Pour commencer, une petite polémique sur l’utilisation du joual, présent dans les dialogues de plusieurs auteurs, à commencer par Michel Tremblay. Ce parler fleuri de nos cousins francophones d’outre-Atlantique gêne quelques lectrices, qui le trouvent trop familier pour être présent en littérature. Mais la plupart trouvent qu’il ajoute au charme du texte, lui apportant authenticité et fraîcheur. Oui, cela représente parfois un défi pour « nous autres » français de France, de retrouver la signification d’un mot vieilli autrement que chez nous, ou d’un mot anglais francisé, ou une tournure de phrase à la grammaire étrange. Mais quelle musicalité dans ces dialogues qui font chanter la langue française, et quel meilleur moyen se rapprocher de personnages dont c’est réellement la parlure ?!
Le club des miracles relatifs (2016)
Nancy Huston (1953- )
Science-fiction : dans un monde hostile aux faibles, aux « différents », nait un enfant surdoué, inquiet. Il part à la recherche de son père, parti dans l'Ouest faute de droits de pêche. Est-ce un message écologique ? De nombreux flashbacks rendent la lecture difficile. L’écriture est bizarre dans la mise en page, se veut poétique ? Pas inoubliable.
Par contre, lire absolument Lignes de faille, prix Femina 2006 ! L’histoire va de 2004 à 1944, Ukrainiens, Juifs, Lebensraum, de Haifa à Toronto et New York… en remontant une lignée. Tous les lecteurs du Bouillon l'ont trouvé remarquable ! Plus discutés, voir aussi sur ce blog, Infrarouge (2010) et Danse noire (2013).
Le cahier noir (2003)
Michel Tremblay (1942- )
Dans la série des trois cahiers de Céline, le noir est le premier. Les faits relatés se passent à Montréal, en 1966. Le récit est émaillé d’expressions québécoises. Céline Poulin, 20 ans, travaille comme serveuse dans une brasserie du quartier populaire. Parce qu’elle est naine, elle est rejetée par sa famille, et surtout par sa mère alcoolique, alors que c’est une boule d’énergie, attirée par le théâtre pour être comme les autres. Parallèle entre la tragédie grecque et l’histoire de Céline, femme différente, qui doit se battre plus que les autres. Très dense, parfois comique, le plus souvent tragique.
Bonheur d’occasion (1945)
Gabrielle Roy (1909-1983)
Premier roman de cet auteur classique franco-canadien, qui lui a valu une grande notoriété, (Prix Femina en 1947), Bonheur d’occasion s’attache au quotidien et à la misère des petites gens du quartier de Saint Henri à Montréal en 1940, alors que la ville souffre encore des conséquences de la grande dépression.

Gabrielle Roy et les enfants du quartier Saint Henri, par Conrad Poirier https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=34366565
Le bruit des choses vivantes (1991)
Elise Turcotte (1957- )
Premier roman de l’auteur après plusieurs recueils de poésie. Une très belle histoire à l’écriture poétique –quoique pas très facile d’accès- qui raconte le lien fusionnel entre une jeune mère séparée et sa fillette de 3-4 ans. C’est presque un huis clos, durant un an, le temps d’une reconstruction, le regard intérieur de cette jeune femme, allant vers une ouverture sur le monde qui l’entoure.
Va savoir (1994)
Réjean Ducharme (1941- )
Tandis que sa femme (Mamie) s’évite en courant le monde, Rémi Vavasseur s’échine à retaper une vieille maison dans l’espoir –assez mince- qu’elle l’y rejoindra. On trouve aussi dans ce récit : les rapports aux voisins, l’entraide, la relation avec une enfant qui lui rend visite. L’écriture de Réjean Ducharme est particulière, pleine de jeux sur les mots et la syntaxe.
Un petit pas pour l’homme (2012)
Stéphane Dompierre (1970- )
Daniel a 30 ans, et vient juste de larguer sa copine pour entamer une vie libérée de célibataire. Ce petit roman plein d’humour détaille les étapes classiques par lesquelles il passe : phase 1 : ce soir je baise / phase 2 : je ne veux plus voir personne / phase 3 : appelez-moi quelqu'un / phase 4 : on est bien, tout seul / phase 5 : j'suis amoureux. Humour masculin léger… cachant une réelle remise en question.
La petite et le vieux (2010)
Marie-Renée Lavoie (1974- )
A 8 ans, Hélène se fait appeler Joe, parce qu’elle voudrait, comme un garçon accomplir des exploits.
En attendant, elle se contente d’aider discrètement ses parents en gagnant quelques sous avec la distribution des journaux, et se lie d’amitié avec un vieux voisin au bout du rouleau. Avec un regard frais et tendre d’enfant qui découvre la vie, l’auteur nous parle de la réalité des adultes pas toujours bien rose, dans la société des années 1980 dans un quartier un peu miteux de Québec. Un récit tendre, généreux et attachant, aux accents québequois savoureux.
Un dimanche à la piscine à Kigali (2000)
Gil Courtemanche (1943-2011)
Journaliste et scénariste québequois en Afrique, l’auteur a signé de nombreux documentaires sur le tiers monde. Publié en 2000, l'histoire raconte une relation amoureuse entre un Canadien expatrié d'un certain âge et une jeune Rwandaise à Kigali, la capitale du Rwanda. Toute l'intrigue est construite autour du génocide rwandais de 1994, et de l'épidémie de SIDA. En 2006, le roman a été adapté au cinéma par Robert Favreau « Un dimanche à Kigali ».
La tournée d’automne (1993)
Jacques Poulin (1937- )
Le chauffeur du bibliobus, acceptant mal de vieillir, a décidé que cette tournée d’automne serait sa dernière. Mais sa rencontre avec Marie, la cinquantaine, régisseur d’une petite tournée d’artistes, change la donne. On a envie de les suivre dans les villages entre Québec et la côte nord du Saint Laurent. Pudique et intimiste, un roman plein de douceur.
Voir aussi Catherine Mavrikakis (1961- ), Samuel Archibald (1978- ), et les critiques de livres de Patrick Sénécal (1967- ), Monique Proulx (1952- ), Jocelyne Saucier (1948- ), et Marie Laberge (1950- )…