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condition féminine

  • Ce qu'elles disent

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    Ce qu’elles disent

    Miriam TOEWS

    Buchet-Chastel, 2019, 224 p., 19€

     

    Entre 2005 et 2009, les filles et les femmes de la communauté de Molotschna ont presque toutes été violées –par des fantômes ou par Satan, croyait-on, à cause de péchés qu’elles auraient commis. Pendant que les familles dormaient, les filles et les femmes étaient plongées dans un profond sommeil au moyen d’un anesthésiant en pulvérisateur, utilisé pour les animaux de ferme. A leur réveil, elles avaient mal partout, elles étaient groggy, saignaient, sans savoir pourquoi. Récemment, on a appris que les huit démons responsables de ces attaques étaient des hommes en chair et en os, dont plusieurs étaient des proches parents de ces femmes…

    Molotschna maintient elle-même l’ordre dans ses rangs... Tous les hommes  sont partis en ville afin de payer la caution des agresseurs emprisonnés. Au retour des coupables, on invitera les femmes à leur accorder leur pardon, ce qui aura pour effet d’assurer à chacun et chacune une place au paradis. En cas de refus, les femmes seront contraintes de quitter la colonie pour le monde extérieur, dont elles ne savent rien.

    Les femmes disposent de deux jours seulement pour décider collectivement de ce qu’elles feront. 1) Ne rien faire, 2) Rester et se battre, 3) Partir. Quelques-unes ont voté pour ne rien faire et se remettre entre les mains du Seigneur. Cependant comme le temps presse, elles ont confié à une assemblée clandestine de 8 femmes le soin de débattre de chacune des options, de retenir la meilleure et de déterminer les modalités de sa mise en œuvre.

    Communauté mennonite sectaire, Molotschna est dirigée par Peters, « évêque » qui détient une autorité à la fois religieuse, morale et temporelle. Seuls les hommes peuvent apprendre des rudiments de lecture, et ils dominent les femmes, traitées moins bien que leurs animaux.

    Le roman reprend les deux jours de discussion des 8 femmes chargées de déterminer la conduite du groupe. Le narrateur, August Epp -intellectuel maintenu en marge de la communauté- est témoin de leurs délibérations et chargé d’en dresser le procès-verbal. Désemparées, acculées pour leur survie et celle de leurs enfants, elles disputent des points de religion et de morale, essayant de louvoyer entre tous les péchés qu’engendrerait leur désobéissance.

    Lecture dérangeante, parce que les faits reprochés aux hommes sont d’une extrême violence, mais passionnante pour l’étude de ces femmes  qui tentent de s’affranchir d'un joug patriarcal oppressant. Tout juste bonnes aux travaux de maison, de ferme, et à enfanter, privées de droits et d’éducation, ignorantes du monde, parlant un dialecte de « plautdietsch » (bas-allemand incompréhensible en dehors de leur colonie), elles se révèlent fortes, capables d’argumenter, de prioriser leurs valeurs, de chercher une solution respectueuse de leurs croyances et de leur pacifisme.

    L’auteur décrit avec tendresse ses personnages, leurs petites manies, leurs affections, leur caractère… et s’attache tout particulièrement à ceux qui vont à l’encontre du système patriarcal : August Epp, homme perçu comme faible, et Ona Friesen, femme indépendante et courageuse.

    Bien qu’ayant situé son récit dans un pays anglophone, l’auteur indique s’être inspirée de faits réels, survenus dans une communauté mennonite isolée de Bolivie. Je n’ai pas pu me détacher de ce roman bouleversant avant la dernière page.

    Aline

  • Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique

    Le club des veuves.gifLe club des veuves qui aimaient la littérature érotique

    Balli Kaur Jaswal

    Belfond, 2018, 347 p., 21€

    Traduit par Guillaume-Jean Milan

    Au tableau d'affichage du temple, à côté des petites annonces matrimoniales, Nikki trouve une offre d'emploi qui pourrait la sortir de son travail de barmaid : "Association sikhe recherche animatrice pour atelier d'écriture réservé aux femmes."  Mais alors qu'elle pensait animer un atelier d'écriture créative, elle se retrouve face à un public d'Indiennes de tous âges, presque toutes analphabètes.

    Veuves pour la plupart, elles révèlent rapidement une imagination fertile. La formation tourne à l'échange d'histoires salaces, mais sert aussi de révélateur de la condition des femmes de la communauté Sikh et de leurs aspirations. Aspirations combattues activement par les fondamentalistes !

    Roman qui traite du sujet de la religion sikhe, du communautarisme, de l'intégration. Tout en étant très drôle, frais et original. Certaines histoires de veuves laisseraient monsieur Christian Grey pantois !

    Pascale et Aline

     

  • Les filles au lion

    Les filles au lion.gifLes filles au lion

    Jessie  BURTON

    Gallimard (Du monde entier), 2017, 496 p., 22.50€

    Traduit de The Muse par Jean Esch

    1936, Olive, passionnée de peinture, sait que ses espoirs d’être reconnue en tant qu’artiste sont illusoires. Dans le monde des marchands d’art dont fait partie son père Harold, le talent ne peut être que masculin ! Sa rencontre avec Isaac, peintre et militant communiste en Andalousie tandis que la guerre d’Espagne s’annonce, bouleverse sa vie.

    1967, Odelle, originaire des Caraïbes, ambitionne de faire sa place à Londres comme écrivain. En attendant, elle est vendeuse de chaussures, puis travaille comme dactylo dans une galerie de peinture. Là,  elle fait connaissance avec le sympathique Laurie, venu faire expertiser une toile d’origine mystérieuse.

    Au centre de l’histoire, un tableau fascinant, longtemps disparu, l’énigme de sa création et de sa transmission…

    Après l’imagination et les qualités d’écriture dont elle avait fait preuve dans Miniaturiste, la jeune auteure anglaise nous revient avec un deuxième roman situé dans un double contexte historique, ambitieux récit d’imposture et étude de personnages féminins.

    Autant que le rapport à l’art et à la création, c’est la place laissée aux femmes –qui plus est aux femmes d’origines minoritaires- dans la société et dans le monde de l’art qui est explorée dans ce roman. Faut-il suivre le modèle dominant ? L’amour doit-il primer sur toute autre considération ? Comment se réaliser et faire coexister des aspirations artistiques et sentimentales ?... Dans un récit agréable, Jessie Burton offre au lecteur les choix de femmes remarquables, marquées par leur époque.

    Aline

  • Big easy

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    Big easy

    Ruta Sepetys

    Gallimard jeunesse, 2016, 454 p., 8.15

    Traduit de l'anglais par Bee Formentelli

     

    Josie, dit "Jo", est née en 1933 à la Nouvelle-Orléans. A 16 ans elle partage son temps entre femme de ménage dans une maison close où "exerce" sa mère et libraire dans la boutique de son ami Patrick. Nous sommes plongés dans les années 50 au milieu du quartier français où mafia, affaires louches et gens sans avenir se succèdent. Mais Josie veut plus que cela, son rêve est d'intégrer la prestigieuse université de Smith dans le nord du pays. Mais sa condition, son niveau de vie et ses petits moyens ne lui permettront peut-être pas d’atteindre son rêve. Surtout que sa mère disparaît en lui laissant une dette de 5 000 dollars.

    Roman à la fois plein d'espoir et sombre, réflexion sur la condition des femmes en 1950 aux USA et sur l'héritage familial : on nait fille de famille riche, on a accès à l'éducation et à la culture ; on nait dans une famille pauvre, l'accès aux écoles devient difficile voire impossible, aucune autre issue que le petit travail (voire la prostitution); Josie va se battre contre cette fatalité.

    En parallèle se mélangent les histoires d'amitié, d'amour, de confiance et d'entraide, porteuses de belles valeurs. Les personnages secondaires sont bien travaillés, on tombe sous le charme de l'homme à tout faire de la maison close d'une gentillesse inégalable, on s'étonne de la tenancière très protectrice et "seconde maman", on virevolte au rythme de la journées des "filles" toutes plus originales les unes que les autres et on fait balancer notre cœur entre le chauffeur de taxi baroudeur, Jesse, et le libraire, Patrick.

    On adopte ce petit monde qui gravite autour de Josie. On s'attache et on est triste quand il est déjà l'heure de tourner la dernière page ...

    Céline

  • L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir

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    L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir

    Rosa MONTERO

    Métailié, 2015

     

    Cédant à ce qui semble être une mode parmi les écrivains actuels, Rosa Montero prend comme point de départ la biographie de personnes célèbres – ici celle de Marie Curie, scientifique dont la vie aux côtés de son mari Pierre a fait l’objet de nombreux écrits et documentaires filmés .

    Le tout est bien écrit, bien documenté, repose sur des faits avérés, des biographies attestées, des écrits de Marie Curie à partir desquels l’auteur  "brode".

    Et c’est la broderie que je trouve gênante !!! Je trouve qu’elle donne un livre "fourre-tout" à la construction baroque (au sens artistique du terme !) avec des extraits intéressants de tranches de vie des deux scientifiques interrompus par des digressions en tous genres, notamment sur la difficulté d’être femme dans un univers machiste, sur la douleur ineffable liée à la perte de l’être aimé et sur le deuil (Pierre meurt avant Marie). L’auteur nous inflige des confidences intimes sur ses propres réactions  face à la mort de son compagnon à partir desquelles elle se livre à des généralisations sur la mort, nécessairement superficielles. On trouve aussi pêle-mêle des réflexions sur ce qu’est la normalité,  sur les coïncidences dans la vie, sur ce qu’aimer signifie pour un homme et pour une femme, sur la relation entre littérature et  Mal, littérature et beauté, fiction et réalité, liberté de l’écrivain, faiblesse des hommes, la mort de nos jours, etc. etc.  tous ces thèmes n’étant bien sûr qu’ effleurés. Enfin, l’emploi des #Hashtags, totalement artificiel, m’a exaspérée !

    Il s’agit ici pour moi d’un livre exutoire  qui illustre un autre phénomène de mode à l’œuvre dans les publications récentes : l’acte d’écrire pour l’auteur qui ne se dissimule plus derrière un narrateur constitue une thérapie ; le lecteur assiste à un déballage de sentiments auquel il manque la distanciation d’une Delphine de Vigan lorsqu’elle s’interroge sur la relation entre réalité et fiction.  Sans toutes ses digressions, le livre m’aurait semblé beaucoup plus intéressant et même très recommandable !!!

    Ginette

  • Miniaturiste

    Miniaturiste.gifMiniaturiste

    Jessie BURTON

    Gallimard (Du monde entier), mars 2015, 504 p., 22.90€

    Traduit de l'anglais The Miniaturist par Dominique Letellier.

    1686, Amsterdam, capitale du négoce. Nella Oortman se présente dans sa future maison. Un mois plus tôt, elle s’est mariée dans sa ville natale d’Assendelft avec Johannes Brandt, riche marchand, qu’elle vient rejoindre, impatiente de commencer leur vie commune. Mais rien ne se passe comme espéré : elle est délaissée par son époux, accaparé par ses affaires, et reçue froidement par Marin, l’ascétique sœur de celui-ci, habituée à régenter la maisonnée.

    Pourtant, pour lui faire plaisir, Johannes offre à Nella un splendide cadeau de mariage, une reproduction miniature, fabriquée à l’identique de leur maison. Et des billets à ordre de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, pour meubler ce cabinet à son idée. Or dès la première livraison du miniaturiste à Nella, les méticuleuses réalisations semblent impliquer que l’artisan connaît –plus que Nella- la vie et les secrets de la famille Brandt.

    L’auteur dresse avant tout le portrait d’une ville marchande hostile, où tout acte est jugé par les pairs, en l’occurrence de riches marchands hypocrites, qui professent l’austérité protestante et se damneraient pour quelques florins. Comme l’exprime la pragmatique servante Cornélia "Il arrive que les florins soient plus efficaces que les prières". Les guildes semblent partager un pouvoir abusif, aux lois rigoureuses, avec une religion protestante intransigeante.  En raison peut-être de la situation toujours précaire des Hollandais, dont l’opulence est toujours menacée par la mer, qui peut tout reprendre…

    Dans cet environnement, il est difficile –en particulier aux femmes- de se réaliser, et la quête de la liberté peut coûter cher. Et pourtant, la leçon mûrie par Nella est que "toute femme est l’architecte de son propre destin".

    Attirée par la belle jaquette de couverture, j'attendais avec délices de me plonger dans ce roman, vanté comme un nouveau "Jeune fille à la perle" (Tracy Chevalier). Certes, il se lit avec grand plaisir. Le décor du roman est tissé avec habileté, et le récit bien mené. Le lecteur, en suspens, est avide de connaître les secrets de la famille Brandt, et en découvre jusqu’à l’extrême fin du livre. Et je ne peux que souscrire à la conclusion du livre. Le seul reproche que je ferais est un léger manque de vraisemblance, que j'attribue à une évolution des personnages principaux insuffisamment nuancée : le passage de l'indifférence à l'amour et au respect, ou de l'amour à la trahison, est un peu rapide.

    Aline

  • Amours

    roman,condition féminineAmours

    Léonor de Récondo

    S. Wespieser, 2015, 276 p., 21 €

    1908, dans une petite ville du Cher, le quotidien lisse et respectable du notaire Anselme de Boisvaillant et de sa femme Victoire est un peu assombri par l’absence de descendance. Victoire ressasse son ennui, Anselme s'inquiète d'un possible secret de famille. Pour autant, dans leur maison bourgeoise, "Chacun restait à sa place, jouant son rôle à la perfection… Anselme à son étude, Victoire à ses pensées, les domestiques à leurs obligations."

    Désirs et amours se croisent, pas toujours au bon endroit ou là où on les attend : amour charnel ou amour forcé, acceptation ou rejet de son corps, amour maternel… ou pas ! Jusqu’à la naissance « du mauvais côté du lit » du petit Adrien, qui vient remuer les espoirs et les sentiments.  

    Léonor de Récondo évoque, d’un point de vue féminin, la condition féminine et la place infime laissée aux domestiques, à qui on ne demande pas leur avis même pour les décisions qui les concernent au plus près.

    "Si [Céleste] avait eu le choix –mais ce mot n’existe ni dans sa condition, ni dans son vocabulaire- elle aurait dit : Non ! Elle l’aurait même hurlé". Au lieu de quoi, elle suit bravement le conseil d’Huguette "Garde la tête haute, c’est tout ce que nous pouvons faire, nous autres ! Garder la tête haute pour faire croire qu’on n’a pas honte."

    Un instant, les barrières sociales et les convenances semblent sur le point d’être bousculées, mais elles ont la vie dure !

    La trame du récit réserve quelques surprises originales, le sujet en est émouvant -voire mélodramatique-,  mais je les ai trouvés mal accordés à une langue lisse et poétique, qui tient la réalité à distance. Ce pourrait être du roman réaliste, c’est de la broderie à petits points… Je l'aurais voulu âpre, il est mélancolique.

    Aline