annoncé. Du reste, le récit est très proche du documentaire puisque l’auteur, installé aux Etats-Unis peu avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, se pose en observateur. Ses descriptions et son sens de la formule, parfois, touchent à la citation. Lors d’une réunion politique de Républicains : "Tous les hommes dans cette assemblée tenaient la Constitution pour sacrée, et plus précisément son deuxième amendement. Dans ce pays de chasseurs et de ranchers, tous les hommes présents – et une grande majorité de femmes- avaient appris à marcher en s’appuyant sur un fusil. Leur troisième jambe, disait-on couramment!" Ou, en lien avec Ruth, bigote rigide : "Ici, vous étiez croyant ou vous n'étiez pas grand chose".

    A quelques mois des élections présidentielles, toutes les tendances se croisent à Middletown, petite ville imaginaire du Dakota du Nord. L’auteur suit plusieurs personnages, mettant en avant de multiples fractures : fractures entre les personnes d’orientations politiques différentes ; fractures entre des familles qui jusqu’ici vivaient dans une tradition d’hospitalité et d’entraide pour surmonter des conditions de vie rudes. Enfin, l’élément déclencheur, l’utilisation de la « fracturation hydraulique », technique mise au point depuis quelques années pour extraire les hydrocarbures de schiste en injectant dans la roche des tonnes d’eau, de sable et d’adjuvants chimiques.

    "Les ressources en hydrocarbures du sous-sol schisteux, jusqu’alors inexploitables en raison d’impossibilités techniques de forage, l’étaient soudain devenues grâce à la mise au point de la fracturation hydraulique, dont le recours massif avait débuté il y a tout juste quatre ans et qui laissait la porte ouverte à toutes sortes de spéculations et de convoitises. Avec le fracking, le rêve d’indépendance énergétique de l’Amérique allait enfin se réaliser…"

    Dans ce pays jusqu’ici consacré à l’élevage, c’est une révolution qui oppose :

    - ceux qui en profitent, en premier lieu les compagnies pétrolières, mais aussi ceux à qui elles offrent un travail bien rémunéré, comme Joe Jenson -devenu chef de chantier ;

    - ceux qui se résignent, comme les voisins –qui ont déménagé et vendu le sous-sol ;

    - ceux qui se battent, comme les activistes écologistes ou les Amérindiens, opposés au "Black Snake" le pipeline prévu sur les réserves ;

    - et enfin, ceux qui en meurent, comme  la famille Wilson, dont le bétail dépérit, ou meurt renversé par les chauffards des poids lourds. "Ce que Karen exécrait…, c’était ce foutu pétrole, ces pompes à balancier qui, inlassablement, bousillaient les entrailles de la terre depuis dix ans, depuis que la région était devenue ce que les journaux avaient appelé « le nouvel eldorado de l’or noir ». Dispersés jusqu’à deux kilomètres à la ronde, certains à moins de 200 mètres de leur habitation, il y avait très exactement 23 puits dans leur voisinage immédiat… De près, le bruit était intolérable, et avec la distance, il devenait obsédant". Sans parler de l’intoxication des fermiers, et de l’eau glauque couleur de terre et inflammable qui sort du robinet !

    Le côté « reportage » et l’écriture assez factuelle du roman sont compensés par les récits plus personnels des protagonistes. J’ai juste été un peu frustrée par la fin, qui peut-être appelle une suite.

    Aline

  • Tu dormiras quand tu seras mort

    roman,guerre d'algérie,algérieTu dormiras quand tu seras mort

    François MURATET

    J. Losfeld, 2018, 18.50€

    André Leguidel n’a ni passé, ni passif avec l’Algérie. Quand il y est envoyé en 1960, il n’y voit que l’occasion de faire carrière comme officier de renseignement, laissant derrière lui des débuts assez ternes comme traducteur en Allemagne. C’est avec un regard neutre et une oreille attentive qu’il débarque à Alger, puis à Marnia, au sud d’Oran, dans les montagnes proches du Sahara.

    Sa mission ? Infiltrer en tant qu’opérateur radio la section de commando de chasse du sergent-chef Mohamed Guellab, afin de vérifier si celui-ci est à l’origine de la mort du lieutenant Maillard. Suspect de par son origine musulmane, Guellab est-il le combattant brillant et énergique admiré par ses hommes, ou bien en traitre en puissance, susceptible de passer à l’ennemi avec armes et hommes ?

    Cependant l’enquête de Leguidel s’efface devant les impératifs d’une traque engagée par l'armée française d'un détachement du FLN à travers le djebel. L’important, au jour le jour, est de rester vigilant et de couvrir les arrières du groupe. D’où l’injonction « Tu dormiras quand tu seras mort ! »

    Outre les descriptions prenantes du quotidien des combattants d'Algérie, c’est la position neutre du narrateur qui fait l’intérêt de ce livre. Pendant entre les engagements, et pendant les missions « de pacification » du commando, Leguidel écoute les hommes échanger sur l’avenir de l’Algérie. Arabes, pieds noirs, français, supplétifs, appelés ou engagés, chaque personnage est unique, avec son avis sur la question – et sur l’interprétation de la phrase de De Gaulle « La France restera en Algérie ». Quant aux populations, comme dans le très remarquable « l’art de perdre » d’Alice Zeniter, on comprend bien que leur choix est limité, pris en tenailles entre forces françaises et rebelles. Aucun jugement n'est porté, mais peu à peu émerge l’impossibilité d’une solution militaire.

    Partiellement inspiré par son beau père harki, l'auteur, professeur d'histoire géographie, a mûri ce récit pendant une quinzaine d'années. Malgré son côté "histoire de bidasse" qui m'aurait rebutée a priori, j'ai été passionnée. Le temps a passé depuis la guerre d'Algérie, pour autant, j'ai vu passer encore assez peu de bons livres sur la question. A mon sens, celui-ci en est un. Entretien avec François Muratet:


    Aline