17/02/2020
Dis moi dix mots au fil de l'eau...
Exposition autour des Dix Mots de la Francophonie présentée tout le mois de mars. Cette année, Dix mots au fil de l'eau... travaillés et illustrés par les classes maternelles et primaires de Soucieu-en-Jarrest.
aquarelle oasis engloutir fluide mangrove ondée plouf ruisseler spitant à vau-l'eau
Animations offertes :
- Atelier « aquarelle » pour les 4-6 ans, lundi 2 mars, 16h-17h – gratuit sur inscription !
- Dix Mots en musique "au fil de l'eau", vendredi 20 mars à 20h : lectures offertes et temps musicaux, en partenariat avec l'école de musique de Soucieu. Gratuit et ouvert à tous.
- Fête du court métrage : mercredi 25 mars, 16h-17h, projection du programme de courts métrages « Au fil de l’eau » pour la jeunesse. Gratuit sur inscription.
08:32 Publié dans Animation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, peinture, atelier créatif
11/11/2019
Falaise des fous
Falaise des fous
Patrick GRAINVILLE
Seuil (cadre rouge) 2018, 642 p., 22€
Passionnante fresque flamboyante des années 1870 aux années 1920, ce roman ambitieux entremêle destinées individuelles et épopées collectives. Formidablement écrit, il fourmille d’anecdotes qui racontent merveilleusement l’époque. La peinture -particulièrement l'impressionnisme- en est le fil conducteur.
Charles Guillemet commence son histoire en 1867 par sa première rencontre à Etretat avec Claude Monet, venu peindre la falaise. Le récit s’achève en 1927, après la mort du peintre et l’ouverture du musée de l’Orangerie, qui abrite ses Nymphéas. Le narrateur croisera Monet à plusieurs reprises au cours des soixante années qui séparent ces deux dates. Initié à la peinture par les trois femmes de sa vie, Mathilde l’esthète, Anna la peintre, et Aline l’ex modèle, il va suivre les grands artistes et écrivains de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, témoins de l’impitoyable bascule du monde.
Patrick Granville consacre des pages éblouissantes à la description de peintres célèbres, Monet, Courbet, Boudin, Degas, Renoir, Pissarro, Matisse, Picasso à ses débuts. De nombreux personnages célèbres traversent également son roman, des écrivains, Maupassant, Flaubert, Zola, Hugo, Proust, des hommes politiques et des journalistes, Barrès et ses errements, Léon Daudet en sa bassesse, Clemenceau, homme d’État inflexible et intime de Monet. Il analyse avec brio leur génie propre, leur folie créatrice, les paradoxes de leur personnalité.
L’Histoire est aussi au cœur du récit. Patrick Grainville fait revivre avec force la guerre de 1970, la Commune, les évènements tragiques comme l’incendie du Bazar de la Charité, la catastrophe minière de Courrières dont le terrifiant bilan égale celui du Titanic, sans laisser la même trace dans la mémoire collective. L’affaire Dreyfus fait surgir des passions nationales les plus sombres. La Première Guerre mondiale ne laissera pas indemne la famille du narrateur.
C’est aussi une époque fantastique qui voit surgir de nombreuses inventions, le téléphone, l’aéroplane, l’automobile, l’électricité, le cinématographe, le phonographe. L’argent coule à flots. Au Havre, les paquebots se bousculent dans la rade, venant de Valparaiso ou Shanghai, partant pour New York... Le monde et ses trésors affluent sur les quais. Avec Louis Gosselin, collaborateur d’Haussmann, Patrick Grainville dresse le portrait de cette génération d’entrepreneurs optimistes, exaltés par les promesses du progrès, les prouesses de la science et les prodiges du capitalisme naissant.
On suit les exploits exaltants des premiers aviateurs : Blériot au-dessus de la Manche, Nungesser et Coli qui ont échoué dans leur tentative de traverser l'Atlantique Nord sans escale et surtout la traversée réussie de l’Atlantique par Lindbergh, à laquelle Patrick Grainville réserve dix pages de très haute volée.
La vie quotidienne des petites gens et particulièrement des pécheurs est évoqué avec justesse et réalisme. On assiste sur les quais de Fécamp, « saturés de foule et d’adieux », au spectacle déchirant du départ des Terre-Neuvas et des pêcheurs d’Islande, dont certains ne reviendront pas.
Ce livre foisonnant est aussi un bel hommage à la Normandie, replacée ici au centre d’un monde que les artistes, peintres, poètes et écrivains décrivent tel qu’il est mais aussi tel qu’il est en train d’advenir.
L’écriture fluide et limpide, le style vif, la richesse du vocabulaire, donnent une tonalité très vivante. Laissez-vous emporter par le tourbillon de ce roman érudit, ambitieux et passionnant.
Annie P.
17:37 Publié dans Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, peinture, normandie
29/09/2019
Après Constantinople
Après Constantinople
Sophie Van der Linden
Gallimard (Sygne), 2019, 146 p., 15 €
Récit situé au début du 19e siècle. En voyage d’étude "oriental", "le peintre" ne s’est pas attardé au Caire, "trop âpre, trop sèche", mais il a succombé aux charmes de Constantinople, sa palette de bleu persan, ses bains, ses femmes, dont l’une surtout l’a envoûté. Sur un coup de tête, il part pour une expédition aventureuse au fin fond de l’Empire Ottoman, pour acquérir -auprès de la meilleure fabrique- une fontanelle (jupe masculine de coton blanc à centaine de plis).
"Il s’était mis en tête d’acquérir quelques pièces de ces vêtements afin de pouvoir les reproduire à loisir, dans les conditions choisies de son atelier".
Arrivé au "Domaine", il se laisse piéger par un marché avec la régente (entre sultane et patronne efficace de fabrique). Retenu à moitié contre son gré, il devra exécuter des peintures décoratives sur les panneaux du salon, contre l’offre de quelques fontanelles. Dans cette place fortifiée, située "aux confins de l’Epire et de la Thessalie", le peintre ignore tout ce qui l’entoure et se laisse balloter au gré des désirs de la Sultane et des instabilités de la région.
Peut-être est-ce de cette ignorance que découle la sensation de superficialité du roman. Certains tableaux sont très détaillés, mais le lecteur se sent lui aussi balloté par les "arnautes" sans bien saisir les tenants et aboutissants. L’écriture de Sophie Van der Linden très précise, utilise à plaisir des mots compliqués. Péché d’esthétisme ? Elle reste un peu sèche, sauf dans les courts poèmes -plus évocateurs- qu’elle s’autorise.
Aline
18:25 Publié dans Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman historique, peinture
02/01/2017
Homme invisible à la fenêtre
Homme invisible à la fenêtre
Monique Proulx
Boréal (1993)
Le roman s’ouvre sur une toile gigantesque, opposant monstres noirs et grimaçants statiques, et tout un ballet d’humains en plein vernissage. Mais la réelle opposition est plutôt celle qui existe entre les acteurs, et celui qui ne se considère plus que comme spectateur, Max.
« Je vis pour peindre… Je sors peu. Les périples à l’extérieur déstabilisent, embringuent dans des pièces qui exigent une participation. Je joue mal, publiquement, je suis un exécrable acteur. Je fais, par contre, un spectateur excellent, toujours disposé à admirer ce qui est admirable. Il n’y a pas de mal à être spectateur : l’important c’est de connaître l’emploi qui correspond le mieux à ses petits talents. Sans les spectateurs, à quoi serviraient les acteurs ? »
Artiste peintre, centre involontaire autour duquel gravitent amis, admirateurs et modèles. Bienveillant, silencieux, il laisse sa porte ouverte à tous, écoute et peint sans juger. Fermé au passé, il s’est mis en sommeil pour ne pas raviver la douleur de la perte de ses jambes… et de son grand amour. Son statut d’infirme lui confère une forme d’invisibilité, dans son rôle d’observateur inoffensif.
« Je me souviens de la confiance immédiate de Maggie, sa belle tête fauve si rapprochée de mon épaule, disposée à livrer son âme avant que je la réquisitionne, disant des choses vertigineusement dépourvues de rouerie…. Je me souviens de sa confiance immédiate comme d’une injure en même temps. Il n’y a que les très jeunes enfants, les vieillards bavotants –et les infirmes- dont on ne se méfie pas. »
Monique Proulx dirige le regard de l’artiste pour nous présenter une galerie de portraits, façades sous lesquelles le peintre perçoit l’être intérieur complexe : longue figure pâle d’artiste à succès, Gérald Mortimer, dévoué jusqu’à l’abjection ; Maggie, à la beauté éclatante, déboulant sans prévenir avec ses états d’âme ; Julienne, la mère tenue à distance ; Julius Einhorne, l’énorme propriétaire ; Laurel et sa relation complexe à la mère... Mais c’est quand il fait son auto-portrait avec sa « fidèle Rossinante » qu’il est le plus incisif, lucide et plein d’humour noir.
D’une écriture forte et évocatrice, Monique Proulx, en traçant le portrait de ceux qui entourent Max, parvient à faire ressentir intensément les tourments intérieurs du peintre. Elle dépeint l’importance du regard, qui souvent évite et glisse sur les gens qui gênent (gros, handicapés…) tandis que le peintre, lui, voit la personne et la révèle (jeu du miroir). Ce roman est aussi une histoire d’amitiés et d’amour, profond et douloureux, où le renoncement est une bataille sans cesse renouvelée. Vivre à travers les autres se révèle insuffisant lorsque le passé vient cogner à la fenêtre avec insistance.
Merci Frédérique de m’avoir fait découvrir ce splendide roman !
Aline
Née à Québec en 1952, Monique Proulx se consacre à l’écriture depuis 1980. On lui doit de nombreuses nouvelles, plusieurs dramatiques de soixante minutes diffusées sur Radio-Canada (Un aller simple, et Les gens de la ville), deux pièces de théâtre et plusieurs scénarios. Le film Le sexe des étoiles, tiré de son roman éponyme, a remporté de nombreux prix en 1994. Homme invisible à la fenêtre a inspiré Souvenirs intimes, réalisé en 1999 par Jean Beaudin.
Ses romans : Le sexe des étoiles (1987), Le cœur est un muscle involontaire (2002), Champagne (2008), Ce qu’il reste de moi (2015).
12:12 Publié dans Bouillon de lecture, Coups de coeur, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, canada, handicap, peinture
26/10/2014
Metin Arditi
Metin Arditi, né le 2 février 1945 à Ankara, est un écrivain suisse francophone d’origine turque. Il a quitté la Turquie à l’âge de sept ans, et passé onze ans dans un internat suisse à Lausanne. Diplômé de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en physique et en génie atomique, il y a aussi enseigné. Il habite Genève, où il est très engagé dans la vie culturelle et artistique. De 2000 à 2013, il a été Président de l'Orchestre de la Suisse romande.
Nous avons tous aimé ses romans, dont se dégagent des thèmes récurrents : la musique, la peinture, la difficulté de la filiation, la solitude et l’exil. Nous avons d’abord essayé de les classer par sujets, mais ses romans reprennent tous plusieurs de ces thématiques qui s'entremêlent. Voici donc ceux que nous avons lus, par ordre de parution.
La chambre de Vincent
Zoé, 2002
Ce récit autobiographique éclaire les thèmes développés dans l’œuvre de Metin Arditi : naissance dans une famille turque lettrée, exil dans une pension suisse pendant 10 ans, et rapport à l’art. En l’occurrence, l’émotion à la découverte d’un tableau de Van Gogh est le guide qui lui sert de retour vers ses souvenirs.
Dernière lettre à Théo
Actes Sud, 2005
Metin Arditi s’est inspiré des nombreuses lettres de Vincent Van Goth à son frère Théo pour écrire une dernière lettre, dans un bel exercice où il respecte le style de Van Gogh. Il s’appuie sur la thèse que Vincent a mal vécu sa place « d’enfant de remplacement » d’un fils mort avant lui, et s’est suicidé après cette lettre imaginaire.
L’imprévisible
Actes Sud, 2006
Une bourgeoise genevoise fait appel à un professeur d’art à la retraite pour expertiser un tableau : de très belles mains. L’intrigue se déploie sur deux plans : les recherches sur le tableau et les peintres florentins, dont « le Bronzino », et la séduction de la propriétaire du tableau par le professeur qui n’accepte pas de voir décliner sa virilité.
La pension Marguerite
Actes Sud, 2006
13 heures de la vie d’un musicien : Aldo, célèbre violoniste, partage la vie de Rose, luthière. Au matin d’un grand concert, on lui livre un manuscrit, écrit par sa de sa mère, Anna. En découvrant le récit de son enfance, puis de la vie qu'elle a menée, seule d'abord, puis sous la protection de Marguerite qui dirigeait la pension de famille du même nom, et où il a lui-même grandi, il réalise qu’il l’a mal connue… et mal aimée.
La fille des Louganis
Actes Sud, 2007
1957, secrets de famille sur une île grecque : Pavlina, fille des Louganis, vit un amour passion pour son cousin Aris, fragile et tourmenté, qui se suicide en la laissant enceinte. L’enfant de la honte lui est retirée, elle passera sa vie à la rechercher… Une tragédie grecque, fataliste.
Loin des bras
Actes Sud, 2009
Loin des bras… de la mère ? Les élèves de l’Institut Alderson, issus de riches familles, sont privés de l'affection des parents qu'ils ne voient, pour certains, q’une fois par an. Nous sommes en 1959, et les traumatismes de la guerre ne sont pas bien loin. Le lecteur s’attache au petit monde du pensionnat pendant les trois mois de crise où l’école risque de licencier, voire de fermer. Le cercle des professeurs vit des jours angoissés, et l’arrivée d’une nouvelle professeur d’italien pousse chacun à révéler son intimité et ses failles.
Le Turquetto
Actes Sud, 2011
A partir d'un tableau célèbre, dont la signature présente une anomalie chromatique, l'auteur lâche la bride à son imagination. Il pourrait s'agir de la seule oeuvre parvenue jusqu'à nous du Turquetto, remarquable peintre de la Renaissance Vénitienne (16e s). En quatre tableaux, Metin Arditi dépeint la vie d'un artiste extraordinaire, un homme aux multiples cultures et multiples identités… Lire la suite
Prince d’orchestre
Actes Sud, 2012
Brillant et narcissique, le chef d’orchestre Alexis Kandilis est au sommet de sa gloire. Il possède une connaissance extraordinaire de la musique, et chaque concert est un triomphe. Néanmoins son arrogance le pousse à des goujateries qui finissent par liguer contre lui musiciens, journalistes et mécènes… C’est le roman d’une chute, et d’une autodestruction. A chaque étape, ce musicien hors pair a des possibilités de rebondir, entre l’amour de quelques proches et une approche différente de la musique. Cependant il les piétine, tandis que l’insidieux leitmotiv des Kindertotenlieder – Les chants des enfants morts – de Gustav Mahler l’envahit insidieusement.
La confrérie des moines volants
Grasset, 2013
En 1937, le régime soviétique organise le saccage des églises orthodoxes, et massacre les prêtres. Quelques moines vagabonds, réfugiés dans les forêts, rejoignent Nikodime, ermite illuminé en quête de rédemption. Il crée la Confrérie des moines volants pour sauver les trésors de l'art sacré russe : les moines (peu reluisants : anciens acrobates, voire voleurs, paillards…), vont ainsi dérober des objets restés après le passage du NKVD, et Nikodime les met à l’abri. Avant de se livrer au NKVD, il confie à Irina, une jeune fille qui l’a séduit et qui connaît la cachette, un carnet où sont consignés les statuts de la confrérie et le plan de la cachette. Dans la deuxième partie du roman, c’est le fils d’Irina, photographe, qui partira à la recherche de ses origines en Russie et tentera de dénouer le fil de l’histoire.
21:44 Publié dans Bouillon de lecture, Critiques de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman étranger, suisse, musique, peinture, filiation