Là où les chiens aboient par la queue
Là où les chiens aboient par la queue
Estelle-Sarah BULLE
L. Levi, 2018, 19€
L’un après l’autre, ils ont quitté Morne-Galant et leur père, Hilaire « Gros-Vaisseau », paysan à l’ancienne, avec ses 5 ou 6 vaches et ses quelques arpents de canne à sucre. Chacun à son tour ils se sont sentis étouffer dans ce trou perdu de la Grande Île. La première à partir a été Antoine, l’aînée, belle comme un soleil, mais fière et indépendante. Femme à poigne, elle trace son chemin de commerçante –sans jamais se soumettre à un homme. Lucinde, la seconde, a utilisé ses talents de couturière pour gagner sa vie à Pointe-à-Pitre. Enfin Petit Frère les a rejointes à la ville pour étudier.
En même temps que la chronique de la famille Ezechiel, racontée par la fratrie à leur nièce Eulalie, c’est l’évolution de toute la Guadeloupe entre les années 1940 et 1960 qui est évoquée en toile de fond : d’une terre agricole dédiée aux cultures vivrières et à la canne à sucre, on la voit changer vers une bétonisation et une urbanisation effrénées. De même, les personnages, d’abord ruraux, puis urbains, participent enfin à l’exode massif des Antillais dans les années 1960 vers la métropole. [Le Bumidom -Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer-, fondé en 1963 et chargé d'accompagner l'émigration des habitants des départements d'outre-mer vers la France métropolitaine a attiré nombre de jeunes et de travailleurs à Paris.]
S’inspirant de son histoire familiale, l’auteur a volontairement donné la parole tour à tour à ses trois narrateurs pour offrir un point de vue varié. Estelle-Sarah Bulle est née en 1974 à Créteil, d’un père guadeloupéen et d’une mère franco-belge, et vit dans la région parisienne. Là où les chiens aboient par la queue, son premier roman, a déjà obtenu le prix Stanislas 2018. Elle en parle ici.
Une lecture fluide et agréable, enrichissante. Auteur à suivre ! Aline