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mer

  • Le capitaine à l'heure des ponts tranquilles

    roman, aventure, mer

    Le capitaine à l’heure des ponts tranquilles

    Gérard Gréverand

    Les Escales (Domaine français), 2016, 265 p., 19.90€

     

    Après une vie mouvementée de marin, Bart Van Kortrijk atteint « Les ponts tranquilles », soit l’heure de la retraite. Alors qu’il fait enfin le choix de se sédentariser, il revient sur toute une vie d’aventures : embarqué à 18 ans comme mousse en 1932, il a passé sa vie en mer, reliant les Pays Bas et de nombreux ports du monde. Le petit « bigorneau » a fait ses preuves jusqu’à devenir capitaine de cargo au long cours.

    Ce récit exaltant embarque le lecteur pour de rudes traversées en mer, au gré des caprices de la météo, des rivalités et amitiés entre marins, mais aussi des escales exotiques, propices aux histoires d’amour. En Indonésie, notre capitaine est attendu par Kusuma, la belle Eurasienne ; dans le Zeeland, c'est sa mère qui guette son retour... et chaque traversée devient un arrachement.

    Dans ces mémoires, l’auteur invente à notre marin une généalogie remontant à l’époque des chevaliers corsaires, avec le Chevalier de Courtrai et sa Licorne, ayant pourchassé et vaincu le terrible Rackham le Rouge. Une belle amitié avec le Grand Jacques permet aussi d’imaginer le voyage de Brel jusqu’au Marquises...

    Pour le plaisir de se laisser emporter par un récit enlevé, romanesque et bien écrit. 

    Entrevue par la librairie Mollat.

    Aline

  • Reflets d'argent

    "Il y avait un homme dans l’eau. Ou du bois flotté ? Des algues ? Non, c’était un homme, à n’en pas douter. Qui dérivait, ballotté par les vagues. Il avait les cheveux noirs, la barbe, la peau très pâle. Les yeux ronds comme ceux d'un phoque… Il semblait sourire, en flottant. Puis il leva les bras -les leva au-dessus de lui, joignit les paumes comme pour faire une prière- et jeta en avant ces bras qui fendirent l’eau du bout des doigts, suivis par sa tête et son corps qui formèrent un arc. Il plongea dans la mer et disparut.

    L’espace d’un instant il n’y eut plus rien.

    Puis, dans son sillage, il y eut une queue – une immense queue aux reflets d’argent… Et à cet instant, à cet instant précis, alors que la mer s’écrasait sur les galets de Sye, et qu’une mouette se posait sur les rochers tout proches, il entendit très clairement une voix. Ce n’était pas comme s’il y avait quelqu’un à côté de lui ; c’était une voix profonde et douce qui semblait l’environner au point que le fermier se tourna et se retourna.

    Elle soufflait autour de lui : Espère.

    La voix venait des falaises. Elle montait des galets. Il regarda mais il n’y avait que l’écume, moussante, et la blanche dentelle des eaux fendues, là où la queue avait surgi….

     

    C’est étrange, comme tous les mythes. C’est une histoire familière aussi, car beaucoup de parents ont chuchoté le conte de l’Homme-poisson à leurs enfants… Il n’a pas d’âge, dit-on, et ne peut mourir. Il vit comme les poissons, dans le calme des profondeurs d’un vert dense, mais fait parfois surface pour jeter un coup d’œil vers la terre. Même de nos jours, il y a un habitant de l’île qui affirme avoir vu l’Homme-poisson -son sourire plein d’amour, ses écailles qui accrochent la lumière quand il plonge. D’autres disent, aussi, que si jamais on se sent réconforté, ou si jamais on entend Espère – ou bien encore Aie confiance, ou Tu n’es pas seul- en marchant au bord de la mer, en posant le pied dans un bateau, en observant la bâche secouée par le vent au-dessus du bûcher, en allant tirer les rideaux le soir et en s’arrêtant parce que les dernières lueurs sur l’eau sont superbes, comme de l’or, ou en contemplant les reflets de nos bottes dans le sable mouillé et ferme à marée basse, c’est que l’Homme-poisson passe. Il est près de la côte, regarde l’île. Il connaît notre peine –et souhaite qu’elle cesse.

     

    C’était difficile à croire. Quand j’ai entendu Espère sur le rivage, c’était en moi que les paroles résonnaient et de moi qu’elles émanaient –avec moi seule pour réconfort, m’efforçant de me maintenir à flot. Mais quel mal y a-t-il à croire à de tels contes ? Le plus souvent, je me dis que c’est le mieux à faire."

     

    Sur l’île de Parla, les légendes de la mer sont parfois préférées à la dure réalité. Parmi toutes celles que l’on raconte, la plus belle, ou la plus réconfortante, est celle de l’Homme-poisson. Aussi, lorsqu’un homme inconnu à la barbe noire est  retrouvé – amnésique et quasi nu- dans la crique de Sye, les insulaires ont-ils envie de croire qu’il est l’Homme-poisson, venu pour apporter un changement bénéfique sur l’île.

     

    Car depuis 4 ans, où la mer a pris Tom, le plus grand, le plus jeune et le plus joyeux des frères Bundy, l’île est comme figée dans ses habitudes et dans sa tristesse. Marins et éleveurs de moutons triment en solitaires, les femmes se referment sur leur colère ou leur désolation, et on ne parle pas de peur de réveiller la douleur ou la culpabilité.

     

    Susan Fletcher tisse un récit à la fois ancré dans la réalité et inspiré de légende. Elle écrit par vagues qui se recouvrent, entremêlant le quotidien des insulaires, leur fascination pour les contes, l’absence et le deuil. Son style est un peu particulier, et le lecteur « nage » un peu au début, le temps de situer les lieux et les personnages. Il peine à situer la narratrice, glaneuse des marées basses et pêcheuse de homards. Puis, peu à peu se dessine un paysage côtier et une histoire de plus en plus envoûtante.

     

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    Susan Fletcher

    Plon (Feux croisés), 2013, 461 p., 22 €

    Traduit de l’anglais par Stéphane Roques

     

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