Critiques de livres
-
-
Bouillon de lecture mars 2023: les auteurs slaves
Bouillon lecture les auteurs slaves mars 23.pdf
-
Critique La cité des nuages et des oiseaux
La cité des nuages et des oiseaux Coup de cœur
Anthony Doerr
Ce roman captivant nous offre un voyage dans le temps et dans l’espace sur les traces d’un livre mythique disparu et retrouvé. Antoine Doerr rend un vibrant hommage à la lecture et au pouvoir salvateur des livres.
Le début peut dérouter par une alternance très rapide des personnages et des époques que rien ne semble relier mais je vous conseille vivement de persister dans la lecture car peu à peu le récit s’organise et on se laisse subjuguer par ce récit passionnant.
L’histoire gravite autour d’un codex qui aurait été écrit au 1er siècle de notre ère par un auteur grec Antoine Diogène. Ce texte fictif inspiré à l’auteur par « Les merveilles d’au-delà de Thulé » retrace les aventures extraordinaires du berger Aethon en quête d’une cité céleste utopique « La cité des nuages et des oiseaux » où un livre contient tous les savoirs.
Chaque folio de ce codex ouvre les 24 chapitres du livre, comme les 24 lettres de l'alphabet grec, en véritable fil d'Ariane.
Ce texte va traverser les âges, être perdu, retrouvé et perdu encore, pour influer sur les vies de tous. Il sera le texte découvert par Anna dans un monastère abandonné de Constantinople, le récit miraculeux qui sauvera Omeir et ses enfants, la bouleversante découverte qui redonne un sens à la vie de Zeno, la rédemption de Seymour et, enfin, la porte de sortie de Konstance.
Après plusieurs siècles d’oubli le codex est retrouvé à Constantinople par Anna, jeune fille curieuse et sensible, peu avant la chute de la ville en 1453. Elle a entendu, un jour, une singulière histoire, celle d'un homme parti à la guerre et dont l'odyssée a traversé les siècles, un certain Ulysse.
La curiosité la pousse à apprendre le grec auprès d’un vieux professeur, ce qui lui permettra de décrypter le manuscrit.Sa rencontre avec Omeir, jeune bouvier craint et rejeté par la société à cause de son bec de lièvre et enrôlé de force dans l’armée du sultan pour assiéger la cité, l’amènera aux confins de la Bulgarie avec son précieux trésor.
Le récit nous entraîne ensuite au XXème siècle à Lakeport dans l’Idaho. Là vit Zeno Ninis dont la vie a été changée le jour où il a poussé les portes de la bibliothèque. Jeune homme il part combattre en Corée en 1950. Arrêté, emprisonné, il fait connaissance de Rex qui lui transmet sa connaissance du grec et c’est pour lui une révélation. La découverte du codex de Diogène alors qu’il est déjà âgé, donne un nouveau sens à sa vie. Il le traduit et le met en scène avec 5 collégiens.
A Lakeport vit aussi Seymour, jeune garçon d’une immense sensibilité, pas tout à fait comme les autres. Il vit dans la précarité avec sa mère Bunny. Il s 'est trouvé un unique ami dans ce monde hostile, une chouette qu'il appelle Ami-Fidèle mais les convoitises des sociétés immobilières entraîneront sa disparition. Il se trouve alors un but, la défense de la nature quel que soit le prix.
Années 2070 : Konstance, une jeune fille de 14 ans, vit dans un vaisseau spatial appelé Argos fonçant vers la lointaine Beta Oph2 en compagnie de ses parents et de passagers triés sur le volet pour assurer la survie de l’humanité. Pour les guider, une intelligence artificielle appelée Sybil rassemble tout le savoir d'une humanité désormais au bord de l'extinction.Anthony Doerr entrecroise avec brio les époques et le destin de tous ces personnages et nous enchante par son talent de conteur.
Il nous transmet l’amour des livres qui lient les différentes générations et sauvent l'homme de l'ignorance et de la solitude. Son roman est aussi un plaidoyer écologique qui met en garde contre ce qui guette la Terre, ses habitants et leurs écrits. C’est aussi un formidable hommage aux aux bibliothécaires, ceux et celles d'aujourd'hui et d'hier, qui protègent et transmettent le savoir.
Annie Pin -
Critique Un profond sommeil de Tiffany Quay Tyson
Un profond sommeil Coup de cœur
Tiffany Quay Tyson
Du delta du Mississippi aux mangroves des Everglades, Tiffany Quay Tyson relate l'histoire tourmentée d'une famille qui fait écho à celle de toute une région, le sud des États-Unis, profondément marquée par le passé esclavagiste, la ségrégation, la pauvreté et la violence.
Par une chaude journée d’été, Willet, seize ans, Bert, quatorze ans et leur petite sœur Pansy, six ans, décident d'aller se baigner dans une carrière malgré l’interdiction de leur père. Willet décide subitement d’aller dans la forêt et confie Pansy à sa sœur, mais Bert ne résiste pas à la tentation d’aller cueillir des mûres. Juste un petit instant, mais, lorsqu’elle revient, Pansy a disparu. C’est d’autant plus inquiétant que l’endroit est considéré comme maudit, hanté par des esprits maléfiques et donc dangereux : une tragédie s’y est déroulée au temps de l’esclavage et il est marqué par une très grande souffrance.
Au moment du drame le père qui vit d’escroqueries était absent et il ne reviendra pas. La mère ne peut accepter la disparition de Pansy, petite fille pleine de vie et joyeuse ; elle sombre dans la dépression. Bert, la narratrice, et Willet sont livrés à eux mêmes et se démènent pour subsister tout en essayant de découvrir la vérité et de retrouver leur sœur car ils sont persuadés qu’elle est vivante.
Les relations entre la grand-mère paternelle, mamie Clem et sa belle fille étaient tendues et elle voyait peu ses petits enfants. Après le drame, elle recueille Bert. La jeune fille apprend à connaître cette grand-mère qui, grâce à sa très grande connaissance des plantes, aide les femmes à avorter ou à accoucher. Bert est confrontée à un monde dur et impitoyable. Elle découvre que « le monde n'était tendre envers personne, mais visiblement, les femmes souffraient davantage que les hommes. »Elle ne tarde pas à se rendre compte que bien des secrets lui sont cachés mais
sa grand-mère s’enferme dans le silence.
Elle et Willet ne renoncent pas à retrouver Pansy et leur quête les conduira en Floride dans les marais des Everglades, luxuriants et inhospitaliers.
Le récit alterne deux histoires familiales qui se répondent au fil des chapitres. Deux narrations qui vont se rejoindre et lever le voile sur les secrets accumulés.
Tiffany Quay Tyson met l’accent sur le vide, l’absence, la douleur de la perte mais aussi l’espoir qui anime Bert et Willet.
Elle excelle à nous faire ressentir l’ambiance oppressante des marais, la moiteur, la chaleur, les bruits, les odeurs de cette nature sauvage.
C’est un roman sombre, émouvant et prenant. Difficile de lâcher la lecture !
Je vous le recommande particulièrement.
Annie Pin
-
Critique Le monde après nous de Rumaan Alam
Rumaan Alam
Pas de super héros dans ce récit, pas de foule paniquée ni d’émeutes, pas d’effets spectaculaires, juste l’attente, l’ennui, le vide et pourtant ... l’Apocalypse arrive.
Tout commence bien pour ce couple de New-yorkais et ses deux enfants. Ils ont loué à Long Island une maison avec piscine et jacuzzi pour une semaine. La villa est luxueuse, isolée au milieu des bois où on peut apercevoir de temps en temps de magnifiques cerfs. C’est le paradis !
Clay est professeur et chroniqueur au New York Times. Amanda travaille dans la publicité. Chacun est un reflet banal de la société américaine moderne.
Leurs enfants Archie 16 ans et Rose 13 ans ont les mêmes préoccupations que tous les adolescents et sont accros à leur écran.
Les vacances commencent merveilleusement bien. Mais le deuxième soir, on sonne à la porte. Ils n’attendent personne bien sûr et tout de suite ont peur. Quand ils se décident à ouvrir, presque la batte à la main, ils découvrent un couple afro-américain âgé. Ce sont G. H. et Ruth Washington, qui se présentent comme les propriétaires. Mais peut-on leur faire confiance ? Comment être surs de leur identité et pourquoi sont-ils là ? Ils apprennent très vite la raison : New York est paralysé par une gigantesque coupure de courant. Tout s’est arrêté. La situation semble très grave. Pris de panique, ils ont préféré partir loin de la ville et la seule solution qui leur est apparue a été de se réfugier dans leur maison à Long Island. Clay et Amanda n’ont d’autres choix que de les accueillir.Une autre mauvaise surprise les attend : la télévision ne diffuse plus rien, et les téléphones ne captent plus Internet. Le Wi-Fi est en panne. Le drame pour Archie et Rose et l’isolement pour tous.
Ils s’organisent pour vivre ensemble dans la meilleure entente sans parvenir à occulter la terrible question. Que se passe-t-il ? Un ouragan, une attaque terroriste, une guerre nucléaire ?
Dépendant de l’information et, donc, de la communication en général, ils se retrouvent devant du vide et ne peuvent que se perdre en conjectures. À un certain degré, tout devient irréel, comme si le monde avait été brutalement mis en pause.
Un sentiment d’étrangeté grandit peu à peu. L’inquiétude rôde. Soudain, se produit comme une explosion, mais il ne s’agit pas d’une explosion. Ils appellent ça le Bruit. Après cela, le silence n’est plus pareil. La baie vitrée a une fêlure.Des évènements étranges se produisent, les cerfs migrent en masse, les flamands roses se posent dans la piscine et ont un comportement étrange ...
Les personnages ne savent pas ce qui se passe et seul le lecteur, par l’intermédiaire d’un narrateur omniscient qui vient s’immiscer dans le récit, connaît l’avenir.Rumaan Alam analyse avec minutie l’état psychologique des deux couples en se promenant dans leurs pensées.
Il ne se passe rien ou presque mais il fait ressentir la montée de la peur en face de l’inconnu, par petites touches, par la survenue de situations bizarres, inhabituelles et angoissantes.
Un bon livre qui reflète les préoccupations actuelles de toute une société.
Annie Pin
-
Critique Le Naufrage de Venise d'Isabelle Autissier
Le Naufrage de Venise
Isabelle Autissier
Dans ce nouveau roman, Isabelle Autissier (présidente de WWF de 2009 à 2020) tire une fois de plus la sonnette d’alarme en imaginant la destruction maintes fois prophétisée d’une ville hautement symbolique, Venise la Sérénissime.
Le récit s’ouvre sur la catastrophe tant redoutée. Sous l’effet conjugué d’une forte marée et d’une puissante tempête, la cité des Doges est réduite à l’état de décombres. Des milliers de tonnes de pierres jonchent le sol ; le palais des Doges, la basilique
St Marc, le Pont des Soupirs, la Douane de mer, les palais centenaires sont réduits à l’état de ruines. Le bilan humain est très lourd avec des centaines de morts, des blessés, des disparus.
Tous les voyants pourtant étaient au rouge mais aucune décision n’a été prise par les politiques qui ont préféré adopter une position bien confortable justifiant leur inactivité, celle de la confiance absolue dans le MOSE.
Mais le MOSE (Modulo Sperimentale Ellettromeccanico) a été défaillant…
Ce système plébiscité et présenté comme remède miracle par tous les partisans de l’expansion sans limites du tourisme, a été mis en service en 2020 après un temps de construction décuplé et un budget de 6 milliards d’euros dont 1 milliard disparu en détournements.
Il repose sur une technologie dénoncée par les défenseurs de l’environnement car néfaste à la survie de la lagune. Soixante dix huit portes gigantesques ancrées dans du béton massif sont immergées et réparties sur les 3 entrées de la lagune ; elles sont censés réguler le niveau des eaux. Mais elles contribuent à long terme à la destruction inévitable de Venise.
A l’aube du XXème siècle l’équilibre maintenu pendant des siècles par les habitants entre la lagune et la ville, la terre et la mer, a été rompu au profit de l’industrie et du gain.
Le pompage de la nappe phréatique à des fins industrielles dans les années 1950, l’assèchement des sols pour construire des zones portuaires et aéroportuaires, le creusement de profonds chenaux, l’arrivée des énormes bateaux de croisière, la venue de 30 millions de touristes par an, la hausse du niveau de la mer due au changement climatique, provoquent l’effondrement de Venise.
La famille Malégatti adopte 3 prises de position qui représentent le passé, le présent et l’avenir de Venise mais aussi et surtout les réactions de la population mondiale face aux changements majeurs actuels.
Guido, le père, est issu d’une famille paysanne pauvre ; il a de l’ambition et le sens des affaires ce qui lui a permis de s’enrichir rapidement en investissant dans l’immobilier, d’occuper une place enviée dans la cité et d’être promu conseiller municipal chargé des affaires économiques. C’est son domaine et, pour lui, seule compte la manne financière : un milliard et demi par an apportés par le tourisme,
ça ne se discute pas !!! Il faut continuer à investir, attirer une clientèle riche ; le MOSE est la réponse sûre et indiscutable aux problèmes de Venise.
Maria Alba, la mère, descendante d’une lignée aristocratique désargentée, dont les ancêtres ont occupé des postes prestigieux, s’enferme dans un passé idyllique et se complaît dans un statu quo contemplatif.
Elle veut incarner la stabilité, la continuité. Sa vie s’écoule dans le luxe, le raffinement, l’art de vivre. Elle ne veut voir ni les transformations de sa ville ni celles de sa famille et reste, la plupart du temps, sur sa terrasse, alanguie dans sa balancelle à contempler ses fleurs.
Leur fille Léa, étudiante en art, découvre à 17 ans l’autre face de Venise, la décrépitude, les pierres fissurés, les enduits détachés des façades. Elle éprouve tristesse, colère et honte. Elle se révolte, se radicalise, fréquente des universitaires et des activistes auteurs d'un manifeste documenté et accablant « Sauver Venise ». Elle devient une militante active opposée aux projets de son père.
Dans ce récit bien écrit et très documentée, Isabelle Autissier veut nous alerter sur le déni généralisé face à un changement majeur de nos conditions de vie sur terre.
Chacun, de l’homme de la rue au grand décideur, croit ou veut croire que l’avenir ne sera pas aussi catastrophique que le disent les scientifiques, ou que la dégradation n’arrivera pas si vite, ou qu’on trouvera des solutions, etc.
Elle expose les raisons objectives d'une catastrophe annoncée, les arguments d'une situation économique fragile nécessitant des décisions très courageuses et le rappel du passé historique et culturel d'une cité qui a rayonné sur l'Europe et le monde pendant des siècles, et qui continue à attirer et séduire.
Isabelle Autissier a écrit d’autres romans toujours passionnants et je vous recommande particulièrement « Soudain seuls» un récit palpitant et dramatique sur la survie de l’être humain dans un milieu hostile aux conditions extrêmes.
Bonne lecture !
Annie Pin
-
Critique Le Grand Monde de Pierre Lemaitre
Pierre Lemaître
Cette nouvelle fresque sur les Trente Glorieuses, est le premier tome d’une trilogie et succède à la saga sur les Années folles et l’après-Grande Guerre. Elle s’inscrit dans la verve des grands romans populaires tels que ceux de Balzac ou Dumas et tient le lecteur en haleine grâce à des personnages plus savoureux les uns que les autres, à des dialogues délectables, à des situations rocambolesques et succulentes, à une histoire passionnante.
Le récit se déroule de mars à novembre 1948 et fait revivre la période d’après guerre en France entre pénuries et rationnement, inflation galopante, manifestations ouvrières et répressions policières et le début du conflit en Indochine révélant le scandale du trafic des piastres dans une incroyable atmosphère de déliquescences, entre vapeurs d'opium, corruption et extension du conflit.
Nous suivons les péripéties de la famille Pelletier dont le père, Louis est un entrepreneur prospère à la tête d’une savonnerie réputée à Beyrouth. Il est fier de sa réussite et espérait que son fils aîné Jean lui succède. Mais celui-ci est loin d’avoir les qualités requises. Il n’éprouve ni passion, ni goût pour quoi que ce soit. Un physique peu avantageux lui a valu le surnom de Bouboule. Timide, maladroit, toujours angoissé, il a accumulé les erreurs pendant sa brève période de « patron ». Son père a du se résoudre à accepter la réalité. Jean ne serait pas son successeur et il ne pouvait compter sur ses autres enfants. Aucun n’ambitionne de reprendre son entreprise.
Tous veulent partir, loin de la présence paternelle et de la sollicitude pesante de leur mère Angèle.
François le premier a fui le cocon familial. Il veut devenir un journaliste renommé et a pris comme prétexte de se présenter à l’École Normale Supérieure, pour s’installer dans la capitale.
Quelques mois après Jean annonce qu’il quitte Beyrouth pour Paris avec son épouse Geneviève, une abominable mégère.
Ensuite ce sera Étienne, qui s'est mis en tête de partir à Saïgon pour retrouver Raymond dont il est épris ; celui-ci engagé aux côtés de l'armée française dans la guérilla contre le Viêtminh a cessé de donner de ses nouvelles.
Hélène très proche de son frère Étienne vit douloureusement son départ. Elle ne supporte pas sa solitude et reporte sur ses parents sa colère et sa hargne. Pour elle aussi la seule échappatoire c’est partir.
Ce récit foisonnant se construit autour de deux enquêtes parallèles qui tiennent en haleine.
L’enquête criminelle à Paris porte sur une série de meurtres sauvages et inexpliqués.
François spécialiste des faits divers au « Journal du Soir » s’empare de cette l'affaire aux multiples rebondissements, la monte en épingle, trouve les titres percutants pour attirer les lecteurs, et en utilise tous les ressorts pour se mettre en avant et obtenir le poste qu’il ambitionne.
La deuxième enquête se passe à Saïgon. Étienne se heurte à la loi du silence.
Son emploi à l’Agence des monnaies et sa quête de la vérité sur le sort de Raymond nous plonge dans un monde miné par la corruption liée à la parité du piastre et du franc, un moyen de s’enrichir sans scrupule aux dépens des contribuables français, un scandale politico-financier qu’il ne faut surtout pas dévoiler, au risque d’y perdre la vie.
Cette saga familiale animée d’un puissant souffle romanesque tient le lecteur en haleine et un rebondissement inattendu crée un lien avec les romans précédents.
Pierre Lemaître nous entraîne dans un tourbillon. Le récit est vif, rythmé et on se laisse emporter par cette lecture fluide et facile en compagnie de personnages attachants ou détestables.
Je vous recommande vivement ce roman et j’attends la suite avec impatience !
Annie Pin
-
Entrez dans l'histoire avec Jean Teulé et Eric Vuillard
Rencontre du "Bouillon de lecture" à la bibliothèque de Saint Laurent d'Agny le 7 avril 2022.
Une sortie honorable
Eric Vuillard
Actes Sud, 2022Récit : la guerre d’Indochine qui a duré de 1946 à 1954 et qui s’est poursuivie en guerre du Vietnam jusqu’en 1975. Une logique de désastre, la sortie de la colonisation, avec le portrait et la critique d’une classe dirigeante, de l’armée de la banque. Très beau texte, bien écrit, pas de concession, ni de cadeau, pas de détail superflu.
La guerre des pauvres
Eric Vuillard
Actes Sud, 2020 Actes SudRécit : 1524, les pauvres se soulèvent dans le sud de l’Allemagne, l’insurrection se propage rapidement en Suisse et en Alsace. Un personnage se détache, Thomas Munster, prédicateur religieux, aidé par l’imprimerie qui divulgue ses écrits il dérange les puissants et terminera sur le gibet.
L’ordre du jour
Eric Vuillard
Actes Sud, 2017
Prix Goncourt 2017Récit : Le livre commence par la réunion secrète des 24 puissants patrons allemands le 20 février 1933, convoqués par Goering et Hitler pour financer la campagne du parti nazi, et ils s’exécutent. Tous profiteront de la suite des évènements pour s’enrichir et financeront à l’avenir, d’autres partis. L’auteur se faufile dans les coulisses de l’histoire pour décrire l’envers du décor, les personnages et les évènements avec une précision et une puissance remarquables.
14 Juillet
Eric Vuillard
Actes Sud, 2016La prise de la Bastille, décrite par ceux qui y étaient. Un récit ardent et pittoresque, décrivant les petites gens (noms, métiers), qui convergent vers la forteresse dans les rues de Paris.
La bataille d’occident
Eric Vuillard
Actes Sud, 2012La "Grande guerre" de 14-18, récit à partir d’évènements réels et imaginaires. Une observation des dirigeants toujours critique et dénonçant les aberrations.
Azincourt par temps de pluie
Jean Teulé
Mialet Barrault, 2022La bataille perdue du 5 octobre 1415. Six mille soldats anglais en train de rentrer chez eux se retrouvent pris au piège des français en surnombre, bottés, cuirassés armés jusqu’aux dents. L’aristocratie française se précipite pour participer à la curée. Aucun n’en sortira vivant, 3 jours de tuerie sanglante, sous une pluie battante, où l’armée française se fait massacrer pour rien. Jean Teulé nous raconte cet épisode désastreux. Avec sa verve et son sens du détail habituels.
Entrez dans la danse
Jean Teulé
2018Strasbourg le12/7/1518, une étrange épidémie, jette dans la rue 2000 personnes qui se mettent à danser jusqu’à l’épuisement et à la mort. En pleine famine, les pauvres deviennent fous et se lancent dans cette danse infernale que les autorités municipales ne peuvent enrayer. Un fait historique sorti de l’oubli, qui s’est répété dans d’autres sites, Allemagne, Madagascar.
Fleur de tonnerre
Jean Teulé
Julliard, 2013Biographie romancée d’une tueuse en série française, Hélène Jagado, une enfant adorable, une fille charmante, une femme dévouée, qui tue tous ceux qui croisent son chemin, enfants, hommes, femmes, jeunes, vieux et qui finira guillotinée le 6 février 1852 à Rennes.
Charly 9
Jean Teulé
Julliard, 2011Un roi de France calamiteux
Mangez-le si vous voulez
Jean Teulé
Julliard, 2009Un jeune aristocrate, Alain de Moneys, soupçonné à tort d’espionnage, est lynché, brulé et mangé par les gens de son village. Excessif et hyper réaliste, le récit part toujours de faits réels.
Le Montespan
Jean Teulé
Julliard, 2008Au temps du roi soleil, l’histoire du marquis qui refuse que son épouse devienne la favorite.
Prochaines rencontres dans les bibliothèques de la Copamo :
- Chassagny le 9 mai 2022
thème : arbres, forêt, nature
- Orliénas le 9 juin 2022
coups de cœur -
Virginie Despentes
Vernon Subutex, tome 3/3
Virginie DESPENTES
Grasset, 2017, 19€90, 400 p.Dernier tome de la trilogie. Pour ceux qui n’ont pas lu les précédents, l’autrice représente tous les personnages. C'est la fin du parcours de Vernon Subutex, un ancien disquaire qui a perdu son commerce à la suite de la crise du disque et fait appel à ses nombreux amis qui l’hébergent et l’aident. Ils se retrouvent au parc des Buttes Chaumont dans le 19ème à Paris. Personnages marginaux qui gravitent autour de Vernon qui représente une sorte de gourou, ils viennent l’écouter lors de ses transes appelées « convergences » avec la musique rock, sorte de messe, nouvelle religion.
L’étude des personnages est intéressante, le style est « épais », original, il faut « rentrer dedans ». Le personnage de Vernon Subutex est extraordinaire, dérangeant, la fin est assez apocalyptique et laisse le lecteur pantois, tout s’accélère dans le temps et l’espace vers le chaos.
-
Auteurs Haïtiens
En janvier, ce sont les auteurs Haïtiens qui nous ont réunis.
Jacques ROUMAIN (1907-1944)
Né à Port-au-Prince dans une famille cultivée et très politisée, il étudie dans plusieurs pays d’Europe, puis revient en Haïti en 1927. Cofondateur de La Revue Indigène (poésie et nouvelles), très actif dans la lutte contre l'occupation américaine d'Haïti, il fonde en 1934 le Parti communiste haïtien. En raison de ses activités politiques, il est régulièrement arrêté et exilé. Après le changement de gouvernement à Haïti, il est autorisé à revenir dans son pays natal. Il fonde le bureau d'Ethnologie de la République d'Haïti et en prend la direction, tout en enseignant l'archéologie précolombienne et l'anthropologie préhistorique à l'Institut d'Ethnologie. En 1941, le président Élie Lescot l'investit d'une charge de diplomate à Mexico.Gouverneurs de la rosée
Publié dans l’Humanité en 1947, adapté au théâtre.
Le temps des cerises (2000), Zulma (2013)Vie des habitants de Fontrouge dans les années 1940. La commune est dévastée par la sécheresse et la déforestation. Un jeune homme, parti 15 ans travailler à la canne à sucre, ne reconnait plus son village en rentrant. Suite à un partage foncier, les rivalités font rage. De Cuba, il ramène ses pratiques collectives et agricoles, et essaie de restaurer l’harmonie. En parallèle, une histoire d’amour. "Leçon de dignité humaine et chant d’amour au peuple haïtien" J. Stephen Alexi
FRANCKETIENNE (1936- )
Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d'Argent, dit Frankétienne. En 1962, au début de l'ère Duvalier, Frankétienne fréquente le groupe Haïti littéraire. La situation politique devient intenable pour les intellectuels, dont beaucoup quittent le pays pour le Canada, la France ou l'Afrique. Franketienne décide de rester en Haïti pour écrire et pour lutter. Chacune de ses œuvres est ancrée dans l'histoire contemporaine haïtienne. Ministre de la Culture sous la présidence de Leslie F. Manigat, il est fait Commandeur des Arts et des Lettres en juin 2010. Poète, dramaturge, peintre, musicien, chanteur et romancier en créole comme en Français, il reçoit en 2021 le Grand prix de la francophonie, décerné par l’Académie française.Mûr à crever, 1968
Dans une Haïti de cauchemar, entre envahisseurs américains et régime de terreur de Duvalier, où des hommes désespérés préfèrent se jeter dans une mer grouillant de requins plutôt que de retourner à l'enfer quotidien, deux hommes se croisent, se sauvent, se retrouvent après s'être perdus : Raynand l'activiste et Paulin l'écrivain. L’ensemble du livre est très dur, morbide, malgré quelques lignes lumineuses et une écriture poétique.
« Pourtant à chaque aube, une brise nouvelle refait la coiffure des plantes ».Yanick LAHENS (1953- )
Yanick Lahens grandit à Port-au-Prince au sein d’une famille élargie, cohabitant avec son arrière-grand-mère et sa grand-mère. La transmission de la culture traditionnelle haïtienne est un élément central de son éducation familiale, et de son œuvre. Elle fait des études de lettres à Paris, avant de s’installer en Haïti, où elle s’engage contre l’illettrisme.La couleur de l’aube
Ed. S. Wespieser, 2008Deux femmes ne voient pas revenir leur frère. Elles le cherchent pendant des jours : la rue, les bruits, la peur… et beaucoup d’énergie pour se faufiler entre les difficultés et enquêter.
Bain de lune
Ed. S. Wespieser, 2014
Prix FeminaRoman familial sur trois générations de paysans/pêcheurs d’Anse Bleue. Au village, assez éloigné de Port-au-Prince, les traditions vaudou perdurent malgré la présence tolérée des prêtres. Entre la famille Lafleur « porteurs de points puissants » (prêtres vaudou) et les Mésidor, grands propriétaires ayant accaparé les terres alentours, les relations sont tendues. Ce qui n’empêche pas Tertulien Mésidor de se mettre en ménage avec la jeune et belle Olmène. La violence est omniprésente : ouragans, meurtres, droit de cuissage, esprits vaudou et combats politiques, avec l’arrivée du « petit docteur au chapeau noir » (Papa Doc) et les exactions des milices.
Le récit est haut en couleurs, avec ses scènes de marché ou de festivités villageoises. Les expressions créoles ajoutent à son charme… et à sa complexité. Aux personnages multiples vient s’ajouter la complainte d’une femme martyrisée échouée sur une plage qui ponctue le récit.Douces déroutes
Ed. S. Wespieser, 2018Le roman débute par une lettre écrite par un juge à sa femme. Il sait que sa vie est en danger, pour avoir voulu garder son intégrité face à la corruption d’Haïti. Après sa mort, Brune sa fille, et Pierre son beau-frère, essaient de comprendre ce qui s’est passé. A la suite d’une dizaine de personnages forts, Yanick Lahens nous entraîne dans les entrailles de Port-au-Prince, dont elle sait si bien faire vivre l’ambiance. L’écriture est assez incisive… et la violence n’est pas qu’en Haïti.
Lyonel TROUILLOT (1956- )
Né à Port-au-Prince dans une famille d’avocats, Lyonel Trouillot fait des études de droit, mais sa passion pour la littérature le pousse vers une carrière d'écrivain. Il collabore à différents journaux et revues d'Haïti, publie beaucoup de poèmes, écrit des textes de chansons. Dans ses romans, il aborde le registre de l'intimité et du sentimental tout en confirmant son engagement social.
Il se bat également au service de la démocratie de son pays et de la résistance face à une dictature oppressante, comme en témoigne le roman Bicentenaire, paru en 2004.L’amour avant que j’oublie
Actes Sud, 2007Un écrivain, submergé par l’envie de parler à une inconnu, s’adresse tantôt à cette femme, tantôt à ses amis. Méditation sur la nécessité de réconcilier nos vies avec les mots.
Yanvalou pour Charlie
Actes Sud, 2009, Prix WeplerNé dans un village très pauvre, Mathurin veut devenir avocat. A Port-au-Prince, il a tout renié pour avancer socialement. Charlie ranime en lui le souvenir de l’enfance.
Très belle écriture poétique, pour ce roman qui évoque la misère, et la capacité à survivre, à se défendre.Louis-Philippe DALEMBERT (1962- )
Fils d’instituteurs, L.-P. Dalembert a grandi dans un quartier populaire de Port-au-Prince. De formation littéraire et journalistique, il travaille comme journaliste dans son pays natal avant de partir en 1986 en France poursuivre des études de littérature et de journalisme. Il a enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis et en Europe. Les traces de ce vagabondage sont visibles dans son œuvre qui met souvent en dialogue plusieurs lieux.Les Dieux voyagent la nuit
Ed. du Rocher, 2006L’auteur parle de son enfance. A "Port-aux-Crasses", sa mère chrétienne rejetait le vaudou, ce qui ne faisait qu’exacerber son envie de découvrir les cérémonies traditionnelles. Il accompagnait sa grand-mère. Au rythme des tambours vaudou, les Dieux vagabonds ramènent les morts à la Guinée des origines.
Avant que les ombres s’effacent
Ed. S. Wespieser, 2017Histoire de Ruben Schwarzberg, juif polonais. Une bonne partie de la famille a réussi à fuir, qui à New-York, qui en Palestine. Lui est envoyé à Buchenwald, dont il pourra sortir en 1938 grâce au décret Haïtien permettant de naturaliser les Juifs et de leur conférer la citoyenneté. Recueilli par la communauté haïtienne, devenu médecin, il vivra à Haïti.
Ce récit assez incroyable est inspiré d’une histoire vraie. Facile à lire, bien écrit et positif, c’est un très beau livre, récompensé par le Prix Orange du Livre, et le Prix France-Bleu-Page des libraires.Mur Méditerranée
Ed. S.Wespieser, 2021Ne parle pas d’Haïti, mais dresse le portrait de femmes migrantes. Récits d’exil et condition humaine.