L'albatros
L’Albatros
Nicolas HOUGUET
Stock (Littérature générale), 2019, 224 p., 17.50€
Mardi 20 octobre 2015, la foule se presse pour le concert de Patti Smith à l’Olympia. Nicolas Houguet, maladroit, empêché, est "absurdement placé, comme toujours, au-dessus de la table de mixage". Pourtant, dès l’entrée en scène de Patti, soixante-huit ans, la puissance des sorcières, le regard sauvage, la magie opère.
"La dame s’avance. Altière. Et paradoxalement très simple. En costume sombre que ne vient rehausser qu’une chemise claire sous le gilet et la veste. La chevelure blanche… Les mains de Patti Smith qui s’élèvent, s’écartent au-dessus d’elle comme des bannières longilignes et diaphanes… D’une humanité et d’un charisme de chaque geste, alternant les sourires et l’emphase. Jusque dans son maintien."
Au fil du concert, et de l’intégralité du premier album Horses, chaque chanson évoque des souvenirs d’enfance, le soutien familial inconditionnel, des émotions, des réflexions sur la façon dont l’auteur ressent son handicap, et ses relations à l’art et au monde. Chez Patti Smith, Nicolas retrouve toutes ses références poétiques et artistiques, de Rimbaud à Baudelaire et Jim Morisson. L’art qui permet d’échapper à son enveloppe corporelle, la folie cathartique du concert. "Les albatros rentrés maladroits dans cette salle ce soir-là ont pu grâce à Patti Smith regagner le sublime."
Beau témoignage, un peu exalté, c’est un livre à déguster, à poser, à reprendre, en s’arrêtant sur les phrases « justes » qui résonnent en soi. (Chez moi, il a fini en forêt de marque-pages). Toute une vie dans un concert de Patti Smith.
Aline
"On est du souffle divin.
Et tout ça danse en mouvements désarticulés. Comme des émotions qui s’incarnent dans des gestes maladroits.
Si j’ai appris à aimer mon corps, et mon handicap, c’est qu’il en est l’illustration parfaite. Qu’il ne cache rien de mes émotions. Qu’il les dévoile comme des secrets qui se trahissent dans des contractions. C’est très beau quand votre corps exagère votre vérité. Il vous pousse à l’épouser comme une harmonie. Il vous envoie des messages. J’ai mis beaucoup de temps à apprécier cette mélodie curieuse, à y entendre un accord étrange, mélancolique et dissonant. Mais pas dénué de grâce. Je suis en la mineur. Un morceau d’Arvo Pärt." (p. 116)
La bande son : Jim Morisson
Patti Smith (Horses),
Arvo Pärt et ses très beaux morceaux minimalistes pour piano et violoncelle (Für Alina, Spiegel im Spiegel, Tabula Rasa...)