23/08/2021
Une vie et des poussières
Une vie et des poussières
Valérie CLO
Buchet-Chastel, 2020, 16€
Mathilde 84 ans entre en EHPAD sur décision de sa fille Rose 60 ans. Rose est une femme qui aime le contrôle et la sécurité, elle mène tout le monde à la baguette ! Elle cache une blessure intime, celle de l’absence d’une mère journaliste très occupée par son travail. Contrairement à Baptiste son frère qui préfère la paix à la guerre, et souvent ne dit rien pour éviter de s’opposer à sa sœur.
Mathilde a reçu un petit calepin en cadeau, de la part de Maryline une aide-soignante avec qui elle a lié une amitié pudique. Maryline c’est une auxiliaire dynamique, joyeuse, professionnelle qui refuse de sacrifier le lien humain avec les résidents au profit du rendement.
Mathilde va noter dans son petit carnet ses souvenirs, son enfance marquée par la guerre, la disparition d’un père et le placement chez des paysans en zone libre. Elle écrit également sur le quotidien de sa vie en EHPAD, avec ses bons et mauvais jours. Son carnet sera découvert par l’aide-soignante qui avant de le rendre à la famille écrira un courrier à un éditeur….
Ce livre "charmant" est une leçon de vie, empreint de luminosité malgré des événements dramatiques survenus durant l’enfance. C’est également un hommage au personnel soignant en EHPAD.
Pascale
09:13 Publié dans Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, vieillesse, guerre mondiale
04/09/2020
Inge en guerre
Inge en guerre, récit
Svenja O’DONNELL
Flammarion 2020, 353 p., 22€
Traduit de Inge’s War par Pierre Guglielmina
Récit par une journaliste de ce que furent les années 1930 et 1940 pour sa grand-mère. De 2006 à 2017, des conversations éparses avec sa grand-mère lui donnent un aperçu de la jeunesse de celle-ci. Elle revient sur les lieux, fouille archives et correspondance familiale pour reconstituer son histoire. Le récit est d’ailleurs émaillé de quelques photos d’époque en noir et blanc.
"Histoire d’amour et de famille, l’histoire d’une fille d’un pays disparu qui vécut à une époque pendant laquelle l’Europe et son humanité s’étaient effondrées." Ou la seconde guerre, vue par la population civile allemande qui n’a pas été directement touchée par les persécutions nazies.
Le lecteur voit Inge "Pünktchen" passer du statut d’enfant adulée d’une famille bourgeoise de Königsberg, en Poméranie orientale, à celui de jeune fille émancipée, étudiante à la Lette Haus de Berlin. Sa vivacité et sa joie de vivre conquièrent les cœurs de la famille Von Schimmelmann, à commencer par celui du fils, Wolfgang, dont elle s’éprend, et dont on se demande dès le début du récit pourquoi elle ne passera pas sa vie avec lui.
De nombreuses familles allemandes prêtent peu d’attention à la montée du nazisme, et si certains jeunes se rebellent, c’est plutôt sur fond de swing, dans une ambiance assez frivole… jusqu’à ce que les choses se gâtent avec la mobilisation, les revers de la guerre, puis l’exode de certaines régions –dont la Poméranie- devant l’avancée du Front Russe.
Une fois ses recherches commencées, la journaliste ne peut qu’aller de l’avant, même lorsqu’elle touche à des secrets de famille ou des moments douloureux. Le récit est très prenant, malgré le va-et-vient entre le temps de l’enquête et les époques historiques concernées. C'est un témoignage émouvant sur la vie de femmes allemandes qui ont vécu les privations, la culpabilité et l'horreur.
Aline
17:05 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, allemagne, guerre mondiale, famille, rentrée littéraire
06/11/2016
La route étroite vers le nord lointain
La route étroite vers le nord lointain
Richard Flanagan
Actes Sud (Lettres des Antipodes), 2016
The Narrow Road to the Deep North
Man Booker Prize 2014
Un monde de rosée
et dans chaque goutte de rosée
un monde en lutte (Issa)
Empruntant son titre à un récit de voyage du poète Bashō, et introduisant certains chapitres par des haïkus d’auteurs célèbres, l’auteur tisse d’emblée un lien avec la poésie japonaise. Son récit -a priori à l’opposé du haïku (court, contemplatif, aérien…)- en a pourtant l’intensité et la force évocatrice.
A 77 ans, Dorrigo Evans se regarde avec lucidité, sans concessions, et s’interroge sur l’emblème qu’il représente pour ses compatriotes australiens. « Sans s’expliquer pourquoi, il était devenu un héros de la guerre, un chirurgien réputé, le symbole officiel d’une époque et d’une tragédie, à qui l’on consacrait des biographies, des pièces de théâtre et des documentaires… Il se rendait compte qu’il partageait certains traits physiques, comportementaux et historiques du héros de guerre. Mais il n’en était pas un. Il avait simplement mieux réussi à vivre qu’à mourir, et il ne restait plus grand monde à pouvoir parler au nom des anciens prisonniers de guerre. » p. 28
« Perplexe devant le tour donné à son existence », il reprend les fils conducteurs de sa vie, à commencer par son amour lumineux pour l’épouse de son oncle, sans doute la force qui lui aura permis de survivre aux plus extrêmes privations.
Les pages les plus intenses concernent les années passées sur « La Ligne ». Prisonnier de guerre des Japonais au Siam depuis 1943, « C’était difficile, mais pas totalement insensé au début ». Mais peu à peu, l’obsession japonaise pour la construction d’une ligne ferroviaire stratégique reliant Bangkok à la Birmanie (cf Le pont de la rivière Kwaï), alliée au manque de moyens, transforme les camps de prisonniers en camps de travail de la mort.
« Esclaves nus enchaînés à leur tronçon de la Ligne, sans rien d’autre que des cordes, des perches, des marteaux, des barres de fer, des paniers et des houes… ils avaient commencé à défricher la jungle pour la Ligne, à déblayer la terre pour la Ligne, à briser la roche pour la Ligne, à porter rails et traverses pour construire La ligne. Esclaves nus, ils étaient affamés, battus, et travaillaient au-delà de leurs forces sur la Ligne. Esclaves nus, ils avaient commencé à mourir pour la Ligne. »
L'auteur offre une vision complexe du personnage de Nakamura, dirigeant japonais sans pitié du camp, fanatique et drogué, capable d’évoquer, la larme à l’œil, les plus beaux poèmes japonais, comme le merveilleux haïbun de Bashō « La route étroite vers le nord lointain », qui selon le colonel Kota, résume en un livre tout le génie de l’âme japonaise. D’où l’exergue du roman, comme un cri d’incompréhension : « Mère, ils écrivent des poèmes » derrière lequel on pourrait ajouter : et pourtant, ils sont capables des pires atrocités ! Pour Nakamura, la fin justifie les moyens « L’enjeu, ce n’est pas seulement la voie ferrée, bien qu’il faille la construire. Ni même la guerre, bien qu’il faille la gagner. L’enjeu c’est d’apprendre aux Européens qu’ils ne sont pas la race supérieure. Et de nous convaincre que c’est nous. »
Réflexion profonde sur la fabrique d’un héros : Dorrigo, en tant que médecin militaire et qu’officier supérieur australien, tente de son mieux de protéger ses hommes, qui succombent aux mauvais traitements, et aux maladies causées par la malnutrition et l’épuisement.
« Big Fella se sentait beaucoup trop petit pour tout ce qu’on voulait lui faire porter. » Mais « on aurait dit qu’il fallait [aux hommes] un Grand Chef, et parce qu’ils en avaient désespérément besoin, leur respect croissant, leurs apartés à voix basse, l’idée qu’ils se faisaient de lui, tout cela le contraignait à se conduire comme celui qu’il savait ne pas être. On aurait dit qu’au lieu de les commander par l’exemple, c’étaient eux qui le commandaient par leur adulation. » p. 61
Le récit regorge aussi de portraits extrêmement vivants et attachants : « Rabbit » Hendricks et ses dessins, Darky Gardiner « le Prince noir » et ses combines, etc. Squelettes ambulants couverts d’ulcères, chapeau militaire et pagne crasseux, la plupart des prisonniers d’Australie ou de Tasmanie s’entraident « Parce que le courage, la survie, l’amour, toutes ces choses n’étaient pas l’affaire d’un seul homme. Elles étaient l’affaire de tous, sinon elles mouraient et chaque homme avec elle ; ils avaient acquis la conviction qu’abandonner un homme, c’était s’abandonner eux-mêmes ».
« OK d’ac ! » selon l’expression du clairon Jimmy Bigelow.
Désolée, ma chronique est trop longue, mais prenez la peine de passer les premiers chapitres, pour vous accorder au rythme de l’auteur. Voilà un beau, un vrai roman, où la rédemption trouve aussi sa place, et qui vous laisse l’envie de le relire et d’en apprendre plus.
Aline
D’après mes recherches sur Internet, l’auteur semble s’être inspiré des récits de son père, ancien prisonnier de guerre survivant de "la Ligne", ainsi que de la vie du Lieutenant-Colonel E.E. ‘Weary’ Dunlop. De nombreux détails historiques sont regroupés sur ce site commémoratif du gouvernement australien The Thai–Burma Railway and Hellfire Pass.
18:06 Publié dans Coups de coeur, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, australie, guerre mondiale
04/11/2014
Lecture spectacle : guerre de 1914/1918
Soirée lecture/musique "Sinon..." le 10 novembre à 20h30
et exposition sur le centenaire de la guerre de 1914/1918, à la bibliothèque du 7 au 12 novembre aux horaires d'ouverture. Le 11 novembre, ouverture de 10h à 13h pendant les cérémonies de commémoration.
Horaires d'ouverture de l'exposition : vendredi 7 nov 16h30-18h30, samedi 8 nov 9h30-12h, lundi 10 nov lecture à 20h30, mardi 11 nov 10h-13h, mercredi 12 nov 9h30-12h et 15h-18h30.
06:07 Publié dans Animation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spectacle, lecture à voix haute, guerre mondiale
25/01/2014
Oradour, le verdict final
D’une minutie et d’une richesse extraordinaires, ce documentaire permet un nouveau regard sur la tragédie d'Oradour. Peu après le débarquement de Normandie, le 10 juin 1944, 21 membres de la SS das Reich massacrent 642 personnes dans le village d'Oradour, dans le Limousin.
Le quartier général des SS se trouvait à Montauban, et était appelé à se déplacer vers la Normandie via Tulle, Guéret, Limoges… Quelques-uns seulement étaient des allemands, les autres des Alsaciens « Malgré nous »
La deuxième partie du livre se penche sur le procès, à Bordeaux en 1953, de 21 membres de cette unité. Les Alsaciens étaient-ils victimes ou tueurs ? Et que dire de l’absence des officiers SS au tribunal ? Grâce à des documents inédits, et au témoignage de quelques survivants, l'auteur fait la lumière sur ce crime de guerre et ses séquelles.
Ginette
Oradour, le verdict final
Douglas W. HAWES, Seuil, juin 2009
Traduit de l’américain par William Olivier Desmond
17:06 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guerre mondiale