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chamanisme

  • Croire aux fauves

    roman

     

    Croire aux fauves

    Nastassja MARTIN

    Verticales, 2019, 152 p., 12€50

     

    Nastassja Martin est anthropologue, spécialiste des populations arctiques. Après avoir vécu plusieurs années avec les indiens Gwich’in, elle a publié une thèse remarquée Les Âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska. A leur contact, elle acquiert un ressenti différent avec l’environnement ; elle explore les zones imprécises où l’humain et le non humain dialoguent, mondes de l’animisme, du chamanisme, que la pensée rationnelle peine à cerner.

    En 2015 elle est dans la région de Kamtchatka en Sibérie. C’est là que se trouvent le centre d’entraînement et la base secrète de l’armée russe. Mais c’est aussi la terre millénaire des Evènes, peuplade -avec celles des Koriaks et des Itelmènes- dont les hommes sont enrôlés par l’armée russe parce que, sans rennes et sans forêts, ils ne peuvent vivre. Cependant certains, après l’effondrement du bloc communiste, ont choisi une autre vie loin des villages, loin des touristes, loin de l’État ; c’est avec ces familles et plus précisément celle de Daria, qu’elle a noué d’étroites relations.

    Elle programme une expédition pour gravir le plus haut volcan du Kamtchatka. Nikolaï et Lanna l’accompagnent, mais à un certain moment elle leur fausse compagnie car elle éprouve le besoin d’être seule et dans le silence. Soudain, elle se trouve face à un ours et c’est l’attaque, un corps à corps brutal et violent : il mord et arrache une partie de sa mâchoire et l’un de ses zygomatiques, il fracture une pommette, il la griffe à la jambe. Pour se défendre, elle le frappe avec son piolet ; l’ours blessé ne la tue pas, il s’enfuit.

    L’auteur raconte ce cauchemar, les hospitalisations très éprouvantes aussi bien en Russie qu’en France et les opérations successives pour reconstruire son visage. Mais elle va beaucoup plus loin dans l’analyse et dans les questionnements que suscite cette confrontation soudaine et violente. Elle a le sentiment de porter en elle et pour toujours la trace de l’ours. En croisant son regard, elle a lu dans ses yeux une familiarité et une étrangeté aussi effarantes qu’attachantes. Sans aller jusqu’à se croire devenue à moitié ours, ce que pensent les Evènes, elle est certaine d’avoir partagé avec le fauve un vertige, un instant d’intelligence et de vérité qui les lie l’un à l’autre.

    Elle relate des faits troublants, dérangeants pour notre esprit cartésien. Ainsi, quelques jours avant son départ pour le volcan, elle a une forte fièvre et est soignée par Andrei ; il lui parle des esprits des animaux et lui remet une griffe comme protection pendant sa marche, tout en la mettant en garde contre l’esprit de l’ours qui la suit, l’attend et la connaît. Également, le jour de l’attaque, Yvan le fils de Daria perd connaissance. Lorsqu’il recouvre ses esprits, il affirme qu’il est arrivé quelque chose à Nastia. Loin de tout, sans aucune possibilité de communication, il prend son bateau, se rend dans un village à 100 km où il apprend le terrible accident dont elle est victime.

    Cette rencontre terrible avec l’ours et le fait qu’il lui ait laissé la vie sauve suscitent chez elle de nombreuses questions et l’amènent à un cheminement intérieur ; elle verra dans cet évènement non une destruction mais une renaissance. Ce récit met également en lumière l’équilibre qui doit animer, idéalement, tout anthropologue, entre l’altérité extérieure et la réflexion intérieure, entre l’enthousiasme et la distance, afin de ne pas se laisser fasciner par le «terrain» au risque de s’y perdre.

    Annie

  • Princesse Bari

    corée,immigration,chamanismeItinéraire d’une jeune Nord-Coréenne, 7ème fille de sa famille, depuis son village natal jusqu’à un Londres clandestin.

    Non désirée, Bari est abandonnée à la naissance, mais devient pourtant la petite fille préférée de sa grand-mère, reliée à elle par un don commun de chamanisme. A la fin des années 1990, sa famille est contrainte de fuir le régime coréen, dispersée et poussée toujours plus loin par la famine. Les qualités de voyante de Bari l’aident à surmonter la perte des siens et à exceller dans sa profession de masseuse, que ce soit en Chine ou en Angleterre après une terrible traversée cachée par les "passeurs de serpents" à fond de cale d'un cargo.

      

    Le récit intègre beaucoup de rêves et de sensations chamaniques, Bari est orientée et conseillée par l’esprit de son chien et de sa grand-mère. Elle comprend ses patients avec l’aide de fantômes de leur passé. Ce qui nous choquerait dans un roman occidental semble ici naturel, lié aux croyances asiatiques et au personnage de Bari.

    L’auteur a su rendre l’universalité de la souffrance, des forces qui poussent les populations à émigrer, la bestialité des trafics de migrants, la volonté humble d’intégration dans un nouveau pays. Au contact de toutes les personnes qu’elle rencontre, de la Chine au Londres multiethnique, Bari apprend la tolérance et se forme une idée  globale et harmonieuse d’une spiritualité qui englobe toutes les religions. Soutenue par la légende de la Princesse Bari que lui racontait sa grand-mère, elle progresse dans la recherche de l’acceptation, du pardon et de l’harmonie.

    L’une de mes premières lectures coréennes, qui m’encourage à continuer.

    Princesse Bari

    HWANG Sok-Yong, éd. P. Picquier, 2013 , 19 €

    Traduit du Coréen