04/04/2016
En attendant Bojangles
En attendant Bojangles
Olivier Bourdeaut
Finitude éd., 20116, 160 p, 15.50€
Souvent, en fermant un livre, même si on l’a apprécié, on se dit qu’il aurait pu avoir cent pages de moins, être plus condensé. Ici, on se prend à regretter de l’avoir traversé si vite, pris dans le tourbillon, et séduit par une certaine facilité de lecture…
C’est l’amour fou entre les parents du narrateur qui rythme la vie familiale extravagante : tous trois se vouvoient, le père invente un prénom pour sa femme différent chaque jour, et réalise son rêve de château en Espagne ! Leur animal de compagnie, Mlle Superfétatoire, est une grue exotique,… Le courrier jamais ouvert tapisse, comme un lit de feuilles mortes, les grands carreaux à damiers de l’entrée.
Refusant le morne, le réel, ils font de la vie une fête de tous les instants, quitte à multiplier les "mensonges à l'endroit et à l'envers" et les "fous rires tristes", incluant leur enfant dans leur bulle. "Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?" se demande le narrateur... qui reçoit une éducation fantaisiste : ses parents ont inventé un répertoire de chansons pour lui enseigner la conjugaison, un « chiffre-tease » pour les maths,…
Ce roman commence comme une comédie, et finit comme une tragédie, sur la mélodie de Mr Bojangles, de Nina Simone, envoûtante, entêtante. Il est la chronique douce amère d'un amour démesuré, un tourbillon de folie joyeuse qui maintient ses personnages dans le mouvement... le plus longtemps possible. Un très beau premier roman, qui figure sur nombre de sélections de prix littéraires !
Aline
18:42 Publié dans Bouillon de lecture, coups de coeur, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, folie, premier roman
30/11/2014
Le complexe d'Eden Bellwether
Le complexe d’Eden Bellwether
Benjamin WOOD
Zulma, 499 p, 23.50€
Traduit de l’anglais The Bellwether Revivals par Renaud Morin
Oscar Lowe, à la fin de son service d’aide-soignant à la maison de retraite de Cedarbrook, obéit à une impulsion : attiré par la musique et les vitraux du King’s College, il entre écouter l’orgue et les chœurs de l’office religieux. Il y rencontre Iris Bellwether, puis son frère Eden, qui l’introduisent auprès de leur petite coterie d’étudiants appartenant à la jeunesse dorée de Cambridge.
Oscar alterne entre répulsion et attirance pour ce groupe fermé d’intellectuels, dont il ne sait pas toujours décrypter les attitudes, mais il ne peut résister à la belle et fraîche Iris. Il devient alors le jouet ou le témoin des efforts d’Eden – fou ou génial ? pour prouver ses théories sur l’hypnose et la thérapie musicale.
Calme, gentil, « normal », Oscar se situe à l’opposé d’Eden, et ne cherche qu’à aider les autres. Plus que les amis de longue date des Bellwether, il parvient à prendre de la distance par rapport à la personnalité narcissique et envahissante d’Eden. Ses origines plus modestes et son travail auprès des personnes âgées l’aident sans doute à garder les pieds sur terre, soutenu aussi par son amitié avec le vieux Dr Paulsen, un ancien professeur de lettres, qui l’encourage et lui prête ses livres.
Un premier roman très réussi, placé sous le signe de la musique, où le lecteur hésite longtemps à prendre position par rapport à l’intrigue et aux motivations des personnages principaux. C’est avec beaucoup d’humanité que l’auteur de 33 ans développe ses thèmes : amour, jalousie, manipulation, vieillesse, maladie...
Aline
22:13 Publié dans coups de coeur, critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, premier roman, musique, hypnose, folie
04/08/2014
La liste de Freud
La liste de Freud
Goce SMILEVSKI
Belfond, 2013
J’ai été déçue par ce livre. Autant « le cas Edouard » faisait le portrait en creux d’un grand homme certes égoïste, mais humain et torturé (Albert Einstein). Autant la liste de Freud me semble rater la rencontre avec Sigmund Freud.
Le récit est mené à la première personne par sa jeune sœur, Adolphine, qui se réclame d’une relation privilégiée avec Sigmund, tout en reconnaissant qu’il l’a laissée tomber à maintes reprises, dans les circonstances les plus dures de son existence : face à une mère souvent cruelle, après un avortement, et surtout, abandon ultime, lorsqu’il a quitté Vienne devant les persécutions nazies. En établissant cette fameuse liste, évoquée en titre, qui permettait de faire sortir d’Autriche les personnes proches de Freud, où il a inscrit toute sa maisonnée, y compris son médecin, la famille de celui-ci et son chien… et refusé de noter ses sœurs.
Le lecteur ne ressent absolument pas le grand attachement évoqué par Adolphine, ni même à vrai dire d’effroi pendant ses années d’internement en clinique psychiatrique ou d’émotion lorsqu’elle est déportée à Theresienstadt.
Pour moi, l’auteur a voulu intégrer trop de réflexions sur la folie et l’histoire de l’aliénation, de même que de nombreuses critiques sur la personnalité et l’œuvre de Sigmund Freud, ainsi aussi que le recours à la psychiatrie contre toutes les femmes qui dérangent, comme les féministes (Clara Klimt). Du coup, le roman vire à l’essai sur la psychiatrie, ce qui pourrait se révéler intéressant… si cet essai était structuré, ce qui n’est pas le cas.
Aline
09:57 Publié dans critiques de livres, Zut ! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sigmund freud, folie