04/12/2020
Retour à Vienne
Revenir à Vienne
Ernst Lothar
L. Levi (Littérature étrangère), 2019, 506 p., 23€
Traduit de l’allemand Die Rückkehr par Elisabeth Landes
Ce roman, paru en édition française en 2019, a été écrit de 1945 à 1949 (date de sa parution en Autriche). Ernst Lothar, écrivain viennois, s’exile aux Etats-Unis en 1938 en raison de ses origines juives. Il revient en Autriche après la guerre comme conseiller du gouvernement américain en charge de la dénazification culturelle. "Revenir à Vienne" est fortement inspiré de sa propre expérience.
Félix on Geldern est d’ascendance juive par son grand-père maternel. Sa profonde hostilité envers l’Allemagne nazie l’a poussé à fuir l’Autriche en 1938 avec toute sa famille, à l’exception de sa mère. Ils partent à New York, où ils vivent très confortablement grâce aux investissements réalisés par le grand-père, et où ils obtiennent la nationalité américaine. En 1946, dans l'euphorie de la défaite du nazisme, Félix obtient l’autorisation de revenir un mois à Vienne avec sa grand-mère Viktoria, dans le but d’obtenir la restitution des biens familiaux.
Félix a rêvé ce retour pendant des années et c’est pour lui un très grand bonheur de revoir la ville qu’il aime tant. Mais il se heurte à une réalité accablante : la ville est en ruine, ses habitants affamés, la confrontation avec les victimes insoutenable, l’occupation américaine très mal acceptée. Le nazisme est toujours présent. D’anciens collaborateurs ont encore de l’influence. Ainsi Félix, cité comme témoin au procès d'un ex-ministre accusé d'avoir facilité l'Anschluss, confirme la culpabilité de l'inculpé et se heurte, stupéfait, à des juges sympathisants nazis. Félix découvre sa ville sous un autre jour avec les compromissions, les actes de lâcheté, les silences criminels, les non-dits sur le récent passé nazi.
Ce douloureux constat est aggravé par sa rencontre avec une femme qu’il a passionnément aimée. En 1938, Gertrud Wagner était une jeune chanteuse lyrique talentueuse promise à une brillante carrière. Malgré le rattachement de son pays à l’Allemagne nazie, elle a choisi de rester plutôt que de partir avec Félix. Sa réussite professionnelle était alors sa priorité et elle n’a pas hésité à se compromettre avec les dirigeants nazis, en particulier, Goebbels avec lequel elle a entretenu des relations ambiguës.
Dès qu’il la voit sa passion ressurgit intacte et empêche tout raisonnement logique. Elle l’accapare et une seule chose compte pour lui, épouser Gertrud. Celle-ci partage son amour mais nie les faits qui lui sont reprochés. Pourtant elle se souvient de son indifférence, de son silence face aux brimades, aux arrestations, aux déportations de voisins, connaissances, ami(e)s. Cela ne l’a pas empêchée de chanter, danser, s’amuser. Elle prend conscience des conséquences de son attitude et d’un passé incompatible avec les convictions de Félix…
Ce livre n’est pas seulement un roman, c’est aussi un témoignage criant de vérité. A travers Félix, Ernst Lothar décrit ce qu’il a vu, ressenti, vécu et il interroge. Peut-on pardonner et oublier ? Il livre une réflexion sur la difficile confrontation entre l’amour de sa patrie et une période de son histoire qu’on aimerait oublier.
Annie
11:36 Publié dans Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nazisme, autriche, amour, pardon
20/07/2014
Le legs d'Adam
Le legs d’Adam
Astrid Rosenfeld
Gallimard (du monde entier), 2014
Traduit de l’allemand “Adams Erbe” par Bernard Lortholary
Edward Cohen grandit dans l’appartement familial de Berlin, où le grenier, qui a toujours été le repaire d’un aïeul, abrite son grand-père. Moses, vieillissant, est de plus en plus troublé par la ressemblance d’Edward avec son frère Adam, disparu pendant la deuxième guerre mondiale en emportant les économies familiales rassemblées pour que la famille puisse émigrer à l’abri de la folie nazie.
Tiraillé entre les adultes, très différents, qui l’ont vu grandir, Edward ne sait comment orienter sa vie, jusqu’à ce que le journal de son grand-oncle Adam parvienne entre ses mains, lui révélant la vie et les choix de cet homme -qui lui ressemblait peut-être aussi par son caractère. Adam était un rêveur, élevé par son excentrique grand-mère Edda Klingmann, qui lui avait appris à n’avoir peur de rien, pas même des allemands nazis. Une seule rencontre avait changé le cours de son existence et donné un sens à sa vie.
Ce roman évoque les heures sombres du nazisme, et quelques actes anonymes et humbles de résistance, mais avant tout la puissance de l’amour et des rêves.
Aline
16:50 Publié dans Coups de coeur, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, allemagne, nazisme
21/01/2013
Miss Peregrine et les enfants particuliers
Miss Peregrine et les enfants particuliers
Ransom Riggs, traduit de l'américain par Sidonie Van den Dries
Bayard jeunesse, mai 2012, 14.50 €
Après avoir appelé son petit-fils à l'aide dans ce qui ressemblait à un délire paranoïaque, le grand-père de Jacob est mort dans des circonstances étranges. Jacob l'a trouvé agonisant au fond d'un bois, portant de profondes marques de griffes, et il a à peine eu le temps de recueillir ses dernières paroles avant de fuir à son tour devant un monstre… invisible pour les autres.
Sous le choc, hanté de terribles cauchemars, Jacob est encouragé par son psychologue à tenter de comprendre le dernier message de son grand-père, et à se rendre au Pays de Galles, dans l'orphelinat extraordinaire où celui-ci a grandi. Et si les récits de monstres et d'enfants particuliers dont le régalait son grand-père lorsqu'il était enfant n'étaient ni des délires, ni des mensonges… ? Et si sa mort atroce s'expliquait par son enfance ?
Récit émouvant et original, qui oscille entre l'année 1940 et l'époque actuelle. C'est une sorte de conte fantastique, certes, mais aussi un livre qui fait réfléchir sur la sécurité et l'enfermement, les persécutions contre les juifs, le devoir d'agir,…
Les illustrations, d'anciennes photos sépia de personnages étranges, contribuent à mettre le lecteur dans l'ambiance. Le héros est un adolescent réfléchi, plein de bonne volonté. Il est entouré de nombreux personnages attachants, qui possèdent une certaine profondeur, et dont la différence fait le charme et la force.
Pour la suite : le tome 2 devrait paraître en anglais au printemps 2013. Et Tim Burton aurait acquis les droits cinématographiques de ce roman, dont l'univers semble fait pour lui !
18:31 Publié dans Livres pour ados | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fantastique, nazisme, différence